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27/09/2018 | FRANCE | N°17/015581

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 27 septembre 2018, 17/015581


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/09/2018
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
la SCP ARCOLE

ARRÊT du : 27 SEPTEMBRE 2018

No : 293 - 18 No RG : No RG 17/01558

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 04 Mai 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Madame Ilham X... épouse B...
née le [...] à KHEMISSET (MAROC)
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Isabelle Y... de la SELARL L

EXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS, et ayant pour avocat plaidant Me Mikaël C... , avocat au barreau de PA...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/09/2018
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
la SCP ARCOLE

ARRÊT du : 27 SEPTEMBRE 2018

No : 293 - 18 No RG : No RG 17/01558

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 04 Mai 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Madame Ilham X... épouse B...
née le [...] à KHEMISSET (MAROC)
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Isabelle Y... de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS, et ayant pour avocat plaidant Me Mikaël C... , avocat au barreau de PARIS

- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
Monsieur Fouad B...
né le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Isabelle Y... de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS, et ayant pour avocat plaidant Me Mikaël C... , avocat au barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SA LCL - LE CREDIT LYONNAIS
Prise en son agence du [...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Anne Z... de la SCP ARCOLE, avocat au barreau de BLOIS, et ayant pour avocat plaidant Me Audrey A..., avocat au barreau de PARIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 22 Mai 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 juin 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 21 JUIN 2018, à 9 heures 30, devant Mme Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Greffier ayant assisté aux débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier ayant assisté au prononcé du délibéré : Madame Irène ASCAR, Greffier placé,

ARRÊT :

Prononcé le 27 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 6 septembre 2014, Monsieur Fouad B... , et son épouse, Madame Ilham X..., ont vendu leur véhicule BMW à un particulier qu'ils ne connaissaient pas moyennant le prix de 40.500 euros payé par chèque de banque tiré sur la Banque Postale qu'ils ont déposé sur leur compte ouvert dans les livres du Crédit Lyonnais.

La Banque Postale a cependant refusé de payer en faisant connaître que le compte de l'émetteur du chèque avait été clôturé.

Monsieur et Madame B... ont déposé plainte pour abus de confiance mais, l'enquête n'ayant pas abouti, le dossier a été classé sans suite.

Le 22 avril 2015, ils ont assigné le Crédit Lyonnais devant le tribunal de grande instance de Blois afin d'obtenir sa condamnation à leur verser 40.500 euros à titre de dommages et intérêts en soutenant que Madame B... s'est rendue, juste avant la remise du véhicule à l'acquéreur, dans l'agence Crédit Lyonnais la plus proche de la gare afin de s'assurer que le chèque allait bien être encaissé ; qu'elle a remis le chèque à un employé du Crédit Lyonnais qui l'a assurée que le chèque était bien un chèque de banque et ne présentait pas d'anomalie, ce qui était inexact et engage selon eux, la responsabilité du Crédit Lyonnais.

Par jugement en date du 4 mai 2017, le tribunal les a déboutés de leurs demandes, les a condamnés aux dépens et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur et Madame B... ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 22 mai 2017.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées:
-le 13 juin 2018 par les appelants
-le même jour par l'intimé.

