La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2018 | FRANCE | N°17/022111

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 18 octobre 2018, 17/022111


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/10/2018
Me Estelle X...
la SCP SOREL

ARRÊT du : 18 OCTOBRE 2018

No : 323 - 18 No RG : 17/02211

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 21 Avril 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Monsieur Pascal Y...
né le [...] [...]
[...]

représenté par Me Estelle X..., avocat au barreau d'ORLEANS avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Maître E..

. Morgane, avocat au barreau de TOURS ;

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SA CAISSE D'ÉPARGNE ET...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/10/2018
Me Estelle X...
la SCP SOREL

ARRÊT du : 18 OCTOBRE 2018

No : 323 - 18 No RG : 17/02211

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 21 Avril 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Monsieur Pascal Y...
né le [...] [...]
[...]

représenté par Me Estelle X..., avocat au barreau d'ORLEANS avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Maître E... Morgane, avocat au barreau de TOURS ;

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE LOIRE CENTRE
Prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Maître Franck Z..., membre de la SCP SOREL, avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Maître Marie-Paule A..., membre de la B... , avocat au barreau de BOURGES,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 17 Juillet 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 12 avril 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 14 JUIN 2018, à 9 heures 30, devant Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Greffier lors des débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier lors du prononcé : Madame Irène C...

ARRÊT :

Prononcé le 18 OCTOBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon contrat en date du 30 septembre 2009, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Centre a consenti à la S.A.R.L.VIGITRONIC un prêt de 35.000 euros remboursable en 60 échéances au taux de 4,05%.

Le même jour, Monsieur Pascal Y..., gérant de la société, s'est porté caution de ce prêt à hauteur de 22.500 euros pendant 60 mois.

La société VIGITRONIC a été placée en redressement judiciaire le 25 mai 2010 et la Caisse d'Epargne a déclaré sa créance.

Par jugement du 30 novembre 2010, le tribunal de commerce de Tours a converti le redressement en liquidation judiciaire et le 18 août 2011 le liquidateur à cette liquidation judiciaire a délivré à la Caisse d'Epargne un certificat d'irrecouvrabilité de sa créance.

Après avoir vainement mis en demeure Monsieur Y... d'honorer ses engagements, la Caisse d'Epargne l'a assigné le 17 mars 2016 devant le tribunal de commerce de Tours en réclamant sa condamnation à lui verser une somme de 22.750 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 août 2011 et a sollicité la capitalisation des intérêts.

Par jugement en date du 21 avril 2017, le tribunal a fait droit à ces demandes en accordant à Monsieur Y... un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette au moyen de 23 versements mensuels de 50 euros le dernier du solde et a alloué à la Caisse d'Epargne une indemnité de procédure de 300 euros.

Monsieur Y... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 17 juillet 2017.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :
-le 26 décembre 2017 par l'appelant
-le 24 octobre 2017 par l'intimée.

Monsieur Y... sollicite l'infirmation du jugement déféré. Il demande tout d'abord à la cour de retenir que son engagement de caution était disproportionné. A titre subsidiaire, il soutient que l'établissement bancaire a manqué à son devoir de mise en garde, ce qui justifie l'octroi de 22.500 euros de dommages et intérêts. Très subsidiairement, il fait valoir que la banque a commis une réticence dolosive sur la mise en oeuvre de la garantie OSEO, ce qui rend son cautionnement nul et, très infiniment subsidiairement, demande que le jugement déféré soit confirmé en ce qu'il lui a accordé des délais de paiement sauf à dire que, du fait de l'effet suspensif de l'appel, le premier versement n'aura lieu qu'à l'expiration d'un délai de 30 jours courant à compter de la signification du présent arrêt et que, pendant la période de suspension, les sommes dues ne porteront pas intérêts. En toutes hypothèses il demande que lui soit allouée une indemnité de procédure de 1.500 euros.

Il fait valoir que le délai de prescription a commencé à courir à compter du jour où il a su que les obligations étaient mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal, soit à compter de l'assignation qui lui a été délivrée le 17 mars 2016 ; qu'il avait souscrit de précédents engagements de caution auprès de la CRCAM de la Touraine et du Poitou, ce que l'établissement prêteur n'ignorait pas, et que c'est également à travers l'assignation qu'il a compris qu'il ne serait pas garanti par l'organisme OSEO. Il fait valoir qu'il ne percevait que 650 euros au moment de la souscription de son engagement ; qu'il était en procédure de divorce et pensait que la garantie souscrite auprès d'OSEO se substituerait à ses obligations s'il venait à être actionné ; que sa situation financière actuelle ne lui permet pas d'honorer ses engagements puisqu'il perçoit 1.232 euros mensuels et verse une pension alimentaire de 200 euros ; qu'il n'était enfin aucunement une caution avertie puisqu'il a une formation de technicien et n'avait jamais géré d'entreprise auparavant.

La Caisse d'Epargne sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur Y... mais à son infirmation pour le surplus en demandant à la cour de déclarer l'appelant irrecevable en sa demande tendant à obtenir paiement de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde, de débouter Monsieur Y... de sa demande de délais de paiement et de le condamner à lui verser une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP SOREL et associés.

