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20/09/2018 | FRANCE | N°17/036531

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 20 septembre 2018, 17/036531


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 20/09/2018
la X...
la SCP BERGER TARDIVON
ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2018

No : 278 - 18 No RG : 17/03653

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 08 Décembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SNC AIR INVEST au capital de 7620€, immatriculée au RCS de Tours sous le no 437 941 206, dont le siège social est [...] , est prise en la pe

rsonne de son gérant en exercice et de tous autres représentants légaux domiciliés [...]
représentée par Me Isabelle...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 20/09/2018
la X...
la SCP BERGER TARDIVON
ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2018

No : 278 - 18 No RG : 17/03653

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 08 Décembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SNC AIR INVEST au capital de 7620€, immatriculée au RCS de Tours sous le no 437 941 206, dont le siège social est [...] , est prise en la personne de son gérant en exercice et de tous autres représentants légaux domiciliés [...]
représentée par Me Isabelle Y... de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS,
assistée de Me Z... A... de la SELARL REINHARTMARVILLETORRE, avocat au barreau de PARIS

Société AIR TAXI etamp; CHARTER INTERNATIONAL
aptd correos 602, c/ Pardals 30, Urb. Serra Brava
17310 LLORET DEL MAR GIRONA -ESPAGNE
représentée par Me Martine B... de la X... , avocat au barreau d'ORLEANS
assistée de Me C... D..., de la SELAS RAYNAUD I... D... etamp; associés, du barreau de MONTPELLIER
D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SAS AERO ENTREPRISE prise en la personne de son représentant légal actuellement en exercice domicilié [...]

représentée par la société LPLG AVOCATS, avocats au barreau de PARIS plaidant par Me Jean- Jacques E... et ayant pour avocat postulant la SCP BERGER TARDIVON
D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 21 Décembre 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 17 mai 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 24 MAI 2018, à 14 heures, devant monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, qui en a rendu compte à la collégialité,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame BERGES, lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 20 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 3 août 2012, conclu avec la société OSEO, la société AIR INVEST a procédé à l'acquisition en qualité de crédit preneur d'un aéronef bimoteur de marque Beechcraft immatriculé F-GDJS construit en 1983, no de série BBB 116 au prix de 1.196.000 euros.

Cet avion est exploité par la société AIR TAXI etamp; CHARTER INTERNATIONAL (ATCI) dans le cade d'un contrat de sous-location conclu le 7 août 2012 avec la société AIR INVEST qui stipule que la maintenance et les dépannages de l'avion s'effectuent sous la responsabilité de la société ATCI mais à la charge de la société AIR INVEST.

Invoquant une détérioration du train d'atterrissage par l'effet de la corrosion dû à un défaut de vérification, la société AIR INVEST a fait assigner en référé expertise les sociétés AERO ENTREPRISE vendeur de l'avion et la société TROYES AVIATION mainteneur de l'appareil, devant le président du tribunal de commerce de Versailles qui a ordonné le 7 septembre 2016 une expertise confiée à Monsieur F....

Faisant état de la découverte de ce que l'avion avait subi un accident le 30 mars 1997 et de ce qu'elle était privée de l'usage de l'appareil en raison du refus du constructeur CESSNA d'autoriser sa remise en service du fait de l'ampleur des dysfonctionnements et en l'absence d'historique des interventions consécutives à ce sinistre, la société ATCI a fait assigner, par acte d'huissier du 7 août 2017, la société AIR INVEST devant le président du tribunal de commerce de Tours statuant en référé à l'effet de voir ordonner, sous astreinte, à la société AIR INVEST de prendre en charge les réparations de l'avion et de la voir condamner à lui payer une provision de 368.000 euros.

Par acte du 12 septembre 2017, la société AIR INVEST a appelé en intervention forcée la société AERO ENTREPRISE et a sollicité la désignation d'un expert avec pour mission d'examiner les conséquences du sinistre survenu le 30 mars 1997.

