La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2018 | FRANCE | N°17/012591

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 08 novembre 2018, 17/012591


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/11/2018
Me Olivier X...
la SELARL WALTER etamp; GARANCE AVOCATS

ARRÊT du : 8 NOVEMBRE 2018
AVANT DIRE DROIT

No : 371 / 18
No RG : No RG 17/01259 - No Portalis DBVN-V-B7B-FOCV

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 23 Mars 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Madame Dominique Z... épouse A...
née le [...] [...]
[...]

représenté

e par Maître Olivier X..., avocat au barreau de BLOIS, substitué par Me Amelie B... - RETIF, avocat au barreau d'ORLEANS,

D'UNE PAR...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/11/2018
Me Olivier X...
la SELARL WALTER etamp; GARANCE AVOCATS

ARRÊT du : 8 NOVEMBRE 2018
AVANT DIRE DROIT

No : 371 / 18
No RG : No RG 17/01259 - No Portalis DBVN-V-B7B-FOCV

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 23 Mars 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Madame Dominique Z... épouse A...
née le [...] [...]
[...]

représentée par Maître Olivier X..., avocat au barreau de BLOIS, substitué par Me Amelie B... - RETIF, avocat au barreau d'ORLEANS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL VAL DE FRANCE
prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Maître Stéphanie C..., membre de la SELARL WALTER etamp; GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 4 Avril 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 Janvier 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 20 SEPTEMBRE 2018, à 9 heures 30, devant Mme Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Mme Irène ASCAR, Greffier placé lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 8 NOVEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 27 mars 2009, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Val de France (la CRCAM) a consenti à la société GITEM BLOIS une ouverture de crédit d'un montant de 80.000 euros remboursable au taux contractuel de 4,20%.

Monsieur Frédéric A... et son épouse, Madame Dominique Z..., se sont le même jour portés cautions du remboursement de ce prêt pour une durée de 264 mois et à hauteur de 104.000 euros.

La société ayant été placée en liquidation judiciaire, la créance de la banque a été admise au passif à hauteur de 81.360,58 euros.

Après l'avoir vainement mise en demeure d'honorer son engagement, la CRCAM a assigné Madame A... devant le tribunal de grande instance de Blois en réclamant paiement des sommes dues. Madame A... s'est opposée à ces demandes en soutenant notamment que son engagement serait nul puisque GITEM BLOIS n'existait plus à la date à laquelle l'ouverture de crédit lui a été consentie et avait été remplacée par la S.A.R.L. FD PASS BLOIS ; que l'identité des signataires de l'engagement de caution ne serait pas précisée, et que la durée de son cautionnement serait excessive. Elle a en outre fait valoir que le prêteur ne démontrait pas avoir respecté son obligation d'informer annuellement la caution et que son engagement était disproportionné à ses ressources et à son patrimoine.

Par jugement en date du 23 mars 2017, le tribunal a débouté Madame A... de l'ensemble de ses contestations et l'a condamnée à verser à la banque la somme de 83.761,09 euros assortie des intérêts contractuels de 4,20% l'an à compter du premier août 2015, a ordonné la capitalisation des intérêts et a alloué à la banque une indemnité de procédure de 1.500 euros.

Madame A... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 4 avril 2017.
Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour d'infirmer le jugement attaqué, à titre principal de débouter la banque de toutes ses demandes ; à titre subsidiaire de prononcer la déchéance du droit aux intérêts et d'enjoindre à la CRCAM de produire un décompte tenant compte de cette déchéance ; en tout état de cause de condamner l'intimée aux dépens ainsi qu'à lui verser une indemnité de procédure de 1.500 euros.
Elle reprend intégralement devant la cour les moyens développés devant le premier juge et il sera en conséquence référé à ses écritures récapitulatives en date du 27 juin 2017.

La CRCAM conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelante à lui verser une nouvelle indemnité de procédure de 4.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens.
Elle demande en substance à la cour d'approuver la motivation des premiers juges et il est pour le surplus référé à ses écritures en date du 9 août 2017.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

- Sur la validité de l'engagement de caution :

Attendu que l'appelante soutient que son engagement serait nul puisqu'elle s'est portée caution de la S.A.R.L. GITEM BLOIS qui n'avait plus de personnalité morale et qui était inexistante puisqu'elle avait changé de dénomination le 27 mars 2009 pour devenir S.A.R.L. MAGELEC BLOIS, puis en janvier 2010 pour s'appeler FD PASS BLOIS ;

