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20/09/2018 | FRANCE | N°17/020161

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 20 septembre 2018, 17/020161


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 20/09/2018
Me X... Y...
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2018

No : - 18 No RG : 17/02016

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 14 Avril 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265198350470559

SAS TDE TRANSDATA agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]

représentée par Me Renaud Z..., du ca

binet BAULAC etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
et ayant pour avocat postulant Me X... Y..., avocat au barreau ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 20/09/2018
Me X... Y...
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2018

No : - 18 No RG : 17/02016

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 14 Avril 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265198350470559

SAS TDE TRANSDATA agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]

représentée par Me Renaud Z..., du cabinet BAULAC etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
et ayant pour avocat postulant Me X... Y..., avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265210114547236

Société UVT UNTERNEHMENSBERATUNG FÜR VERKEHR UND TECHNIK G MGH prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
représentée par Me françois BERTON de la SELARL Berton etamp; Assosiés, avocat au barreau de STRASBOURG, plaidant par Me Laure A..., avocat au barreau de STRASBOURG
et ayant pour avocat postulant la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 03 Juillet 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 3 mai 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, à l'audience publique du 24 MAI 2018, à 14 heures, devant Madame Elisabeth HOURS, conseiller faisant fonction de président, en son rapport, et monsieur Jean-Louis BERSCH, conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel madame Elisabeth HOURS, conseiller faisant fonction de président de chambre et monsieur Jean-Louis BERSCH, conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame BERGES, lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 20 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige :

Se plaignant de factures demeurées impayées entre le premier janvier 1995 et le 30 juin 2011, la société droit allemand Unternehmensberatung dür Verkehr un Technik gmbh (UVT) a, le 31 octobre 2014, assigné la société à responsabilité limitée de droit français TDE TRANSDATA (TDE), ayant son siège social à Saint Pierre des Corps, devant le tribunal de commerce de Tours en réclamant sa condamnation à lui verser la somme principale de 442.143,34 euros majorée des intérêts légaux.

Par jugement en date du 14 avril 2017, le tribunal a retenu que le droit allemand était applicable au litige et a condamné TDE à payer à UVT la somme de 442.143,34 euros assortie d'intérêts de retard au taux légal sur la somme de 68.174,73 à compter du 28 juillet 2014, date de la mise en demeure, outre une indemnité de procédure de 5.000 euros.

TDE a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 3 juillet 2017.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :
- le 10 avril 2018 par l'appelante
- le 27 avril 2018 par l'intimée.

