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11/10/2018 | FRANCE | N°17/007261

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 11 octobre 2018, 17/007261


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/10/2018
la X...
la SCP ARCOLE

ARRÊT du : 11 OCTOBRE 2018

No : 304 - 18 No RG : No RG 17/00726

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 10 Février 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SAS BOUYGUES IMMOBILIER
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

représentée par Me François Y... de la X... , avocat au barreau d

'ORLEANS, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Maître James Z... membre de la A... AVOCATS, avocat au barreau de ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/10/2018
la X...
la SCP ARCOLE

ARRÊT du : 11 OCTOBRE 2018

No : 304 - 18 No RG : No RG 17/00726

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 10 Février 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SAS BOUYGUES IMMOBILIER
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

représentée par Me François Y... de la X... , avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Maître James Z... membre de la A... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SAS BRUNET
venant aux droits de la société LOISEAU agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

représentée par Me Vincent B... de la SCP ARCOLE, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 Février 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 décembre 2017

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 14 JUIN 2018, à 14 heures , Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Greffier ayant assisté aux débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier ayant assisté au prononcé du délibéré : Madame Irène ASCAR, Greffier placé,

ARRÊT :

Prononcé le 11 OCTOBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant marché en date du 1er juin 2010, la société BOUYGUES IMMOBILIER maître d'ouvrage d'un ensemble immobilier dénommé EHPAD les Dames Blanches et Patio Courteline à TOURS, a confié à la société LOISEAU aux droits de laquelle vient la société BRUNET à la suite d'une fusion absorption, un marché de travaux en corps d'état séparés portant sur les lots 18, 19 et 20 correspondant à la plomberie, aux sanitaires et au chauffage.

Le prix du marché stipulé global, forfaitaire, ferme non actualisable et non révisable était de 972.310 euros.

Des travaux supplémentaires et modificatifs ont été régularisés par ordres de services.

Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 17 avril 2012 pour l'EPHAD des Dames Blanches et le 21 mai 2012 pour Le Patio Courteline.

Par lettre du 9 octobre 2012, visant l'application des pénalités de retard, le maître d'oeuvre a mis en demeure la société BRUNET de lever les réserves annexées au courrier avant le 17 octobre 2012.

La société BRUNET ayant vainement mis en demeure la société BOUYGUES IMOBILIER de lui payer la somme de 78.064,61 euros correspondant au décompte général définitif établi le 5 septembre 2014 par la société POLYTEC, l'a fait assigner en référé devant le président du tribunal de commerce de Tours le 27 février 2015, aux fins d'obtenir sa condamnation à titre provisionnel à lui payer cette somme.

L'ordonnance de référé du 27 février 2015 ayant accueilli la demande de la société BRUNET, a été infirmée par arrêt de cette cour du 17 décembre 2015, qui a renvoyé les parties à se pourvoir au fond en raison de l'existence d'une contestation sérieuse aux motifs que le décompte sur lequel se fondait la société BRUNET n'était pas signé par la société BOUYGUES IMMOBILIER et que le montant des pénalités réclamées par le maître d'ouvrage excédait celui du solde des travaux.

Par acte du 14 septembre 2015, la société BOUYGUES IMMOBILIER a fait assigner la société BRUNET devant le tribunal de commerce de Tours à l'effet de voir constater que le décompte du 5 septembre 2014 notifié par POLYTEC ne respectait pas le formalisme contractuel et ne lui était pas opposable, que les réserves n'avaient pas été levées dans le délai de 30 jours à compter de la réception, de voir condamner la société BRUNET à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme de 248.296,56 euros au titre des pénalités de retard et celle de 10.000 euros pour frais de procédure.

La société BRUNET, qui s'est opposée aux demandes, a sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de la société BOUYGUES IMMOBILIER à lui payer la somme de 81.712,24 euros avec intérêts à compter du 24 septembre 2012 au taux de l'article L 441-6 du code de commerce à titre de solde du marché, de limiter les pénalités de retard susceptibles de lui être appliquées à l'euro symbolique ou à tout le moins à la somme maximale de 3.039,86 euros et d'ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties.

