COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/09/2018
la SELARL ENVERGURE AVOCATS
la SCP ABCD (AVOCATS A... Z...)
ARRÊT du : 27 SEPTEMBRE 2018
No : 284 - 18 No RG : No RG 17/00487
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 05 Janvier 2017
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SA FINANCO
agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]
représentée par Me Corinne X..., membre de la SELARL ENVERGURE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
Madame Fouzia Y...
née le [...] [...]
[...]
représentée par Me Joffrey Z..., membre de la SCP ABCD (AVOCATS A... Z...), avocat au barreau de TOURS,
SARL NEW LIFE DITE L'INVENTAIRE
148 Grand Sud Avenue
R.N. 10
[...]
défaillante
SELARL VILLA
Mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL NEW LIFE DITE L'INVENTAIRE
[...]
défaillante
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 10 Février 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 9 novembre 2017
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 21 JUIN 2018, à 9 heures 30, devant Mme Elisabeth HOURS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Greffier ayant assisté aux débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier ayant assisté au prononcé délibéré : Madame Irène ASCAR, Greffier placé,
ARRÊT :
Prononcé le 27 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame Fouzia Y... a passé une commande de meubles auprès de la société NEW LIFE le 11 mars 2010 pour un prix de 8.510 euros et a réglé un acompte à la commande de 1.000 euros.
Contestant avoir signé le contrat de crédit d'un montant correspondant au solde du prix de 7.510 euros, critiquant sa régularité pour absence de bordereau de rétractation et dénonçant une absence de conformité des meubles livrés, elle a fait assigner par actes des 25 et 29 août 2011, les sociétés NEW LIFE et FINANCO devant le tribunal de grande instance de Tours aux fins de voir déclarer inexistant, nul, inopposable et sans effet, le contrat de crédit, de voir prononcer la nullité du contrat de vente et de voir condamner la société SOFINCO à lui payer 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et économique qu'elle a subi et 3.500 euros pour frais de procédure.
La société NEW LIFE a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 10 juillet 2013 qui a désigné la SELARL VILLA ès qualités de liquidateur judiciaire.
La société FINANCO qui s'est opposée aux demandes a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de Madame Y... à lui payer la somme de 7.279,15 euros avec intérêts au taux conventionnel à compter du jugement et celle de 2.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, et subsidiairement pour le cas ou la nullité des contrats de vente et de crédit serait prononcée, la condamnation de la liquidation judiciaire de la société NEW LIFE à lui verser la somme de 7.510 euros avec les intérêts au taux contractuel à compter du 5 mai 2010 date de remise des fonds. Elle a réclamé en tout état de cause la condamnation de Madame Y... à lui payer 2.000 euros pour frais de procédure.
Par jugement du 5 janvier 2017, le tribunal a prononcé la résolution du contrat de vente liant Madame Y... à la société NEW LIFE et du contrat de prêt consenti par la société FINANCO, a débouté la société FINANCO de ses demandes dirigées contre Madame Fouzia Y... et a déclaré irrecevables les demandes de la société FINANCO dirigées à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société NEW LIFE.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que les meubles présentaient des défauts suffisamment graves pour constituer un défaut de conformité à la commande et justifier la résolution du contrat de vente, que par application de l'article L 311-21 ancien du code de la consommation dont les dispositions ont été reprises par le nouvel article L 312-55, le contrat de crédit affecté était résolu de plein droit de sorte que les demandes reconventionnelles de la société FINANCO à l'encontre de la Madame Y... devaient être rejetées, qu'en l'absence de faute démontrée de l'organisme de crédit, Madame Y... devait être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, que la société FINANCO ne produisant pas sa déclaration de créance à la liquidation judiciaire de la société NEW LIFE sa demande de dommages et intérêts présentée à titre subsidiaire devait être rejetée.
La société FINANCO a relevé appel de la décision le 10 février 2017.
Suivant acte du 22 mars 2017 délivré à une secrétaire habilitée à le recevoir, la société FINANCO a fait signifier sa déclaration d'appel à la SELARL VILLA ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société NEW LIFE. La SELARL VILLA n'ayant pas constitué avocat, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :
- le 22 mai 2017 par la société FINANCO,
- le 16 mai 2017 par Madame Y...,
La société FINANCO, qui conclut à la réformation de la décision déférée, demande à la cour de débouter Madame Y... de toutes ses demandes, de la condamner à lui verser la somme de 7.279,15 euros en règlement des sommes restant dues au titre du crédit consenti le 5 mai 2010, outre les intérêts contractuels à compter du jugement du 5 janvier 2017, celle de 3.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et la même somme pour frais de procédure.
Elle fait valoir que Madame Y... qui a fourni tous les éléments nécessaires à l'obtention du financement, qui a signé le contrat de prêt 5 jours après s'être fait remettre l'offre de crédit et avoir pris possession de la marchandise livrée et qui a donné son accord au déblocage des fonds au profit de la société NEW LIFE, ce qui caractérise une exécution volontaire au sens de l'article 1338 du code civil, ne peut plus poursuivre la nullité du contrat.
