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11/10/2018 | FRANCE | N°18/005791

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 11 octobre 2018, 18/005791


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/10/2018
la SELARL LUGUET DA COSTA
la X...

ARRÊT du : 11 OCTOBRE 2018

No : 313 - 18 No RG : 18/00579

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MONTARGIS en date du 01 Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SCI DU [...]
Société Civile Immobilière au capital de 1 000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'ORLEANS sous le numéro 487 55

2 507, ayant son siège social [...] , agissant en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Me...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/10/2018
la SELARL LUGUET DA COSTA
la X...

ARRÊT du : 11 OCTOBRE 2018

No : 313 - 18 No RG : 18/00579

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MONTARGIS en date du 01 Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SCI DU [...]
Société Civile Immobilière au capital de 1 000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'ORLEANS sous le numéro 487 552 507, ayant son siège social [...] , agissant en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Me Y... DA COSTA de la SELARL LUGUET DA COSTA, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE
prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Me Julie Z..., de la X... , avocat au barreau de MONTARGIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 26 Février 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 14 JUIN 2018, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Greffier ayant assisté aux débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier ayant assisté au prononcé du délibéré : Madame Irène ASCAR, Greffier placé,

ARRÊT :

Prononcé le 11 OCTOBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon acte authentique en date du 11 décembre 2009, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire (la CRCAM) a consenti à la SCI du [...] un prêt immobilier d'un montant de 450.000 euros remboursable en 300 mensualités au taux nominal de 4,36% avec un différé total de 24 mois. Ce prêt a été garanti par l'inscription d'un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle.

La CRCAM a prononcé la déchéance du terme le 11 janvier 2016 et a, le 4 août 2016, délivré à la SCI commandement de payer valant saisie immobilière avant de l'assigner devant le juge de l'exécution de Montargis afin de voir fixer le montant de sa créance et ordonner la vente forcée de l'immeuble.

Par jugement en date du premier février 2018, le juge de l'exécution a déclaré prescrites les contestations relatives au caractère erroné du taux effectif global (TEG) et du taux de période, fixé la créance de la CRCAM et ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI et sis [...] .

La SCI a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 26 février 2018.

Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de juger que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée et que la créance de la CRCAM se limite aux seules échéances impayées, de la recevoir dans sa contestation du taux d'intérêt et d'en prononcer la nullité en substituant le taux légal au taux contractuel et en condamnant l'intimée à lui restituer le montant des intérêts contractuels perçus sous déduction des intérêts calculés au taux légal, d'ordonner la compensation entre les créances respectives, d'enjoindre à la CRCAM de communiquer un décompte de créance actualisé et détaillé et de débouter l'intimée de toutes ses prétentions en ordonnant la mainlevée de la mesure de saisie. Au cas où subsisterait une créance résiduelle liquide et exigible elle sollicite la réduction de l'indemnité forfaitaire d'exigibilité anticipée à la somme d'un euro, des délais de paiement sur 24 mois et subsidiairement l'autorisation de vendre amiablement son bien moyennant le prix de 200.000 euros. En tout état de cause elle réclame versement de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la CRCAM à supporter les dépens dont distraction au profit de la Selarl LUGUET-DA COSTA.

Elle fait valoir qu'en application des dispositions des anciens articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, la Cour de cassation juge que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme celle-ci, sauf disposition expresse et non équivoque, ne peut être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet après avoir précisé le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; que les dispositions contractuelles de l'espèce ne prévoient aucunement que la déchéance du terme peut intervenir de plein droit et que le courrier adressé le 21 décembre 2015 ne vise pas expressément la déchéance du terme. Elle se prévaut de la nullité du TEG qui serait erroné et fait valoir qu'aucune prescription ne peut lui être opposée puisque l'acte de prêt ne comprend pas de tableau d'amortissement sans lequel il n'est pas possible de contrôler le TEG ; qu'en tout état de cause la prescription ne peut être opposée à son argumentation relative au taux de période et à la durée de la période, le délai de prescription n'ayant commencé à courir qu'à compter du premier juin 2016, date de l'arrêt rendu par la Cour de cassation ayant imposé ces mentions. Elle reproche en outre au tribunal d'avoir retenu qu'elle n'avait effectué aucune démarche tendant à la vente amiable de son bien et produit deux mandats de vente en soutenant qu'un éventuel acquéreur se montre intéressé.