En l'état de ses dernières prétentions la société ATCI a demandé au juge des référés de constater qu'elle a subi un préjudice dû à l'impropriété au vol de l'appareil, qu'il existe une contestation sérieuse sur les causes des préjudices, qu'elle formule des demandes indemnitaires à l'encontre de la société AERO ENTREPRISE, de dire que l'étendue des préjudices subis doit être évaluée et d'ordonner une expertise.

La société AIR INVEST a souhaité qu'il lui soit donné acte qu'elle accepte le désistement de la société ATCI de ses demandes de condamnations provisionnelles et sous astreinte initialement formées contre elle, de débouter la société AERO ENTREPRISE de sa fin de non recevoir d'ordonner la jonction des procédures ainsi qu'une expertise.

La société AERO ENTREPRISE a conclu à l'irrecevabilité de l'action de la société AIR INVEST pour défaut de qualité à agir et s'est opposée à la mesure d'expertise.

Par ordonnance de référé du 8 décembre 2017, le président du tribunal de commerce de Tours a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront mais dès à présent vu l'urgence, a rejeté les notes en délibéré, a ordonné la jonction de l'instance principale et en intervention forcée, a déclaré les demandes formées par les sociétés ATCI et AIR INVEST recevables, a constaté le désistement de la demande en réparation par provision de la société ATCI à l'encontre de la société AIR INVEST et donné acte de l'acceptation par cette dernière de ce désistement, s'est déclaré incompétent pour prononcer la mesure d'extension d'expertise.

Les sociétés ATCI et AIR INVEST ont relevé appel de la décision le 21 décembre 2017.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 2 janvier 2018.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :
- le 24 janvier 2018, par la société ATCI,
- le 30 janvier 2018 par la société AIR INVEST,
- le 15 mars 2018 par la société AERO ENTREPRISE.

La société ATCI, qui sollicite la réformation de l'ordonnance entreprise, reprend ses demandes de première instance.

Elle fait valoir que la juridiction régulièrement saisie ne pouvait pas décliner sa compétence, ce d'autant qu'aucune des parties n'a soulevé son incompétence, qu'elle ne pouvait la relever d'office et qu'elle se devait de respecter le principe du contradictoire et d'indiquer la juridiction de renvoi qui en l'espèce ne peut être ni la juridiction administrative ni la juridiction répressive ni même la juridiction arbitrale.

Elle indique que depuis le 7 août 2012, l'avion a été immobilisé pendant 416 jours et qu'il l'est toujours sans que la société AIR INVEST n'ait procédé à une quelconque réparation ce qui lui cause un préjudice, que si elle reconnaît l'existence d'une contestation sérieuse dans la mesure où à ce stade de la procédure il n'est pas possible de déterminer la part de responsabilité des sociétés AIR INVEST et AERO ENTREPRISE dans son préjudice, elle ne s'est pas désistée de ses demandes indemnitaires contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés mais a souhaité uniquement réserver ses droits.

Elle soutient que la société AERO ENTREPRISE a manqué à ses obligations contractuelles en dissimulant l'état de l'appareil à la société AIR INVEST et que ce manquement lui a causé un préjudice dont elle est fondée à demander réparation sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, et qu'en conséquence l'ordonnance doit être infirmée.

Elle affirme que la demande d'expertise est justifiée dès lors qu'il est établi que l'avion a subi un lourd dommage dont la cause et l'origine doivent être établis pour trancher le litige opposant les parties à la procédure.

La société AIR INVEST, qui souhaite voir infirmer la décision en ses dispositions qui lui sont défavorables, demande à la cour de lui donner acte de l'absence de demande de condamnation provisionnelle à son encontre et sollicite la désignation d'un expert avec mission décrite dans ses écritures.

