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20/09/2018 | FRANCE | N°17/019771

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 20 septembre 2018, 17/019771


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 20/09/2018
la SELARL ENVERGURE AVOCATS
la SCP REFERENS

ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2018

No : 271 - 18 No RG : 17/01977

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 20 Juin 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SCI DIDEROT
[...]

représentée par Me Corinne X... de la SELARL ENVERGURE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART<

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INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Monsieur Pierre Y...
né le [...] à [...]
[...]

représenté par Me Laurent Z....

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 20/09/2018
la SELARL ENVERGURE AVOCATS
la SCP REFERENS

ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2018

No : 271 - 18 No RG : 17/01977

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 20 Juin 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

SCI DIDEROT
[...]

représentée par Me Corinne X... de la SELARL ENVERGURE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Monsieur Pierre Y...
né le [...] à [...]
[...]

représenté par Me Laurent Z... de la SCP REFERENS, avocat au barreau de TOURS

Monsieur Bertrand Y...
né le [...] à [...]
[...]
[...]

représenté par Me Laurent Z... de la SCP REFERENS, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 Juin 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 mars 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 24 MAI 2018, à 14 heures , Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Greffier ayant assisté aux débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier ayant assisté au délibéré : Madame Irène ASCAR, Greffier placé,

ARRÊT :

Prononcé le 20 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Les 53.540 parts de la SCI DIDEROT, qui est propriétaire de 16 immeubles ainsi que de diverses parcelles de terres et de bois, sont actuellement la propriété de Jacques, Pierre, Arnaud, Bertrand et Marie-Madeleine Y..., cette dernière en étant la gérante.

Des dissensions étant apparues entre les associés, Bertrand et Pierre Y... ont notifié à la SCI leur désir de se retirer.

Par décision du 17 décembre 2010, l'assemblée générale de la SCI a rejeté les demandes de retrait formées par ces deux associés.

Pierre et Bertrand Y... ont alors engagé une procédure aux fins d'être judiciairement autorisés à se retirer de la société.

Par jugement du 4 février 2016 du tribunal de grande instance de Tours, confirmé par arrêt de cette cour en date du 19 janvier 2017, il a été fait droit à cette demande.

Les deux associés ont donc notifié à la SCI la valorisation par un expert comptable de leurs parts sociales respectives à la SCI mais cette proposition est restée sans réponse justifiée et sans contre proposition.

Le 8 mars 2017, Pierre et Bertrand Y... ont indiqué à la SCI qu'à défaut de son accord sur le prix, ils souhaitaient recourir à une expertise amiable pour déterminer la valeur des parts sociales et ont proposé pour leur part la désignation de Monsieur A... en qualité d'expert afin d'évaluer leurs droits sociaux.

Cette proposition étant à nouveau restée sans réponse, ils ont sollicité la désignation judiciaire d'un expert.

Par ordonnance du 20 juin 2017, le président du tribunal de grande instance de Tours a désigné Monsieur B... afin d'évaluer les parts sociales détenues par Pierre et Bertrand Y....

Cette ordonnance étant insusceptible de recours, la SCI DIDEROT a, par déclaration en date du 28 juin 2017, formé à son encontre un appel nullité pour excès de pouvoir.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :
- le 25 janvier 2018 par l'appelante
- le 10 janvier 2018 par les intimés.