TDE conclut à l'infirmation du jugement déféré et au rejet des demandes formées à son encontre et, à titre très subsidiaire, demande à la cour d'écarter toutes les factures prescrites et celles se référant à un forfait annuel. Elle forme par ailleurs une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de 1.000.000 euros en réparation de ses préjudices nés de la rupture brutale des relations commerciales et de la concurrence déloyale résultant de la création d'une personne morale dirigée par deux de ses anciens salariés et elle réclame paiement d'une indemnité de procédure de 15.000 euros.
Elle fait valoir qu'il est incompréhensible qu'UVT réclame paiement de 17 factures reposant sur une convention conclue entre IBK et la société anonyme TDE TRANSDATA de droit suisse ; que c'est pour la première fois devant la cour que l'intimée, au mépris des indications portées sur ces factures se rapportant à cette convention inapplicable, prétend qu'elles concerneraient des prestations générales de maintenance des logiciels effectués auprès de TDE ou de ses clients et elle demande donc à la cour de les écarter pour un montant total de 91.126,36 euros.
Elle affirme que les premiers juges se sont mépris en retenant que la loi allemande est applicable au litige puisqu'il n'existait pas de contrat écrit comprenant une clause attributive de compétence ; qu'elle était distributeur d'UVT et que, pour les factures les plus récentes, les dispositions de la convention de Rome entrée en vigueur le 17 décembre 2009 précisent dans l'article 4.1.f. que le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ; que pour la période antérieure au 17 décembre 2009, les dispositions des articles 4.1 et 4.2 de cette même convention de Rome conduisent également à l'application de la loi française puisque doit être retenue la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits et qu'il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la société qui doit fournir la prestation caractéristique, en l'espèce l'activité de distribution, a son siège.
Elle affirme qu'elle exerce bien une activité de distribution des logiciels et matériels d'UVT et que, si celle-ci peut être amenée à réaliser une activité de prestation de services, cette prestation n'est que ponctuelle et ne résulte que de la distribution préalable de ses logiciels. Elle rappelle que TDE Suisse a conclu le 8 février 1988 avec le bureau allemand IBK qui développait des logiciels et matériels dédiés aux acteurs du transport public une convention de partenariat aux termes de laquelle IBK lui consentait un droit exclusif de distribution mondial de son principal logiciel sur le territoire français sous la dénomination OPTHOR ; qu'en contrepartieTDE s'engageait à payer à IBK des droits de licence pour un montant forfaitaire annuel de 10.000 francs suisses ainsi qu'à acheter exclusivement à sa cocontractante les matériels afférents au logiciel et qu'en 1990 le bureau IBK a créé la société UVT qui a conclu les 18 février et 7 mars 1991 un nouveau contrat de partenariat avec TDE Suisse.
Elle prétend que l'existence d'un contrat de distribution est démontrée tant par cette histoire des relations entre les parties que par les procurations établies par UVT à son profit dans le cadre de marchés publics qui l'autorisaient à signer pour le compte de l'intimée, par les lettres de candidature aux appels d'offres adressées en leurs deux noms et par l'existence d'un compte bancaire commun. Elle souligne que, contrairement à ce que prétend l'intimée, elle ne se réfère pas aux contrats antérieurement conclus en 1988 et 1991 et ne les rappelle que pour démontrer quel a été historiquement l'objet des relations contractuelles ; que l'examen des factures émises par UVT permet de constater qu'elles visent toutes le logiciel FADA ou OPTHOR ainsi que les licences et les matériels attachés ; que la documentation d'UVT la désigne expressément comme son distributeur mondial (sa pièce 8) et que l'intimée ne saurait sérieusement prétendre que c'est TDE qui l'aurait priée de la faire ainsi apparaître dans cette documentation, une telle affirmation revenant à soutenir qu'elle a établi une documentation trompeuse et étant purement fantaisiste puisqu'on ne voit pas pourquoi l'intimée aurait accepté une telle demande ; que les clients auxquels elle avait distribué ce logiciel ont reçu le 12 février 2014 un courrier d'UVT désignant la société BEEMOTION comme étant le successeur de TDE et les invitant à venir rencontrer cette société dans le stand commun qu'elles avaient réservé porte de Versailles, ce qui démontre de plus fort qu'UVT n'était pas un simple fournisseur ; que l'intimée a édité un manuel technique d'utilisation de son logiciel à l'en-tête commune UVT-TDE qui précise que ce logiciel doit être commandé auprès de TDE ; que le 8 octobre 2012 UVT a formalisé avec elle une convention relative à la cession et à l'utilisation de licences afférentes à ce logiciel dans laquelle elle est expressément désignée comme distributeur.
Elle souligne qu'elle a toujours eu son siège social en France, territoire sur lequel elle distribuait le logiciel et les matériels d'UVT auprès de clients français, et prétend que la relation contractuelle l'unissant à UVT n'a jamais reposé sur les opérations de maintenance opérées par cette dernière mais que c'est bien la distribution qui constitue la prestation caractéristique de la relation, laquelle n'est que complétée par des prestations de maintenance accessoires à la distribution, peu important la langue et la monnaie utilisées pour l'établissement des factures.
Elle fait donc valoir que la loi française est applicable au litige et soutient que la prescription de cinq ans prévue par l'article 2224 du code civil empêche UVT, qui l'a assignée le 31 octobre 1994, de réclamer paiement de factures émises avant le 31 octobre 2009, seules les factures émises entre le 21 décembre 2009 et le 17 mai 2011 pour un montant de 112.504,71 euros et celles émises entre le 17 octobre 2012 et le 30 avril 2014 pour un montant de 68.174,73 euros échappant à la prescription.
Elle soutient que l'intimée ne saurait exciper d'une interruption de prescription en raison d'une reconnaissance de dette de 373.968,61 euros résultant d'un document dactylographié rédigé le 15 novembre 2011 en langue allemande et signé par Monsieur D..., représentant TDE France et Monsieur E... au nom de TDE Suisse puisque ce document ne constitue aucunement une reconnaissance de dette comme ne répondant pas aux conditions de fond et de forme exigées par le code civil ; qu'en effet ce document rédigé en langue allemande ne mentionne aucun engagement de paiement ni modalités de paiement et n'a été accompagné d'aucun règlement ni de constitution de garantie ; qu'il s'inscrit dans le cadre de pourparlers engagés avec la société de droit suisse TDE, ce qui est démontré par la signature de Monsieur E... administrateur de la société suisse et par l'expression " créances ouvertes" traduite du document litigieux ainsi que par le fait que les deux premières factures concernées ont été émises à l'ordre de TDE Suisse et que les 54 suivantes sont libellées tantôt à l'ordre de la société suisse tantôt à l'ordre de la société française et ont été émises en francs suisses ; que les 9 suivantes reproduisent la conversion d'un forfait de 10.000 francs suisses et ne visent pas son numéro de SIREN ; que l'indication, sur ce document d'un montant total de factures non identifiées ni ventilées entre les sociétés française et suisse ne peut caractériser une reconnaissance de dette ; qu'enfin il n'est pas fait mention manuscrite de la somme due en toutes lettres et en chiffres par celui qui a reconnu la dette contrairement aux exigences de l'article 1376 du code civil.
En ce qui concerne les factures non affectées par la prescription, elle fait valoir que les factures visant expressément l'application d'un forfait annuel conforme à la convention UVT/IBK ne peuvent qu'être écartées ; que les 14 autres factures ne sont pas plus fondées en l'absence de bons de commande correspondants, d'autant que le libellé de certaines factures laissent apparaître que la prestation réalisée a été commandée directement par le client et non par TDE ; qu'UVT ne produit aucun bon de livraison ni aucune justification de l'exécution effective des prestations.
Subsidiairement et si la cour retenait l'application de la loi allemande, elle soutient qu'UVT ne démontre pas le contenu de cette loi puisqu'elle ne produit aucune traduction assermentée des quelques textes qu'elle communique sans les restituer dans leur contexte et aucun certificat de coutume ; qu'il n'est pas démontré que l'attestation qu'elle produit a été établie par un avocat qui n'a aucun lien avec elle ; qu'en tout état de cause le délai de prescription en droit allemand est de trois ans et que le document signé en novembre 2011 n'a pu interrompre la prescription puisque n'étant pas une reconnaissance de dette et qu'il n'est pas établi que son auteur avait conscience d'un engagement de satisfaire une créance et a eu un comportement factuel dépourvu de toute ambiguïté ; que l'effet interruptif d'une prescription ne peut s'appliquer qu'aux prescriptions en cours et par nature non acquises ; que la loi allemande précise que l'effet de prolongation de la prescription ne peut se produire lorsque la reconnaissance de dette a été faite après achèvement de la prescription ; que les 54 factures comprises entre le 10 mars 1995 et le 30 mai 2008 pour un montant total de 186.777,34 euros sont donc prescrites. Et elle reprend les mêmes observations au fond sur l'absence de bien fondé des créances.
En ce qui concerne sa demande reconventionnelle, elle fait valoir que, par un courriel du 12 février 2014, UVT lui a fait connaître qu'elle n'honorerait plus ses nouvelles commandes et subordonnait l'exécution des commandes en cours à des paiements complets opérés à l'avance en circularisant le même jour à ses clients l'annonce d'un changement de partenaire ; qu'elle a ainsi rompu brutalement des relations commerciales établies et a débauché ses salariés par personne morale interposée, la société BEE MOTION créée par deux de ses anciens salariés Messieurs F... et G..., ce qui a amputé d'un tiers son effectif d'ingénieurs informaticiens et elle soutient avoir connu une très importante chute d'activité ensuite de la rupture brutale et sans préavis des relations anciennes entretenues avec UVT.