Elle expose qu'elle a découvert tardivement en mars 2017 lorsqu'elle a confié l'appareil à la société CESSNA pour l'exécution de travaux de maintenance que celui-ci a subi un sinistre le 30 mars 1997 lors d'un atterrissage au Groenland, ce qui lui a été confirmé par le bureau d'enquête et d'analyse pour la sécurité de l'aviation danois, qu'il ressort du rapport de ce bureau que l'avion a été gravement endommagé, que l'expert qu'elle a mandaté pour analyser les photographies de l'appareil prises à l'époque, a confirmé l'importance des dommages, que la société CESSNA a refusé de réparer l'appareil en l'absence d'information sur ce sinistre qui n'est pas rapporté dans la documentation attachée à l'appareil qui fait état uniquement d'une visite après atterrissage dur, que c'est dans ces conditions qu'elle a pris l'initiative d'interroger l'expert désigné par le tribunal de Versailles dans le cadre du différend relatif au train d'atterrissage sur une éventuelle extension de sa mission à laquelle celui-ci s'est opposé, raison pour laquelle il a été sollicité une seconde expertise judiciaire.

Critiquant la décision dont appel, elle reproche au premier juge d'avoir statué extra et ultra petita en se déclarant incompétent alors même qu'aucune partie n'a dénié sa compétence, en refusant d'étendre la mission d'expertise ordonnée par le juge des référés de Versailles ce qui ne lui a jamais été demandé et en omettant de se prononcer sur la demande d'expertise.

Elle s'estime fondée à voir ordonner une mesure d'expertise en application de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que la société AERO ENTREPRISE ne fournit aucun élément sur ce sinistre et ses conséquences, se contentant d'affirmer que l'appareil a été remis en état par un atelier agréé et en respectant la réglementation, sans produire ni factures ni rapport de contrôle et de conformité et qu'elle n'explique pas pour quel motif ce sinistre n'apparaît pas dans la documentation attachée à l'appareil.

Elle explique que l'expertise est indispensable pour disposer d'un avis technique sur la nature du sinistre, l'ampleur des dommages subis par l'appareil, pour connaître son impact et celui des réparations de remise en état sur la valeur de l'appareil et sur les désordres qu'il connaît actuellement, et pour apprécier les conditions de remise en état et en exploitation de l'avion.

Elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur le désistement constaté par le tribunal.

La société AERO ENTREPRISE, qui souhaite voir confirmer l'ordonnance dont appel, demande à la cour de juger que la société ATCI avec laquelle elle n'a aucun lien de droit n'a aucun motif légitime pour solliciter une mission d'expertise à son encontre, de la débouter de ses demandes de constat à son égard, de débouter la société AIR INVEST de sa demande d'expertise et de condamner les sociétés ATCI et AIR INVEST à lui payer la somme de 25.000 euros pour frais de procédure.

Elle expose que l'avion est immobilisé du fait du refus de la société AIR INVEST de réparer le train d'atterrissage qui est corrodé et non en raison de l'incident de 1997, que l'expert désigné par le juge des référés de Versailles qui s'est expliqué sur la demande d'extension de sa mission a indiqué que l'état de navigabilité d'un avion découlait des interventions techniques réalisées par des sociétés agréées, que cette navigabilité n'avait jamais été remise en cause à la suite des réparations effectuées après l'incident de 1997 et que l'avion avait volé pendant 20 ans sans le moindre incident.

Elle soutient que la demande d'expertise se heurte à la réglementation en matière aéronautique, en ce qu'elle tend à remettre en cause la réalité et la qualité des travaux réalisés sur l'avion en 1997 et à se substituer aux autorités aéronautiques qui les ont validés et fait valoir que l'avion a subi un incident au sens de la réglementation en se posant en dehors de la piste et non un accident, ce qui explique que le constructeur de l'appareil n'ait pas été sollicité à la suite. Elle soutient que la description des dommages faite par l'expert mandaté par la société AIR INVEST sur photographies est contraire à la réalité puisque l'appareil a pu rejoindre la France où il a été réparé dans un centre agréé qui a signé une approbation pour la remise en service conformément à la réglementation, que la société AIR INVEST est manifestement victime de manoeuvres de la société CESSNA qui prétend être dans l'impossibilité de réparer l'appareil et qui a inutilement interrogé le constructeur qui n'a jamais été sollicité et que l'appareil a été régulièrement maintenu et a obtenu tous les certificats garantissant sa navigabilité depuis 1997.