Elle estime que c'est à tort que le tribunal a retenu, en se fondant sur les courriers de Madame Y..., l'existence de défauts de conformité des meubles alors que ces défauts peuvent résulter de leur usage, et fait observer que Madame Y... qui a autorisé la libération des fonds au profit du vendeur avait nécessairement vérifié la conformité des marchandises livrées. Elle soutient au visa de la jurisprudence de la Cour de cassation que l'emprunteur qui a signé le certificat de livraison n'est pas recevable à soutenir au détriment du prêteur que le bien ne lui a pas été livré dès lors qu'en signant le certificat de livraison, il a déterminé le prêteur à verser les fonds au vendeur et qu'il ne peut invoquer des malfaçons et non conformités pour refuser de régler les échéances du prêt.
Dénonçant un scénario construit par Madame Y... a posteriori pour les besoins de la cause, elle estime que celle-ci ne peut sérieusement prétendre qu'elle n'a pas signé le contrat de prêt alors que les courriers de contestation datent d'octobre 2010 pour un contrat signé en mai 2010 et qu'elle a accepté sans réserves la livraison des marchandises objet du contrat de prêt et a donné son accord pour le déblocage des fonds au profit du vendeur, que c'est d'ailleurs en raison de ces contradictions que le ministère public a classé sa plainte pour usurpation d'identité escroquerie, que l'analyse du graphologue communiqué par l'intimée ne lui est pas opposable et qu'elle doit par conséquent être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Madame Y..., qui entend voir confirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire, sollicite la condamnation de la société FINANCO à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 3.000 euros pour appel abusif. Elle réclame en outre la condamnation de la société FINANCO à lui payer la somme de 3.000 euros pour frais de procédure ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de Maître Z... membre de la SCP ABCD.
Elle expose que dès la livraison, elle a contesté la conformité des meubles ce dont n'a pas disconvenu la société NEW LIFE dans sa lettre du 21 octobre 2010, qu'elle a de manière constante dénoncé ce défaut de conformité dont la réalité est établie par les courriers qu'elle a adressés au vendeur et le constat d'huissier qu'elle a fait établir et que c'est par conséquent à juste titre que le tribunal a écarté tout commencement d'exécution volontaire et prononcé la résolution de la vente ainsi que celle du contrat de prêt en application de l'article L 312-55 du code de la consommation.
Elle soutient également que le contrat de prêt lui est inopposable, que les documents qu'elle a fournis l'ont été en vue de la réalisation d'une simulation, qu'elle n'a pas été destinataire de l'offre de prêt qu'elle n'a pas signée ni aucun des documents relatifs à ce contrat comme l'établit le rapport d'expertise qu'elle a fait réaliser qui a relevé une similitude entre la signature du vendeur et celle portée à l'emplacement réservée à l'emprunteur, que sa plainte a été classée sans suite au motif que l'auteur du faux n'avait pas pu être identifié du fait de la liquidation judiciaire.
Elle affirme avoir subi un préjudice économique résultant de son inscription au fichier national des incidents de paiement alors qu'elle n'avait pas souscrit le crédit litigieux et être par conséquent fondée à être indemnisée de son préjudice qu'elle chiffre à 20.000 euros.
Enfin, elle estime que l'appel de la société FINANCO revêt un caractère abusif puisqu'il est démontré qu'elle n'est pas la signataire du contrat.
SUR CE
I - sur la résolution du contrat de vente :
Attendu que Madame Y... justifie par la production d'une lettre du 21 octobre 2010 dont la société NEW LIFE a accusé réception qu'elle s'est expressément plainte sans délai de la non conformité des meubles qui lui ont été livrés, qu'en effet elle écrivait : "Suite à nos différents contacts téléphoniques sans grand succès, j'ai le regret de vous demander de devoir récupérer vos meubles (table changée fois présentant énormément de défauts, chaise au nombre de 8, le bahut bas 2 portes 3 tiroirs présentant aussi plusieurs défauts ainsi que le meuble 2 portes. Au niveau des teintes vous n'êtes pas sans savoir que les meubles ne comportent pas la même teinte, il y a une différence flagrante selon les parties du meuble..., décalages entre les tiroirs, porte de tiroirs qui ne s'ouvrent pas, présence de feutre indélébile noir (qui par le livreur devait cacher les défauts, carreaux de table collés avec décalage alors que les carreaux ne devraient pas être collés et encore pleins d'autres défauts....En effet l'achat a été faite le 11 mars 2010 depuis cette date il n'y a eu que des échanges de meubles présentant à chaque fois énormément de défauts. (...) De plus je paye une mensualité pour ces meubles alors que je n'ai signé aucun document concernant cela, je n'ai même pas eu de renseignements relatifs à cela (condition, clauses....) Comme je vous le redit, je n'ai signé aucun document ni lu aucun document concernant cette mensualité prélevée (...)" ;
Attendu qu'il résulte des termes de ce courrier dont il ne peut être suspecté qu'il ait été établi pour les besoins de la cause alors que la société NEW LIFE ne conteste pas dans sa réponse avoir changé la table, que Madame Y... a sans délai contesté la conformité des meubles livrés par téléphone avant de le faire par lettre recommandée avec accusé de réception le 21 octobre 2010 faute manifestement d'avoir obtenu satisfaction ;
Attendu que contrairement à ce que la société FINANCO l'affirme péremptoirement et sans preuve, Madame Y... n'a pas certifié la conformité des produits livrés et n'a pas davantage donné son accord à la remise des fonds au vendeur alors même qu'elle fait part à ce dernier de ce qu'elle n'avait signé aucun contrat de prêt alors que des prélèvements avaient été opérés sur son compte ;
Attendu par conséquent que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que Madame Y... n'avait pas entendu ratifier ou confirmer la vente comme le prétend sans pertinence la société FINANCO ;
Attendu que Madame Y... rapporte la preuve par la production d'un constat d'huissier dressé le 8 avril 2018 que les meubles livrés présentent de multiples défauts consistant en des stries sur les surfaces, des traces de marqueurs pour les dissimuler, des rayures, des éclats sur les arrêtes, des différences de niveau entre les portes et tiroirs entre les portes, des différences de teintes, défaut de planéité des plateaux, cuir déchiré, absence de coutures...