UVT conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelante à lui verser une nouvelle indemnité de procédure de 15.000 euros.
Elle fait valoir qu'aucun contrat écrit n'a été conclu avec TDE France puisque les contrats dont l'appelante fait état ont tous deux été conclus avec la société TDE Suisse ; qu'en outre les produits visés dans ces conventions ne sont plus fabriqués ; qu'il n'existe donc aucun écrit ayant lié les parties au présent litige.
Elle affirme que TDE n'a jamais été son distributeur ; que l'appelante répond en son nom et pour son compte aux appels d'offres et passe ensuite commande auprès d'elle qui lui livre les produits, les lui facture et effectue un certain nombre de prestations de mise en service et de maintenance qu'elle facture également, agissant alors en qualité de sous-traitant de TDE ; que ce n'est qu'en sa qualité de fournisseur habituel qu'elle s'est jointe à TDE pour postuler sous forme de groupement à certains marchés publics ; que la présentation de TDE comme distributeur a été opérée pour augmenter les chances de celle-ci de se voir accorder le marché et que le compte bancaire joint avait pour but de recevoir les paiements issus de ces marchés ; qu'il ne peut exister de contrat de distribution puisque TDE n'était tenue d'aucun objectif ou de volume de ventes et qu'il n'existait pas d'exclusivités réciproques. Elle soutient que sa désignation de l'appelante comme étant sa "partenaire" se justifie par les relations d'affaires suivies et que sa désignation comme son distributeur sur un prospectus a été faite sur la demande expresse de TDE qui souhaitait apparaître comme tel ; que TDE déclare une activité d'ingénierie et d études techniques et qu'en tout état de cause, peu importe la qualification qu'elle a pu donner au contrat la liant à l'appelante puisqu'il convient de se reporter à la réalité des relations contractuelles.
Elle rappelle que dans le cadre d'un contrat de prestation de service, la prestation caractéristique est la fourniture du service qui incombe au prestataire de service ; qu'elle a son siège en Allemagne et elle souligne que les factures étaient établies en langue allemande et en monnaie allemande avant l'entrée en vigueur de l'euro et que depuis 2009 la loi applicable est celle du lieu de l'établissement du prestataire de service.
Elle fait valoir que, depuis 2000, ce n'est pas au demandeur d'établir le contenu de la loi étrangère dont le juge français doit faire application mais qu'il revient à ce juge d'en rechercher la teneur avec le concours des parties et elle souligne qu'elle a désormais fait procéder à la traduction assermentée de la totalité des pièces et produit une consultation d'un avocat allemand.
Elle fait valoir que TDE a reconnu sa dette dans un écrit du 15 novembre 2011 ainsi traduit par un traducteur assermenté : "Constatation des créances impayées de la société UVT à l'encontre de la société TDE. Entre le premier janvier 1995 et le 30 juin 2011, des livraisons et des prestations de la société UVT à la société TDE n'ont pas été payées pour un montant de 373.968,61 euros. Le montant a été vérifié et accepté par les deux parties en octobre 2011" ; que sa créance est donc reconnue par l'appelante.
Elle indique qu'en droit allemand, le délai de prescription est de 3 ans et recommence à courir en cas de reconnaissance de la créance ; que l'écrit de novembre 2011 est une reconnaissance de dette au sens du droit allemand qui n'exige pas les conditions de forme du droit français ; qu'en droit allemand elle n'a pas à communiquer les bons de commande pour justifier de l'existence de sa créance et elle souligne que l'appelante n'a jamais critiqué les factures lorsqu'elle les a reçues. Elle prétend que si plusieurs factures font référence à la convention TDE/IBK elles se rapportent en fait à des prestations générales de maintenance de logiciels qui étaient effectuées auprès de la société TDE ou de clients de celle-ci, ces prestations régulières de mise à jour, d'amélioration et d'extension étant récurrentes et difficilement chiffrables ce qui explique qu'un forfait était appliqué d'un commun accord entre les parties ; que, de plus, la partie de ses factures antérieure au 15 novembre 2011 a été acceptée par TDE dans la reconnaissance de dette. Elle indique également que deux factures concernaient effectivement TDE Suisse ( no 5173798 du 11 décembre 1996 et 5173511 du 10 mars 1995) mais que TDE France les a reprises à son compte dans le cadre de la reconnaissance de dette.
En ce qui concerne la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts, elle soutient qu'elle n'a pas rompu brutalement les relations commerciales mais a cessé de contracter avec TDE qui ne donnait pas suite à ses réclamations en paiement et s'était lancée dans la distribution de produits concurrents. Elle affirme ne pas avoir organisé de départ massif des salariés de TDE ni les avoir encouragés à concurrencer l'appelante qui n'apporte selon elle aucune preuve à l'appui d'une telle affirmation.