Elle considère que la société ATCI n'a aucun motif légitime pour solliciter une mesure d'expertise à son égard puisqu'elles n'ont aucun lien de droit, que le fait d'invoquer sa responsabilité extracontractuelle ne suffit pas à expliquer quelle faute elle a pu commettre qui lui aurait causé un préjudice, que toute expertise est inutile puisque le certificat de navigabilité n'a jamais été remis en cause et qu'au surplus, la société ATCI a été mandatée par la société AIR INVEST pour réaliser la visite et l'expertise de l'appareil lors de son achat et que seul le propriétaire de l'avion peut être amené à répondre de son éventuel préjudice d'exploitation résultant du non remplacement du train d'atterrissage.

Elle prétend que la société AIR INVEST ne peut pas lui reprocher de ne pas démontrer les conditions de réparations de l'avion alors qu'elles ont été réalisées par un atelier agréé et validées par les autorités de l'aviation civile et qu'elle tente d'abuser la cour alors qu'elle dispose de tous les éléments sur l'incident de 1997 puisqu'elle est en possession du rapport d'enquête et qu'elle sait, compte tenu des délais de conservation des documents, qu'il n'y a plus de traces des travaux de réparation et de maintenance effectués 20 ans plus tôt et que l'appareil a toujours conservé ces certificats de navigabilité.

Elle dénonce la mauvaise foi de la société ATCI et de sa société mère AIR INVEST et souligne que l'expert judiciaire a clairement expliqué les raisons pour lesquelles il avait refusé une extension de sa mission.

SUR CE

I - Les prétentions indemnitaires :

Attendu que le premier juge ne pouvait pas, comme le lui demandait la société AIR INVEST constater le désistement de la demande en réparation par provision de la société ATCI, faute pour celle-ci de s'être clairement désistée de sa demande quand bien même elle ne présentait plus de prétentions chiffrées alors qu'elle demandait de constater qu'elle avait subi un préjudice dû à l'impropriété au vol de l'aéronef et qu'il existait en l'état une contestation sérieuse et souhaitait voir ordonner une expertise et voir réserver toutes actions indemnitaires qu'elle pourrait formuler ;

Qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée sur ce point ;

Attendu que la société ATCI demande de constater qu'elle a subi un préjudice dû à l'impropriété au vol de l'aéronef, de constater l'existence d'une contestation sérieuse sur les causes des préjudices subis, de dire que l'étendue des préjudices subis doit être évaluée, de réserver toutes actions indemnitaires qu'elle pourrait formuler à l'encontre des sociétés AIR INVEST et AERO ENTREPRISE ou de qui il appartiendra.

Attendu que la cour par l'effet dévolutif de l'appel est investie des mêmes pouvoirs que le juge des référés qui ne peut se prononcer sur les responsabilités encourues ni davantage sur des demandes indemnitaires qui impliquent l'appréciation d'une faute et d'un préjudice ce qui relève du juge du fond ;

Qu'il n'y a dès lors lieu à référé sur ces chefs de demandes ;

II - Sur la demande d'expertise :

Attendu qu'en vertu de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;

Attendu que le juge des référés, qui était saisi d'une demande d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ne pouvait pas dès lors se déclarer incompétent pour se prononcer sur la mesure d'instruction sollicitée ; qu'il ne pouvait pas davantage se prononcer sur l'extension de la mission de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Versailles qui ne lui était pas demandée ;

Qu'en conséquence la décision doit être infirmée sur ces points ;

