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18/10/2018 | FRANCE | N°18/007601

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 18 octobre 2018, 18/007601


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/10/2018
la X...
Me Florence Y...

ARRÊT du : 18 OCTOBRE 2018

No : 337 - 18 No RG : No RG 18/00760

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 23 Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Z... représentée par son gérant en exercice
[...]

représentée par Me Denys A..., membre de la X... , avocat au barreau de BLOIS

D'UNE PART

INTIM

ÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SAS ALPTIS ASSURANCE ANNULANT ET REMPLACANT LA PRECEDENTE FAUTE DE TIMBRE
[...]

représenté...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/10/2018
la X...
Me Florence Y...

ARRÊT du : 18 OCTOBRE 2018

No : 337 - 18 No RG : No RG 18/00760

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 23 Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Z... représentée par son gérant en exercice
[...]

représentée par Me Denys A..., membre de la X... , avocat au barreau de BLOIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SAS ALPTIS ASSURANCE ANNULANT ET REMPLACANT LA PRECEDENTE FAUTE DE TIMBRE
[...]

représentée par Me Florence Y..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER RINCK, avocat au barreau de LYON ;

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 23 Mars 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 06 SEPTEMBRE 2018, à 9 heures 30, devant Mme Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Mme Irène ASCAR, Greffier placé lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 18 OCTOBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 16 juin 2016 la société Antoine B... Courtage (AMC) a assigné la société ALPTIS ASSURANCES devant le tribunal de commerce de Blois afin d'obtenir sa condamnation à lui verser :
- 50.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- 1.854.974,70 euros, valeur des commissions des contrats détournés entre 2009 et 2014,
- 342.873 euros au même titre pour 2015,
- 377.161 euros au même titre pour 2016,
- 499.329 euros au titre de la perte de chance née de la suspension de son code d'intermédiaire,
- 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a fait valoir que, dès 2004, alors qu'une telle commercialisation n'était pas courante, Monsieur Antoine B... a développé la distribution de produits d'assurance par Internet pour sa compagnie mandante, la société Nationale Suisse devenue C... E... en 2007 ; qu'il a ainsi développé une importante clientèle et a fait appel, pour gérer ces contrats, à des prestataires parmi lesquels la société ALPHA VENDÔME qu'il avait lui-même créée.

Elle a exposé qu'en 2009 la société C... a mis fin à la commercialisation par Internet par son intermédiaire, qu'elle a reconnu les droits de Monsieur B... sur les clients ayant conclu des contrats par ce moyen et l'a autorisé à procéder au transfert de cette clientèle auprès de la société Prévoir Risques Divers ; que le transfert de la clientèle a été confié à la société ALPHA VENDÔME qui devait y procéder au profit de la société AMC créée à cette fin par Monsieur B... qui restait par ailleurs agent général C....

Elle a indiqué que, le 12 août 2011, ALPHA VENDÔME a déposé son bilan et que le tribunal de commerce de Blois a validé un plan de continuation le 26 janvier 2013 ; qu'elle s'est alors aperçue qu'ALPHA VENDÔME avait détourné ses portefeuilles au profit de la SAS ALPTIS ASSURANCES et elle a précisé que ce détournement de clientèle a été reconnu par un jugement du tribunal de grande instance de Paris confirmé par la cour d'appel de la même ville par arrêt désormais irrévocable.

Elle a expliqué que Monsieur B... avait alors pris contact avec ALPTIS ASSURANCES pour l'obtention d'un code d'intermédiation pour la société AMC, lequel code a été ouvert le 9 mars 2012 ; que les accès et autorisations informatiques ont été transmis par ALPTIS ASSURANCES à AMC mais suspendus unilatéralement par celle-ci dès le 24 avril 2012 et ne lui ont été restitués que pour un seul contrat ; qu'elle a reçu sans explications d'ALPTIS ASSURANCES, à laquelle elle avait envoyé les décisions de justice constatant un détournement de clientèle, la seule somme de 13.436,85 euros, et elle soutient que l'intimée a donc été complice d'ALPHA VENDÔME par fourniture de moyens et est receleur du produit de l'abus de confiance dont elle-même a été victime.

