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13/09/2018 | FRANCE | N°17/012851

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 13 septembre 2018, 17/012851


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/09/2018
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
la SCP LEROY
ARRÊT du : 13 SEPTEMBRE 2018

No : 252 - 18 No RG : 17/01285

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 02 Février 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265192806607734

SCP ODILE Z... Représentée par son associé-gérant, Me Odile Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL L... O..., immatriculée au

RCS sous le no 792 785 206, désignée selon jugement du Tribunal de Commerce en date du 20 janvier 2015
[...]
représe...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/09/2018
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
la SCP LEROY
ARRÊT du : 13 SEPTEMBRE 2018

No : 252 - 18 No RG : 17/01285

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 02 Février 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265192806607734

SCP ODILE Z... Représentée par son associé-gérant, Me Odile Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL L... O..., immatriculée au RCS sous le no 792 785 206, désignée selon jugement du Tribunal de Commerce en date du 20 janvier 2015
[...]
représentée par Me Vincent DUPUY, avocat au barreau de MARMANDE et ayant pour avocat postulant Me Eric, GRASSIN, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265202734966589

Monsieur D... E...
né le [...] à PITHIVIERS (45) (45300)
[...]
[...]
représenté par Me Pierre FRIBOURG,, avocat au barreau de LIBOURNE, et ayant pour avocat postulant Me Hugues LEROY de la SCP LEROY , avocat au barreau d'ORLEANS

Madame Maria I... épouse E...
née le [...] à GIEN (45) (45500)
[...]
[...]
représentée par Me Pierre FRIBOURG,, avocat au barreau de LIBOURNE, et ayant pour avocat postulant Me Hugues LEROY de la SCP LEROY , avocat au barreau d'ORLEANS

SCI E... prise en la personne de son représentant légal
[...]
Filay
[...]
représenté par Me Pierre FRIBOURG,, avocat au barreau de LIBOURNE, et ayant pour avocat postulant Me Hugues LEROY de la SCP LEROY , avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 21 Avril 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 Janvier 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 17 MAI 2018, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame BERGES, lors des débats et du prononcé

ARRÊT :

Prononcé le 13 SEPTEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 14 juin 2013, Monsieur et Madame E... ont cédé à la société L... O... leur fonds de commerce de bar dénommé le "nain jaune" qu'ils exploitaient dans des locaux situés à Miramont de Guyenne, donnés à bail par la SCI E... ayant pour associés et gérants les époux E....

Se plaignant de remontées d'eau en période de pluie dans l'établissement, la société L... O... a fait assigner les époux E... et la SCI E... devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Agen qui a ordonné le 24 septembre 2013 une expertise confiée à Monsieur K... qui a déposé son rapport le 2 juin 2014.

Suivant jugement du tribunal de commerce d'Agen du 8 novembre 2014, la société L... O... a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire qui a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 janvier 2015.

Par actes du 25 mai 2016, la SCP ODILE Z... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société L... O... a fait assigner les époux E... et la SCI E... devant le tribunal de commerce d'Orléans aux fins de les voir condamner in solidum pour réticence dolosive lors de la cession du fonds de commerce et violation de l'obligation de délivrance à lui payer la somme de 137.959,28 euros à titre de dommages et intérêts, à lui rembourser les sommes versées au titre des loyers et du dépôt de garantie et à lui payer la somme de 3.500 euros pour frais de procédure.

Par jugement du 2 février 2017, le tribunal a débouté la SCP ODILE Z... ès qualités de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée à payer à Monsieur et Madame E... et à la SCI E... la somme de 3.500 euros.

