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25/10/2018 | FRANCE | N°17/022591

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 25 octobre 2018, 17/022591


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/10/2018
la SELARL D.S.W.
la SELARL WALTER etamp; GARANCE AVOCATS

ARRÊT du : 25 OCTOBRE 2018

No : 351 - 18 No RG : No RG 17/02259

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 29 Juin 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265199412924848

SCI RÉSIDENCE CHATEAU DE BEUGNY
agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès-qu

alité audit siège. [...]

représentée par Maître Laurent X..., membre de la SELARL D.S.W., avocat au barreau de TOURS ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/10/2018
la SELARL D.S.W.
la SELARL WALTER etamp; GARANCE AVOCATS

ARRÊT du : 25 OCTOBRE 2018

No : 351 - 18 No RG : No RG 17/02259

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 29 Juin 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265199412924848

SCI RÉSIDENCE CHATEAU DE BEUGNY
agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualité audit siège. [...]

représentée par Maître Laurent X..., membre de la SELARL D.S.W., avocat au barreau de TOURS ;

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265211243398510

SELARL A...
en qualité de mandataire liquidateur de la SA BERCI suivant jugement du Tribunal de Commerce de Tours du 16 février 2010
[...]

représentée par Me Frédéric Z..., membre de la SELARL WALTER etamp; GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS ;

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 19 Juillet 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 mars 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 13 SEPTEMBRE 2018, à 14 heures, devant Mme Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Mme Irène ASCAR, Greffier placé lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 25 OCTOBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Courant 2005, la SCI RÉSIDENCE DU CHÂTEAU DE BEUGNY ( la SCI) a fait appel à la Société BERCI, entreprise de maçonnerie, pour procéder à l'extension et à la rénovation du château de Beugny (37) dans lequel elle souhaitait réaliser plusieurs appartements destinés à la location.

Se plaignant de malfaçons et de délais d'exécution non respectés entraînant une perte d'exploitation, la SCI a cessé de payer la société BERCI qui l'a assignée le 3 janvier 2009 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours en réclamant paiement d'une provision de 171.256,22 euros.

Par ordonnance en date du 27 janvier 2009, le juge des référés a fait droit à cette demande.
La société BERCI a alors pris le 24 février 2009 une hypothèque judiciaire provisoire sur l'ensemble du château de Beugny.

Par décision du 30 septembre 2009 cette cour a infirmé l'ordonnance du 27 janvier 2009 et ordonné une expertise permettant de vérifier l'existence des désordres allégués par la SCI et de faire les comptes entre les parties.

La société BERCI a été placée en liquidation judiciaire le 16 février 2010.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 2 février 2011en concluant que la société BERCI était créancière d'une somme de 93.932,96 euros.

Souhaitant vendre certains lots de sa propriété, la SCI a le 15 juin 2011, assigné la SELARL A... ès qualités devant le juge de l'exécution de Tours afin d'obtenir la radiation de l'hypothèque prise le 24 février 2009.

Maître A... ayant donné son accord à la mainlevée partielle de l'inscription hypothécaire, le juge de l'exécution a constaté le 21 juin 2011 le désistement des parties.

Le 11 juin 2014, la SELARL A... es qualités a assigné la SCI devant le tribunal de grande instance de Tours afin notamment d'obtenir la condamnation de la défenderesse d'avoir à lui régler le solde de son marché.

Par jugement en date du 29 juin 2017, le tribunal a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la SCI, déclaré recevable la SELARL A... en son action, prononcé la réception de l'ouvrage au 12 juillet 2007, condamné la SCI à verser à la société BERCI, représentée par la SELARL A... , la somme de 140.618,75 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2008 avec capitalisation annuelle à compter du 11 janvier 2014 outre la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La SCI a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 19 juillet 2017.
Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de constater, ainsi que l'a retenu le tribunal, l'absence d'effet interruptif ou suspensif de prescription attaché à l'assignation du 30 janvier 2009, à la main levée partielle d'inscription hypothécaire du 27 juin 2011 et à l'arrêt du 30 septembre 2009, mais de juger que la décision ordonnant la mesure d'expertise n'a pas plus interrompu la prescription, de débouter l'intimée de ses demandes ou, subsidiairement, de fixer à 93.932,96 euros le montant total de sa dette et, en toute hypothèse de condamner l'intimée à lui verser 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que l'action en paiement engagée à son encontre est prescrite s'agissant de travaux exécutés en 2005 et 2006. Elle reproche aux premiers juges d'avoir retenu que l'expertise ordonnée par la cour le 30 septembre 2009 constituait une mesure d'instruction présentée avant tout procès et considéré que l'effet suspensif de prescription attaché à cet acte profite à toutes les parties à l'instance. Elle prétend que l'article 2239 du code civil prévoit que la prescription est suspendue uniquement lorsque le juge fait droit à une demande d'instruction présentée avant tout procès, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisqu'elle n'a formé une demande d'expertise qu'en défense à une instance en référé dans laquelle paiement provisionnel était réclamé ; que les dispositions légales susvisées parlent de "procès" et ne distinguent pas entre instance en référé et instance au fond ; que la mesure d'expertise a été ordonnée alors qu'un procès en référé était en cours, et que la prescription n'a donc pas été suspendue ; qu'en outre ce n'est pas la société BERCI qui était demanderesse à l'expertise et que la suspension de la prescription ne peut intervenir qu'à l'égard de celui qui est demandeur à une mesure d'instruction.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que l'expert judiciaire a estimé à 112.432.96 euros les sommes restant dues à la société BERCI, en ce, y compris une retenue de garantie de 5% ; qu'il a ensuite déduit de ce montant la part des travaux de reprise des désordres ou malfaçons imputable à la société BERCI, soit 18.500 euros, ce dont il résulte une créance de 93.932.96 euros ; qu'en l'absence de réception expresse ou tacite, le contrat qu'elle avait conclu avec la concluante demeure en vigueur et qu'il importe peu que les désordres relèvent ou ne relèvent pas de la garantie décennale dès lors que l'expert a simplement constaté que des travaux n'avaient pas été exécutés ou qu'ils l'avaient été imparfaitement.

La Selarl de Mandataires judiciaire Francis A... a constitué avocat mais ses écritures ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 2 janvier 2018.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que l'appelante ne conteste pas être soumise à la prescription quinquennale mais soutient uniquement que la prescription n'a pas été suspendue par l'ordonnance ordonnant une expertise rendue le 30 septembre 2009 puisque cette décision n'est pas intervenue avant tout procès et qu'elle a été prise à sa propre demande et non à celle de BERCI, ce qui empêche cette dernière de se prévaloir d'un acte interruptif ou suspensif de prescription ;

Mais attendu que les termes de l'article 2239 du code civil qui prévoit que "la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès" ne peuvent être compris qu'au regard des dispositions des articles 2241 et 2242 du code de procédure qui prévoient quant à eux que la demande en justice interrompt le délai de prescription et que cette interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ;

Que la lecture combinée de ces deux textes permet en effet de constater que, lorsqu'une demande en justice est formée au fond, le délai de prescription est interrompu jusqu'à la fin de l'instance en cours, même si le juge rend un premier jugement avant dire droit ordonnant une mesure d'instruction avant de rendre une deuxième décision tranchant le litige ;

Que les dispositions de l'article 2239 ne peuvent en conséquence, contrairement à ce que soutient l'appelante, s'appliquer à tous les "procès" puisque, dans une instance au fond le délai n'est pas suspendu par la décision ordonnant l'expertise mais interrompu par l'assignation ;

Que le mot " procès" employé par le législateur ne peut dès lors s'entendre, dans l'article 2239, que comme "instance au fond" et qu'il sera retenu que cet article prévoit que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant l'engagement d'une instance au fond ;

Attendu que la SCI fait ensuite valoir que la prescription extinctive vise à sanctionner l'inaction du créancier, ce qui est exact ;

Qu'elle en déduit qu'une mesure d'expertise qui n'a pas été sollicitée par ce dernier ne peut en conséquence lui profiter puisqu'elle ne résulte pas de son action, ce qui est n'est pas aussi exact ;

Qu'en effet, BERCI a bien manifesté son intention de recouvrer sa créance en assignant la SCI devant le juge des référés ;

Que l'appelante, en sollicitant reconventionnellement l'organisation d'une mesure d'expertise a elle-même suspendu le délai de prescription puisqu'aucune disposition de l'article 2239, rédigé en termes généraux, n'impose que la mesure d'instruction soit réclamée par la partie qui a intérêt à voir suspendre la prescription ;

Qu'au contraire, la rédaction très générale de ce texte qui prévoit que " la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande d'instruction présentée avant tout procès" ne peut conduire qu'à retenir que toute mesure d'instruction ordonnée par le juge avant une instance au fond suspend la prescription ;

Que, si tel n'avait pas été le cas, le législateur aurait précisé que le délai n'était suspendu que par une demande principale tendant à l'organisation d'une mesure d'instruction ;

Que le raisonnement de l'appelante introduit une distinction non prévue par la loi entre demande principale et demande reconventionnelle tendant à obtenir la désignation d'un expert et ajoute ainsi aux dispositions de l'article 2239 du code civil ;

Qu'il sera donc retenu que l'assignation délivrée par la société BERCI à l'appelante le 3 janvier 2009 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours en réclamant paiement d'une provision de 171.256,22 euros a interrompu le délai de prescription ;

Que cette interruption a été suivie d'une suspension de l'instance puisqu'une mesure d'expertise a été ordonnée ;

Qu'en conséquence, pour ces motifs et ceux très complets du jugement, lesquels sont entièrement adoptés par la cour, il convient de rejeter le moyen tiré d'une prescription de la demande ;

Attendu que les dispositions du jugement déféré relatives à la réception ne sont pas contestées et seront également confirmées ;

Attendu que c'est sans pertinence que l'appelante soutient qu'elle ne serait, aux termes du rapport d'expertise, redevable que de la seule somme de 93.932,96 euros puisqu'ainsi que l'a à raison relevé le premier juge, l'expert judiciaire a commis une erreur de calcul en page 60 et 61 de son rapport ;

Qu'en effet l'addition des montants qu'il a retenus comme étant dus à BERCI avant retenues et après vérification des travaux par ses soins ne parvient pas à 107.078,72 euros comme il l'a indiqué mais à 115.515,27 euros ;

Que l'expert a également commis une erreur en retenant que la garantie de 5% n'était due que sur la base des seuls travaux impayés alors que cette retenue de 5% s'opère sur l'ensemble des travaux impayés ;

Que la SCI, à laquelle incombe la charge de la preuve du paiement dont elle est redevable, ne communique aucune pièce justifiant d'une libération partielle de la garantie de 5% ;

Que les calculs opérés par le premier juge pour tenir compte de l'intégralité de cette garantie sont dès lors exacts ;

Attendu par ailleurs que l'expert judiciaire conclut que BERCI est responsable à hauteur de 18.500 euros de désordres ;

Que c'est également à raison que le tribunal a retenu que cette somme devait être déduite de celle due à BERCI par la SCI ;

Que le jugement déféré sera donc entièrement confirmé et que l'appelante, qui succombe en ses prétentions, conservera à sa charge les dépens de la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SCI RÉSIDENCE DU CHÂTEAU DE BEUGNY aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/022591
Date de la décision : 25/10/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-10-25;17.022591 ?
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