Monsieur et Madame B... concluent à l'infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de condamner le Crédit Lyonnais à leur verser la somme de 40.500 euros à titre de dommages et intérêts. A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de retenir que la faute commise par la banque leur a fait perdre une chance de retrouver leur véhicule et réclament paiement de la même somme ou à tout le moins de celle de 38.070 euros. En tout état de cause ils réclament 4.000 euros au titre des frais liés au remplacement de leur véhicule et 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent qu'après avoir reçu le chèque falsifié mais avant de remettre le véhicule à l'acquéreur, Madame B... s'est présentée dans une agence du Crédit Lyonnais et qu'elle a remis le chèque à une employée qui lui a confirmé, à sa demande, que cet effet était bien un chèque de banque et ne présentait aucune anomalie ; que cette information était inexacte puisque le chèque ne comportait pas de filigrane, présentait des traces de grattage et des ajouts en pied ; que l'intimé a dès lors manqué à son devoir de conseil et d'information en ne les informant pas de ces anomalies qui étaient pourtant apparentes et qu'il aurait dû immédiatement détecter. Et ils soutiennent que leur préjudice qu'ils détaillent est entièrement dû à cette faute. Ils font valoir que si la banque conteste qu'ils ont déposé le chèque avant de remettre leur véhicule il convient que la cour ordonne l'expertise refusée par le conseiller de la mise en état puisque la géolocalisation du véhicule le jour de la vente permettra de démontrer qu'ils ont été raccompagnés par l'acquéreur à leur domicile après la remise du chèque litigieux.

Le Crédit Lyonnais conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation des appelants à lui verser une indemnité de procédure de 2.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de Maître Z....
Il fait en substance valoir d'une part que les anomalies du chèque n'étaient aucunement apparentes, d'autre part que les époux B... ne démontrent pas avoir interrogé une employée sur la validité de cet effet. Et elle soutient subsidiairement que les préjudices allégués ne sont pas en lien avec les manquements qui lui sont reprochés et que les appelants ont concouru à leur dommage par leur propre imprudence.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu qu'il ne peut tout d'abord qu'être constaté que le chèque remis ne pouvait qu'être un chèque de banque puisqu'il n'indique le nom d'aucun titulaire mais précise que le tiré est la Banque Postale avec une indication de numéro de compte ;

Qu'il n'est pas contesté qu'un tel chèque doit porter en filigrane la mention "chèque de banque" ;

Que l'examen des chèques de banque sans lien avec le présent litige qui ont été communiqués en original aux débats permettent de vérifier que ce filigrane est très apparent, même sans exposer soigneusement l'effet à la lumière ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que les appelants ont pu déposer ce chèque dans une agence du Crédit Lyonnais avant de remettre leur véhicule à l'acquéreur ;

Que la banque fait cependant valoir que les modalités de ce dépôt ne sont pas établies, les appelants communiquant uniquement aux débats le bordereau de remise de chèque sans que l'on puisse savoir si l'employée qui l'a reçu a été interrogée sur sa validité ;

Que, si les époux B... ont déclaré devant les services enquêteurs avoir demandé à l'employée de vérifier ce chèque et avoir reçu pour réponse "qu'il n'y avait pas de soucis", Madame B... a cependant dans le courrier qu'elle a adressé à la banque, indiqué avoir simplement remis le chèque au guichet et que l'employée qui s'y trouvait l'a enregistré sans le vérifier malgré sa demande ;

Qu'il n'est donc pas démontré que Madame B... a interrogé l'employée du Crédit Lyonnais sur la validité de l'effet qu'elle déposait et encore moins qu'elle ait reçu une réponse l'assurant de la validité d'un chèque de banque ;

Que le Crédit Lyonnais se borne à soutenir (page 10 et 11 de ses écritures) que les époux B... "ne démontrent pas que le chèque a été vérifié par un employé de la banque" et "ne versent aucune pièce permettant de justifier qu'ils ont fait vérifier le chèque par une employée" ; "que le bordereau démontre le dépôt du chèque mais aucunement une quelconque demande de vérification de Madame B... " ;

Qu'il prétend en page 13 de ces mêmes écritures que "les appelants sont défaillants à démontrer avoir sollicité la banque afin qu'elle procède à des vérifications approfondies de sorte que le lien de causalité n'est pas démontré en l'espèce" ;

Mais attendu que, s'il n'est pas démontré que Madame B... a interrogé l'employée sur la régularité du chèque, il est justifié, par l'application du tampon de la banque sur le bordereau de remise, qu'il a été déposé au guichet entre les mains d'un préposé du Crédit Lyonnais ;

