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27/09/2018 | FRANCE | N°18/005771

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 27 septembre 2018, 18/005771


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/09/2018
Me X... Y...
la AARPI CATHELY ET ASSOCIES

ARRÊT du : 27 SEPTEMBRE 2018

No : 298 - 18 No RG : No RG 18/00577

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 16 Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265214392449093

SELARL ELECTRONICS FOR IMAGING B.V.
SARL de droit néerlandais
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié e

n cette qualité audit siège
Tupolevlaan 65
1119 1119 PA SCHIHOL-RIJK PAYS-BAS

représenté par Me X... Y..., avocat au bar...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/09/2018
Me X... Y...
la AARPI CATHELY ET ASSOCIES

ARRÊT du : 27 SEPTEMBRE 2018

No : 298 - 18 No RG : No RG 18/00577

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 16 Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265214392449093

SELARL ELECTRONICS FOR IMAGING B.V.
SARL de droit néerlandais
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Tupolevlaan 65
1119 1119 PA SCHIHOL-RIJK PAYS-BAS

représenté par Me X... Y..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant et de Me Loïc Z..., membre de la société BIRD et BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265211949259653

SAS SOCIETE FIGAROL
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège 138 Rue Jean Bonnin 37700 SAINT PIERRE DES CORPS

Ayant pour avocat postulant Me Aurélie A... de l'AARPI CATHELY ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTARGIS, et comme avocat plaidant Me Elise B..., membre de la Société ARMAND ASSOCIES, avocat au barreau du MANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 Mars 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 21 JUIN 2018, à 9 heures 30, devant Mme Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Greffier ayant assisté aux débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier ayant assisté au prononcé du délibéré : Madame Irène ASCAR, Greffier placé,

ARRÊT :

Prononcé le 27 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

En mai 2014, la société française FIGAROL a conclu avec la société Electronics for imaging Bv (EFI), de droit néerlandais appartenant au groupe EFI basé en Californie, un contrat d'achat portant sur une machine d'impression GS5500 pour le prix de 334.639 euros.

Se plaignant d'une délivrance non conforme, FIGAROL a, le 26 avril 2017, assigné EFI devant le tribunal de commerce de Tours aux fins de voir prononcer la résolution de la vente et obtenir la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 397.851 euros, outre 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens d'instance.

EFI a soulevé in limine litis une exception d'incompétence en se prévalant d'une clause de juridiction attribuant compétence exclusive aux juridictions du district nord de la Californie pour trancher ce litige.

Par jugement en date du 16 février 2018, le tribunal de commerce de Tours s'est reconnu compétent pour trancher le litige et a invité les parties à conclure au fond. Pour statuer ainsi, il a retenu que le sous-paragraphe « f » concernant la loi applicable est noyé au milieu des 12 sous-titres du paragraphe 16 ; que la typographie du titre de ce sous-paragraphe est en caractère normal souligné alors que pour répondre au caractère suffisamment apparent, le sous-paragraphe aurait dû se situer au minimum au niveau du paragraphe et être en caractère gras souligné ;

EFI a formé un appel sur la compétence et assigné à jour fixe FIGAROL en demandant à la cour d'annuler ou infirmer cette décision et de juger que la clause 16f des conditions générales qui désigne les juridictions du district nord de la Californie compétentes est applicable au litige et obtenir condamnation de l'intimée à lui verser une indemnité de procédure de 5.000 euros.
Elle fait valoir que la clause 16-f des conditions générales annexées au contrat d'achat daté du 16 décembre 2014 prévoit que : "Les parties consentent à ce que tous les litiges relatifs au contrat d'achat, à l'équipement ou au logiciel soient tranchés exclusivement par les juridictions étatiques et fédérales du district nord de Californie » Elle soutient que les jurisprudences invoquées par FIGAROL en première instance sont inapplicables au litige ; que tant elle-même que FIGAROL s'accordent à dire que ni le Règlement (UE) no1215/2012 du 12 décembre 2012 ni la Convention de la Haye du 30 juin 2005 ne sont applicables à ce litige ; qu'en matière internationale, la jurisprudence pose le principe de licéité de la clause attributive de compétence, à l'inverse du droit interne, où la licéité de la clause constitue l'exception, et décide que le caractère très apparent de la clause ne constitue pas une condition de validité de celle-ci ; que le seul critère pris en compte est celui de la connaissance de la clause par la partie à laquelle elle est opposée, ; que l'intimée a bien eu connaissance de cette clause au moment de la conclusion du contrat d'achat et y a librement consenti ; que d'ailleurs la simple mention par FIGAROL, dès sa lettre de mise en demeure en date du 16 décembre 2016, puis dans son assignation, de l'existence de la clause de juridiction, démontre qu'elle avait pleinement connaissance de l'existence de cette clause et suffit à en justifier la pleine et entière application ; que la clause attributive de compétence de l'article 19-f est rédigée en caractères d'imprimerie de dimension normale, et est ainsi parfaitement lisible et ce même à l'oeil nu. Elle précise que lors de l'audience devant le tribunal de commerce, FIGAROL a confirmé que les conditions générales annexées au contrat d'achat daté du 16 décembre 2014 avaient bien été signées par elle et que la question de l'approbation de la clause par FIGAROL ne fait dès lors aucun doute.

FIGAROL demande à titre principal à la cour de déclarer l'appel irrecevable ou subsidiairement de confirmer le tribunal en ce qu'il s'est déclaré compétent pour juger du litige, de prononcer la résolution de la vente de la machine litigieuse et de condamner en conséquence EFI à lui verser 364 639 euros, avec intérêt au taux légal majoré de 50% à compter de la signification de la décision à intervenir ainsi qu'à supporter les dépens et à lui payer une somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en "ordonnant l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir".
Elle rappelle qu'en application de l'article 85 du code de procédure civile la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration et elle prétend qu'aucunes conclusions n'ont été jointes à la déclaration, EFI prétendant sans en apporter la preuve avoir signifié des conclusions le 6 mars 2018, date du dépôt de la déclaration d'appel ; qu'il est en effet évident que les conclusions n'ont pu être jointes à la déclaration d'appel puisqu'elles indiquent la date de l'audience devant la cour de céans, laquelle a été fixée par l'ordonnance du 16 mars 2018 de la Première Présidente et mentionnant le numéro de rôle attribué par le greffe ; que ces conclusions, remises le 21 mars 2018 au Greffe, ont donc nécessairement été rédigées postérieurement au dépôt de la déclaration d'appel et ne sauraient satisfaire aux exigences de l'article 85 du code de procédure civile.
Sur le fond elle affirme que la version signée du contrat de vente ne lui a jamais été renvoyée et qu'elle ne peut avoir aucune certitude sur le fait que le contrat ait réellement été signé par un représentant d'EFI le 17 décembre 2014 ; que les conditions générales dont se prévaut EFI ne sont paraphées que par elle-même et non par EFI et qu'elles ne sont donc pas opposables à FIGAROL. Elle affirme que, si des clauses attributives de compétence sont en principe licites dans les rapports internationaux, elles ne sont cependant valables et opposables qu'à la partie qui en a eu connaissance et qui les a acceptées en toute connaissance de cause au moment de la formation du contrat. ; que la jurisprudence se prononce sur la validité d'une clause attributive de compétence dans des contrats internationaux, en faisant référence explicitement ou implicitement aux critères de l'article 48 du code de procédure civile puisqu'elle fait application de la loi du for pour vérifier cette validité ; qu'en l'espèce, rien ne distingue la clause attributive de compétence des autres clauses étant au surplus observé que le contrat a été reçu le 16 décembre 2017 et renvoyé le même jour ; que le choix de la juridiction compétente n'a donc pas été accepté de façon explicite.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

- Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu qu'aux termes de l'article 85 du code de procédure civile, outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ;

Qu'en l'espèce l'appelante a, le 6 mars 2018 et en même temps que sa déclaration d'appel, déposé des conclusions adressées par RPVA ;

Que ces conclusions contenaient son argumentation détaillée quant à la compétence des juridictions californiennes et le rejet de l'argumentation de FIGAROL ;

Qu'elle a ainsi respecté les dispositions de l'article 85 du code de procédure civile et que la demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable sera rejetée ;

- Sur la juridiction compétente pour connaître du litige :

Attendu que Monsieur Frédéric C..., dirigeant légal de l'intimée, a approuvé le contrat de vente de la machine litigieuse pour un prix de 334.639 euros ;

Que ce contrat porte en effet d'une part la signature du directeur commercial de EFI, d'autre part le paraphe de Monsieur Frédéric C... en bas de chacune des pages et le cachet et sa signature en bas du contrat de vente ;

Que, non seulement ce dernier fait référence aux conditions générales de vente de EFI mais que Monsieur C... a paraphé chacune des pages de ces conditions générales, ce qui démontre qu'il les a approuvées ;

Que c'est sans fondement que FIGAROL soutient qu'elle n'aurait pas reçu de copie signée du contrat de vente alors même qu'elle le produit et qu'elle ne démontre pas, en tout état de cause, que ce contrat n'aurait pas été approuvé en même temps qu'elle par EFI qui a procédé à la livraison du matériel commandé ;

Que c'est de même sans pertinence qu'elle fait valoir que EFI n'a quant à elle pas acquiescé aux conditions générales de vente alors que l'appelante n'avait pas à approuver ces conditions qui étaient celles qu'elle-même posait pour conclure le contrat de vente ;

Attendu que les clauses attributives de compétence sont licites dans les rapports internationaux et sont valables et opposables à la partie qui en a eu connaissance et qui les a acceptées ;

Que, si l'article 48 du code de procédure civile pose le principe de l'interdiction d'une clause contractuelle attributive de la compétence territoriale, à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée, il est constant que la spécification de manière très apparente de la clause est appréciée différemment par la jurisprudence selon qu'elle concerne le droit interne et le droit international, deux commerçants ou un commerçant et un consommateur ;

Qu'en effet, au contraire des règles applicables en droit interne, la clause de compétence fait partie de l'économie des contrats internationaux et y est par principe licite, et que la clause attributive de compétence est valable lorsqu'elle a été approuvée par les parties sous une forme qui soit conforme à un usage du commerce international, ce qui permet même une approbation tacite ;

Que le caractère apparent d'une telle clause exigé par l'article 48 du code de procédure civile doit donc être entendu comme étant une présentation de la clause manifestant sans équivoque sa connaissance par les parties intéressées ;

Qu'il résulte d'une jurisprudence constante qu'une clause attributive de compétence est suffisamment apparente lorsqu'elle figure en caractères lisibles dans les conditions générales du contrat et que, contrairement à ce que soutient FIGAROL, elle n'a pas à être distinguée des autres clauses mais doit uniquement être aisément lisible rédigée dans des termes précis et compréhensibles ;

Attendu qu'en l'espèce a été inséré à l'article 16 des conditions générales un f/ intitulé " loi applicable" et ainsi rédigé : " le présent contrat de licence ne sera pas régi par la Convention des Nations Unies de 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises. Le présent contrat de licence sera régi à tous égards par les lois de l'Etat de Californie sans égard aux dispositions relatives aux conflits de lois. Les parties consentent à ce que tous les litiges relatifs à l'accord de licence ou au logiciel soient tranchés par les juridictions étatiques et fédérale de Californie "

Attendu que contrairement a ce qu'a retenu le tribunal ce paragraphe n'est pas " noyé au milieu des sous titres de l'article 16" mais que chacun des sous titres est distinct des autres par une ligne de décalage, par une lettre portée en caractère gras et pas un intitulé souligné ; que la clause litigieuse est ainsi parfaitement détachée du corps de l'article 16 et parfaitement lisible ;

Qu'elle comporte ainsi, compte tenu des usages du commerce international, un caractère apparent suffisant et satisfait à l'exigence de l'article 48 du code de procédure civile au regard des conditions matérielles de sa présentation et compte tenu de la typographie très lisible du texte dans lequel elle s'insère ;

Qu'il sera dès lors retenu en application de l'article 1134 du code civil, que FIGAROL a bien accepté de façon explicite le choix de la juridiction compétente et que la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales auxquelles renvoie le contrat était opposable à la société qui avait pu en prendre connaissance sans difficulté particulière avant la signature de la convention;
Qu'il convient en conséquence, par infirmation du jugement déféré, de juger valable la clause attributive de compétence et de dire que le tribunal de commerce de Tours n'est pas compétent pour connaître du litige ;

Attendu que FIGAROL, succombant à l'instance, en supportera les dépens et qu'il sera fait application au profit d'EFI des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

DÉCLARE l'appel recevable,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARE valable la clause attributive de compétence et DIT en conséquence que le tribunal de commerce de Tours n'est pas compétent pour connaître du litige,

CONDAMNE la société FIGAROL à payer à la société Electronics for imaging Bv la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société FIGAROL aux dépens de première instance et d'appel

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Irène ASCAR, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/005771
Date de la décision : 27/09/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-09-27;18.005771 ?
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