La SCI DIDEROT demande à la cour d'annuler l'ordonnance déférée, de rejeter la demande formée par les intimés et de lui allouer 5.000 euros pour procédure abusive et 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, si les prétentions des appelants n'étaient pas rejetées, elle demande à la cour d'ordonner un sursis à statuer de six mois dans l'attente de la communication par ses soins d'une proposition chiffrée, plus subsidiairement de désigner un expert immobilier et de dire que la provision à valoir sur les honoraires de cet expert sera mise à la charge de Pierre et Bertrand Y....
Elle prétend que, contrairement aux dispositions statutaires, les demandeurs se sont abstenus de proposer la désignation de deux experts, l'un nommé par la société, l'autre par les associés vendeurs ; qu'ils n'ont pas respecté les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile leur imposant de rechercher une solution amiable et elle affirme que l'assignation lui a été délivrée alors même qu'elle avait fait connaître qu'elle s'employait à faire procéder à l'estimation de ses actifs immobiliers qui constitue un préalable obligatoire à la valorisation des parts ; que les intimés ont donc commis un abus de droit.
Elle fait ensuite valoir que le juge des référés saisi sur le fondement de l'article 1834-4 du code civil n'avait qu'une compétence limitée et ne pouvait ni désigner l'expert ni déterminer sa mission en l'absence d'un désaccord avéré des parties sur la désignation d'un expert amiable et qu'il devait à tout le moins préciser que l'expert devrait appliquer les règles statutaires d'évaluation des parts.

Pierre et Bertrand Y... concluent à l'irrecevabilité ou au mal fondé de cet appel et à la confirmation de l'ordonnance déférée, demandant à la cour de condamner la SCI à verser à chacun d'eux une indemnité de procédure de 3.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP REFERENS.
Ils font valoir que les pouvoirs du président du tribunal ne sont limités par l'article 1843-4 du code civil qu'en ce que la désignation d'un expert ne peut intervenir que sur demande de l'une des parties ainsi qu'en cas de contestation sur la valeur des parts sociales et sur le nom de l'expert ; que tel était le cas en l'espèce. Ils soutiennent que la SCI ne saurait prétendre qu'elle n'avait pas manifesté son désaccord sur le prix et sur la désignation d'un expert puisqu'elle a laissé sans réponse ses courriers officiels après qu'une première valorisation ait été faite par leur expert comptable ; que la SCI dispose de leur analyse comptable depuis février 2017 qu'elle n'a toujours formulé aucune proposition de valeur ; qu'ils démontrent l'échec de leurs diligences amiables et ont ainsi respecté les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile, soulignant d'ailleurs que le non respect de ces dispositions n'entraîne aucune sanction mais permet seulement au juge, qui n'y est pas obligé, de proposer une mesure de médiation ou de conciliation. Ils précisent que les statuts prévoyant la désignation de deux experts, ils ont pour leur part proposé un nom mais que la SCI n'a formulé aucune proposition ; que ces dispositions statutaires ne s'appliquent plus puisque leur retrait a été judiciairement autorisé, l'évaluation des parts se faisant alors, à défaut d'accord amiable selon les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil qui prévoient la désignation d'un expert par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés. Ils soulignent enfin que le premier juge a désigné un expert sans préconiser une méthode ou les critères à retenir pour procéder à l'évaluation des parts, ce qui lui aurait été interdit.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que l'appel nullité n'est ouvert qu'en cas d'excès de pouvoir, lequel s'entend d'une méconnaissance, par le premier juge, de l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels ;

Que commet un tel excès de pouvoir le juge qui statue au-delà ou en-deçà de ses attributions, qui méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs ou encore qui s'arroge un pouvoir que la loi ne lui confère pas ;

Attendu que les griefs formulés par l'appelante à l'encontre de Pierre et Bertrand Y... qui se seraient abstenus de proposer la désignation de deux experts prévus statutairement et n'auraient pas respecté les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile ne peuvent à l'évidence caractériser un excès de pouvoir du président du tribunal statuant en référé ;

Que la SCI entend en réalité faire juger que le premier juge se serait trompé en rejetant ces deux griefs qu'elle lui avait présentés ;

Qu'une telle demande n'est cependant pas recevable dans le cadre d'un appel nullité et que les explications des parties sur ces deux points n'ont dès lors pas à être examinées par la cour ;

Attendu que l'appelante fait ensuite valoir que le premier juge n'avait qu'une compétence limitée et ne pouvait ni désigner l'expert lui-même ni déterminer sa mission en l'absence d'un désaccord avéré des parties sur la désignation d'un expert amiable ;