Que le banquier présentateur, tenu de vérifier la régularité formelle apparente du chèque qui lui est remis, doit contrôler si les indications qui sont portées sur l'effet qui lui est remis permettent l'identification du tireur du chèque et de son montant, et ce même si cette vérification ne lui est pas demandé par le tireur ;

Qu'en l'espèce, un examen visuel sommaire du chèque devait, en l'absence de filigrane indispensable sur un chèque de banque, amener l'employée de l'intimé à se rapprocher de la banque tirée afin de vérifier, auprès de l'émetteur, l'existence d'un chèque de banque ;

Que cette interrogation était d'autant plus nécessaire que la ligne magnétique du chèque, qui est normalement constituée de trois et non pas quatre séries de chiffres correspondant, en premier lieu au numéro du chèque, en deuxième lieu à l'identifiant informatique de la banque et en troisième lieu au numéro de compte du tireur, comprenait une quatrième série de chiffres ajoutée sur cette ligne et décalée par rapport aux autres séries ;

Que, comme l'absence de filigrane, cet ajout constituait une anomalie apparente ;

Que la cour a enfin pu se persuader, lors de l'examen de l'effet communiqué en original, que, si les traces de grattage dont les appelants font état ne sont pas immédiatement apparents, un employé normalement diligent, constatant les deux premières anomalies, ne pouvait que les déceler en procédant alors à un examen non pas poussé mais seulement un peu plus attentif du chèque déposé au guichet ;

Attendu dès lors que les appelants, dont il n'est pas contesté qu'ils ont par prudence déposé le chèque litigieux avant de remettre leur véhicule à l'acquéreur, ce qui est démontré par l'encaissement de ce chèque dans une agence de Blois, ville dans laquelle a eu lieu la transaction, et non dans leur agence habituelle de Dreux, auraient dû être immédiatement informés des anomalies affectant cet effet ;

Que c'est à raison qu'ils font état d'un manquement de la banque ;

Attendu qu'un défaut d'information entraîne toujours un préjudice de perte de chance puisque la partie qui en est victime peut uniquement faire valoir que, correctement informée, elle n'aurait pas contracté comme elle l'a fait ;

Que Monsieur et Madame B... ne peuvent donc réclamer remboursement de l'intégralité du prix de vente ou la contre-passation du chèque ;

Que, même s'ils font état, pour justifier leur demande tendant à l'indemnisation d'une perte de chance, d'une impossibilité de retrouver leur véhicule, ils ont expressément évoqué un préjudice né de la remise de leur véhicule à un acquéreur dont ils pensaient qu'il avait réglé le prix convenu ;

Qu'ils sont donc fondés à solliciter l'indemnisation d'une perte de chance de ne pas remettre leur véhicule à la personne qui leur avait remis un chèque falsifié et que cette perte de chance étant particulièrement importante il sera fait droit à leur demande subsidiaire tendant au paiement de la somme de 38.700 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que le manquement de la banque n'est pas à l'origine des frais exposés par les appelants pour acquérir un nouveau véhicule d'un montant de 4.000 euros puisque, s'ils s'étaient défaits de leur véhicule en étant normalement payés, ils auraient quand même dû acquérir un véhicule de remplacement ;

Attendu que le Crédit Lyonnais, succombant à l'instance, devra en supporter les dépens et qu'il sera fait application, au profit des appelants, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE la société LCL Crédit Lyonnais à payer à Monsieur Fouad B... , et à son épouse, Madame Ilham X..., ensemble, la somme de 38.700 euros à titre de dommages et intérêts,

DÉBOUTE Monsieur Fouad B... et Madame Ilham X... de leur demande tendant au paiement d'une somme de 4.000 euros,

CONDAMNE la société LCL Crédit Lyonnais aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE la société LCL Crédit Lyonnais à payer à Monsieur Fouad B... , et à son épouse, Madame Ilham X..., ensemble, la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Irène ASCAR, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/015581
Date de la décision : 27/09/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-09-27;17.015581 ?
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