Mais attendu, qu'ainsi que l'a retenu le premier juge par une motivation pertinente et si complète que la cour ne peut rien y ajouter, le changement de dénomination sociale laisse perdurer la même société qui continue d'exister sous un autre nom et conserve le même patrimoine, les mêmes engagements et la même personnalité morale ;

Que la société FD PASS BLOIS est donc débitrice des engagements qu'elle a elle-même souscrits en se désignant alors comme étant GITEM BLOIS ;

Que c'est au surplus à raison que la banque fait observer que le changement de dénomination de la société n'a été publié au BODACC que le 26 mars 2009 et qu'il ne lui était donc pas opposable à la date du cautionnement ;

Qu'il convient également de relever que la créance de la CRCAM au titre du prêt consenti à GITEM BLOIS a régulièrement été admise au passif de FD PASS BLOIS ;

Attendu que c'est à bon droit que le tribunal a souligné la faute commise par Madame A... qui, associée au sein de la société GITEM BLOIS, n'a pas signalé à la banque le changement de nom de cette dernière ;

Qu'à supposer que ce changement de nom ait affecté la validité du cautionnement litigieux, ce qui n'est aucunement le cas, Madame A... aurait été condamnée à payer à la banque le montant du préjudice subi en raison du silence gardé par la caution sur un élément qu'elle connaissait et en raison de sa signature, de mauvaise foi, sur un acte dont elle pensait qu'il pourrait ainsi être annulé ;

Que c'est sans aucune pertinence que l'appelante se réfère à une jurisprudence de la Cour de cassation concernant les sociétés en création qui ne saurait être applicable à l'espèce ;

Que Madame A... donc régulièrement est recherchée pour garantir la dette de la société GITEM BLOIS devenue FD PASS BLOIS et que le moyen tiré d'un changement de dénomination de l'emprunteur principal autant dénué de fondement juridique que de bonne foi a donc été à bon droit écarté par le premier juge dont la cour adopte la motivation ;

Attendu que Madame A... prétend ensuite que rien ne permet de connaître le nom des cautions puisque la mention "Identité de la caution" n'a pas été complétée sur l'acte de cautionnement ;

Qu'elle fait valoir qu'en application des dispositions de l'article L 341-2 du code de la consommation combinées avec celles de l'article 1326 du code civil, un cautionnement n'est valable que s'il comporte la désignation de celui qui s'engage puis sa signature ;

Qu'elle reproche au premier juge d'avoir écarté ce moyen en retenant que l'identité des cautions était clairement précisée dans le contrat de prêt et d'avoir ainsi créé un lien entre deux actes distincts, le contrat de prêt et le contrat de cautionnement ;

Mais attendu qu'aucune des dispositions légales susvisées n'exige que la caution fasse précéder sa signature de la mention de son nom ;

Qu'au surplus, le non respect des dispositions de l'article L 341-2 du code de la consommation, sur lesquelles l'appelante se fonde pour réclamer la nullité de son engagement, n'est pas sanctionné par la nullité lorsque les manquements relevés sont de simples erreurs matérielles ou des imperfections mineures qui n'affectent ni le sens ni la portée de l'engagement ;

Qu'en l'espèce c'est à bon droit que le premier juge a souligné que Monsieur et Madame A... sont tous deux désignés comme cautions dans l'acte de prêt, qui figure dans le même document de 11 pages que l'acte de caution ;

Qu'ils ont tous deux apposé la mention manuscrite de cautionnement qu'ils ont tous deux signée, qu'il n'existe en conséquence aucune incertitude sur les identités des cautions ;

Qu'en conséquence il ne peut qu'être retenu que leur absence de désignation à nouveau en haut de l'acte de caution n'est qu'une simple erreur n'affectant pas la validité de leur engagement, étant observé que Madame A... ne dénie aucunement sa signature, ne prétend pas ne pas avoir compris qu'elle se portait caution et ne soutient pas que l'absence de son nom en haut de l'engagement ne lui aurait pas permis de comprendre le sens et la portée de son engagement ;

- Sur la durée de l'engagement souscrit :

Attendu que si, aux termes de l'article L 341-2 du code de la consommation, l'engagement d'une personne physique au profit d'un créancier professionnel doit être limité dans le temps, Madame A... n'expose pas sur quel fondement légal ou jurisprudentiel elle assoit son argument de ce qu'un cautionnement consenti pour une durée de 22 ans ne répondrait pas à l'exigence de limitation de durée imposée par la loi ;

Qu'il sera relevé que la CRCAM a consenti à la société cautionnée une ouverture de crédit à durée indéterminée, et qu'un cautionnement d'une durée de 22 ans n'apparaît dès lors aucunement excessif ni contraire aux dispositions du code de la consommation ;