Par jugement en date du 23 février 2018, le tribunal a fait droit à l'exception soulevée par ALPTIS ASSURANCES et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lyon en retenant que le siège social de la défenderesse était situé dans cette ville.

Antoine B... Courtage a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 25 mars 2018.
Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de retenir que le tribunal de commerce de Blois est bien compétent pour connaître de ses demandes et de condamner l'intimée à lui verser une indemnité de procédure de 3.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP ROBILLIARD.
Elle fait valoir que son action est d'ordre délictuel et fondée, au visa de l'article 1382 ancien du code civil, sur l'exploitation indue par ALPHA VENDÔME et ALPTIS ASSURANCES du portefeuille de Monsieur B... qu'elle devait elle-même exploiter ; qu'en cas d'action engagée sur ce fondement, le demandeur peut, en application de l'article 46 du code de procédure civile, saisir la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort duquel le dommage a été subi ; qu'elle a son siège social à VENDÔME et qu'elle y subit le dommage et que le détournement a été commis à Blois, lieu du siège social d'ALPHA VENDÔME. Elle reproche aux premiers juges de n'avoir pas répondu à cette argumentation et soutient que, même si le tribunal avait à tort retenu que son action avait un fondement principal contractuel, alors que ce fondement n'est que subsidiaire, elle aurait pu choisir de saisir le tribunal du lieu de l'exécution de la prestation de service, soit encore une fois le tribunal de Blois.

ALPTIS ASSURANCES conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelante à lui verser 50.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande également subsidiairement à la cour de statuer au fond.
Elle soutient qu'en application de l'article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ; que son siège social est à Lyon ; qu'il existe indiscutablement un lien contractuel entre elle-même et AMC puisque cette dernière a demandé à rejoindre son réseau de courtiers ; qu'elle l'a accepté et lui a attribué un code d'intermédiation le 12 mars 2012 et qu'il lui est précisément reproché d'avoir suspendu ce code courtage, ce qui démontre le fondement contractuel de l'action engagée à son encontre ; qu'il convient de ne pas confondre le lieu d'exécution de la prestation de service et le siège social de l'entreprise ; que la prestation de service est réalisée auprès des différents clients d'AMC, c'est à dire à leur domicile, et que rien ne démontre que l'une ou plusieurs de ces prestations aient été exécutées dans le ressort du tribunal de commerce de Blois. Elle fait subsidiairement valoir qu'à supposer que sa responsabilité délictuelle soit engagée, les deux faits dommageables allégués sont, d'une part la rupture du code courtage d'AMC, décision prise à son siège de Lyon, d'autre part le maintien du code courtage d'ALPHA VENDÔME, décision également prise à son siège social ; qu'enfin, si la cour retenait que l'action est engagée sur un fondement délictuel, les détournements reprochés à ALPHA VENDÔME ont également été commis au domicile de chacun des clients revendiqués par l'appelante qui ne produit aucune pièce de nature à démontrer que l'un d'eux demeurerait sur le ressort du tribunal de commerce de Blois.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que la lecture de l'assignation délivrée par AMC à ALPTIS COURTAGE permet de constater que, contrairement à ce que prétend l'intimée, les demandes formées par AMC ne le sont pas à titre principal sur un fondement contractuel mais sur un fondement délictuel;

Qu'en effet, le fait qu'AMC ait pu être quelque temps agréée comme courtier par ALPTIS COURTAGE ne saurait empêcher que l'appelante précise très clairement dans son acte introductif d'instance qu'elle :
- a été victime des agissements d'ALPHA VENDÔME
- a en conséquence porté à la connaissance de ALPTIS ASSURANCES les décisions de justice reconnaissant ces détournements et a sollicité remboursement à son profit des sommes détournées,
- obtenu un accord de principe d'ALPTIS ASSURANCES sur un tel paiement ;

Qu'elle y indique qu'il résulte des courriels et conversations échangés qu'ALPTIS ASSURANCES, qui avait par ailleurs obtenu un accord d'ALPHA VENDÔME pour lui rembourser une avance contractée auprès d'elle, a cependant privilégié ce remboursement au lieu de tenir sa parole et a en conséquence suspendu le code courtage d'AMC ;

