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27/09/2018 | FRANCE | N°15/043921

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 27 septembre 2018, 15/043921


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/09/2018
la X...
la SCP ARCOLE

ARRÊT du : 27 SEPTEMBRE 2018

No : 281 - 18 No RG : No RG 15/04392

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 18 Septembre 2015

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Monsieur Guy Y...
né le [...] à NOYELLES SOUS LENS (62)
Chez Madame Z...
[...]
[...]

représenté Me Olivier A... de la B... - FIRKOWSKI, avocat au barre

au d'ORLEANS, avocat postulant, et ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie C..., membre de la SELARL WALTER etamp; GARANCE AVOCATS, ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/09/2018
la X...
la SCP ARCOLE

ARRÊT du : 27 SEPTEMBRE 2018

No : 281 - 18 No RG : No RG 15/04392

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 18 Septembre 2015

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Monsieur Guy Y...
né le [...] à NOYELLES SOUS LENS (62)
Chez Madame Z...
[...]
[...]

représenté Me Olivier A... de la B... - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant, et ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie C..., membre de la SELARL WALTER etamp; GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SA BNP PARIBAS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés [...] 09

représentée par Me Thierry D..., membre de la SCP ARCOLE, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 23 Décembre 2015
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 janvier 2018
COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 21 JUIN 2018, à 9 heures 30, devant Mme Elisabeth HOURS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Greffier ayant assisté aux débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier ayant assisté au prononcé du délibéré : Madame Irène ASCAR, Greffier placé,

ARRÊT :

Prononcé le 27 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société CARRIÈRES MATÉRIAUX CONSTRUCTION (CMC) ayant pour gérant Monsieur Fabrice Y... a ouvert le 28 janvier 2008 un compte dans les livres de la BNP PARIBAS.

La BNP PARIBAS a consenti à la société CMC par acte du 14 octobre 2009 un prêt de 40.000 euros remboursable en 60 échéances de 724,09 euros au taux de 3,30 % pour l'achat d'une cadreuse béton.

Le 19 juillet 2011 Monsieur Guy Y... s'est porté caution solidaire de tous engagements de la société CMC à hauteur de 96.000 euros pour une durée de 10 ans.

Par jugement du 26 juillet 2013, le tribunal de commerce de Tours a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société CMC qui a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 25 novembre 2014.

La BNP PARIBAS a déclaré sa créance entre les mains de Maître E... pour les sommes de 11.319,22 euros au titre du prêt et de 80.285,33 euros au titre du compte.

La lettre de mise en demeure adressée à Monsieur Y... lui ayant été retournée avec la mention destinataire inconnu, la BNP l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Tours par acte du 17 mars 2015, à l'effet de le voir condamner sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer dans la limite de la somme de 96.000 euros, les sommes de 12.011,03 euros au taux de 6,30 % sur celle de 11,319,22 euros à compter du 4 mars 2015 et celle de 80.285,33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2014. Il était également réclamé une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 mai 2015, le tribunal de commerce de Tours a fait droit aux demandes de la BNP et lui a alloué la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Y... a relevé appel de la décision le 23 décembre 2015.

Par arrêt du 20 octobre 2016 la cour a dit n'y avoir lieu d'annuler l'acte introductif d'instance en date du 17 mars 2015 et avant dire droit sur le fond a donné injonction à Monsieur Guy Y... de conclure au fond avant le 12 janvier 2017 et à la BNP PARIBAS de répliquer pour le 17 mars 2017.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile ont été déposées le :
- le 25 avril 2017 par Monsieur Guy Y...,
- le 25 avril 2017 par la BNP.

Monsieur Y..., qui poursuit l'infirmation de la décision déférée, demande à la cour à titre principal de débouter la BNP PARIBAS de toutes ses prétentions, subsidiairement de rejeter sa demande en paiement des intérêts au taux conventionnel, d'ordonner que les intérêts au taux légal courront à compter de la présente décision faute de mise en demeure et de reporter la dette de 24 mois. Il réclame en tout état de cause une somme de 5.000 euros pour
frais de procédure.