Pour statuer ainsi les premiers juges ont retenu s'agissant du dol que les acquéreurs qui avaient séjourné dans le logement situé au premier étage du bar à compter du 25 mai 2013 connaissaient les lieux, que l'immeuble était ancien et vétuste, que l'expert avait relevé que les traces d'humidité et de moisissure étaient anciennes qu'elles ne faisaient pas obstacle à l'activité commerciale, que cette situation qui était connue des parties s'était aggravée avec les pluies exceptionnelles de 2013, que par conséquent le dol n'était pas prouvé et que le passif de la liquidation judiciaire résultait de la mauvaise gestion de la société L... O... et non de l'état des locaux, et sur le défaut de délivrance et d'entretien reproché à la SCI E... , que la société L... O... n'avait jamais été contrainte de fermer le local, ce dont il se déduisait qu'il était conforme à sa destination, que le bailleur avait effectué des travaux de couverture et d'étanchéité entre mars et mai 2014 de sorte qu'il avait satisfait à son obligation d'entretien.

La SCP ODILE Z... a relevé appel de la décision le 21 avril 2017.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :
- le 6 juillet 2017 par la SCP ODILE Z... ès qualités,
- le 1er septembre 2017 par les époux E... et la SCI E... .

La SCP ODILE Z... , qui poursuit l'infirmation de la décision déférée, reprend ses prétentions de première instance et y ajoute une demande pour frais de procédure.

Elle expose que 3 jours après le début de l'exploitation du fonds la société L... O... a constaté que l'eau pénétrait dans l'établissement et a découvert que cette situation était ancienne puisqu'une pompe vide cave avait été installée chez le voisin pour évacuer l'eau, ce qui lui avait été caché par les vendeurs et le bailleur, que l'expert judiciaire a notamment relevé que ces désordres étaient imputables au propriétaire des murs qui se devait d'assurer la mise hors d'eau du local, que l'humidité et les diverses infiltrations étaient du plus mauvais effet sur le plan commercial et l'image de l'établissement et qu'il existait un risque de chute de la clientèle sur le carrelage mouillé et d'électrocution pour le personnel eu égard à la très forte humidité en partie basse du mur sud ouest, qu'il était impossible que l'humidité constatée et ses effets sur les pieds de murs intérieurs soient récents et peu probable que Monsieur et Madame E... ne l'ait jamais constaté du temps de leur activité.

Elle reproche aux époux E... d'avoir dissimulé cette situation lors de la cession du fonds de commerce, ce qui constitue une réticence dolosive qui a été déterminante de l'engagement des cessionnaires qui n'auraient jamais fait l'acquisition du fond s'ils en avaient eu connaissance.

Elle affirme que le dol des époux E... a été commis avec la complicité de la SCI E... qui avait nécessairement connaissance des infiltrations affectant le local et qu'elle est par conséquent fondée à rechercher sa responsabilité délictuelle et à obtenir sa condamnation in solidum avec celle des époux E... à réparer le préjudice subi par la société L... O... .

Elle soutient que le préjudice subi par celle-ci correspond au passif de la liquidation, que le lien de causalité entre le dol et la liquidation judiciaire de la société est caractérisé comme le démontrent les constats d'huissier qui confirment l'état désastreux du local commercial et ses conséquences sur l'exploitation.

Elle répond aux arguments des intimés que l'humidité affectant l'immeuble n'est pas apparue à la suite des pluies de 2013 qui n'ont fait qu'aggraver la situation, qu'il n'est pas crédible qu'ils n'en aient pas eu connaissance compte tenu des conclusions de l'expert et qu'ils aient oublié l'existence de la pompe de relevage comme ils le prétendent, que les autorisations administratives dont ils se prévalent qui sont antérieures de plus de deux ans à la cession du fonds de commerce ne remettent pas en cause la réalité des infiltrations, que le fait que les époux L... O... aient emménagé dans l'appartement deux semaines avant l'acquisition du fonds ne prouve pas qu'ils aient eu connaissance des infiltrations alors qu'ils se sont consacrés à leur installation, que les attestations et documents produits ne sont pas de nature à contredire les constatations de l'expert, que la séparation des époux L... O... ne les a pas empêchés de continuer à exploiter le fonds et que seuls les désordres affectant les locaux sont à l'origine des difficultés de la société et de son préjudice, que les documents comptables produits par les époux E... sont incomplets de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier les chiffres d'activité annoncés, qu'ils ne peuvent pas se prévaloir des chiffres d'affaires réalisés de 2015 à 2016 postérieurement à la réfection du local, que la cession du fonds en mars 2016 au prix de 22.500 euros démontre en revanche l'importance du préjudice de la société L... O... qui l'avait acquis au prix de 110.000 euros.