Attendu que les sociétés ATCI et AIR INVEST produisent à l'appui de leur demande d'expertise de l'avion Beechcraft :
- un rapport du bureau d'enquête et d'analyses pour la sécurité de l'aviation danois du 30 mars 1997 dont il ressort que l'avion, lors de l'escale à Kangerlussuaq au Groenland, s'est posé en dehors de la piste d'atterrissage sur la glace et que le pilote, craignant que celle-ci ne cède, a poursuivi le roulage jusqu'à ce que l'avion s'immobilise sur un talus à environ 10 mètres de haut situé juste avant les feux d'approche, que l'appareil a subi des dommages importants lors de l'atterrissage et du roulage, que les deux ailes de l'appareil présentaient des déformations sur leur intrados, que les pylônes des moteurs étaient endommagés, que les extrémités des pales d'hélices des deux moteurs étaient tordues sur environ 10 cm et que le train avant a été arraché lors du remorquage,
- une note technique établie le 9 mai 2017 par Monsieur G..., expert judiciaire, effectuée à la demande de la société AIR INVEST à partir des photographies prises lors de l'accident, qui fait état de ce que l'appareil présente une déformation importante du fuselage et de la voilure, que les déformations démontrent que la structure a en général subi des efforts mécaniques anormaux, que les mouvements de pièces ont subi des allongements au-delà des résistances mécaniques, que la dépose des pointes avant des deux moteurs indique qu'ils ont été envoyés pour réparation et qui conclut à la vue des dégâts sur les nacelles du moteur droite et gauche qu'il y a eu des mouvements en dehors hors de limites des moteurs et de leurs supports,
- des courriels adressés par le général manager de la société CESSNA à la société ATCI qui indique qu'en l'absence d'enregistrements des réparations précédentes, il est difficile de définir un plan d'action et de réparation de l'appareil ;

Attendu qu'au vu de ces éléments les sociétés ATCI et AIR INVEST, en leur qualité de propriétaires successifs de l'appareil qui appartenait à l'époque du sinistre à la société AERO ENTREPRISE, justifient d'un motif légitime à voir ordonner une mesure d'expertise contradictoire à l'effet notamment d'appréhender l'ampleur des dommages subis par l'appareil, la nature des réparations réalisées et les conditions de sa remise en exploitation, l'éventuelle existence d'un lien entre les dommages, les réparations et les causes de son immobilisation et ce d'autant que la société AERO ENTREPRISE ne fournit aucun élément sur la nature des interventions effectuées et les conditions de leur réalisation tels des devis, rapport et factures de réparation, que les documents attachés à l'appareil n'en font pas état et que la société en charge de sa réparation indique ne pas être en mesure d'établir un plan d'action et de réparation faute de connaître les interventions réalisées suite à ce sinistre, étant précisé qu'à ce stade les sociétés demanderesses à l'expertise n'ont pas à expliciter le fondement juridique des actions en responsabilité qu'elles sont susceptibles de pouvoir engager sur la base des conclusions du rapport d'expertise ;

Attendu qu'il importe peu que la société ATCI ait établi l'audit de l'appareil lors de son achat par AIR INVEST alors même qu'il n'est pas soutenu qu'elle ait eu à l'époque connaissance du sinistre survenu le 30 mars 1997 qui n'a été révélé qu'à l'occasion de l'expertise sur les trains d'atterrissage en 2017, qu'il est également indifférent à ce stade que l'appareil ait été exploité pendant plusieurs années à la suite du sinistre sans incident et qu'il ait été déclaré en état de navigabilité ; que par ailleurs l'avis donné par l'expert judiciaire, Monsieur F... pour s'opposer à l'extension de la mission d'expertise ordonnée par le tribunal de commerce de Versailles ne peut faire obstacle à la demande d'expertise alors que sa mission était limitée au train d'atterrissage et qu'elle impliquait d'autres parties et qu'enfin, l'expertise n'est pas contraire à la réglementation aéronautique alors même qu'elle permettra de s'assurer que les conditions d'intervention sur l'appareil sont conformes à celle-ci ;

Attendu que les sociétés AIR INVEST et ATCI devront faire l'avance de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert à raison d'une moitié chacune ;

III - Sur les autres demandes :

Attendu que chaque partie conservera provisoirement la charge de ses dépens qui suivra le sort de l'instance principale ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort :

INFIRME la décision déférée ;