Par jugement du 10 février 2017, le tribunal a débouté la société BOUYGUES IMMOBILIER de toutes ses prétentions, l'a condamnée à payer à la société BRUNET la somme de 81.712,24 euros à titre de solde de son marché, assortie des intérêts au taux de l'article L 441-6 du code de commerce à compter du 24 septembre 2012 outre capitalisation et une somme de 3.000 euros pour frais de procédure.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que les nouvelles réserves figurant sur le tableau de suivi annexé à la mise en demeure du 9 octobre 2012 ne correspondaient pas à celles portées sur les procès-verbaux de réception, qu'à la date à laquelle l'acquéreur Monsieur C... avait formé sa réclamation en octobre 2013, la garantie de parfait achèvement était expirée, que ni les dysfonctionnements concernant les travaux de renforts de baignoires et leur contrôle de conformité ni la réclamation de Monsieur C... ne faisaient partie des réserves formulées lors de la réception des travaux, que la société BOUYGUES qui contestait l'opposabilité du décompte du 5 septembre 2014 notifié à la société BRUNET par la société POLYTEC n'avait pas communiqué, comme il le lui avait été demandé, le contrat la liant à cette société afin de clarifier leurs relations contractuelles et que le tribunal ne pouvait pas vérifier le bien fondé des pénalités de retard pour un montant de 3.039,96 euros figurant sur le décompte de la société POLYTEC.

La société BOUYGUES IMMOBILIER a relevé appel de la décision le 28 février 2017.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :
- le 13 décembre 2017 par la société BOUYGUES IMMOBILIER,
- le 31 mai 2017 par la société BRUNET.

La société BOUYGUES IMMOBILIER, qui sollicite l'infirmation de la décision dont appel, demande à la cour, à titre principal, de déclarer que le décompte du 5 septembre 2014 qui a été notifié par la société POLYTEC, qu'elle n'a pas signé et qui ne respecte pas le formalisme contractuel, ne lui est pas opposable, de déclarer la société BRUNET responsable du retard dans la levée des réserves de réception de livraison et de parfait achèvement rendant exigible et certaine la créance de pénalités de retard à hauteur de 274.476 euros et de la condamner à lui payer la somme de 248.296,56 euros à titre de pénalités en application de l'article 36 du CCCM outre intérêts au taux contractuel à compter du 4 décembre 2014, et à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour prononcerait une condamnation à son encontre, de débouter la société BRUNET de sa demande d'intérêts au taux de l'article L 441-6 du code de commerce. Il est réclamé, en tout état de cause, la somme de 5.000 euros pour frais de procédure de première instance et de 10.000 euros pour les frais d'appel.

Elle soutient que le décompte du 5 septembre 2014 invoqué par la société BRUNET n'a pas de caractère définitif et qu'il ne lui est pas opposable dans la mesure où le formalisme contractuel n'a pas été respecté puisqu'elle ne l'a pas signé comme l'exige l'article 6.3 de la norme AFNOR NFP 03001 et que la société POLYTEC qui l'a signifié n'avait pas le pouvoir de la représenter.

Elle expose que les réserves de réception ont été postérieurement complétées par des réserves relevant de la garantie des vices apparents et du parfait achèvement, que la société BRUNET a été régulièrement mise en demeure le 9 octobre 2012 par le maître d'oeuvre IN SITU de lever les réserves énumérées dans le tableau de suivi, qu'elle a par la suite été confrontée à deux problèmes, le premier de renfort et de conformité des baignoires qui a conduit le maître d'oeuvre POLYTEC à réclamer le 1er octobre 2013 à la société BRUNET une attestation de contrôle de toutes les baignoires et de reprise de celles non conformes qui ne lui a été fournie que le 18 novembre 2013, le second concernant la réclamation d'un acquéreur Monsieur C... formulée le 3 octobre 2013 qui l'a amenée à mettre en demeure le 14 octobre 2013 la société BRUNET de remédier à ce désordre, puis à faire intervenir une tierce entreprise du fait de sa défaillance et une fois les causes de ce désordre identifiées, à demander à la société BRUNET de contrôler l'ensemble des logements et de procéder au remplacement du raccord défectueux équipant les ballons d'eau chaude, contrôles dont l'entreprise a justifié s'être acquittée par lettre du 30 octobre 2014. Elle indique que c'est dans ces conditions qu'elle a notifié à la société BRUNET le 4 décembre 2014 un décompte général afin de liquider les pénalités de retard dues en application des dispositions du marché et du cahier des clauses et charges applicables aux marchés de travaux en corps d'état séparés (CCCM), à la date du 18 novembre 2013 correspondant à l'attestation de recalage et de contrôle des baignoires et non à la date de signature du procès-verbal de levée des réserves du 10 juin 2014, établi à la suite du remplacement des raccords des chauffe-eau, dont elle précise qu'il ne vaut pas renonciation à se prévaloir des pénalités de retard mais démontre de manière incontestable la date de levée des réserves.

Elle affirme que sa créance est par conséquent certaine, liquide et exigible et que la société BRUNET ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a levé les réserves et se soit acquittée de ses obligations dans les délais impartis.

Elle estime avoir fait une application proportionnée des pénalités de retard puisqu'elle les a ramenées de 718 jours à 514 jours et ne les a pas cumulées par réserves non levées, et souligne que le montant des travaux commandés à la société BRUNET s'élèvent, ordres de service modificatifs inclus, à la somme de 1.120.000 euros HT.

Elle fait observer subsidiairement que les factures émises par la société BRUNET avant la levée des réserves le 10 juin 2014 n'étaient pas exigibles, que celle-ci ne peut réclamer des intérêts moratoires qu'à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2014 et que les dispositions de l'article L 441-6 du code de commerce qui ne sont pas mentionnées dans la facture ne sont pas applicables en l'espèce s'agissant de travaux de plomberie.

La société BRUNET, qui entend voir confirmer la décision dont appel, en ses dispositions qui lui sont favorables, souhaite subsidiairement, voir limiter les pénalités de retard à l'euro symbolique ou à tout le moins à la somme de 3.039,86 euros et voir ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties. Elle réclame en tout état de cause une somme de 10.000 euros pour frais de procédure.

Elle dénonce l'incohérence et l'imprécision de la société BOUYGUES IMMOBILIER qui se prévaut pour justifier de sa demande de pénalités pour non levée des réserves, d'un problème de contrôle de baignoires et d'une réclamation de Monsieur C... formulées en octobre 2013 qui sont sans lien avec la liste des réserves visées en annexe des deux procès-verbaux de réception des 17 avril et 21 mai 2012 et qui ne s'explique pas davantage sur le point de départ des pénalités de retard.

Elle fait valoir que la lettre du 9 octobre 2012 qui fait état de réserves à la livraison et non de griefs de parfait achèvement ne constitue pas une notification au sens de l'article 39 C du CCCM dans la mesure où elle n'émane pas du promoteur mais du maître d'oeuvre et que par conséquent elle n'a pas fait courir le délai d'un mois pour lever les réserves et calculer le point de départ des pénalités, que s'agissant des griefs de parfait achèvement, le délai de 30 jours susceptible d'entraîner des pénalités de retard n'a jamais commencé à courir, la société BOUYGUES IMMOBILIER ne justifiant pas de l'envoi par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre de la lettre de notification prévue par l'article 42 du CCCM d'avoir à procéder aux travaux de reprise des désordres apparus dans le délai de parfait achèvement, que le contrôle généralisé des baignoires n'est pas assimilable à des réserves et que la vérification de l'ensemble des ballons d'eau chaude à la suite de la réclamation de Monsieur C... qui est postérieure à l'expiration de la garantie de parfait achèvement n'entre pas dans cette garantie, de sorte que les audits des baignoires et ballons d'eau chaude qu'elle a réalisés ne peuvent être retenus comme le point d'achèvement de la levée des réserves.

Elle estime que le décompte définitif qui lui a été notifié par la société POLYTEC le 5 septembre 2014 doit être entériné en dépit de son irrégularité formelle dès lors qu'il est conforme à la réalité et fait observer que la société BOUYGUES IMMOBILIER n'a jamais contesté l'avoir annoté ni en être l'auteur.

Elle demande à la cour, dans l'hypothèse où elle retiendrait des pénalités de retard, de faire application des dispositions de l'article 1152 alinéa 2 du code civil au regard du montant des pénalités qui représentent 25% du montant du marché et en l'absence de préjudice du maître de l'ouvrage.