Elle soutient que la société L... O... venant aux droits des époux E... du fait de l'acquisition du droit au bail, elle est recevable à reprocher à la SCI E... d'avoir manqué à son obligation de délivrer un local conforme à l'usage auquel il était destiné et en tout état de cause de ne pas avoir satisfait à son obligation d'entretien. Elle s'estime fondée à obtenir la résolution du bail et non sa résiliation puisque le bailleur a violé ses obligations dès la conclusion du contrat et à obtenir par conséquent le remboursement des sommes versées au titre des loyers et du dépôt de garantie.

Les époux E... et la SCI E... , qui souhaitent voir confirmer le jugement déféré, demandent à la cour de débouter la SCP ODILE Z... de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros de frais de procédure.

Contestant avoir commis un dol, ils font valoir qu'ils n'avaient pas connaissance de problèmes d'infiltrations d'eau dans le local commercial à l'époque où ils l'exploitaient, que la pompe vide cave n'a pas de lien avec les désordres constatés, qu'elle a été installée en 2010 pour assainir le mur sud qui est enterré, qu'étant automatisée et ne nécessitant aucune intervention, ils ont fini par l'oublier, raison pour laquelle ils ne l'ont pas signalée.

Ils imputent aux importantes précipitations de l'année 2013, l'apparition des traces d'humidité relevées par l'expert dont ils maintiennent qu'elles n'étaient pas visibles antérieurement, et relèvent que les autorisations administratives établissent que les locaux remplissaient les conditions pour accueillir du public, que les époux L... qui ont séjourné pendant 15 jours dans les locaux avant la cession du fonds ne l'auraient pas acquis s'ils avaient constaté des traces d'humidité.

Ils estiment que la preuve d'un lien de causalité entre les traces d'humidité et de moisissure constatées et le préjudice allégué correspondant au passif de la société L... O... n'est pas démontré alors qu'il résulte manifestement d'une mauvaise gestion du couple L... qui s'est séparé à la suite de l'acquisition du fonds et qui n'avait aucune expérience dans ce domaine, ce que confirment les bons chiffres d'activité réalisés avant la cession et même postérieurement d'août 2015 à mars 2016, après six mois de fermeture et un an et demi de perte de clientèle. Ils font observer que le fait que l'expert ait indiqué que les désordres constatés se sont révélés du plus mauvais effet sur le plan commercial et l'image de l'établissement ne peut expliquer la liquidation judiciaire de la société L... O... et que tous les travaux de réfection de l'immeuble ont été réalisés durant l'activité de la société.

Relevant que les infiltrations d'eau n'ont jamais contraint la société L... O... à fermer l'établissement, ils considèrent qu'elle ne peut poursuivre la résolution du bail et réclamer le remboursement des loyers et frais alors que seule la résiliation pourrait être encourue.

Ils affirment que la SCI E... a satisfait à son obligation d'entretien puisqu'elle a sans attendre entrepris des travaux sur l'immeuble avant et pendant l'expertise pour remédier aux infiltrations.

SUR CE

I - Sur le dol :

Attendu que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait, qui s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ;

Attendu que la SCP Y... ès qualités fait grief aux époux E... d'avoir dissimulé au cessionnaire du fonds de commerce des informations qui l'auraient dissuadé de contracter s'il en avait eu connaissance, en lui cachant l'existence d'infiltrations d'eau dans le local commercial et l'existence d'une pompe vide cave installée chez le voisin, alors qu'ils avaient nécessairement connaissance de ces problèmes du temps de leur activité dans les lieux ;

Qu'elle produit au soutien de ses allégations 3 procès-verbaux de constat d'huissier de justice effectués dans les locaux commerciaux les 30 juillet 2013, 29 janvier et 7 juillet 2014 ainsi que le rapport d'expertise judiciaire ;

Attendu qu'il résulte de ces pièces que des infiltrations, et traces de moisissures ont été constatées dans les locaux dès le 30 juillet 2013 soit dans le mois suivant la cession du fonds de commerce ;

Que l'expert judiciaire qui a organisé des réunions sur site les 6 novembre 2013 et 30 avril 2014 a constaté la présence d'une pompe de relevage au fond d'un regard circulaire située dans le réduit entre la façade sud-ouest de l'immeuble et l'immeuble voisin, qu'il a relevé à l'extérieur du bâtiment, une forte humidité entretenue par des fuites diverses sur fosse des eaux usées et divers raccords d'eau pluviale, que l'eau en provenance d'un tuyau de descente d'eau pluviale non raccordé dévalait sur le chemin et se déversait contre la façade de l'immeuble, ce qui entretenait une forte humidité en pied de mur qui était saturé d'eau, que le mur bâti en pan de bois et torchis était très altéré par endroit, que la gouttière pendante était mal positionnée et sous dimensionnée générant un débordement d'eau, que le chemin d'eau en zinc alimenté par une gouttière dépourvue de descente rejaillissait en contrebas entretenant une forte humidité ; qu'il a relevé à l'intérieur, des traces d'infiltrations et de moisissures derrière la plinthe à côté des sanitaires un taux d'humidité du doublage nord-est de 60% sur 30 cm de hauteur et sur la cloison des WC, la présence d'eau résiduelle sous le tapis d'entrée, l'écaillage de peinture sur l'habillage de poutre au plafond, des traces d'infiltrations sur le carrelage au sol ; que lors de la seconde réunion, l'expert a noté dans les sanitaires et dans la salle 1 de nouvelles traces d'infiltrations avec développement de moisissures et écaillage et cloquage de la peinture et dans la salle 2, la persistance d'une forte humidité du pied de poteau central et du mur sud-ouest à l'extrémité gauche du bar et l'aggravation de la fissuration et de l'écaillage de la peinture de fond de chéneau au plafond ;

Que l'expert conclut que le point le plus préoccupant est l'absence de récupération normale des eaux de ruissellement dévalant de la colline et pluviales provenant des différentes descentes d'eaux pluviales tant en façade nord -est côté allée qu'en façade sud-ouest côté voisin, que ces eaux non canalisées et évacuées au réseau public s'infiltrent pour partie aux pieds des murs vétustes et inondent régulièrement l'intérieur du local loué à la SARL L... O... , que la situation du mur sud-ouest est la plus critique car le niveau du sol est plus haut côté extérieur ce qui favorise les infiltrations directement dans le local côté bar, aussi bien directement par la partie du mur enterré et non étanché que par le sol en résurgence à travers certains joints de carrelage ;

Attendu qu'il n'est pas discuté que les gérants de la société L... O... se sont installés dans l'appartement situé au-dessus du bar deux semaines avant la signature de l'acte de cession ;

Or attendu qu'au regard de l'importance des infiltrations et moisissures constatées par l'huissier de justice dès le 30 juillet 2013 et relevées par l'expert, les époux L... O... auraient nécessairement constaté cet état de fait lors de leur présence sur les lieux s'il avait été préexistant à la cession du fonds de commerce ;

Attendu qu'il ressort de l'expertise que la société L... O... a procédé à une déclaration de sinistre le 1er juillet 2013, sur lequel l'appelante ne fournit aucun élément mais qui est manifestement en lien avec les infiltrations qui ont été constatées puisque cette information a été communiquée à l'expert par le conseil de la société, ce qui tend à établir leur soudaineté ;