Il soutient que son engagement de caution lui est inopposable en application de l'article L 332-1 du code de la consommation en raison de son caractère manifestement disproportionné à ses biens et revenus puisqu'il a déclaré au titre de l'année 2011 un revenu de 25.200 euros et que la valeur de son patrimoine immobilier de 500.000 euros n'était qu'une estimation prévisible après achèvement des travaux, ce que ne pouvait pas ignorer la banque dès lors que c'est à sa demande qu'il a mentionné cette valeur. Il reproche à la banque, qui selon lui aurait dû vérifier les indications portées sur la fiche de renseignements au regard du caractère apparemment anormal de la valeur déclarée de l'immeuble, de ne lui avoir réclamé aucun justificatif du prêt de 50.000 euros souscrit auprès du Crédit Agricole ni aucune information complémentaire sur la valeur déclarée de l'immeuble et plus largement sur sa situation juridique ce qui l'aurait conduit à le dissuader de s'engager. Il indique que l'immeuble, non achevé, a été estimé en février 2011 dans le cadre de la procédure de divorce à la somme de 100.000 euros et souligne que la fiche de renseignements que lui a fait remplir la banque ne permettait pas de préciser qu'il était en cours de divorce. Il fait valoir que son endettement global, qui était connu de la banque, incluant son engagement de caution de 96.000 euros, s'élevait à la somme de 456.000 euros en tenant compte des encours des prêts consentis par la BNP PARIBAS à la SCI Y... père et fils dont il était associé et cogérant et indéfiniment responsable pour 170.000 euros, 26.000 euros et 80.000 euros, du solde de 35.039,74 euros d'un prêt contracté par la société CMC dont il était caution et du prêt immobilier de 50.000 euros, ce qui établit, en tout état de cause, le caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution même à tenir compte des informations erronées contenues dans la fiche de renseignements.

Il affirme qu'à la date à laquelle il est appelé son patrimoine ne lui permet pas de faire face à son engagement.

Il fait valoir subsidiairement que la banque ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a satisfait à l'obligation d'information annuelle édictée par l'article L 333-2 du code de la consommation et qu'elle l'a informé de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement comme l'exige l'article L 333-1 du même code, de sorte qu'elle est déchue de son droit à intérêts.

Arguant de sa bonne foi et de la précarité de sa situation financière, il s'estime fondé plus subsidiairement à solliciter un report de deux ans des sommes dues.

La BNP qui sollicite la confirmation de la décision dont appel et réclame une somme de 5.000 euros pour frais de procédure, demande subsidiairement à la cour de dire que la somme de 11.319,22 euros portera intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2014.

Contestant la disproportion de l'engagement de Monsieur Y... au regard des revenus qu'il a déclarés de 25.200 euros et de son patrimoine composé de sa résidence principale d'une valeur nette de 451.000 euros après déduction de l'encours de prêt de 49.000 euros, elle réplique aux arguments de l'appelant auquel elle reproche de l'avoir trompé, qu'il n'est pas fondé à remettre en cause cette valeur au motif que l'immeuble était en cours de construction faute de l'avoir précisé à l'époque, que le montant du prêt en cours de 50.000 euros ne constituait pas une anomalie apparente au regard de la valeur de l'immeuble de sorte qu'elle n'avait pas à réclamer d'explications particulières, qu'il ne l'a pas informée que la maison avait été évaluée 100.000 euros dans le cadre de son divorce et n'a pas précisé qu'elle était en indivision, que les prêts souscrits par la SCI Y... père et fils n'entrent pas dans l'appréciation de la disproportion de l'engagement de caution ni davantage la valeur des parts détenues dans la SCI, que l'absence de mention dans la fiche de renseignements de la SCI, qui incombe à Monsieur Y..., n'a pas d'incidence sur son engagement et qu'il ne s'est pas porté caution du prêt de 40.000 euros contracté par la société CMC qui est garanti par un nantissement.

Elle indique rapporter la preuve qu'elle a satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution et qu'il n'existait pas d'impayé à la date du dépôt de bilan de sorte que l'information relative au premier incident de paiement non régularisé était sans objet. Elle estime pour le cas où la déchéance des intérêts serait prononcée avoir droit aux intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure le 9 décembre 2014.

Elle s'oppose au report sollicité par Monsieur Y... dont la situation financière n'est pas susceptible de s'améliorer puisqu'il est retraité.