Mais attendu que le juge n'excède aucun de ses pouvoirs lorsqu'il apprécie les éléments de faits qui lui sont soumis pour leur appliquer les dispositions légales qui les concernent ;

Qu'à supposer même qu'un désaccord des parties n'ait pas été démontré, ce qui n'est aucunement le cas en l'espèce, le président du tribunal qui aurait retenu de manière erronée l'existence d'un tel désaccord, n'aurait fait qu'une inexacte appréciation de la situation qui lui était soumise mais n'aurait pas excédé son pouvoir juridictionnel qui lui imposait au contraire d'apprécier cette situation ;

Que la formulation ambiguë des prétentions de l'appelante ne saurait dès lors dissimuler que l'appréciation, par le premier juge, d'un désaccord avéré sur lequel il a expressément statué, échappe à tout recours comme ressortant d'un appel au fond interdit en l'espèce, et non d'un appel nullité ;

Que la cour n'a donc pas à examiner, dans le cadre de sa saisine d'un seul appel nullité, les explications des parties sur leur désaccord ou sur une absence de désaccord ;

Attendu que le seul argument de la SCI DIDEROT pouvant caractériser un excès de pouvoir est celui selon lequel le premier juge aurait excédé les limites de son pouvoir juridictionnel en désignant nommément un expert et en lui confiant une mission, ce qui lui aurait été interdit par la loi ;

Mais attendu que cette argumentation confine à l'absurde puisqu'il est évidemment impossible que le juge ordonne une expertise sans désigner l'expert et sans lui indiquer quelle sera sa mission ;

Qu'il sera rappelé qu'aux termes des dispositions d'ordre public l'article 1843-4 du code civil : "(..) La valeur des droits sociaux d'un associé est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné (...) à défaut d'accord entre les parties par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours" (souligné par la cour) ;

Que le premier juge ayant constaté, sans recours possible, le désaccord des parties, se devait donc de procéder à la désignation d'un expert aux fins, comme le précise le texte ci-dessus reproduit, d'évaluer les droits sociaux des associés ;

Que le président du tribunal de grande instance de Tours a ainsi procédé en suivant scrupuleusement les dispositions légales d'ordre public devant être appliquées à la situation qu'il avait appréciée au fond ;

Attendu que les écritures de la SCI semblent par ailleurs faire grief à la décision déférée de ne pas avoir rappelé à l'expert les dispositions de l'article 1834-4 II aux termes desquels l'expert est tenu, pour l'évaluation qui lui est confiée, d'appliquer lorsqu'elles existent les règles statutairement fixées ;

Qu'un tel grief, qui n'aurait été recevable que dans le cadre d'une procédure en omission de statuer, est sans aucun fondement puisque cette règle d'évaluation est imposée à l'expert par la loi et non par l'ordonnance qui le désigne et qu'il ne saurait en tout état de cause caractériser un excès de pouvoir ;

Que l'appelante sera en conséquence déboutée de son appel nullité ce qui rend sans objet
ses demandes visant à ordonner un sursis à statuer de six mois dans l'attente de la communication par ses soins d'une proposition chiffrée ou de désigner un expert immobilier et de dire que la provision à valoir sur les honoraires de cet expert sera mise à la charge de Pierre et Bertrand Y... ;

Attendu que la SCI Diderot, succombant à l'instance, devra en supporter les dépens et qu'il sera fait application, au profit de l'intimée, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

DÉBOUTE la société civile immobilière DIDEROT de sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance déférée,

CONDAMNE la société civile immobilière DIDEROT aux dépens d'appel,

LA CONDAMNE à verser à Pierre et Bertrand Y..., ensemble, la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ACCORDE à la SCP REFERENS, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Irène ASCAR, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/019771
Date de la décision : 20/09/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-09-20;17.019771 ?
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