ORDONNE une mesure d'expertise ;

DÉSIGNE pour y procéder Monsieur Bertrand H..., ARIANESPACE, [...] [...] [...], Tél : [...],Port. : [...] Email : [...] qui aura pour mission, après avoir entendu les parties et s'être fait remettre tous documents utiles concernant le sinistre du 30 mars 1997 (rapport de sinistre du pilote, le compte-rendu d'événement en exploitation, la déclaration du sinistre auprès des autorités de l'aviation civile, le dossier de la prise en charge des réparations par l'assureur, le dossier technique de remise en état, le relevé de triangulation, le statut des modifications et réparations avec les documents techniques de l'avion après les réparations, la copie des comptes rendus de matériel après le sinistre et tous rapports, devis et factures y afférents...),
- de procéder à l'examen de l'aéronef de type Beechcraft KING AIR 200 immatriculé EC-KNP,
- dire si le sinistre du 30 mars 1997 a fait l'objet des déclarations réglementaires et obligatoires auprès des autorités et entités requises, soit notamment auprès des autorités de l'aviation civile et du constructeur la société Beechcraft ;
- décrire les dommages subis par l'aéronef consécutifs au sinistre du 30 mars 1997 ;
- décrire les réparations qui ont été réalisées sur l'aéronef après le sinistre du 30 mars 1997 et
préciser notamment si elles ont été effectuées en conformité avec les instructions du constructeur, la société Beechcraft,
- indiquer le nom du ou des organismes ayant réalisé les réparations et vérifier s'ils disposaient des agréments nécessaires,
- indiquer si les réparations ont fait l'objet des mentions réglementaires et obligatoires sur la documentation de l'aéronef ;
- dire si les dommages subis par l'aéronef et/ou les réparations qui ont été réalisées du fait du sinistre du 30 mars 1997 ont eu une incidence sur sa valeur et le cas échéant la chiffrer à la date de sa vente en 2012 ;
- dire, au regard des dommages subis par l'aéronef, si l'atterrissage forcé en date du 30 mars 1997 constitue un « accident ›› ou un «incident grave›› au sens de la réglementation applicable à l'époque ;
- dire si les dommages subis par l'aéronef et/ou les réparations qui ont été réalisées du fait du sinistre du 30 mars 1997 ont un lien de causalité direct ou indirect avec les désordres que connaît actuellement l'appareil ;
- dire si le sinistre du 30 mars 1997 impose la mise en oeuvre de procédures de remise en conformité et autres opérations de maintenance et/ou vérifications avant toute possibilité de remise en service de l'aéronef, et donner son avis sur le coût de ces démarches et procédures ;
- dire si la documentation transmise, et plus généralement les informations données par AÉRO ENTREPRISE lors de l'audit réalisé par ATCI de l'appareil était conforme et complète, au regard notamment du sinistre du 30 mars 1997 et de l'éventuelle qualification d'«accident» ou «incident›› ;
- fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis ;

DIT que l'expert devra donner connaissance de ses conclusions aux parties et répondre à toutes observations écrites de leur part dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir son rapport définitif ;

DIT que l'expert déposera son rapport définitif en deux exemplaires au greffe de cette cour avant le 30 septembre 2019 au plus tard en adressant copie à chaque partie ;

DIT que la société AIR TAXI etamp; CHARTER INTERNATIONAL (ATCI) et la société AIR INVEST devront consigner chacune avant le 30 novembre 2018 auprès du régisseur d'avances et de recettes de cette cour la somme de 5.000 euros à titre de provision sur les honoraires de l'expert ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur les plus amples demandes ;

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chaque partie conservera provisoirement la charge de ses dépens qui suivront le sort de l'instance principale, ces dépens comprendront pour les sociétés AIR TAXI etamp; CHARTER INTERNATIONAL (ATCI) et la société AIR INVEST la charge des frais d'expertise à concurrence de chacune pour moitié.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame BERGES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/036531
Date de la décision : 20/09/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-09-20;17.036531 ?
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