Attendu qu'il est justifié par la production du bilan climatique établi par Météo France pour l'année 2013 que la pluviométrie a été excédentaire dans le Sud Ouest où les cumuls ont atteint des valeurs record ;

Attendu que l'expert dans sa réponse au dire du conseil des époux E... indique qu'il est effectif que l'année 2013 a été particulièrement critique en matière pluviométrique notamment en fin d'année, que ce constat explique largement les infiltrations en provenance des eaux pluviales mal ou pas gérées aux abords de l'immeuble, la zinguerie étant défaillante et inadaptée, que les eaux de pluie non canalisées et les eaux usées du voisin venaient détremper le pied de mur non étanche et humidifier directement les maçonneries de la salle basse du bar ;

Qu'il se déduit de ces éléments que les infiltrations sont manifestement liées aux pluies exceptionnelles qui ont détrempé les sols et saturé les murs d'eau du fait de la mauvaise gestion des eaux pluviales ;

Attendu que l'appelante ne fournit aucun témoignage de clients qui auraient constaté avant la cession du fonds de commerce des infiltrations d'eaux, témoignages qu'il aurait été pourtant facile de recueillir ; que les intimés qui ont exploité le fonds pendant les deux années ayant précédé la cession produisent, en revanche, les attestations des gérants de l'entreprise DESMOTS qui a effectué des travaux de mise en place des menuiseries extérieures de mars à septembre 2010 et de l'entreprise AGX entreprise d'électricité qui a réalisé des travaux entre février 2010 et février 2011, qui attestent ne pas avoir constaté de traces d'humidité ou d'infiltrations à l'occasion de leurs interventions ; qu'ils communiquent également l'attestation du dirigeant de la société LE COMPTOIR MATEO qui déclare ne pas avoir relevé de traces d'humidité dans le bar lors de l'entretien trimestriel de la tireuse à bière et du frigidaire ;

Attendu qu'il ne peut se déduire de la réponse de l'expert au dire du conseil de la société L... O... , une quelconque preuve de l'antériorité des infiltrations et de ce que les intimés en aient eu connaissance dans la mesure où il invoque une probabilité qui ne repose pas sur une analyse ou une déduction technique et qu'il précise qu'il appartiendra au tribunal de se prononcer sur les déclarations des parties ;

Attendu que l'installation d'une pompe de relevage ne prouve pas davantage l'existence d'infiltrations antérieures à la cession alors même qu'elle était destinée à évacuer les eaux pluviales vers le réseau public et qu'il n'est pas établi qu'elle n'ait pas donné jusqu'à cette date satisfaction ;

Attendu qu'il est constant que les époux E... ont omis d'informer le cessionnaire de la présence de cette pompe de relevage, toutefois, il ne peut être sérieusement retenu que cette omission a provoqué chez le cessionnaire une erreur déterminante de son consentement et que la société L... O... n'aurait pas acquis le fonds de commerce si elle avait eu connaissance de l'existence de cette pompe alors qu'il s'agit d'un équipement usuel et qu'il n'est pas établi qu'avant les précipitations exceptionnelles de 2013 elle n'ait pas rempli son office ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, la preuve du dol imputé aux époux E... n'étant pas rapportée de confirmer le jugement déféré qui a débouté la SCP ODILE Z... ès qualités de ses demandes formées à ce titre ;

II - Sur la résolution du bail :

Attendu qu'en vertu de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, dans ce cas le contrat n'est point résolu de plein droit, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts, la résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ;

Attendu que selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière : 1o de délivrer au preneur la chose louée, 2o d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

Attendu qu'il ressort des constats communiqués que l'huissier de justice a notamment constaté : le 30 juillet 2013 la présence d'une flaque d'eau à droite du comptoir sur la partie du sol non recouverte du plancher, le 29 janvier 2014, que le sol carrelé était recouvert d'une flaque d'eau, le 7 juillet 2014 que le plafond et les deux marches en dessous étaient mouillées et que la flaque d'eau en forme d'éclaboussures correspondait à l'eau tombant du plafond ;