Elle soutient que la demande concernant la disproportion est prescrite puisque le délai de prescription commence à courir à compter de la souscription du contrat de prêt et que Monsieur Y... a pour la première fois fait état d'une disproportion et de manquements plus de cinq ans après la souscription du prêt ; qu'en toute hypothèse ses demandes sont sans pertinence puisqu'il ne peut se fonder sur sa déclaration de revenus 2009 alors que, dans la fiche de renseignements qu'il a remplie avant de s'engager, il a déclaré des revenus mensuels de 1.750 euros ; que l'appelant ne l'a pas informée qu'il s'était précédemment porté caution ; que son épouse travaillait ; qu'il avait déclaré des charges de 597 euros et qu'il n'existait donc pas de disproportion manifeste. Elle prétend par ailleurs que Monsieur Y..., gérant depuis 2007 de la société garantie, était une caution avertie et que le prêt était adapté aux ressources de l'emprunteur, lequel n'était pas Monsieur Y.... Elle fait valoir que la garantie OSEO était clairement exposée et qu'en tout état de cause l'appelant ne démontre pas qu'elle ait été déterminante dans sa décision de s'engager puisqu'il a renoncé au bénéfice de discussion et de division. Enfin elle souligne que Monsieur Y... a bénéficié de larges délais puisqu'il a été mis en demeure de s'exécuter dès l'année 2011.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu qu'aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Attendu que, l'intimée demande à la cour de suivre la jurisprudence de la cour d'appel de Bourges qui a jugé prescrite la caution qui n'agit pas dans le délai de 5 ans suivant son engagement ;

Que cependant rien ne démontre que cet arrêt soit irrévocable et que cette cour préfère quant à elle se référer à la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui retient, s'agissant de l'action en responsabilité engagée contre une banque par une caution à raison de la disproportion de son engagement, que le délai prévu par l'article L. 110-4 du Code de commerce commence à courir le jour où la caution a eu connaissance de ce que les obligations résultant de son engagement de caution étaient mises à exécution par le créancier (Cf notamment : Cass. com. 12 mai 2004, no 02-17.735 ; Cass. D.... 17 décembre 2003, no02- 17.320 ; Cass D.... 4 mai 2017, no 15-22.830) ;

Que la Caisse d'Epargne ayant mis Monsieur Y... en demeure d'exécuter ses engagements le 24 août 2011, le délai de prescription expirait le 15 août 2016 et qu'il résulte des écritures de l'intimée (page 5) que l'appelant a fait état pour la première fois des manquements de la banque et de la disproportion existante dans des écritures en date du 17 juin 2016 ;

Que le délai de prescription n'était donc pas expiré lorsque Monsieur Y... a invoqué l'existence d'une disproportion de ses engagements à ses ressources et patrimoine ;

Attendu que l'appelant a renseigné une fiche de ressources et charges dans laquelle il a déclaré percevoir un revenu mensuel de 1.750 euros et que, tenu d'une obligation de loyauté dans ses déclarations qu'il a affirmé être sincères et véritables, il ne peut aujourd'hui soutenir que cette déclaration était erronée puisqu'il ne percevait que 650 euros mensuels ;

Qu'il a déclaré exposer des charges mensuelles de 597 euros comprenant le remboursement d'un prêt personnel et le versement d'une pension alimentaire ;

Qu'il résulte donc de cette fiche que la caution disposait de revenus nets mensuels de 1.153 euros ;

Qu'il est indiqué sur cette même fiche de renseignements que Monsieur Y... ne dispose d'aucun patrimoine mobilier ou immobilier ;

Attendu qu'à supposer même que l'on retienne le raisonnement de la banque de ce qu'un engagement de caution pour un montant inférieur aux revenus annuels de la caution n'est pas disproportionné, il ne peut qu'être en l'espèce observé que l'engagement de Monsieur Y... à hauteur de 22.500 euros équivalait à plus de 19 mois des entiers revenus nets de l'appelant, ce qui est bien supérieur à une année de revenus ;

Que, même en retenant l'argument de la Caisse d'Epargne de ce que l'épouse de Monsieur Y... travaillait et pouvait assumer les charges de la famille ce qui permettait à la caution de consacrer l'intégralité de ses revenus au remboursement, l'engagement de l'appelant était manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine ;

Que la banque, sur laquelle pèse la charge de cette preuve, ne justifie pas et ne prétend même pas que les ressources de Monsieur Y... lorsqu'il a été appelé lui permettent de s'acquitter des sommes dont il est redevable ;

Que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres arguments de l'appelant, il convient de déclarer l'engagement souscrit le 30 septembre 2009 inopposable à la caution et de débouter l'établissement prêteur de l'intégralité de ses demandes ;

Attendu que la Caisse d'Epargne, succombant à l'instance, en supportera les dépens sans qu'il y ait lieu cependant de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARE inopposable à Monsieur Pascal Y... l'engagement de caution qu'il a souscrit le 30 septembre 2009 pour garantir la bonne fin des engagements de la société VIGITRONIC au profit de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Centre

DEBOUTE en conséquence la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Centre de l'intégralité de ses demandes,

DEBOUTE Monsieur Pascal Y... de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Centre aux dépens de première instance et d'appel,

ACCORDE à Maître X..., avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Irène C..., Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/022111
Date de la décision : 18/10/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-10-18;17.022111 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award