La CRCAM conclut à la confirmation du jugement déféré, au rejet des contestations formées par l'appelante et à sa condamnation à lui verser une indemnité de procédure de 2.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la X... .
Elle rappelle que le prêt en cause n'est pas soumis aux dispositions du code de la consommation. Elle soutient qu'elle n'était pas tenue d'adresser une lettre recommandée le contrat de prêt prévoit une stipulation expresse et non équivoque dispensant le créancier de mise en demeure préalable. Elle fait valoir qu'elle a adressé une lettre de mise en demeure parfaitement explicite le 21 décembre 2015 et que l'appelante prétend sans bonne foi ne pas avoir compris que l'absence d'exécution entraînerait la déchéance du terme alors qu'étaient indiquées au verso l'intégralité des sommes qui deviendraient exigibles et elle affirme avoir en conséquence prononcé régulièrement la déchéance du terme le 11 janvier 2016
Elle rappelle que la SCI était une professionnelle ayant contracté un emprunt pour acquérir un immeuble à usage locatif et que le délai de prescription concernant tant sa contestation du TEG que celle du taux et de la durée de période a commencé à courir à compter de la conclusion du prêt. Elle prétend que la clause pénale n'est pas excessive et a été expressément acceptée par la SCI débitrice. Enfin elle s'oppose à tout délai et à une possibilité de vente amiable, la SCI n'ayant signé des mandats de ventes que postérieurement au jugement déféré et ne faisant état d'aucun acquéreur sérieux.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que la clause « déchéance du terme » du contrat est ainsi rédigée : « Le remboursement du prêt pourra être exigé immédiatement et en totalité en cas de survenance de l'un ou l'autre des événements ci-après :- en cas de non-paiement de sommes exigibles, au titre du présent prêt ou de tout autre prêt consenti par le prêteur. Le prêteur rendra sa créance exigible par une lettre recommandée avec accusé de réception sans autre formalité. L'emprunteur disposera d'un délai de huit jours francs après la date d'envoi de la lettre recommandée pour verser au prêteur la totalité de la créance.» ;

Que la formulation employée informe clairement l'emprunteur de la possibilité offerte au prêteur de rendre sa créance exigible sans formalité préalable à la seule condition d'en informer l'emprunteur, lequel, professionnel, était parfaitement à même de comprendre les implications de cette disposition contractuelle ;

Que c'est donc sans pertinence que l'appelante prétend que la lettre recommandée qui l'informait des risques de recouvrement par voie judiciaire en cas de non paiement des sommes rendues exigibles par la lettre recommandée qu'elle a reçue n'est pas de nature à suppléer l'absence d'information explicite sur le risque d'une déchéance du terme puisqu'une telle information n'avait pas à lui être donnée ;

Attendu qu'en application d'une jurisprudence constante, une SCI ne peut être considérée comme consommateur que lorsqu'elle a un caractère familial et décide exclusivement d'opérations à caractère familial, telle l'acquisition d'un logement pour la famille des associés (Cass. civ 1ère 14 octobre 2015 no14-24185) ;

Attendu qu'en l'espèce il n'est pas soutenu que la SCI SAMOURAÏ aurait un caractère purement familial ;

Que, surtout, il ressort de la lecture de l'acte notarié de prêts (pièce 1 de l'appelante) qu'elle a contracté le premier prêt en indiquant expressément qu'il s'agissait d'un "prêt professionnel" et en précisant qu'il avait pour objet de financer des travaux pour "aménagement d'un bâtiment à usage locatif";

Que, pour le second prêt, il a été porté la précision qu'il s'agissait là encore d'un prêt professionnel et que les fonds obtenus avaient pour objet "l'aménagement d'un bâtiment à usage professionnel" ;

Attendu que sans même avoir à rechercher si la SCI est ou non exclusivement composée des membres de la même famille, il ne peut donc qu'être retenu qu'elle a contracté des prêts de nature purement professionnelle dans un but entrant dans son objet social professionnel ;

Que le caractère professionnel du prêt est dès lors établi et que le délai de prescription applicable est donc de cinq années (Cass. Civ 1ère 1er juin 2016, no 15-16380) ;