Attendu que l'expert indique que le bâtiment est en très mauvais état d'entretien, que les eaux de ruissellement dévalant de la colline et les eaux pluviales provenant des différentes descentes d'eau non canalisées et évacuées au réseau public s'infiltrent pour partie aux pieds des murs vétustes et inondent régulièrement l'intérieur du local et que la mise hors d'eau du bâtiment n'est pas assurée ;

Qu'il précise que l'humidité et les diverses infiltrations constatées dans les locaux sont du plus mauvais effet sur le plan commercial et l'image de l'établissement notamment s'agissant du développement de moisissures en cueillies de certains plafonds et pieds de murs comme dans les sanitaires, ce que confirme d'ailleurs, l'examen des photographies annexées au rapport ; qu'il ajoute qu'il existe un risque de chute de la clientèle sur le carrelage mouillé glissant et un risque d'électrocution pour le personnel eu égard à la très forte humidité proche de la saturation en partie basse du mur sud-ouest derrière le bar et proche du poteau central autour des équipements et branchements électriques ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le bailleur, la société E..., a manqué à son obligation de délivrer des locaux conformes à leur destination puisque les infiltrations d'eau dans le local, résultant d'un défaut d'étanchéité des murs et de canalisation des eaux pluviales, empêchaient une exploitation normale du fonds, la moisissure sur les murs et les peintures cloquées et décollées ne pouvant être effectivement que du plus mauvais effet pour les éventuels clients et l'image de l'établissement alors, au surplus, que la clientèle était exposée à un risque de chute et les exploitants à un risque d'électrocution ce qui a nécessairement une incidence sur la fréquentation du commerce ;

Attendu qu'il ressort des propres explications de la société E... et des factures produites que les travaux réalisés pour remédier aux infiltrations d'eau se sont étalés d'août 2013 à novembre 2014 ; que pour autant, il est établi par le constat d'huissier de justice qu'il existait toujours des infiltrations le 7 juillet 2014 ;

Attendu que le manquement de la société E... à son obligation de délivrance et d'entretien a donc perduré pendant près d'une année du 30 juillet 2013 au 7 juillet 2014 étant relevé que les derniers travaux ont été réalisés en novembre 2014 date à laquelle la société L... O... a été placée en redressement judiciaire ;

Attendu que la gravité des manquements du bailleur à ses obligations de délivrance et d'entretien qui se sont révélés dans le mois suivant la prise à bail et qui ont perduré pendant au moins 1 an constituent un motif de résolution du bail ;

Attendu que la résolution du contrat ayant pour effet d'anéantir le contrat au jour de sa conclusion et de remettre les choses au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient jamais existé, il convient en conséquence, de condamner la société E... à rembourser à la SCP ODILE Z... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société L... O... les sommes versées au titre des loyers et du dépôt de garantie depuis la date de la prise à bail le 14 juin 2013 ;

Attendu que la société E... qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens de l'instance de référé expertise et les honoraires de l'expert judiciaire et à payer à la SCP ODILE Z... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société L... O... la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort ;

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SCP ODILE Z... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société L... O... de sa demande formée au visa des articles 1116 et 1382 du code civil de condamnation in solidum de Monsieur D... et Madame Maria E... et la société E... à lui payer la somme de 137.959,28 euros à titre de dommages et intérêts en compensation du préjudice subi ;

STATUANT À NOUVEAU

CONDAMNE la SCI E... à rembourser à la SCP ODILE Z... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société L... O... les sommes versées au titre des loyers et du dépôt de garantie depuis la date de la prise à bail le 14 juin 2013 ;

CONDAMNE la SCI E... à payer à la SCP ODILE Z... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société L... O... la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI E... aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens de l'instance de référé expertise et les honoraires de l'expert judiciaire

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame BERGES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/012851
Date de la décision : 13/09/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-09-13;17.012851 ?
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