Qu'il résulte très clairement de ces explications que l'appelante ne sollicite pas uniquement réparation au titre de la suspension de son code courtage qui a entraîné l'absence de remboursement qui lui avait été promis par ALPTIS ASSURANCES mais qu'elle ne rappelle cet élément que pour en déduire la preuve de la mauvaise foi d'ALPTIS ASSURANCES qu'elle soutient avoir été la complice éclairée des détournements commis à son encontre, ce qui devrait conduire à la condamner à supporter avec ALPHA VENDÔME le coût de l'ensemble de ces détournements ;

Qu'AMC indique en effet dans son acte introductif d'instance que l'intimée "a été complice par fourniture de moyens de l'abus de confiance auquel se livrait ALPHA VENDÔME" et est "par ailleurs receleur du produit de cet abus"; qu'elle prétend "qu'à ce double titre, dont chacun est suffisant, ALPTIS ASSURANCES a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil" ;

Que l'on chercherait dès lors en vain dans cette assignation un fondement principal contractuel aux demandes formées par AMC ;

Attendu que le tribunal, qui s'est contenté de viser l'article 42 du code civil, aux termes duquel la juridiction compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur, n'a en effet pas répondu à l'argumentaire d'AMC qui exposait qu'en application de l'article 46 du même code, qui est une disposition contraire à celle de l'article 42, elle pouvait engager son action devant la juridiction de Blois ;

Que l'appelante fait valoir que l'article 46 du code de procédure civile prévoit qu'en matière délictuelle le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort duquel le dommage a été subi ;

Qu'aux termes d'une jurisprudence constante, la juridiction dans le ressort dans lequel le dommage a été subi s'entend de celle où le dommage est survenu et non celui où se trouvent enregistrées les pertes ;

Attendu qu'en l'espèce le dommage dont se plaint l'appelante est survenu à Blois, siège social d'ALPHA VENDÔME lorsque cette dernière a transféré à ALPTIS ASSURANCES, à partir de ce siège social, les portefeuilles litigieux qu'elle aurait dû transférer, à partir de ce même siège social, à AMC ;

Qu'AMC reproche en effet à ALPTIS ASSURANCES, non d'avoir causé ce dommage mais d'en avoir été complice par fourniture de moyens ;

Que le fait que ces moyens aient pu être fournis à partir du siège social de l'intimée, située à Lyon, ne retire pas compétence à la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage est survenu, laquelle est celle du siège social d'ALPHA VENDÔME ;

Que le dommage né de la suppression du code d'intermédiation d'AMC est survenu à Vendôme, lieu du siège social de l'appelante qui, bénéficiant à ce siège d'un code d'intermédiaire, en a été privée, à ce même siège, par la décision unilatérale d'ALPTIS ASSURANCES ;

Que l'action engagée par AMC sur le fondement délictuel peut dès lors ressortir de la compétence du tribunal de commerce de Blois ;

Attendu qu'à supposer même que la demande formée à hauteur de 499.329 euros par AMC au titre de la perte de chance née de la suspension de son code d'intermédiaire soit fondée sur les rapports contractuels des parties, il n'en demeure pas moins que le litige concerne l'exécution de la prestation de service promise puis retirée par ALPTIS ASSURANCE à AMC, soit l'envoi d'un code d'intermédiation à son siège social de Vendôme, ce qui rend également compétente la juridiction blésoise ;

Qu'il convient dès lors d'infirmer la décision déférée et de dire que le tribunal de commerce de Blois est territorialement compétent pour connaître des demandes d'AMC ;

Que cette dernière n'ayant pas conclu au fond, il n'y a pas lieu d'évoquer l'affaire ;

Qu'ALPTIS ASSURANCES succombant dans la procédure d'appel sur la compétence en supportera les dépens et qu'il sera fait application, au profit de l'appelante, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU

DIT que le tribunal de commerce de Blois est compétent pour connaître des demandes formées par la société Antoine B... Courtage à l'encontre de la société ALPTIS ASSURANCES,

DIT n'y avoir lieu à évoquer l'affaire au fond,

CONDAMNE la société ALPTIS ASSURANCES à payer à la société Antoine B... Courtage la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société ALPTIS ASSURANCES aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/007601
Date de la décision : 18/10/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-10-18;18.007601 ?
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