Attendu que la SCI, qui n'est pas un consommateur au sens des dispositions du code de la consommation, était, lors de la souscription du prêt, détenue par la société holding ASSET MANAGEMENT dont le nom démontre l'implication dans la gestion financière, et à hauteur de 2% seulement par Monsieur et Madame B... ;

Qu'elle ne saurait dès lors prétendre qu'elle n'aurait eu connaissance du caractère erroné du TEG qu'après en avoir sollicité l'étude par un "spécialiste" alors qu'elle disposait des connaissances pour procéder elle-même à ce calcul ;

Que, contrairement à ce qu'elle soutient, elle disposait des informations nécessaires pour y procéder puisque l'officine qu'elle a consultée s'est exclusivement fondée sur les éléments contenus dans l'offre de prêt, le contrat de prêt et le tableau d'amortissement pour établir son rapport ;

Que, si le tableau d'amortissement ne paraît pas avoir été annexé à l'acte notarié, les conditions financières indiquent expressément la durée totale, le taux proportionnel, la périodicité mensuelle, le montant des échéances, les dates de la première et de la dernière échéance, les frais de dossier, la somme des intérêts, la somme des ADI, le coût total du crédit et le montant du TEG ce qui établit que la SCI, avait connaissance, dès la conclusion du contrat de prêt, des modalités de calcul et qu'elle aurait pu les vérifier dès le 11 décembre 2009 ;

Que le délai de prescription commence à courir à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait du connaître le vice affectant l'acte de vente et que ce délai a commencé à courir à compter de la signature de l'acte de prêt tant pour le prétendu caractère erroné du TEG que pour l'absence de mention du taux de période et de la durée de période, l'appelante soutenant sans aucune pertinence que le point de départ de ce délai devrait être repoussé au premier juin 2016, date à laquelle la Cour de cassation aurait pour la première fois reconnu le caractère obligatoire de ces mentions ;

Qu'elle était donc prescrite en faisant état, après le 12 décembre 2014, de l'absence de validité du TEG et des mentions obligatoires concernant le taux et la durée de période ;

Attendu que la créance de la banque n'est subsidiairement pas contestée, la SCI demandant exclusivement que l'application de la clause pénale soit réduite à 1 euro symbolique eu égard à sa situation financière ;

Que, sans même tenir compte du fait qu'une clause pénale répare forfaitairement le préjudice du créancier sans prendre nécessairement en compte la situation financière du débiteur, l'appelante ne produit aucun bilan ou relevé de ses actifs immobiliers et n'indique pas en quoi l'indemnité forfaitaire serait manifestement excessive ;

Attendu que le solde du prêt est exigible depuis 5 ans sans que la SCI ne justifie d'un quelconque paiement ;

Qu'elle produit devant la cour deux mandats non exclusifs de vente datés des 8 et 14 février 2018, qui sont donc postérieurs au jugement déféré, et un courrier de M. Oussama A... manifestant le souhait d'acquérir le bien sans formuler cependant le moindre engagement ;

Que c'est dès lors à raison, au regard de ce qui vient d'être exposé que l'intimée fait valoir que ces documents ont été établis uniquement pour les besoins de la présente procédure et n'apportent pas la preuve d'une véritable recherche d'acquéreur ;

Que la SCI ne justifie dès lors aucunement de ce qu'une vente amiable pourrait se conclure dans des conditions et délais satisfaisants ;

Attendu enfin que la demande tendant à l'octroi de délais de paiement n'était formée que pour le cas où la créance de la CRCAM serait réduite et que son montant aurait permis à la SCI de s'en acquitter sur 24 mois ;

Que tel n'étant pas le cas, il n'y a pas lieu d'examiner cette demande ;

Attendu qu'il convient en conséquence de débouter la SCI de l'ensemble de ces demandes, de la condamner aux dépens et d'allouer une indemnité de procédure à l'intimée ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

DÉBOUTE la SCI du [...] de l'ensemble de ses demandes,

CONFIRME la décision entreprise,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SCI du [...] à payer à la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI du [...] aux dépens d'appel,

ACCORDE à la X... , avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Irène ASCAR, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/005791
Date de la décision : 11/10/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-10-11;18.005791 ?
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