COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/10/2018
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
la SCP X... RADISSON BROSSAS
ARRÊT du : 25 OCTOBRE 2018
No : 341 - 18 No RG : No RG 17/01143
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 02 Mars 2017
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265204654138749
Monsieur Fabrice Y...
né le [...] à MONTARGIS (45200) [...]
[...]
Représenté par Maître Eric Z..., membre de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS ;
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265204358391957
SA BANQUE CIC OUEST
Pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
représentée par Me Philippe A..., membre de la SCP X... RADISSON BROSSAS, avocat au barreau d'ORLEANS ;
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 Avril 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 Janvier 2018
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 13 SEPTEMBRE 2018, à 14 heures, devant Mme Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Mme Irène ASCAR, Greffier placé lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 25 OCTOBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 6 septembre 2012, la Banque CIC OUEST (le CIC) a consenti à la S.A.R.L. PLANET HABITAT un prêt de 100.000,00 euros remboursable en 84 mois, au taux annuel de 3.50 % majorable de trois points en cas de retard de paiement, dont la bonne fin était garantie par le gérant de cette société, Monsieur Fabrice Y..., qui s'est le même jour engagé en qualité de caution solidaire à garantir, d'une part l'entier remboursement de ce prêt, d'autre part tous les engagements de la société envers le CIC à hauteur de 60.000,00 euros.
Par deux jugements en date des 28 mai 2014 et 17 juin 2015, le tribunal de commerce d'Orléans a prononcé le redressement puis la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PLANET HABITAT.
Les créances du CIC ont été admises au passif de la liquidation judiciaire de cette société à hauteur de :
- 61.842,59 euros au titre d'un compte-courant,
- 3.716, 54 euros au titre d'un premier prêt,
- 82.346, 25 euros + 1.363,99 euros au titre du prêt cautionné par Monsieur Y....
Après avoir en vain mis en demeure la caution d'honorer ses engagements, le CIC a, le 11 décembre 2015, assigné Monsieur Y... devant le tribunal de commerce de Blois afin d'obtenir sa condamnation à lui payer :
- 45.592,76 euros avec intérêts au taux de 6.50 % à compter du 22 juin 2015 au titre du cautionnement concernant le prêt,
- 60.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2015 au titre du cautionnement général,
et a sollicité la capitalisation des intérêts et le versement d'une indemnité de procédure de 2.000 euros.
Par jugement en date du deux mars 2017, le tribunal a condamné Monsieur Y... à payer au CIC :
- 45.592,76 euros outre intérêts au taux annuel de 6,50% à compter du 22/06/2015, avec capitalisation annuelle des intérêts,
- 60.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, capitalisables annuellement,
et débouté le CIC de sa demande tendant au versement d'une indemnité de procédure.
Monsieur Y... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 6 avril 2017.
Monsieur Y... conclut à l'infirmation du jugement déféré. A titre principal il demande à la cour d'annuler l'assignation qui lui a été délivrée en excipant de l'absence de respect de l'article 56 du code de procédure civile imposant au demandeur de rechercher une solution amiable au litige avant d'en saisir une juridiction. A titre subsidiaire il demande à la cour de débouter le CIC de l'ensemble de ses demandes et sollicite paiement de 5.000 euros en indemnisation de son préjudice moral et de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il prétend ne pas avoir été une caution avertie et reproche au CIC d'avoir accordé un prêt à la société PLANET HABITAT dont la situation était irrémédiablement compromise depuis septembre 2010 comme le démontrent les documents qu'il produit. Il soutient également que ses revenus ne lui permettaient absolument pas de faire face à ses engagements de caution.
Le CIC sollicite la confirmation du jugement déféré, le rejet des demandes formées par Monsieur Y... et sa condamnation à lui verser une indemnité de procédure de 3.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens, dont distraction au profit de la SCP B....
Il fait valoir que les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile relatives à la recherche d'une solution amiable du litige ne sont pas imposées à peine de nullité de l'assignation et qu'en tout état de cause, il a tenté en vain d'obtenir amiablement paiement. Il soutient que Monsieur Y... était une caution avertie envers laquelle il n'était tenu d'aucun devoir de mise en garde et souligne que les dispositions de l'article L.650-1 du code de commerce empêchent la caution de se prévaloir d'un préjudice résultant de l'octroi d'un crédit sans étude suffisante de la situation comptable de la société emprunteuse. Enfin il affirme que les engagements de caution souscrits par l'appelant n'étaient aucunement disproportionnés au regard de son patrimoine immobilier.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
- Sur la nullité de l'assignation :
Attendu que l'article 56 du code de procédure civile est ainsi rédigé : L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice:
1o L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
2o L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;
3o L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
4o Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier.
Elle comprend en outre l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.
Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Elle vaut conclusions » ;
Attendu que la rédaction de cet article permet de constater, d'une part que sont exigées à peine de nullité les mentions précisées au 1o, 2o, 3o et 4o, d'autre part que sont prévues sans sanction précisée dans ce texte d'autres mentions telles que les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ;
Qu'aucun texte ne prévoit de sanction en cas de non respect de cette dernière disposition et que, si elle n'a pas été respectée, le juge peut simplement, en application de l'article 127 du même code, proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation, une telle proposition ressortant d'ailleurs de sa seule appréciation et n'étant pas obligatoire ;
Que la Convention Européenne des Droits de l'Homme et la décision de la CEDH en date du 26/03/15 dont Monsieur Y... fait état concernent les procédures contentieuses contre un État membre de l'Union européenne et sont inapplicables au présent litige ;
Que c'est dès lors sans aucune pertinence que l'appelant conclut à la nullité de l'assignation qui lui aurait été délivrée et que ce n'est que surabondamment qu'il sera relevé que l'assignation précisait bien qu'une mise en demeure amiable de payer était restée vaine;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité présentée par Monsieur Y... ;
- Sur l'obligation de mise en garde incombant à la banque :
Attendu que Monsieur Y... reproche ensuite au CIC d'avoir manqué à son devoir de conseil en ne l'ayant pas mis en garde contre les conséquences potentiellement dommageables des engagements qu'il se proposait de souscrire ;
Attendu, toutefois, que l'établissement de crédit objecte à raison qu'il n'était tenu d'aucun devoir de mise en garde envers lui ;
Qu'en effet, l'appelant ne conteste pas qu'il avait une large expérience des affaires résultant notamment de son activité de gérant de la société PLANET HABITAT depuis plusieurs années ;
Qu'est considérée comme avertie la caution qui était en mesure d'appréhender les risques et l'opportunité des dettes qu'il projette de garantir et que la production des documents bancaires et comptables versés aux débats démontre que l'appelant était en possession de tous les éléments lui permettant, en sa qualité de dirigeant de la société, d'évaluer clairement les risques qu'il encourait en se portant caution des engagements de PLANET HABITAT ;
Qu'au surplus, le CIC est parfaitement fondé à faire valoir qu'en l'état de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée le 17 juin 2015 par le tribunal de commerce d'Orléans à l'égard de la société PLANET HABITAT, emprunteuse, l'article L.650-1 du code de commerce en sa rédaction issue de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 est applicable à la présente instance et fait obstacle à ce que Monsieur Y..., caution du prêt litigieux, recherche sa responsabilité au titre du préjudice qu'il aurait prétendument subi du fait de ce concours, hors les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de prise d'une garantie disproportionnée ;
Que l'appelant n'invoque aucun de ces cas et que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir reconnaître un manquement de la banque à son devoir de mise en garde ;
- Sur la disproportion des engagements :
Attendu que Monsieur Y... reproche au tribunal d'avoir retenu que son patrimoine déclaré s'élevait à 1.330.000 euros, dont 646.654 euros d'en-cours d'emprunt ; que ses revenus mensuels s'élevaient à 8.447 euros et ses charges à 4.074 euros, ce qui lui permettait de faire face à ses engagements, alors que les premiers juges auraient dû se placer au jour de la signature des cautionnements pour apprécier une éventuelle disproportion du cautionnement ;
Attendu qu'aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;
Qu'en l'espèce, Monsieur Y... s'est porté caution le 6 septembre 2012 à hauteur d'un montant total de 160.000 euros ;
Qu'il importe peu que la fiche de patrimoine annexée à l'acte de cautionnement soit datée du 7 septembre 2012 et non du 6 septembre 2012 puisque Monsieur Y..., sur lequel pèse la charge de la preuve d'une disproportion, ne conteste pas la véracité des informations qui y sont portées et ne soutient pas que son patrimoine s'est modifié entre le 6 et le 7 septembre 2012 ;
Qu'il ne résulte pas de ce document, contrairement à ce que prétend l'appelant, que son taux d'endettement était de 50% puisque Monsieur Y... oublie de préciser que les emprunts immobiliers qu'il avait contractés étaient communs avec Madame Katia C... , dont il ne précise pas les revenus, mais dont il est mentionné, sur le certificat d'adhésion à l'assurance la concernant, qu'elle est cadre salariée, ce qui établit qu'elle percevait des revenus confortables devant s'ajouter à ceux perçus par l'appelant pour vérifier le taux d'endettement résultant d'emprunts communs ;
Que Monsieur Y... fait valoir sans pertinence que la banque lui avait accordé l'année précédente des prêts immobiliers puisque ces crédits ne sont pas concernés par le présent litige et lui ont permis d'augmenter son patrimoine immobilier ;
Qu'il a, lors de son engagement, fait état d'une assurance vie d'un montant de 8.500 euros et a lui-même estimé son patrimoine immobilier à 1.330.000 euros grevé d'emprunts à hauteur de 646.654,00 euros, ce qui permettait à la banque de retenir qu'il disposait d'un actif net de 683.000 euros lui permettant aisément de faire face aux cautionnements souscrits le 6 septembre 2012 à hauteur de 160.000 euros ;
Que le tribunal n'a en conséquence commis aucune erreur d'appréciation en retenant que les garanties souscrites n'étaient pas disproportionnées au patrimoine de la caution et que le jugement déféré sera entièrement confirmé ;
- Sur les autres demandes formées par les parties :
Attendu que le sens du présent arrêt conduit à rejeter, en l'absence de toute faute commise par la banque, la demande de Monsieur Y... tendant au paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral ;
Que l'appelant, succombant à l'instance, devra en supporter les dépens et qu'il sera fait application, au profit de l'intimé, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise,
Y AJOUTANT,
DÉBOUTE Monsieur Fabrice Y... de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
LE CONDAMNE à payer à la Banque CIC OUEST la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
LE CONDAMNE aux dépens d'appel,
ACCORDE à la SCP B... , avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT