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27/09/2018 | FRANCE | N°18/005781

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 27 septembre 2018, 18/005781


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/09/2018
Me X... Y...
la AARPI AARPI CATHELY ET ASSOCIES

ARRÊT du : 27 SEPTEMBRE 2018

No : 299 - 18 No RG : No RG 18/00578

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 16 Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SARL ELECTRONICS FOR IMAGING B.V. SARL de droit néérlandais
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette q

ualité audit siège
Tupolevlaan 65
1119 1119 PA SCHIHOL-RIJK PAYS-BAS

représenté par Me X... Y..., avocat au barreau d'...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/09/2018
Me X... Y...
la AARPI AARPI CATHELY ET ASSOCIES

ARRÊT du : 27 SEPTEMBRE 2018

No : 299 - 18 No RG : No RG 18/00578

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 16 Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SARL ELECTRONICS FOR IMAGING B.V. SARL de droit néérlandais
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Tupolevlaan 65
1119 1119 PA SCHIHOL-RIJK PAYS-BAS

représenté par Me X... Y..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant et de Me Loïc Z..., membre de la société BIRD et BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SAS SOCIETE FIGAROL
Prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Me Aurélie A..., membre de l'AARPI CATHELY ET ASSOCIES, avocat postulant, avocat au barreau de MONTARGIS, et ayant pour avocat plaidant Me Elise B..., membre de la société ARMAND ASSOCIES, avocat au barreau du MANS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 Mars 2018
ASSIGNATION A JOUR FIXE

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 21 JUIN 2018, à 9 heures 30, devant Mme Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Greffier ayant assisté aux débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier ayant assisté au prononcé du délibéré : Madame Irène ASCAR, Greffier placé,

ARRÊT :

Prononcé le 27 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

En décembre 2014, la société française FIGAROL a conclu avec la société Electronics for imaging Bv (EFI), de droit néerlandais appartenant au groupe EFI basé en Californie, un contrat d'achat d'un logiciel standard PARTNER et une application "partner web configuration" moyennant le prix de 113.354,78 euros.

Se plaignant d'une inadaptation de ce matériel, FIGAROL a, le 7 avril 2017, assigné EFI devant le tribunal de commerce de Tours aux fins de voir prononcer la résolution de la vente et obtenir la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 105.138,02 euros, outre 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens d'instance.

EFI a soulevé in limine litis une exception d'incompétence en se prévalant d'une clause de juridiction attribuant compétence exclusive aux juridictions du district nord de la Californie pour trancher ce litige.

Par jugement en date du 16 février 2018, le tribunal de commerce de Tours, s'est reconnu compétent pour trancher le litige et a invité les parties à conclure au fond. Pour statuer ainsi, il a retenu que le sous-paragraphe « f » concernant la loi applicable est noyé au milieu des 12 sous-titres du paragraphe 16 ; que la typographie du titre de ce sous-paragraphe est en caractère normal souligné alors que pour répondre au caractère suffisamment apparent, le sous-paragraphe aurait dû se situer au minimum au niveau du paragraphe et être en caractère gras souligné.

EFI a formé un appel sur la compétence et assigné à jour fixe FIGAROL en demandant à la cour d'annuler ou d'infirmer cette décision et de juger que la clause 19f des conditions générales qui désigne les juridictions du district nord de la Californie comme étant compétentes est applicable au litige et obtenir condamnation de l'intimée à lui verser une indemnité de procédure de 5.000 euros.
Elle soutient que son appel est recevable puisqu'il résulte du RPVA que ses conclusions y étaient jointes.

Elle fait valoir que la clause 19-f des conditions générales annexées au contrat d'achat daté du 16 décembre 2014 prévoit que : "Les parties consentent à ce que tous les litiges relatifs à l'accord de licence ou au logiciel soient tranchés par les juridictions étatiques et fédérales de Californie » ; que la confirmation de commande du 28 mai 2014 renvoie expressément aux conditions générales, la mention d'un renvoi aux conditions générales de vente a été approuvée par Monsieur C..., dirigeant de FIGAROL et qu'il importe peu que les conditions générales de vente n'aient pas été jointes au contrat ; que le fait que ces conditions de ventes fassent référence à EFI et non à la société EFI GAMSYS est indifférent puisque toutes les conditions générales de vente du groupe sont standardisées et font exclusivement référence à "EFI". Et elle conclut subsidiairement sur le fond pour le cas où la cour évoquerait le litige.

FIGAROL demande à titre principal à la cour de déclarer l'appel irrecevable ou subsidiairement de confirmer le tribunal en ce qu'il s'est déclaré compétent pour juger du litige, de prononcer la résolution de la vente de la machine litigieuse et de condamner en conséquence EFI à lui verser 113.354,78 euros, avec intérêt au taux légal majoré de 50% à compter de la signification de la décision à intervenir ainsi qu'à supporter les dépens et à lui payer une somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en ordonnant l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.
Elle rappelle qu'en application de l'article 85 du code de procédure civile la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration et elle prétend qu'aucunes conclusions n'ont été jointes à la déclaration, EFI prétendant sans en apporter la preuve avoir signifié des conclusions le 6 mars 2018, date du dépôt de la déclaration d'appel ; qu'il est en effet évident que les conclusions n'ont pu être jointes à la déclaration d'appel puisqu'elles indiquent la date de l'audience devant cette cour, laquelle a été fixée par l'ordonnance du 16 mars 2018 de la Première Présidente et mentionnant le numéro de rôle attribué par le greffe ; que ces conclusions, remises le 21 mars 2018 au greffe, ont donc nécessairement été rédigées postérieurement au dépôt de la déclaration d'appel et ne sauraient satisfaire aux exigences de l'article 85 du code de procédure civile.
Sur le fond elle fait valoir que les conditions générales produites ne sont pas celles qui lui auraient été communiquées puisqu'elles ne concernent pas EFI GAMSYS ; qu'est donc applicable au litige le règlement CE no 1215/2012 du 12 décembre 2012 qui prévoit en son article 7 que pour la vente de marchandises, le tribunal compétent est celui du lieu de la livraison laquelle est l'état membre où, en vertu du contrat, les marchandises auraient dû être livrées ;
Elle soutient que règlement CE no 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, applicable en l'espèce, prévoit en son article 3 que le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. (
) L'existence et la validité du consentement des parties quant au choix de la loi applicable sont régies par les dispositions établies aux articles 10, 11 et 13 ; que ce règlement impose donc une acceptation de la clause attributive de compétence clairement démontrée ; que le document intitulé « Terms and Conditions » qui contient un sous-paragraphe 19 (f) intitulé " loi applicable », ne lui est pas opposable puisqu'elle ne l'a jamais reçu ; qu'à défaut de choix explicite par les parties de la loi applicable, c'est la règle posée par l'article 4, paragraphe 1 a du règlement susvisé qui doit trouver application et que le contrat de vente de biens donc est régi par le droit néerlandais, loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.
Et elle expose sur le fond les désordres affectant le logiciel vendu.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

- Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu qu'aux termes de l'article 85 du code de procédure civile, outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ;

Qu'en l'espèce l'appelante a, le 6 mars 2018 et en même temps que sa déclaration d'appel, déposé des conclusions adressées par RPVA ;

Que ces écritures ont simplement été enregistrées dans "messages entrants" au lieu de l'être dans la rubrique "conclusions", ce qui n'affecte pas leur validité ;

Que ces conclusions contenaient l'argumentation détaillée et motivée de l'appelante quant à la compétence des juridictions californiennes et le rejet de l'argumentation de FIGAROL ;

Que les dispositions de l'article 85 du code de procédure civile ont donc été respectées et que la demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable sera rejetée ;

- Sur la juridiction compétente pour connaître du litige :

Attendu que Monsieur Frédéric C..., dirigeant légal de l'intimée, a approuvé le 28 mai 2014 le contrat de vente et d'installation du matériel litigieux ;

Que la convention, rédigée en français, rappelait en son dernier paragraphe immédiatement situé sous la mention " Bon pour accord" signée par Monsieur C... " Toutes nos licences et nos ventes sont soumises aux conditions générales qui figurent en annexe du présent document, à l'exclusion de toutes les autres conditions générales" ;

Qu'en approuvant cette indication d'une remise des conditions générales, Monsieur C... s'est interdit de contester les avoir reçues ;

Que l'intimée ne peut sérieusement soutenir que ces conditions de vente ne s'appliqueraient pas au litige au motif qu'elles ne s'appliquent qu'à la société EFI BV et non à la société EFI GAMSYS alors que l'appelante justifie que toutes les conditions générales de vente des sociétés du groupe EFI sont standardisées et mentionnent "EFI" sans précision du nom de la filiale concernée ;

Qu'au surplus, FIGAROL ne peut être entendue lorsqu'elle écrit qu'elle "n'a pas contracté avec EFI B.V, mais avec EFI GAMSYS, société de droit belge disposant d'un [...] " alors qu'elle a elle-même assigné devant le tribunal de commerce, non EFI GAMSYS, mais la société EFI BV ;

Qu'elle est dès lors particulièrement mal venue à soutenir devant la cour que cette dernière société, attraite par elle seule en la cause à l'exclusion de toute autre, ne serait pas sa cocontractante et que ses conditions générales de vente ne seraient pas applicables ;

Que le dirigeant de FIGAROL ayant certifié avoir reçu les conditions générales de vente, il appartient à l'intimée de démontrer, en les produisant, de ce qu'elles sont différentes de celles communiquées par l'appelante devant la cour ;

Qu'en l'absence d'une telle démonstration, il convient de retenir les conditions générales de vente communiquées par EFI BV ;

Attendu que les clauses attributives de compétence sont licites dans les rapports internationaux et sont valables et opposables à la partie qui en a eu connaissance et qui les a acceptées ;

Que, si l'article 48 du code de procédure civile pose le principe de l'interdiction d'une clause contractuelle attributive de la compétence territoriale, à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée, il est constant que la spécification de manière très apparente de la clause est appréciée différemment par la jurisprudence selon qu'elle concerne le droit interne et le droit international, deux commerçants ou un commerçant et un consommateur ;

Qu'en effet, au contraire des règles applicables en droit interne, la clause de compétence fait partie de l'économie des contrats internationaux et y est par principe licite, et que la clause attributive de compétence est valable lorsqu'elle a été approuvée par les parties sous une forme qui soit conforme à un usage du commerce international, ce qui permet même une approbation tacite ;

Que le caractère apparent d'une telle clause exigé par l'article 48 du code de procédure civile doit donc être entendu comme étant une présentation de la clause manifestant sans équivoque sa connaissance par les parties intéressées ;

Qu'il résulte d'une jurisprudence constante qu'une clause attributive de compétence est suffisamment apparente lorsqu'elle figure en caractères lisibles dans les conditions générales du contrat et que, contrairement à ce que soutient FIGAROL, elle n'a pas à être distinguée des autres clauses mais doit uniquement être aisément lisible rédigée dans des termes précis et compréhensibles ;

Attendu qu'en l'espèce a été inséré à l'article 19 des conditions générales un f/ intitulé "loi applicable" et ainsi rédigé :" le présent contrat de licence ne sera pas régi par la Convention des Nations Unies de 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises. Le présent contrat de licence sera régi à tous égards par les lois de l'Etat de Californie sans égard aux dispositions relatives aux conflits de lois. les parties consentent à ce que tous les litiges relatifs à l'accord de licence ou au logiciel soient tranchés par les juridictions étatiques et fédérales de Californie" ;

Attendu que contrairement a ce qu'a retenu le tribunal ce paragraphe n'est pas " noyé au milieu des sous titres de l'article 16" mais que chacun des sous titre de l'article 19 (et non 16) du contrat est distinct des autres par une ligne de décalage, par une lettre portée en caractère gras et ^pas un intitulé souligné ; Attendu que contrairement a ce qu'a retenu le tribunal ce paragraphe n'est pas " noyé au milieu des sous titres de l'article 16" mais que chacun des sous titres est distinct des autres par une ligne de décalage, par une lettre portée en caractère gras et pas un intitulé souligné ; que la clause litigieuse est ainsi parfaitement détachée du corps de l'article 16 et parfaitement lisible ;

Qu'elle comporte ainsi, compte tenu des usages du commerce international, un caractère apparent suffisant et satisfait à l'exigence de l'article 48 du code de procédure civile au regard des conditions matérielles de sa présentation et compte tenu de la typographie très lisible du texte dans lequel elle s'insère ;

Qu'il sera dès lors retenu en application de l'article 1134 du code civil, que FIGAROL a bien accepté de façon explicite le choix de la juridiction compétente et que la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales auxquelles renvoie le contrat était opposable à la société qui avait pu en prendre connaissance sans difficulté particulière avant la signature de la convention ; Qu'il convient en conséquence, par infirmation du jugement déféré, de juger valable la clause attributive de compétence et de dire que le tribunal de commerce de Tours n'est pas compétent pour connaître du litige ;

Attendu que FIGAROL, succombant à l'instance, en supportera les dépens et qu'il sera fait application au profit d'EFI des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARE valable la clause attributive de compétence et DIT en conséquence que le tribunal de commerce de Tours n'est pas compétent pour connaître du litige,

CONDAMNE la société FIGAROL à payer à la société Electronics for imaging Bv la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société FIGAROL aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Irène ASCAR, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/005781
Date de la décision : 27/09/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-09-27;18.005781 ?
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