SUR CE :

I - sur la disproportion de l'engagement de caution :

Attendu que l'article L341-4 du code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Attendu que la disproportion s'apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement souscrit et des biens et revenus de la caution et que doit être pris en considération l'endettement global de cette dernière et notamment celui résultant d'autres engagements de caution antérieurs ou concomitants (cf Cass Com 22/05/2013 P no11-24812), fussent-ils ensuite annulés puisque c'est au moment de la conclusion de l'engagement que la disproportion doit être appréciée ;

Attendu que c'est à la caution qui argue d'une disproportion manifeste d'en rapporter la preuve ;
Attendu que la banque n'a pas à vérifier les déclarations qui lui sont faites par les personnes se proposant d'apporter leur cautionnement sauf s'il en résulte des anomalies apparentes ;

Attendu qu'il ressort de la fiche de renseignements remplies par Monsieur Y... le 5 juillet 2011 qu'il a indiqué qu'il était propriétaire, divorcé, qu'il a déclaré un revenu annuel de 25.200 euros, un patrimoine immobilier composé d'une résidence principale d'une valeur de 500.000 euros et un encours de prêt de 49.000 euros ;

Attendu que la fiche de renseignements ne comporte aucune anomalie apparente de sorte que la banque n'avait pas à vérifier les informations fournies par Monsieur Y... qui tenu à une obligation de sincérité et de loyauté ne peut lui opposer des renseignements qu'il a omis de lui transmettre ou qu'il lui a dissimulé concernant sa situation familiale, ses droits dans l'immeuble et sa valeur ainsi qu'un cautionnement de 40.000 euros au demeurant non prouvé ;

Attendu que c'est tout aussi vainement qu'il fait état de prêts souscrits par la SCI Y... ET FILS qui n'ont pas à être pris en compte pour l'appréciation de son endettement personnel et qu'il n'a au demeurant pas déclaré à la banque ;

Attendu que c'est de manière péremptoire et sans preuve que Monsieur Y... qui n'en tire aucune conséquence juridique quant à la validité de son engagement de caution affirme que la banque a brusquement exigé son cautionnement sous la menace de couper ses concours bancaires à la société alors qu'il rencontrait des problèmes de santé ;

Attendu que l'engagement de caution de Monsieur Y... d'un montant de 96.000 euros n'étant pas disproportionné à ses biens et revenus déclarés, le jugement doit être confirmé sur ce point ;

II - sur l'information de la caution :

Attendu qu'en vertu des articles L 333-2 du code de la consommation et de l'article L 313-22 du code monétaire et financier le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement ;

Attendu qu'en application de l'article L. 343-6 du code de la consommation comme en vertu de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, le défaut d'information de la caution emporte perte des intérêts conventionnels échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ;

Attendu qu'il est de jurisprudence constante que l'information de la caution est due jusqu'à l'extinction de la dette garantie ;

Attendu que la BNP PARIBAS qui affirme avoir satisfait à son obligation d'information annuelle produit pour en justifier les copies de lettre datées des 21 mars 2014, 3 mars 2015 et 24 février 2016 ;

Mais attendu qu'outre que la BNP ne produit aucun courrier pour les autres années, la seule production d'une lettre est insuffisante à établir la preuve de son envoi ;

Qu'il s'ensuit que la BNP PARIBAS ne peut prétendre aux intérêts conventionnels sur la somme de 11.319,22 euros ;

Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée, la somme de 11.319,22 euros portant intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2014 date de la mise en demeure adressée par la banque à l'adresse qu'il lui a donnée comme demandé par l'intimée ;

III - Sur la demande de report :

Attendu que Monsieur Y... qui sollicite un moratoire de 24 mois explique qu'il dispose d'une retraite de 1.660 euros pour faire face à des charges incluant le remboursement de prêts s'élevant à 1.567,43 euros ce qui ne lui permet pas en l'état de s'acquitter de sa dette mais que les échéances des prêts devant diminuer à l'avenir il sera en mesure à l'issue de ce délai de d'effectuer des versements ;

Mais attendu qu'il ressort des documents produits par Monsieur Y... que le prêt principal souscrit auprès du Crédit Agricole court jusqu'en 2021, que par ailleurs ses ressources ne sont pas susceptibles d'augmenter de sorte qu'à l'issue du report sollicité sa situation demeurera quasiment inchangée ;

Que par conséquent en l'absence de perspective de retour à meilleure fortune, la demande de moratoire doit être rejetée ;

Attendu qu'au regard de la nature de la décision et dans la mesure où Monsieur Y... obtient partiellement gain de cause chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel et il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort:

CONFIRME la décision déférée sauf en ce qu'elle a fait courir les intérêts au taux de 6,30% sur la somme de 11.319,22 euros à compter du 4 mars 2015 ;

STATUANT A NOUVEAU

DIT que la somme de 11.319,22 euros produira intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2014 ;

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ou contraires ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Irène ASCAR, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 15/043921
Date de la décision : 27/09/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-09-27;15.043921 ?
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