Les parties ont été invitées à s'expliquer au moyen d'une note en délibéré sur les pouvoirs du tribunal de commerce et de la cour d'appel d'Orléans pour connaître d'une demande en rupture brutale des relations commerciales.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

- Sur le paiement des factures visant un forfait annuel :

Attendu que les parties sont d'accord pour indiquer que ne sont pas applicables entre elles les dispositions d'une convention conclue entre les sociétés IBK et TDE Suisse ou toute autre convention liant UVT à TDE Suisse ;

Qu'il est dès lors incompréhensible qu'UVT, qui consacre spécialement dans ses écritures un paragraphe de plusieurs pages à l'exposé des motifs rendant inapplicable cette convention ait émis plusieurs factures qui se réfèrent toutes expressément à "un forfait annuel conformément à la convention UVT/IBK du 18 février 1991 : 07.03.91" ;

Qu'il semble devoir être retiré des explications embarrassées de l'intimée sur le visa de ces factures l'affirmation de ce que la mention, sur ces factures, de la convention conclue avec TDE Suisse ne serait qu'une erreur et ne correspondrait pas à la prestation facturée mais à des prestations récurrentes d'entretien, d'extension ou d'amélioration, pour lesquelles les parties auraient convenu d'une facturation forfaitaire ;

Mais attendu qu'il est difficile de comprendre l'argumentation de l'appelante de ce que "les prestations étant fluctuantes, elles étaient facturées sous forme de forfait" et qu'il ne peut qu'être constaté que l'intimée ne démontre aucunement qu'un accord a existé entre elle et TDE France sur une quelconque facturation à forfait, ce qu'elle aurait pu faire en produisant de telles factures acquittées ;

Qu'UVT ne justifie aucunement d'un montant convenu au titre de prestations forfaitaires que les factures litigieuses ne visent jamais puisqu'elles se fondent toutes sur la convention conclue entre IBK et TDE Suisse ;

Attendu que l'intimée ne saurait par ailleurs sérieusement prétendre que TDE France aurait "repris à son compte" des facturations forfaitaires émises à l'encontre de TDE Suisse, une telle reprise étant d'ailleurs contradictoire avec son argumentation de la facture de prestations réellement réalisées et ne résultant d'aucun autre élément que de l'envoi, par ses soins des factures TDE Suisse à l'appelante, alors que ni le contrat l'unissant à TDE Suisse ni les règles comptables ne l'autorisaient à facturer la société française au titre d'une prestation opérée au seul profit de la société suisse ;

Que la" reconnaissance de dette" en date du 15 novembre 2011 dont elle se prévaut ne fait aucune référence à une telle reprise par TDE France de factures laissées impayées par TDE Suisse et que la signature apposée sur ce document par les dirigeants des deux sociétés française et suisse ne permet aucunement de conclure à un transfert de dette entre elles ;

Attendu dès lors qu'en l'absence de preuve d'un quelconque accord et d'une facturation au visa d'une convention de son propre aveu inapplicable à ses relations contractuelles avec l'appelante, UVT ne démontre pas être créancière de TDE au titre des factures suivantes :

10.03.95 Tde Transdata SA Lausanne Forfait annuel Convention Uvt/IBK 18.2.91/7.3.91 10.000 frs suisses
11.12.96 Tde Transdata SA Lausanne Forfait annuel pour 1995 conformément convention conclue UVT/IBK du 18.2.91/7.3.91 10.000 frs suisses
19.12.97 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 1997 conformément convention conclue UVT/IBK du 18.2.91/7.3.91 10.000 frs suisses
31.12.98 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 1998 conformément convention conclue UVT/IBK du 18.2.91/7.3.91
10.000 frs suisses
1.12.99 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 1999 conformément convention conclue UVT/IBK du 18.2.91/7.3.91 10.000 frs suisses
29.11.00 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2000 conformément convention conclue UVT/IBK du 18.2.91/7.3.91
10.000 frs suisses
19.12.01 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2001 conformément convention conclue UVT/IBK du 18.2.91/7.3.91
6.782 €
10.12.02 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2002 conformément convention conclue UVT/IBK 6.790 € 10.12.04 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2004 conformément convention conclue UVT/IBK
6.526,56 €
15.12.06 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2006 conformément convention conclue UVT/IBK 6.526,56€
21.12.05 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2005 conformément convention conclue UVT/IBK 6.526,56€

19.12.07 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2007 conformément convention conclue UVT/IBK
6.526,56€
18.12.08 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2008 conformément convention conclue UVT/IBK
6.526,56€
31.12.09 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2009 conformément convention conclue UVT/IBK et à l'accord M.D... / M.H... 1.800€
17.12.10 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2010 conformément convention conclue UVT/IBK et à l'accord M.D... / M.H... 1.800€ 5.12.2012 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2012 conformément convention conclue UVT/IBK du 18.2.91/7.3.91 1.800 €
20.12.13 TDE Transdata Tours Forfait annuel pour 2013 conformément convention conclue UVT/IBK du 18.2.91/7.3.91 1.800 €
Que les demandes de ces chefs seront donc rejetées ;

- Sur la loi applicable au litige :

Attendu que le litige concerne des factures qui seraient demeurées impayées entre le premier janvier 1995 et le 30 juin 2011 ;

Que, pour la période antérieure au 17 décembre 2009, les dispositions de l'article 4 de la convention de Rome sur la loi applicable à défaut de choix étaient ainsi rédigées :"1. Dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays.
2. Sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale. Toutefois, si le contrat est conclu dans l'exercice de l'activité professionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou, si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l'établissement principal, celui où est situé cet autre établissement.";

Que, pour la période postérieure au 17 décembre 2009 sont applicables les dispositions de l'article 4 qui sont ainsi rédigées :
1". À défaut de choix exercé conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit :
a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ;
b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ;
c) le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'immeuble ;
d) nonobstant le point c), le bail d'immeuble conclu en vue de l'usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs est régi par la loi du pays dans lequel le propriétaire a sa résidence habituelle, à condition que le locataire soit une personne physique et qu'il ait sa résidence habituelle dans ce même pays ;
e) le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle ;
f) le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ;
g) le contrat de vente de biens aux enchères est régi par la loi du pays où la vente aux enchères a lieu, si ce lieu peut être déterminé ;
h) le contrat conclu au sein d'un système multilatéral qui assure ou facilite la rencontre de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers pour des instruments financiers, au sens de l'article 4, paragraphe 1, point 17), de la directive 2004/39/CE, selon des règles non discrétionnaires et qui est régi par la loi d'un seul pays, est régi par cette loi.
2. Lorsque le contrat n'est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.
3. Lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique.
4. Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits."

Attendu que TDE soutient avoir conclu avec UVT un contrat de distribution et fait valoir
- qu'en application de l'article 4 susvisé, le contrat présentait avant le 17 décembre 2009 des liens les plus étroits avec la France, pays sur le territoire duquel les produits devaient être distribués et lieu d'exécution de la prestation caractéristique ;
- qu'en application de l'article 4.1.f également rappelé ci-dessus la loi française doit également s'appliquer à compter du 17 décembre 2009 puisque le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ;

Qu'UVT prétend quant à elle avoir conclu avec l'appelante un contrat de prestations et demande à la cour d'approuver les premiers juges qui ont retenu l'existence d'un tel contrat ;

Mais attendu que le tribunal n'a pas recherché quelle était la nature du contrat unissant les parties et s'est borné, pour retenir l'application de la loi allemande, à indiquer que la société UVT réclamait paiement de prestations effectuées auprès de TDE sans vérifier dans quel cadre étaient exécutées ces prestations ;

Qu'il a également relevé que les factures sont rédigées en allemand et que les factures les plus anciennes sont établies en deutchmarks, ce qui ne peut être qu'un critère subsidiaire en l'absence de définition plus précise du contrat unissant les parties ; Qu'en effet s'agissant de la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'euro, la rédaction des factures (dont certaines adressées àTDE Suisse) en allemand et l'utilisation de la monnaie allemande ne sauraient démontrer l'existence des liens les plus étroits avec l'Allemagne puisqu'en application de l'article 4 susvisé, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale ;

Attendu que tout contrat conclu avec un intermédiaire chargé de vendre les produits ou services d'une entreprise ou d'en assurer la promotion est un contrat de distribution ;

Que le contrat de distribution recouvre des formes très diverses selon qu'il couvre un territoire régional, national ou international ; qu'il est conclu par le distributeur pour lui-même ou également pour le compte de filiales ; qu'il impose ou non des obligations d'exclusivité ; qu'il prévoit une simple représentation ou au contraire contient des obligations relatives à des volumes de ventes, à un plan marketing ou de développement, au renouvellement des stocks, impose des comptes-rendus périodiques ;

Que c'est donc sans pertinence qu'UVT prétend tirer d'une absence d'obligation relative aux volumes des ventes ou de détermination d'une fourchette des prix ou de clause d'exclusivité, comme de la possibilité offerte à TDE de combiner un de ses logiciels avec ceux d'UVT la preuve de l'absence d'existence d'un contrat de distribution ;

Attendu qu'UVT prétend inexactement que TDE passait commande auprès d'elle quand elle en avait besoin et simplement pour exécuter les contrats qu'elle avait conclus avec ses clients ;

Qu'elle soutient de manière tout aussi fallacieuse que l'appelante n'était qu'une partenaire commerciale habituelle puisqu'il résulte des pièces communiquées par l'appelante que :
- UVT et TDE candidataient ensemble au titre de marchés publics en France, UVT désignant alors TDE comme mandataire unique du groupement conjoint avec pouvoir de signer au nom des deux sociétés (cf acte de candidature du 24 août 2006) qui avaient ouvert ensemble un compte joint ;

- UVT a établi la liste de ses clients pays par pays, laquelle mentionne comme distributeur international "TDE Transdata Tours" (pièce no8 de l'appelante),

- UVT a dressé la liste de l'ensemble des licences des logiciels qu'elle confiait à TDE en précisant que l'utilisation de ces licences concédée par elle doit être précédée d'un accord écrit donné à TDE qui règle effectivement le coût de cette licence (pièce no22 de l'appelante),

- Le manuel technique d'utilisation du système OPTHOR PLUS édité par UVT est à l'en tête commune UVT-TDE avec l'adresse de l'appelante sous la rubrique " distributeur international",

- UVT a adressé à ses clients le 12 février 2014 le courrier circulaire suivant : " Nous avons le plaisir de vous présenter aujourd'hui notre nouveau partenaire la société SES Beemotion. Avec Beemotion nous engageons une collaboration de long terme sur le marché français. La SA Beemotion et UVT auront pour la première fois un stand commun lors du salon des transports publics du 10 au 12 juin 2014 à la porte de Versailles à Paris. UVT et Beemotion sont à votre disposition pour vous présenter leur nouvelle coopération. Dans l'intérêt des utilisateurs et des perspectives de Fada plus (logiciel OPTHOR). Nous nous sommes décidés à trouver un nouveau partenaire en France. Nous nous réjouissons de cette nouvelle collaboration et nous vous remercions par avance de votre confiance et de vote soutien" (pièce appelante no10) ;

Que c'est donc sans pertinence, au regard de ces éléments constants au cours des relations commerciales unissant les parties, que l'intimée, qui ne peut méconnaître l'importance et la nécessaire vérité des documents commerciaux qu'elle a elle-même publiés, soutient que ce serait pour complaire à l'appelante qu'elle aurait accepté de la présenter comme son distributeur, tant auprès de la clientèle que lors de la candidature à des marchés publics ;

Qu'il résulte dès lors des propres documents d'UVT qu'elle a conclu avec TDE un contrat de distribution et que les prestations de maintenance ou d'extension dont elle sollicite aujourd'hui paiement ne sont qu'accessoires à la distribution de ses produits par l'appelante ;
Qu'en application de l'article 4 puis de l'article 4.1.f de la Convention de Rome, le contrat a les liens les plus étroits avec le pays dans lequel le contrat de distribution s'exécute, soit en l'espèce la France et que, par infirmation du jugement déféré, il convient d'appliquer au litige les dispositions de la loi française ;

- Sur la prescription

Attendu que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ;

Que le délai de prescription, qui était de 10 années en 1995, a été réduit à 5 ans par la loi du 18 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008 ;

Qu'en application de l'article 2222 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et qu'aux termes de l'article 2240 du même code, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai prescription ;

Attendu que UVT se prévaut d'une reconnaissance de dette en date du 15 novembre 2011 et que les parties s'opposent sur la régularité formelle d'une telle reconnaissance au regard du droit français ;

Que ce débat est cependant sans intérêt pour la solution du litige ;

Qu'il résulte en effet de la rédaction de l'article 2224 susvisé que c'est la reconnaissance du droit du créancier par le débiteur qui interrompt la prescription sans qu'il ne soit exigé par la loi que cette reconnaissance prenne la forme d'une reconnaissance de dette répondant aux exigences de forme des articles 1376 et suivants du code civil, le juge devant uniquement apprécier si la reconnaissance du droit est certaine et non équivoque ;

Attendu que l'intimée, qui a engagé son action le 31 octobre 2014, s'estime fondée à réclamer paiement de factures antérieures au 31 octobre 2009 en se prévalant d'un document ainsi rédigé :
"accord entre UVT et TDE TRANSDATA SAS Tours
constatations des créances impayées de la société UVT à l'encontre de la société TDE
Entre le premier janvier 1995 et le 30 juin 2011 des livraisons et des prestations de la société UVT n'ont pas été payées par la société TDE pour un montant de 373.968,61 euros. Le montant a été vérifié et accepté par les deux parties.
La créance de la société UVT à l'encontre de la société TDE du montant indiqué ci-dessus est reconnue par la société TDE.
Lausanne le 15 novembre 2011."

Que cet écrit a été signé par Monsieur Jean Pierre E... et Monsieur Jean-Michel D... représentant respectivement TDE France etTDE Suisse , et par Monsieur I... et Monsieur J... pour UVT ;

Attendu qu'il peut paraître étonnant que le dirigeant de TDE Suisse ait signé ce document qui ne semble pas le concerner mais que cette signature s'explique lorsque l'on constate que, bien que l'accord indique que ce serait TDE France l'unique débitrice d'UVT, il résulte du détail des factures communiquées lors de la présente instance que certaines ont été expresément émises à l'ordre de TDE Suisse ;

Que cet élément rend peu probante et équivoque la reconnaissance ainsi signée par TDE France d'une dette d'un montant de 373.968,61 euros alors que la créance d'UVT n'est pas ventilée entre cette société et la société TDE Suisse ;

Attendu en tout état de cause que cette "reconnaissance de dette" concernait des créances d'UVT déjà atteintes par la prescription quinquennale ;

Qu'aux termes de l'article 2250 du code civil, une prescription acquise est susceptible de renonciation mais que l'article 2251 du même code précise que, si la renonciation à invoquer la prescription peut être expresse ou tacite, la renonciation tacite ne peut résulter que de circonstances établissant sans équivoque la volonté du débiteur de ne pas se prévaloir de la prescription ;

Qu'UVT ne fait état d'aucun élément permettant de retenir que TDE France avait tacitement renoncé à invoquer la prescription, une telle renonciation ne pouvant résulter que d'actes accomplis en pleine connaissance de cause et manifestant de façon non équivoque l'intention du prétendu renonçant ;

Qu'une reconnaissance de dette -et même une proposition de paiement amiable- ne suffit pas à caractériser la renonciation non équivoque du débiteur à se prévaloir de la prescription (cf notamment Cass civ 1ère 25 janvier 2017 no 15-26.045) ;

Que la reconnaissance de dette de l'appelante, non dépourvue d'équivoque pour les motifs sus évoqués, n'ayant été suivie d'aucun acte manifestant de façon non équivoque sa volonté de renoncer à l'invocation de la prescription, et notamment par aucun paiement, aucun envoi de relevé d'identité bancaire permettant des prélèvements, aucune élaboration d'un échéancier d'apurement du passif, TDE est fondée à invoquer la prescription d'une partie des créances dont paiement lui est réclamé, étant au surplus relevé que la seule lettre de mise en demeure qui lui a été adressée par l'intimée, le 28 juillet 2014, ne fait état que des factures émises entre le 17 octobre 2012 et le 17 février 2014 pour un montant de 68.159, 54 euros (pièce intimée no7) et qu'elle n'a donc pas eu à invoquer alors la prescription des sommes antérieurement dues ;

Qu'il en résulte qu'UVT, ayant assigné l'appelante le 31 octobre 2014, ne peut réclamer paiement de factures émises avant le 31 octobre 2009 ;

- sur les factures non prescrites :

Attendu que 14 factures ne visant pas le forfait inapplicable à TDE France ont été émises par UVT entre le 9 décembre 2009 et le 17 mai 2011 à savoir :
Date Objet Montant Acompte Somme restant due
17.10.2012 Facture no5531443 Maintenance de logiciel Nice 2012 4.020,64 0 4.020,64
17.10.2012 Facture no5531444 Maintenance de logiciel Nice 2012 4.662,06 4.662,06 0
5.12.2012 Facture no5531492 Maintenance de logiciel TDE 2012 1.800,00 1.337,94 462,06
23.01.2013 Facture no5531607 Licence de logiciel Avignon 21.000,00 15.000,00 6 .000
23.01.2013 Facture no5531608 Maintenance de logiciel Le Havre 2013 3.915,31 0 3.915,31
23.01.2013 Facture no5531609 Maintenance de logiciel Nice 2013 4.094,91 0 4.094,91
26.06.2013 Facture no5531686 Licence de logiciel Mulhouse 33.725,00 0 33.725,00 20.12.2013 Facture no5531839 Maintenance de logiciel TDE 2013 1.800,00 0 1.800,00
23.01.2014 Facture no5531102 Entretien de matériel Nantes 2014 4.748,17 3.764,86 983,31
23.01.2014 Facture no5531113 Maintenance de logiciel Le Havre 2014 10.735,14 10.735,14 0
11.02.2014 Facture no5531114 Maintenance de logiciel Nantes 2014 3.915,31 0 3.915,31
17.02.2014 Facture no5531129 Facturation de matériel non rendu 9.243,00 0 9.243,00
30.04.2014 Facture no5531147 Réunion avec Bombardier à Clermont-Ferrand 2.215,19 2.200,00 15,19
TOTAL: 105.874,73 € 37.700,00 € 68.174,73 €

Que c'est sans pertinence que TDE fait valoir que l'intimée ne produit pas les bons de commande et les bons de livraison ni les contrats de maintenance et les justificatifs de l'exécution effective des prestations alors qu'elle indique elle-même, dans ses écritures, qu'au regard de l'ancienneté des relations entre les parties, les commandes pouvaient être informelles ;

Qu'elle revendique à raison la qualité de distributeur d'UVT pendant la période considérée mais ne produit aucune pièce justifiant du paiement des prestations accessoires à la distribution effectuées par l'intimée pendant la période considérée ;

Qu'elle ne soutient même pas qu'aucune prestation n'a été réalisée et qu'elle n'a pas protesté à la réception de ces factures ou après mise en demeure, prétendant pour la première fois devant le tribunal de commerce n'être redevable d'aucune somme ;