SUR CE

Attendu que suivant marché de travaux en corps d'état séparés en date du 1er juin 2010, à pris global forfaitaire de 972.310 euros HT, la société BOUYGUES IMMOBILIER en qualité de maître d'ouvrage a confié à la société LOISEAU les lots no18 plomberie/ sanitaire, No 19 VMC CCTP logements, no 19 plomberie /sanitaire, no20 chauffage/ventilation/désenfumage CCTP EHPAD, la maîtrise d'oeuvre étant assurée par un groupement de maîtrise d'oeuvre composée notamment de l'agence IN INSITU et de la société POLYTEC ;

Attendu que l'article 5 du marché mentionne que les pièces contractuelles sont composées notamment 1- du règlement particulier d'appel d'offres, 2 - du marché de travaux 3- de ses annexes, 4 - des pièces visées à l'article 04B du CCCM applicables aux marchés de travaux en corps d'état séparés, 5- du CCCM et de ses annexes ;

Attendu que l'article 2 du CCCM signé par les parties stipule que le CCCM se substitue pour ce qui y est prévu au cahiers clauses générales applicables aux travaux du bâtiment faisant l'objet de marchés privés édités par L'AFNOR, conformément à la norme NFP 03-001 qui fait expressément partie des documents contractuels généraux et que le CCCM a une valeur contractuelle supérieure ; que l'article 5 précise qu'en cas de contradiction entre les documents contractuels d'ordre général et les documents contractuels d'ordre particulier, ces derniers prévaudront ;

Attendu que l'article 14 du marché intitulé pénalités - primes prévoit des pénalités pour non respect du délai global de 534 euros HT par jour calendaire de retard et des pénalités pour non levées de réserves passé le délai de 30 jours pour lever les réserves comme indiqué à l'article 38 du CCCM d'un même montant ;

Attendu que l'article 38 du CCCM mentionne que le montant des pénalités pour retard dans la terminaison effective de l'ouvrage et partie de l'ouvrage est fixé par le marché qu'elles ne sont pas plafonnées et sont exprimées hors taxes ; qu'il comporte un alinéa b) ainsi rédigé : lorsque consécutivement à une clause du marché, à un ordre de service ou à une notification du maître d'oeuvre par tout moyen écrit (compte rendu de chantier, courrier, télex, télécopie...) l'entrepreneur aura une tâche déterminée à exécuter ou des documents déterminés à fournir dans un délai donné, elle supportera en cas de non respect de ce délai les pénalités prévues au marché ;

Que l'article 39 B relatif à la réception stipule que la levée des réserves s'effectuera impérativement dans un délai maximum de 30 jours,
Que l'article 39 C concernant les vices apparents prévoit que la société établira, en présence de l'acquéreur, en cas de vente, et seule en cas de non vente, la liste des vices apparents (Article 1642-1 du code civil) que cette visite aura lieu 2 mois au plus tard après la visite de réception, que la société notifiera cette liste à l'entrepreneur par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai légal d'un mois à compter de la prise de possession, l'acquéreur remettra le cas échéant à la société une liste complémentaire des vices et non conformités apparents (article 1642-1 du code civil, que la société notifiera cette liste à l'entrepreneur par lettre recommandée avec accusé de réception ; que cet article précise que contrairement aux dispositions de la NF 03.001, l'entrepreneur disposera d'un délai d'un mois à compter de la réception de la notification pour effectuer la totalité des reprises et obtenir quitus des acquéreurs ;

Que l'article 42 B 1 garantie de parfait achèvement mentionne que pendant cette période de garantie, l'entrepreneur, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui des articles 1792 et suivants et 2270 du code civil, est tenu de remédier à tous les désordres nouveaux, qu'il s'engage à remédier aux désordres constatés dans le délai de 30 jours calendaires, à dater de la mise en demeure effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception de la société ou du maître d'oeuvre ;

Attendu qu'il convient de trancher le différend opposant les parties sur la base de ces dispositions contractuelles qui constituent leur loi commune ;

I - sur le décompte du 5 septembre 2015 :

Attendu que la société BRUNET soutient qu'elle est bien fondée à se prévaloir du projet de décompte définitif établi par le maître d'oeuvre la société POLYTEC annoté par la société BOUYGUES qui retient un montant de pénalités de 3.039,36 euros et fait apparaître un solde en sa faveur de 78.064,61 euros après imputation des pénalités ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 36 du CCCM relatif au règlement définitif des comptes, les comptes qui sont soumis pour vérification au maître d'oeuvre sont approuvés par le maître de l'ouvrage ;

Qu'en vertu de l'article 6.3 de la norme AFNOR NFP 03-001 qui s'applique dès lors qu'aucune disposition particulière de rang supérieure ne vient y déroger, les communications et notifications de l'entrepreneur au maître de l'ouvrage et du maître de l'ouvrage à l'entrepreneur se font dans les formes et délais prévus dans les différents documents du marché, à défaut de dispositions particulières, elles sont faites par écrit, datées et signées, les communications sont adressées avec copie au maître d'oeuvre ;

Or attendu que le projet de décompte n'est pas signé par la société BOUYGUES de sorte qu'elle ne l'a pas approuvé et qu'il ne lui est pas opposable de sorte que la société BRUNET ne peut pas s'en prévaloir ;

II- sur l'application des pénalités :

Attendu qu'il ressort des procès verbaux de réception (pièces 3 de l'appelant) que les travaux relatifs à l'EHPAD Des Dames Blanches ont été réceptionnés le 17 avril 2012 avec 25 réserves concernant les chambres et parties communes et ceux relatifs au Patio Courteline l'ont été le 21 mai 2012 avec 1 réserve ;

Attendu que par lettre recommandée avec accusé de 9 octobre 2012 (pièce 4 appelant) adressée à la société BRUNET, l'agence IN SITU maître d'oeuvre lui écrivait : "vous ne vous êtes pas présenté, sur convocation du 21 septembre 2012 à la réunion de levée de réserves du dossier de Dames Blanches rue [...] que nous avons organisée sur site vendredi 27 septembre dernier" ; qu'elle l'a mise en demeure de lever les réserves reprises dans l'annexe jointe avant le 17 octobre 2012 et lui a rappelé que le retard dans la levée des réserves était passible de pénalités s'élevant à 534 euros HT par jour calendaire de retard passé le délai de trente jours suivant leur notification ;

Attendu que la société BOUYGUES qui soutient que les réserves de réception ont été complétées par les réserves relevant de la garantie des vices apparents ainsi que des réserves de parfait achèvement, affirme que la société BRUNET a été régulièrement mise en demeure par la lettre du 9 octobre 2012 dans la mesure où le maître d'oeuvre IN SITU assume aux termes du contrat de maîtrise d'oeuvre la mission de contrôle général des travaux comprenant l'établissement et la diffusion des comptes rendus des réunions de chantier qui seront maintenus jusqu'à la levée des réserves et le contrôle de la levée des réserves et l'obtention des quitus ; que le maître d'oeuvre était par conséquent parfaitement dans son rôle de direction, de surveillance et de contrôle de l'entreprise BRUNET en constatant son absence à la réunion de levée des réserves, en lui a rappelant ses obligations et la mettant en demeure de lever les réserves ; que la société BRUNET qui n'a pas contesté son obligation de lever les réserves visées par la mise en demeure du 9 octobre 2012 dans le délai de 8 jours de l'article 20 du CCCM est donc réputée avoir accepté l'ordre d'exécution du maître d'oeuvre qu'elle ne peut remettre en cause pour les besoins de la procédure ;

Mais attendu que les réserves reprises dans le tableau de suivi annexé à la lettre du 9 octobre 2012 qui son distinctes de celles listées dans les procès-verbaux de réception comme l'ont justement relevé les premiers juges, relèvent de la garantie des vices apparents en particulier le calage des baignoires et non de la garantie de parfait achèvement auquel le courrier ne fait pas référence ;

Attendu que la société BOUYGUES ne peut utilement opposer à la société BRUNET les stipulations du contrat de maîtrise d'oeuvre auquel elle n'est pas partie et qui ne figure pas au rang des documents régissant leurs relations contractuelles ; que par ailleurs la réception ayant été prononcée, seules trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article 39 C du CCCM à l'exclusion particulièrement de celles invoquées de l'article 20 qui concernent les conditions d'exécution des travaux avant réception ;

Qu'il s'ensuit que la notification des réserves contenues dans la lettre du 9 octobre 2012 aurait dû être effectuée par le maître de l'ouvrage comme prévu par l'article 39 comme le fait valoir à juste titre la société BRUNET et non par le maître d'oeuvre ; que par conséquent ce courrier n'a pas fait régulièrement courir le délai d'un mois pour lever les réserves, de sorte qu'aucune pénalité ne peut être réclamée à la société BRUNET au titre de ces réserves et en particulier au titre du calage des baignoires ;