- Sur le respect, par la CRCAM, de son obligation d'information de la caution :

Attendu que Madame A... ne conteste pas que la banque a bien produit aux débats les lettres d'information relatives aux années 2010 à 2014 et que n'ayant pas communiqué celle de l'année 2009 elle a établi un décompte expurgé des intérêts au titre de cette année ;

Qu'elle demande à la cour de prononcer la déchéance du droit aux intérêts dus au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013 puisque les lettres d'information de la caution mentionnaient un terme d'engagement erroné et ne répondaient donc pas aux exigences des articles L 341-6 du code de la consommation et L 313-22 du code monétaire et financier tandis que le courrier adressé au titre de l'année 2014 ne mentionne pas de terme du tout ;

Attendu que la loi prévoit que le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. » ;

Que, contrairement à ce que soutient l'appelante le "terme de l'engagement" est bien celui du cautionnement et que les lettres d'information au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013 mentionnent un terme en avril 2019 (mise en place de l'ouverture de crédit + 10 ans) qui ne correspond ni à la durée du crédit ni à celui de la garantie apportée par Madame Z..., ce qui ne permet pas d'en retenir la validité ;

Que la lettre d'information au titre de l'année 2014 ne mentionne quant à elle aucun terme et qu'il convient dès lors, par infirmation du jugement déféré, de retenir que les lettres d'information adressées par la banque ne sont pas conformes aux dispositions de L 313-22 du code monétaire et financier ;

Que l'absence d'envoi d'une lettre d'information annuelle reprenant les mentions exigées par cet article est sanctionnée par la déchéance du prêteur de son droit à réclamer paiement des intérêts conventionnels ;

Qu'il sera donc fait droit à la demande de la caution tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts et d'enjoindre à la CRCAM de produire un décompte tenant compte de cette déchéance ;

- Sur la disproportion :

Attendu qu'aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Mais attendu qu'il appartient à celui qui se prévaut d'une disproportion d'en apporter la preuve ;

Que, tenu d'une obligation de loyauté dans les déclarations faites lors de la souscription de l'engagement, il ne peut faire la preuve de faits contraires à ceux qu'il a lui-même déclarés pour obtenir un concours bancaire ;

Qu'en l'espèce les époux A... ont indiqué être propriétaires d'un bien immobilier dont ils ont évalué le prix à 250.000 euros sans indiquer qu'il était grevé d'un emprunt ;

Qu'ils n'ont pas plus signalé s'être portés cautions auprès d'autres prêteurs ;

Qu'ils percevaient des revenus annuels de 45.600 euros ;

Qu'au regard de ces déclarations, la CRCAM ne pouvait que considérer que l'engagement de Madame A... à hauteur de 104.000 euros était proportionné à ses ressources et patrimoine et que ce n'est dès lors que surabondamment qu'il sera relevé que l'immeuble a été vendu le 24 février 2011, soit deux années après la souscription de leurs engagements, et, qu'après avoir réglé le prêteur de deniers, les époux A... ont eux-mêmes perçu 176.000 euros, ce qui démontre que leur immeuble avait une valeur résiduelle certaine en 2009 ;

Que le moyen tiré de l'existence d'une disproportion a donc également été écarté à bon droit par le premier juge ;

Attendu qu'au regard de la réouverture des débats ordonnée ci-dessus, il convient de surseoir à statuer sur les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise, hormis en ce qu'elle a débouté Madame Dominique Z..., épouse A..., de sa demande tendant à voir déclarer nul l'engagement de caution solidaire qu'elle a souscrit le 27 mars 2009,

STATUANT À NOUVEAU sur ses autres chefs,

PRONONCE la déchéance du droit de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Val de France à percevoir de Madame Dominique Z..., épouse A..., les intérêts conventionnels ayant couru sur l'ouverture de crédit d'un montant de 80.000 euros consenti à la société GITEM BLOIS devenue FD PASS BLOIS et ce à compter du 31 mars 2010,

ORDONNE la réouverture des débats pour permettre à la banque de communiquer un décompte expurgé de ces intérêts et affectant prioritairement les paiements opérés par le débiteur principal sur le principal de la dette et à Madame A... de s'expliquer sur ce décompte

DIT que le dossier sera de nouveau examiné lors de l'audience du 17 Janvier 2019 à 9 heures 30 , la présente décision tiendra lieu de convocation aux parties,

SURSOIT À STATUER sur les dépens et les demandes formées au titre des frais irrépétibles.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/012591
Date de la décision : 08/11/2018
Sens de l'arrêt : Sursis à statuer

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-11-08;17.012591 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award