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08/11/2018 | FRANCE | N°17/014351

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 08 novembre 2018, 17/014351


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/11/2018
Me X... Y...
la SCP E...

ARRÊT du : 08 NOVEMBRE 2018

No : 375 - 18
No RG : No RG 17/01435 - No Portalis DBVN-V-B7B-FOOL

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 29 Septembre 2016

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :

Monsieur Sebastien B...
né le [...] à FECAMP (76) [...]
[...]

représenté par Maître X... Y..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant, et ayant pour avoca

t plaidant Maître Christian C..., avocat au barreau de PARIS,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/003133 ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/11/2018
Me X... Y...
la SCP E...

ARRÊT du : 08 NOVEMBRE 2018

No : 375 - 18
No RG : No RG 17/01435 - No Portalis DBVN-V-B7B-FOOL

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 29 Septembre 2016

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :

Monsieur Sebastien B...
né le [...] à FECAMP (76) [...]
[...]

représenté par Maître X... Y..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant, et ayant pour avocat plaidant Maître Christian C..., avocat au barreau de PARIS,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/003133 du 15/05/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No : 1265202511656293

SA BNP-PARIBAS
Pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [...]
représentée par Maître Philippe D..., membre de la SCP E... , avocat au barreau d'ORLEANS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 09 Mai 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 28 Juin 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 20 SEPTEMBRE 2018, à 9 heures 30, devant Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Mme Irène ASCAR, Greffier placé lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 8 NOVEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé en date du 9 août 2011, la BNP PARIBAS (la BNP) a consenti à la S.A.R.L. B..., qui avait ouvert un compte en ses livres, un prêt de 144.000 euros, destiné à financer l'acquisition et les travaux d'aménagement d'un bateau de navigation fluviale, Ce prêt était remboursable en 40 trimestrialités, au taux nominal de 4,40 % majorable de trois points en cas de retard de paiement.

Le remboursement de ce prêt a été garanti par :
- une hypothèque fluviale inscrite sur le bateau acquis au moyen du prêt,
- le cautionnement solidaire de Monsieur Sébastien B..., gérant et associé unique de la S.A.R.L. B..., souscrit le même jour à hauteur de 50% des sommes restant dues pour un montant maximum de 93.600 euros.

Les conditions financières du prêt ont été modifiées par un avenant en date du 9 novembre 2012 aux termes duquel :
-la créance de la BNP, alors d'un montant de 168.000 €, a été stipulée remboursable en 120 mensualités, moyennant un intérêt au taux annuel de 4,40 % majorable de trois points en cas de retard de paiement,
- Monsieur B... s'est porté caution à hauteur de 50% des sommes restant dues pour un montant maximum de 109.200 euros.

Le 10 juin 2013, la BNP a informé la S.A.R.L. B... de la cessation du débit en compte à compter du 12 août 2013. Elle a procédé à la clôture du compte courant le premier octobre 2013 et a, à cette même date, prononcé la déchéance du terme de l'emprunt.

Après avoir mis en vain en demeure l'emprunteur et la caution de lui verser le solde des sommes restant dues, la BNP les a assignés le 25 juin 2015 devant le tribunal de commerce d'Orléans en réclamant leur condamnation à procéder à ce paiement.

La liquidation judiciaire de la société B... a été prononcée le 2 décembre 2015 et la banque a régulièrement déclaré sa créance au passif
Par jugement en date du 29 septembre 2016 le tribunal a fixé la créance de la BNP au passif de l'EURL B... à hauteur de 191.429,68 euros au titre du prêt et de 2.674,96euros au titre du solde débiteur du compte courant. Il a en outre condamné Monsieur B... à lui payer la somme de 85.848,93 euros avec intérêts au taux annuel de 7,40% à compter du premier octobre 2013, dans la limite de la somme de 93.600 euros.

Monsieur B... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 9 mai 2017.
Il en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de juger que la BNP ne peut se prévaloir de son engagement de caution en raison de son caractère disproportionné à ses ressources et patrimoine et de la débouter de ses demandes. A titre subsidiaire il sollicite la déchéance de la banque de son droit à réclamer paiement des intérêts conventionnels pour non respect de son obligation annuelle d'information de la caution. A titre également subsidiaire il réclame condamnation de la banque à lui verser 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui lui a été causé par la décision de la BNP de suspendre tous les moyens de paiement de la société garantie. Et il sollicite paiement de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La BNP conclut à la confirmation de la décision entreprise et à la condamnation de l'appelant à lui verser une indemnité de procédure de 3.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP E... .
Elle soutient que l'engagement de Monsieur B... n'était aucunement disproportionné puisqu'il a attesté être propriétaire d'un immeuble d'une valeur de 80.000 euros et d'une épargne de 15.000 euros, soit d'un actif net de 95.000 euros. Et elle affirme que le second engagement de caution n'opère pas novation du premier.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu qu'aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Attendu qu'il appartient à celui qui se prévaut d'une disproportion d'en apporter la preuve et que, tenu d'une obligation de loyauté dans les déclarations faites lors de la souscription de l'engagement, il ne peut faire la preuve de faits contraires à ceux qu'il a lui-même déclarés pour obtenir qu'un concours bancaire soit accordé à l'emprunteur grâce à cette garantie ;

Attendu qu'il résulte de la pièce no5 produite par la banque que l'appelant a certifié sur l'honneur être propriétaire d'un bien immobilier d'une valeur de 80.000 euros et être à la tête d'une épargne disponible de 15.000 euros ;

Que c'est dès lors en vain qu'il soutient aujourd'hui que son bien ne valait que 50.000 euros en produisant l'acte de donation du 9 mars 2011 ;