Que la preuve en matière commerciale est libre et qu'au regard des relations commerciales liant les parties, de ce que l'appelante ne prétend pas qu'UVT n'a pas agi pour son compte, de ce qu'elle n'a jamais contesté les prestations réalisées ni les facturations émises, qu'elle ne conteste pas plus ne pas avoir restitué l'intégralité du matériel appartenant à UVT, elle sera condamnée à verser à UVT la somme de 68.174,73 euros ;

- Sur la demande reconventionnelle formée par TDE :

Attendu que l'intimée sollicite reconventionnellement paiement de 1.000.000 euros de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices nés de la rupture brutale des relations commerciales et de la concurrence déloyale résultant de la création d'une personne morale dirigée par deux de ses anciens salariés ;

Qu'elle expose en effet que, désireuse de cesser de contracter avec elle, UVT a incité d'anciens salariés à créer leur entreprise afin de pouvoir confier à cette dernière le contrat de distribution la liant à TDE et rompre ainsi sans danger les relations commerciales l'unissant à cette dernière ;

Attendu qu'aux termes de l'article 7, point 2, du règlement (UE) 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire et la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE 14 juillet 2016 aff. C-196/15 Granolo SpA c. Ambroisi Emmi France SA), une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de ce règlement, lorsqu'il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite ;

Qu'aucune des parties ne conteste en l'espèce l'existence d'une relation contractuelle tacite qui a entraîné des relations commerciales établies pendant 20 ans avec régularité des transactions et accord sur les prix facturés ainsi que sur les conditions de paiement ;

Que l'action en rupture de ces relations relève donc de la matière contractuelle qui rend compétent le tribunal du lieu d'exécution du contrat, les marchandises étaient en l'espèce livrées en France, dans le ressort du tribunal de commerce de Tours ;

Attendu que l'appelante qui n'a jamais visé le moindre texte à l'appui de sa demande concernant la rupture brutale des relations commerciales et s'est bornée à réclamer l'application de la loi française, soutient dans sa note en délibéré établie sur demande de cette cour qu'il résulte de l'article 6.3 du règlement 44/2001 Bruxelles 1 que lorsqu'est formée une demande reconventionnelle qui dérive du contrat cette demande doit être formée devant le tribunal saisi de celle-ci ;

Mais attendu que ce règlement ne donne pas pouvoir juridictionnel à une juridiction qui en est dépourvue en droit interne ;

Que selon l'article L 442-6 I du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (..) 5o de rompre brutalement même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels ;

Qu'aux termes de l'article D 442-3 du même code, pour l'application de cet article L 442-6 I-5o, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre ;

Attendu que TDE, qui se plaint de la rupture brutale des relations commerciales par UVT, fonde, de manière indissociable, sa demande en indemnisation de ce chef sur l'existence d'une société concurrente qui aurait été créée par deux de ses anciens salariés avec le concours d'UVT ;

Qu'elle n'a pas attrait en la cause cette société concurrente et ne l'invoque que pour fonder son action tendant au paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales et pour concurrence déloyale, sollicitant une indemnisation unique au titre de ces deux griefs indivisibles, tant dans ses écritures que dans ses demandes ;

Que le tribunal de commerce de Tours n'avait dès lors pas pouvoir de connaître des demandes reconventionnelles de l'appelante et que seul le tribunal de Paris, désigné par l'article D 442-3 du code de commerce, était compétent pour en connaître ;

Qu'il convient dès lors d'annuler le chef de décision concernant le rejet de la demande reconventionnelle formée par TDE ;

Que la cour d'appel de Paris n'étant compétente que pour connaître des appels formés à l'encontre des décisions des tribunaux de commerce désignés par l'article D 442-3 susvisé, cette cour ne peut la désigner comme cour d'appel compétente et lui adresser le dossier de la procédure et qu'il convient de renvoyer la société TDE à se pourvoir devant le tribunal de commerce de Paris qui a seul pouvoir pour connaître de ses prétentions ;

Attendu que chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, conservera à sa charge les dépens exposés à l'occasion de cette procédure et qu'il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que la loi française est applicable au litige,

DÉCLARE irrecevables comme prescrites les demandes en paiement formées par la société Unternehmensberatung dür Verkehr un Technik gmbh (UVT) au titre des factures émises avant le 31 octobre 2019,

CONDAMNE la société TDE TRANSDATA à payer à la société Unternehmensberatung dür Verkehr un Technik gmbh (UVT) la somme de 68.174,73 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2014, date de la mise en demeure,

DÉBOUTE la société Unternehmensberatung dür Verkehr un Technik gmbh (UVT) du surplus de ses demandes en paiement de factures,

ANNULE pour défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Tours le chef du jugement déféré qui a rejeté la demande reconventionnelle de la société TDE TRANSDATA en réparation du préjudice indivisible qui lui a été causé par la rupture brutale des relations commerciales et la concurrence déloyale de l'intimée,

DIT qu'en application des dispositions des articles L 442-6 I 5o et D 442-3 du code de commerce seul le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître de cette demande,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à la charge de chacune d'elles les dépens qu'elles auront pu exposer au titre des procédures de première instance et d'appel et DIT n'y avoir lieu en conséquence d'accorder aux avocats de la cause le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame BERGES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/020161
Date de la décision : 20/09/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-09-20;17.020161 ?
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