Attendu que ces défauts étaient déjà listés par Madame Y... dans son courrier du 20 octobre 2011 ce qui exclut qu'ils soient liés à l'usage comme prétendu par la société FINANCO ;
Attendu qu'au regard du nombre de défauts relevés par l'huissier de justice sur 80 pages de constat comportant les photographies des meubles, il se trouve suffisamment établi que la société NEW LIFE a manqué à son obligation de délivrance conforme prévue par l'article 1604 du code civil dans sa rédaction applicable de sorte que la résolution du contrat de vente a été justement prononcée par le tribunal ainsi que la résolution du contrat de crédit par application de l'article L 311-21 du code de la consommation dans sa rédaction applicable devenu l'article L 312-55 du code de la consommation aux termes duquel la résolution du contrat principal emporte résolution du contrat de crédit affecté étant relevé qu'il n'est pas justifié que Madame Y... n'a pas attesté de la conformité des meubles livrés ni n'a davantage donné instruction à FINANCO de libérer les fonds objet du contrat de prêt au profit du vendeur alors même qu'il est établi qu'elle en ignorait l'existence puisqu'il ressort de l'expertise graphologique amiable que Madame Y... a fait réaliser et qui se trouve corroborée par la comparaison des spécimens de signature de Madame Y... et de celles figurant sous la mention emprunteur sur l'offre préalable de crédit, la fiche de renseignements, le compte rendu d'entretien préalable à la conclusion du contrat d'assurance et la demande de financement qu'elle n'est manifestement pas la signataire des contrats sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise judiciaire ; ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée qui a prononcée la résolution des contrats et débouté la société FINANCO de sa demande en paiement au titre du solde du prêt ;
II - sur la demande reconventionnelle :
Attendu qu'il ressort des courriers communiqués par Madame Y... qu'elle s'est rapprochée de la société FINANCO pour obtenir la copie de l'offre de prêt, qu'elle a expliqué dans un courrier du 26 novembre 2010 que le magasin lui avait proposé de lui faire une simulation de crédit, raison pour laquelle elle lui avait remis les documents sollicités mais qu'elle n'avait signé aucun document et que l'offre avait manifestement été paraphée par une personne faisant partie du magasin ;
Attendu que pour autant alors que la société FINANCO lui écrivait le 6 décembre 2010 avoir pris note de ses observations et qu'elle réunissait les informations nécessaires à l'étude de son dossier, il est établi qu'elle a fait inscrire Madame Y... au fichier des incidents de paiement ;
Qu'il n'est pas vain de relever alors même que les éléments produits établissent sans contestation sérieuse que Madame Y... n'a pas signé l'offre préalable de crédit, qu'il n'est pas justifié ni même soutenu que l'offre de prêt lui ait été transmise à son adresse que la société FINANCO maintient contre les éléments du dossier que l'intimée échafaude un scénario ;
Attendu que la société FINANCO a commis une imprudence fautive en faisant inscrire Madame Y... au fichier des incidents de paiement en dépit des explications fournies ce qui lui a causé un préjudice certain que la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 1.000 euros que la société FINANCO sera condamnée à lui payer à titre de dommages et intérêts ;
Attendu en revanche qu'il n'est pas établi que la société FINANCO ait fait un usage abusif de son droit d'appel ni justifié d'un préjudice distinct des frais de procédure que Madame Y... a été contrainte d'exposer pour assurer sa défense et qui sont couverts par l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il y a lieu en conséquence de débouter Madame Y... de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre ;
Attendu que la société FINANCO sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Madame Y... la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt par mise à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Madame Fouzia Y... de sa demande de dommages et intérêts ;
STATUANT À NOUVEAU
CONDAMNE la société FINANCO à payer à Madame Fouzia Y... la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts ;
DÉBOUTE Madame Fouzia Y... de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
CONDAMNE la société FINANCO à payer à Madame Fouzia Y... la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
ACCORDE à Maître Joffrey Z... membre de la SCP ABCD le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT