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20/09/2018 | FRANCE | N°17/016671

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 20 septembre 2018, 17/016671


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 20/09/2018
la SCP X... - Y...
Me Alexis Z...
Me Sofia A...

ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2018

No : 265 - 18 No RG : 17/01667

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 04 Mai 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

EURL CONSEILS ET CRÉDITS
agissant en la personne de son gérant domicilié [...]
[...]

représentée par Me Olivier X... de la SCP X...

- Y..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Maître C... Julien, avocat au barreau de LYON...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 20/09/2018
la SCP X... - Y...
Me Alexis Z...
Me Sofia A...

ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2018

No : 265 - 18 No RG : 17/01667

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 04 Mai 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

EURL CONSEILS ET CRÉDITS
agissant en la personne de son gérant domicilié [...]
[...]

représentée par Me Olivier X... de la SCP X... - Y..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Maître C... Julien, avocat au barreau de LYON,

D'UNE PART

INTIMÉS :

- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Monsieur Michel D...
né le [...] [...]
[...]

représenté par Me Alexis Z..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Maître Eric E..., avocat au barreau de PARIS,

SCI 20 PLACE DE LA RÉSISTANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Me Alexis Z..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant Maître Eric E..., avocat au barreau de PARIS,

- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]

Maître Stéphane F...
[...]

Ayant pour avocat Maître Sofia A..., membre de la M... G... AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS ;

Maître Bruno H...
[...]

Ayant pour avocat Maître Sofia A..., membre de la M... G... AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS ;

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 31 Mai 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 3 mai 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 24 MAI 2018, à 14 heures , Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Greffier ayant assisté aux débats : Madame Guyveline BERGES,
Greffier ayant assisté au délibéré : Madame Irène ASCAR, Greffier placé,

ARRÊT :

Prononcé le 20 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique reçu par Maître H..., le 1er avril 2018, Monsieur Michel D... agissant en qualité de représentant de la société civile particulière du [...] , non immatriculée, a donné à bail commercial à la société CONSEILS ET CRÉDITS des locaux sis [...] à Tours.

L'acte contient une clause de préférence ainsi formulée : "Pour le cas où au cours du présent bail, le bailleur se déciderait à vendre les murs loués, les parties conviennent ce qui suit : le bailleur devra choisir comme acquéreur le preneur de préférence à tous les autres amateurs. A cet effet, le bailleur notifiera au preneur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou autrement le prix et les conditions de la vente projetée. Ce dernier aura un délai de quinze jours partant du jour de la réception de la notification pour exercer son droit de préférence. Si l'acceptation de la vente n'est pas parvenue au bailleur dans ce délai, il sera considéré comme ayant refusé l'acquisition.

Par lettre du 4 janvier 2012, adressée à la société CONSEILS ET CRÉDITS, Maître F..., demandait confirmation par écrit qu'elle renonçait à acquérir les biens moyennant le prix principal de deux cent mille euros acte en main.

Par lettre signifiée par huissier de justice le 19 janvier 2012, à Monsieur D... et à la société [...] , la société CONSEILS ET CRÉDITS a fait part de sa décision d'exercer son droit de préférence.

Suivant lettre du 7 février 2012, Maître I..., notaire de la société CONSEILS ET CRÉDITS, a informé Maître D..., que sa cliente souhaitait qu'il la représente lors de la formalisation de la vente.

Par lettre du 20 février 2012, Maître F... a répondu qu'il avait pris l'initiative de contacter le locataire afin de purger son droit de préférence avant toute décision de son client quant à la possibilité de céder les biens loués à une autre société dont Monsieur D... était le principal associé et que ce dernier n'ayant pas opté pour cette solution, il n'y avait pas de suite à ce dossier.

Par acte du 5 mars 2013, la société CONSEILS ET CRÉDITS a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours, Monsieur D... et la société du [...] , aux fins en l'état de ses dernières écritures, de voir juger au visa de l'article 1583 du code civil, que l'offre de vente formulée en application de la clause de préférence avait été régulièrement acceptée le 19 janvier 2012, voir en conséquence rendre un jugement valant vente, voir condamner Monsieur D... à lui restituer les loyers indûment perçus depuis le 19 janvier 2012, et à lui communiquer sous astreinte un état des charges locatives. Il était également réclamé une somme pour frais de procédure.

Par acte du 12 juin 2014, Monsieur D... et la société du [...] ont fait assigner Maître Bruno H... et Maître F... en vue, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande de vente forcée, de les voir condamner in solidum à leur payer les sommes de 120.000 euros au titre de la différence entre la valeur réelle du bien immobilier et le prix de vente de 200.000 euros, celle de 397.680 euros au titre de la perte de revenu foncier, 107.159,40 euros sauf à parfaire au titre du remboursement des loyers perçus et 50.000 euros de préjudice moral. Il était également sollicité une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 4 mai 2017, le tribunal a débouté la société CONSEILS ET CRÉDITS de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Monsieur D..., a débouté celui-ci et la société du [...] contre J... H... et F..., a condamné la société CONSEILS ET CRÉDITS à payer à Monsieur D... et à la société du [...] de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné ces derniers à régler à Maître H... et à Maître F... une somme de 1.000 euros sur le même fondement.

Pour se déterminer le tribunal a retenu sur la recevabilité des prétentions, que la demande formée contre Monsieur D... en tant qu'associé unique de la société du [...] était recevable dans la mesure où lors de la conclusion du bail la société n'était pas immatriculée et n'avait plus la personnalité morale et qu'il était par conséquent seul propriétaire de l'immeuble, que l'intervention de la société [...] était recevable dès lors qu'elle avait été immatriculée le 31 décembre 2013, sur le fond, que les termes de la lettre du 4 janvier 2012 de Maître F... étaient clairs et dénués d'ambiguïté, qu'il n'avait pas notifié une offre de vente contrairement à ce que soutenait la société CONSEILS ET CRÉDITS mais l'avait seulement interrogée sur sa volonté de se prévaloir ou non du pacte de préférence, sur l'action en responsabilité dirigée contre les notaires, que le notaire avait satisfait à son devoir d'information en rappelant dans le bail les dispositions de la loi du 15 mai 2001 et la réponse ministérielle du 3 mars 2003 mentionnant que le non respect de l'obligation d'immatriculation était sanctionné par la perte de la personnalité morale à compter du 1er novembre 2002 et qu'il en résultait un transfert du patrimoine de la société aux associés, qu'il n'était pas justifié que Monsieur D... ait chargé Maître H... de procéder à l'immatriculation de la société, que le fait que la société n'ait pas été immatriculée était sans incidence sur la validité du bail, qu'il appartenait au notaire avant toute mutation à titre onéreux de s'assurer que le locataire n'entendait pas se prévaloir du pacte de préférence et qu'il n'avait commis aucune faute, enfin sur la demande de production d'un état des charges par le preneur qu'il était surprenant qu'aucune régularisation de charges ne soit intervenue depuis près de 9 ans et qu'il n'était produit aucun décompte de charges de sorte que la demande n'était pas fondée.

La société CONSEILS ET CRÉDITS a relevé appel de la décision le 31 mai 2017.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :
- le 11 avril 2018 par la société CONSEILS ET CRÉDITS,
- le 9 février 2018 par Monsieur D... et par la société du [...] , - le 29 mars 2018 par Maître Bruno H... et Maître Stéphane F....

La société CONSEILS ET CRÉDITS, qui poursuit l'infirmation de la décision dont appel sauf en ce qu'elle a déclaré son action recevable, reprend devant la cour ses prétentions de première instance et sollicite la condamnation de Monsieur D... à lui payer la somme de 4.000 euros pour frais de procédure ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP X...Y... .

Elle affirme que dans le courrier du 4 janvier 2012, il n'y a aucune restriction, contrairement à ce que le tribunal a retenu, quant à l'intention de Monsieur D... de vendre l'immeuble donné à bail au prix de 200.000 euros et que par conséquent son acceptation de l'offre de vente non équivoque formulée par le promettant en exécution du pacte de préférence vaut vente par application de l'article 1583 du code civil.

Elle conteste avoir renoncé à exercer son droit de préférence par téléphone comme le prétendent les notaires, et fait valoir que les seuls éléments qui doivent être pris en compte par la cour sont l'offre et son acceptation, que la demande que lui a adressée le notaire de renoncer à exercer son droit de préférence signifie sans conteste qu'il existait bien une offre de vente. Il relève qu'il existe une contradiction valant aveu judiciaire de l'existence de l'offre dans le fait de lui avoir demandé de renoncer à l'exercice du droit de préférence et de prétendre à l'absence d'offre, que le courrier du 4 janvier 2012 mentionne la chose et le prix net vendeur, que les modalités du prix sont indifférentes à la validité de l'offre contrairement à ce que le tribunal a jugé et que le bailleur ne peut la remettre en cause.

Elle réplique aux arguments de ses adversaires, qu'elle est fondée à poursuivre l'exécution forcée de la vente dès lors que celle-ci est possible, qu'elle a notifié son acceptation dans le délai de 15 jours suivant l'offre comme prévu au bail, qu'il y a bien eu rencontre de volontés puisque le notaire a expressément mentionné dans son courrier avoir reçu mandat de revendre les locaux et que Monsieur D... ne peut prétendre qu'il n'aurait jamais eu l'intention de les céder, qu'il ne peut lui être opposé une absence de mandat du notaire qui n'est pas établie alors qu'il existait en tout état de cause un mandat apparent, pas plus que les montages patrimoniaux de Monsieur D..., que la nullité du bail dont l'action se prescrit par 5 ans ne peut plus être invoquée, que la société n'était pas en formation et que le bail qui a été signé par Monsieur D... auquel la propriété des locaux a été transférée en l'absence d'immatriculation de la société est valable.

Elle se considère en droit d'obtenir le remboursement des loyers qu'elle a été contrainte de régler postérieurement au 19 janvier 2012 alors que la vente était parfaite et demande à ce que cette somme se compense avec le prix de vente. Affirmant que les charges n'ont jamais fait l'objet d'une régularisation annuelle depuis le début du bail, elle s'estime également fondée à réclamer à Monsieur D... l'état des charges réelles.

Elle souligne, invoquant le principe de l'estoppel, que les notaires ne peuvent pas se contredire au détriment de leurs adversaires, en soutenant que Monsieur D... leur avait donné mandat de vendre les locaux, ce qui emportait la nécessité de purger le pacte de préférence et contester dans le même temps l'existence d'une offre qu'elle a régulièrement acceptée. Elle répond que la circonstance que la vente n'ait pas été réalisée dans le délai d'un an suivant l'acceptation ne la prive pas d'effet et que les dispositions de l'article L 145-46-1 du code de commerce ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce.

Monsieur D... et la société du [...] , qui sollicitent la confirmation du jugement dont appel et la condamnation de la société CONSEILS ET CRÉDITS à leur payer la somme de 7.000 euros pour frais de procédure, reprennent, subsidiairement, pour le cas où la vente forcée serait ordonnée, leurs prétentions à l'égard de Messieurs H... et F... dont ils réclament la condamnation à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelant que dans le pacte de préférence contrairement à la promesse unilatérale de vente, le promettant ne s'est pas encore décidé à conclure le contrat, ils font valoir que la correspondance adressée le 4 janvier 2012 par Maître F... à la société CONSEILS ET CRÉDITS est une simple demande de confirmation de ce que celle-ci n'entendait pas se prévaloir du pacte de préférence contenu dans le contrat de location comme son gérant l'avait oralement indiqué au notaire, et ce pour le cas où Monsieur D... déciderait de céder les locaux à une autre de ses sociétés en prévision de la réorganisation de son patrimoine.

Ils affirment que le courrier du 4 janvier 2012 ne constitue pas une offre dès lors que Monsieur D... n'a jamais eu l'intention de contracter avec la société CONSEILS ET CRÉDITS puisqu'il n'a jamais consenti à la cession des locaux ayant simplement consulté Maître F... en vue d'une éventuelle réorganisation de son patrimoine dans le cadre de la réforme des plus values et qu'il ne lui pas donné mandat de vendre comme le confirme le courrier de ce dernier du 20 février 2012.

Ils font valoir que la lettre du 4 janvier 2012 ne satisfait pas aux stipulations de la clause de préférence dans la mesure où d'une part, la notification doit émaner du bailleur et qu'aucun mandat n'a été donné à Maître F... et que d'autre part, elle est incomplète puisqu'elle ne comporte aucune information sur les conditions de la vente et ne répond pas par conséquent à la définition de l'offre. Ils objectent, à supposer que cette lettre puisse constituer une offre, que celle-ci est devenue caduque faute pour le preneur d'avoir répondu dans le délai de quinzaine imparti qui conditionnait l'opération de restructuration envisagée et qu'il n'y a pas eu rencontre de volontés puisque la prétendue acceptation a été donnée après le délai impératif pour passer la vente et qui conditionnait l'intérêt de cette opération qui devait intervenir avant la réforme sur les plus values.

Ils soutiennent encore, reprenant les arguments des notaires, qu'en l'absence de diligences de la société CONSEILS ET CRÉDITS dans le délai d'un an suivant la prétendue acceptation celle-ci se trouve privée d'effet en application des dispositions de l'article L 145-46-1 du code de commerce.

Pour le cas où il serait fait droit à la demande de la société CONSEILS ET CRÉDITS, ils recherchent la responsabilité des notaires pour manquements à leurs obligations professionnelles. Ils reprochent à Maître H... d'avoir rédigé un bail au nom d'une société dépourvue de la personnalité juridique, sans attirer l'attention de Monsieur D... sur le fait que la société n'avait plus d'existence juridique depuis 2001 faute d'immatriculation et sans l'inviter à régulariser la situation, et font grief à Maître F... d'avoir interrogé le preneur sur la clause de préférence sans s'être préalablement assuré de la validité et de l'efficacité du bail et d'avoir dépassé les limites de son mandat en prenant cette initiative sans consulter Monsieur D... et alors que celui-ci n'avait pris aucune décision concernant la réorganisation de son patrimoine.

Ils insistent sur leur préjudice qu'ils détaillent dans leurs écritures.

Maître H... et Maître F..., qui souhaitent voir confirmer le jugement, concluent au débouté des prétentions de Monsieur D... et de la société du [...] et sollicitent leur condamnation à payer à chacun la somme de 4.000 euros pour frais de procédure ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de Maître Sofia A....

Déniant avoir commis un quelconque manquement, ils font valoir :
- que Monsieur D... n'a pas donné mandat à Maître H... d'immatriculer la société et que celui-ci a satisfait à son devoir d'information en attirant son attention sur les conséquences de l'absence d'immatriculation comme le prouve le projet de contrat qui lui a été soumis, et que le préjudice allégué lié à la purge du pacte de préférence est sans lien de causalité avec la rédaction du bail,
- que Monsieur D... a donné mandat à Maître F... de vendre le local donné à bail à la société FACHEL dont il est le gérant et principal associé, que c'est dans le cadre de ce mandat qui comportait nécessairement celui de purger le droit de préférence qu'il a, avec l'approbation du bailleur, interrogé la société CONSEILS ET CRÉDITS par courrier du 4 janvier 2012 sur sa renonciation à se prévaloir de son droit de préférence après lui avoir expliqué qu'il ne s'agissait pas d'une véritable vente au profit d'un tiers mais d'une réorganisation du patrimoine de Monsieur D..., que ce courrier, ne valait pas notification d'une offre de vente au profit du locataire et qu'il est indifférent que le prix ait été mentionné "acte en main".

Ils discutent le montant des préjudices allégués affirmant en se fondant sur l'expertise de la société FLEMMINGS que la valeur de l'immeuble est de 160.00 euros et non de 320.000 euros et qu'en tout état de cause Monsieur D... et la société du [...] ne pourront pas être contraints à vendre l'immeuble puisque l'abstention du preneur pendant un délai supérieur à un an suivant sa prétendue acceptation la prive d'effet par application de l'article L145-46-1 du code de commerce.

SUR CE

Attendu que la recevabilité de l'action engagée par la société CONSEILS ET CRÉDITS contre Monsieur Michel D... en tant qu'associé unique de la société civile particulière du [...] n'est plus discutée devant la cour de sorte que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point ;

I - Sur le pacte de préférence et la demande de la société CONSEILS ET CRÉDIT :

Attendu que le bail commercial conclu entre Monsieur D... agissant en qualité de représentant de la société civile particulière du [...] contient un pacte de préférence ainsi formulé : "Pour le cas où au cours du présent bail, le bailleur se déciderait à vendre les murs loués, les parties conviennent ce qui suit : le bailleur devra choisir comme acquéreur le preneur de préférence à tous les autres amateurs. A cet effet, le bailleur notifiera au preneur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou autrement le prix et les conditions de la vente projetée. Ce dernier aura un délai de quinze jours partant du jour de la réception de la notification pour exercer son droit de préférence. Si l'acceptation de la vente n'est pas parvenue au bailleur dans ce délai, il sera considéré comme ayant refusé l'acquisition." ;

Attendu que Maître F... a adressé le 4 janvier 2012 à la société CONSEILS ET CRÉDITS un courrier rédigé en ces termes : "Dans le cadre d'une opération de gestion de patrimoine, Monsieur Michel D..., gérant de la société dénommée "société civile particulière du [...] ", m'a confié la mission de revendre les locaux qu'il vous loue à une autre société dont il est le gérant et le principal associé. A la lecture du bail commercial, il vous a cependant été consenti un droit de préférence en cas de vente des locaux loués. Aussi je vous remercie de bien vouloir me confirmer par écrit que vous renoncez à acquérir les biens moyennant le prix principal de DEUX CENT MILLE EUROS (200.000 €) actes en mains. Je vous remercie de votre diligence dans la réponse à m'apporter la signature de l'acte de vente devant impérativement intervenir d'ici une quinzaine de jours." ;

Attendu qu'il ressort des termes employés par le notaire dans son courrier que celui-ci a bien été précédé d'un échange téléphonique avec le dirigeant de la société CONSEILS ET CRÉDITS comme il l'affirme, puisqu'il écrit : "je vous remercie de bien vouloir me confirmer (souligné par la cour) par écrit que vous renoncez à acquérir les biens moyennant le prix principal de DEUX CENT MILLE EUROS (200.000 €) acte en mains.", ce dont il résulte clairement qu'il l'avait préalablement consulté sur ses intentions ;

Attendu qu'il est expressément mentionné dans ce courrier que la cession envisagée s'inscrit dans le cadre d'une opération de gestion du patrimoine de Monsieur D... et que la cession était à intervenir entre deux sociétés civiles dont il était le gérant et le principal associé, de sorte que Monsieur D... n'a jamais entendu se défaire de son ensemble immobilier donné à bail en l'aliénant au profit d'un tiers mais avait uniquement le projet d'en modifier les conditions de gestion pour des considérations économiques et fiscales en le transférant à une autre de ses sociétés ;

Attendu que le notaire tenu à un devoir de conseil et d'assurer l'efficacité des actes juridiques qu'il instrumente et qui avait connaissance du pacte de préférence inséré dans l'acte portant bail commercial au profit de la société CONSEIL ET CRÉDITS se devait de recueillir les intentions de son bénéficiaire pour apprécier l'intérêt ou non de mener à bien ce projet de gestion patrimoniale et de lui réclamer, comme il l'a fait, la confirmation écrite de sa renonciation au droit de préférence dans le cadre de cette opération particulière ;

Attendu que par suite ce courrier, qui au demeurant ne répond pas au formalisme prévu par le pacte de préférence puisqu'il n'a pas été adressé en recommandé avec accusé de réception et ne mentionne pas le délai d'option, ne traduit pas une volonté irrévocable d'aliéner l'immeuble et ne constitue en rien une offre de contracter mais a uniquement pour objet d'obtenir confirmation du bénéficiaire du pacte de préférence qu'il n'envisageait pas de se prévaloir de son droit dans la perspective de la mise en oeuvre du projet de gestion patrimonial de Monsieur D... qui n'a jamais eu l'intention de faire sortir l'immeuble de son patrimoine dès lors qu'il avait vocation via la société dont il est le gérant et principal associé à y demeurer au travers de ses droits dans cette société ;

Attendu que ce projet n'a pas été conduit à son terme ;

Attendu que par conséquent la société CONSEILS ET CRÉDITS ne peut valablement soutenir qu'elle a accepté cette offre qui n'en est pas une et que la vente serait par suite parfaite ;

Qu'il convient, dès lors pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges que la cour adopte de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté la société CONSEIL ET CRÉDITS de ses prétentions ;

II - Sur la responsabilité des notaires :

Attendu que la responsabilité des notaires est recherchée par Monsieur D... à titre subsidiaire devant la cour dans l'hypothèse où les prétentions de la société CONSEILS ET CRÉDITS seraient retenues ; que tel n'étant pas le cas, il n'y pas lieu de se prononcer sur les demandes qui sont désormais sans objet ;

III - Sur les autres demandes :

Attendu que la société CONSEILS ET CRÉDITS n'explicite pas plus devant la cour qu'en première instance sa demande de production sous astreinte d'un état des charges locatives réelles ; qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande ;

Attendu que la société CONSEILS ET CRÉDITS qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens et à payer à Monsieur D..., à la société civile particulière du [...] et à Maître F... à chacun la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort:

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société CONSEILS ET CRÉDITS à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile :
-1.500 euros à Monsieur Michel D...,
- 1.500 euros à la société civile particulière du [...] ,
- 1.500 euros à Maître Bruno H...;
- 1.500 euros à Maître Stéphane F... ;

CONDAMNE la société CONSEILS ET CRÉDITS aux dépens de l'appel ;

ACCORDE à la L... G... AVOCATS ASSOCIÉS le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Irène ASCAR, greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/016671
Date de la décision : 20/09/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-09-20;17.016671 ?
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