Qu'il se prévaut sans pertinence de ce que le bien immobilier dont il est propriétaire "pourrait" faire l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité ;

Que l'emploi du conditionnel et l'absence de pièces produites ne permettent pas, en effet, de retenir qu'en application des dispositions de l'article L 526-1 alinéa 2 du code de commerce, Monsieur B... a procédé à une déclaration d'insaisissabilité avant de souscrire l'engagement litigieux et que cette argumentation ne peut qu'être écartée ;

Qu'il ne peut donc qu'être retenu qu'au regard du patrimoine qui lui était déclaré la banque a pu sans faute retenir qu'un cautionnement initialement consenti à hauteur de 93.600 euros n'était pas disproportionné au regard d'un bien immobilier d'une valeur de 80.000 euros et d'une épargne de 15.000 euros ;

Mais attendu qu'il convient de vérifier également la disproportion de l'engagement de caution lors de la signature de l'avenant du 9 novembre 2012 ;

Que la banque soutient en effet sans pertinence que cet avenant n'a pas opéré novation de l'engagement de Monsieur B... ;

Qu'aux termes de l'article 1273 du code civil, la novation ne se présume pas mais qu'il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte ;

Qu'en conséquence, en présence de deux engagements successifs pris par la même personne pour des montants différents, il convient de conclure au cumul des engagements plutôt qu'à la substitution du premier par le second si la volonté de nover n'est pas clairement exprimée ;

Qu'en l'espèce Monsieur B... a souscrit successivement deux cautionnements à une hauteur différente ;

Que ces deux engagements concernent très exactement le même prêt dont l'avenant précise qu'il est réaménagé afin de permettre à la société de payer des échéances moins élevées ;

Qu'il est constant qu'il n'y a pas eu novation du prêt, ce que l'avenant précise d'ailleurs expressément, mais qu'il y a bien eu novation de l'engagement de caution puisqu'au lieu de conserver le premier engagement régulièrement consenti, la banque a cru bon de faire souscrire à Monsieur B... un nouvel engagement de caution
- de 50% d'une somme de 168.000 euros (et non plus de 144.000 euros)
- pour un montant maximum garanti de 109.200 euros (et non plus de 93.600 euros)
- pour une durée de 150 mois à compter de novembre 2012 (et non plus de 147 mois à compter du 9 août 2011) ;

Que cet engagement n'a dès lors aucunement réaménagé sa première garantie mais l'a entièrement modifiée puisque tant la somme cautionnée que la durée et la hauteur de la garantie accordée par la caution ont été augmentés ;

Qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu par la BNP que Monsieur B... s'est engagé à hauteur de 109.200 euros en sus des 93.600 euros initiaux qui constituaient la limite des sommes cautionnées et qu'elle reconnaît que le second engagement se substitue entièrement à au premier;

Qu'il convient dès lors de retenir que le cautionnement, dont il sera d'ailleurs relevé qu'il a été entièrement réitéré et a fait l'objet d'une nouvelle mention manuscrite, ne s'ajoute pas au premier mais s'y substitue, ce qui opère indubitablement une novation ;

Attendu que la BNP n'a pas pris soin de vérifier les ressources et patrimoine de Monsieur B... avant de lui demander une garantie supérieure de 15.400 euros à celle accordée auparavant ;

Qu'en l'absence d'une telle vérification, la caution peut faire état de toutes ses charges sans que le prêteur ne puisse lui opposer un défaut de déclaration ;

Qu'en l'espèce, si Monsieur B... ne démontre aucunement que son immeuble n'avait pas, en 2012 la valeur de 80.000 euros qu'il avait lui-même déclarée en 2011, il justifie de ce qu'il avait investi 5.000 euros dans les fonds propres de la société et 10.000 euros pour sa trésorerie, ce qui explique que son compte courant d'associé présentait, à la date de son second engagement, un solde créditeur d'un tel montant dont il a accepté qu'il soit bloqué à titre de garantie ;

Qu'il démontre également que sa mère lui avait accordé, le 31 mai 2011, un prêt d'un montant de 14.000 euros ;

Qu'en conséquence, à la date à laquelle son second engagement a été souscrit, il bénéficiait d'un actif net de 81.000 euros ((80.000 +5.000 + 10.000) - 14.000), ce qui apparaît manifestement disproportionné à un cautionnement souscrit à hauteur de 109.200 euros, Monsieur B... étant, à supposer qu'il puisse récupérer les fonds investis dans la société ce qui n'est jamais le cas lors d'une liquidation judiciaire, dans l'impossibilité de régler la somme de 28.200 euros excédant la valeur maximum de son actif net puisqu'il ne percevait qu'un salaire très modeste et que son épouse bénéficiait du RSA ;

Que la BNP ne peut donc se prévaloir de ce second engagement qui s'est substitué à l'engagement initial dont elle ne peut pas plus se prévaloir du fait de la novation intervenue;

Qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement formée à l'encontre de Monsieur B... ;

Attendu qu'il est ainsi fait droit à la demande principale de l'appelant et qu'il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur sa demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts ;

Que la banque, succombant à l'instance, en supportera les dépens et qu'il sera fait application, au profit de l'appelant des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU,

DIT que la société BNP PARIBAS ne peut opposer à Monsieur Sébastien B... aucun des deux engagements de caution souscrits les 9 août 2011 et 9 novembre 2012,

LA DÉBOUTE en conséquence de toutes ses demandes,

LA CONDAMNE à payer à Monsieur Sébastien B... la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/014351
Date de la décision : 08/11/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-11-08;17.014351 ?
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