Attendu en revanche que c'est régulièrement en application des dispositions de l'article 39 C que la société BOUYGUES a notifié par lettre du 3 octobre 2013, la réclamation de l'acquéreur Monsieur C... à la société BRUNET et qu'elle l'a mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception de remédier aux désordres affectant l'appartement ;

Attendu que c'est à tort que la société BRUNET fait valoir que la garantie d'achèvement était expirée à la date à laquelle la notification de la réclamation de Monsieur C..., alors qu'elle s'est engagée en vertu de l'article 39 C à intervenir dans le délai d'un mois à partir de la notification par le maître de l'ouvrage des vices et non conformités apparents dénoncés par l'acquéreur qui consistait en l'espèce en l'écoulement d'eau couleur rouille à la sortie des robinets ;

Attendu qu'il est établi par la réponse de la société BRUNET du 18 novembre 2013 qu'elle n'a pas été en mesure d'apporter une réponse à cette demande et par le courrier du 20 novembre 2013 de la société BOUYGUES que cette dernière a dû faire appel à une autre entreprise qui a identifié les causes de l'apparition de l'eau rouillée qui était due à la corrosion du raccord entre le ballon d'eau chaude et le flexible ;

Attendu que la société BRUNET qui est tenue à une obligation de résultat n'étant pas utilement intervenue dans le délai d'un mois suivant la notification de la réclamation de Monsieur C..., celle-ci est redevable des pénalités pour la période du 3 au 20 novembre 2013, soit de la somme de 9.078 euros (17 jours x 534 euros HT) ;

Attendu que faute de justifier que d'autres acquéreurs aient formulé une réclamation concernant l'oxydation de l'eau, la demande de la société BOUYGUES de vérifier les l'ensemble des raccords ne peut ouvrir droit à pénalités s'agissant d'une demande d'audit d'installation qui en l'absence de désordres ne rentre pas dans la garantie des vices apparents;

Attendu qu'il ressort de la lettre du 9 octobre 2012 du maître d'oeuvre que les réserves formulées à la réception étaient levées à cette date puisque le tableau annexé au courrier ne les reprend pas ;

Que par conséquent la société BOUYGUES ne peut prétendre à d'autres pénalités que celle retenues ci-dessus nonobstant les procès verbaux de levée des réserves alors même qu'il n'est pas établi que des réserves aient subsisté jusqu'à cette date ;

III - sur les sommes dues à la société BRUNET :

Attendu qu'au vu du montant du décompte définitif de 1.120.749,15 euros HT non discuté et du montant des pénalités retenu de 9.080 euros HT que rien ne justifie de les réduire, du montant du compte inter entreprises de 531,50 euros HT et des sommes déjà perçues de 1.258.739,96 euros, la société BRUNET est fondée à obtenir la condamnation de la société BOUYGUES à lui payer la somme de 70.180,67 euros TTC ;

Attendu que la société BRUNET réclame les intérêts au taux de l'article L 441-6 du code de commerce à compter du 24 septembre 2012 date de la facture d'un montant de 67.881,91 euros adressée en recommandée avec accusé de réception à la société BOUYGUES ;

Mais attendu que l'article L 441-6 du code de commerce exige pour faire courir les intérêts de retard que la demande de paiement présentée par le prestataire de service précise leurs conditions d'application ce qui n'est pas le cas en espèce la facture ne comportant aucune référence à ces dispositions ;

Attendu que s'agissant du solde d'un marché à forfait dont le montant a été arrêté judiciairement en raison du désaccord opposant les parties sur le montant des pénalités cette somme produira intérêts au taux légal de la signification de la présente décision ;

Attendu qu'il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en conséquence ;

Attendu qu'il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

Attendu qu'au regard de la nature de la décision et dans la mesure où l'appel n'est que partiellement fondé, chaque partie conservera la charge de ses dépens et il n'y a pas lieur de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort :

INFIRME le jugement déféré ;

STATUANT À NOUVEAU

CONDAMNE la société BOUYGUES IMMOBILER à payer à la société BRUNET la somme de 70.180,67 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ou contraires ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

DIT que chaque conservera la charge de ses dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/007261
Date de la décision : 11/10/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-10-11;17.007261 ?
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