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22/04/2015 | FRANCE | N°14/00026

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des affaires de sÉcuritÉ sociale, 22 avril 2015, 14/00026


COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE : CPAM DU LOIRET la SCP SIMARD VOLLET OUNGRE CLIN BERCOT-TAUVENT EXPÉDITIONS à : Claudette X...épouse Y...SAS ND LOGISTICS Me BEAUMONT MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉSOCIALE Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale D'ORLEANS Expert

ARRÊT du : 22 AVRIL 2015
Minute No
No R. G. : 14/ 00026
Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ORLEANS en date du 27 Novembre 2013
DECISION DE LA COUR : INFIRMATION - ADD EXPERTISE
ENTRE
APPELANTE :
M

adame Claudette X...épouse Y...... 45190 BEAUGENCY

Représentée par Me VOLLET de la SCP SIMARD ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE : CPAM DU LOIRET la SCP SIMARD VOLLET OUNGRE CLIN BERCOT-TAUVENT EXPÉDITIONS à : Claudette X...épouse Y...SAS ND LOGISTICS Me BEAUMONT MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉSOCIALE Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale D'ORLEANS Expert

ARRÊT du : 22 AVRIL 2015
Minute No
No R. G. : 14/ 00026
Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ORLEANS en date du 27 Novembre 2013
DECISION DE LA COUR : INFIRMATION - ADD EXPERTISE
ENTRE
APPELANTE :
Madame Claudette X...épouse Y...... 45190 BEAUGENCY

Représentée par Me VOLLET de la SCP SIMARD VOLLET OUNGRE CLIN BERCOT-TAUVENT, avocat au barreau D'ORLÉANS
D'UNE PART,
ET
INTIMÉES :
CPAM DU LOIRET Place du Général de Gaulle Service Juridique et contentieux 45021 0RLEANS CEDEX 1

Représentée par Mme LAJUGIE Sylvie en vertu d'un pouvoir spécial
SAS ND LOGISTICS prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège 55 avenue Louis Bréguet BP 44084 31029 TOULOUSE cedex 4

Représentée par Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Najat BOUKIR avocat au barreau d'Orléans
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGE DE LA SECURITE SOCIALE 14 Avenue Duquesne 75350 PARIS cédex 07

non comparant, ni représenté,
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Monsieur Thierry MONGE, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller.

Greffier :
Madame Marie-Hélène ROULLET, Greffier, lors des débats et Madame Viviane COLLET, Greffier, lors du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 25 FEVRIER 2015.
ARRÊT :
PRONONCÉ le 22 AVRIL 2015 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige :
Madame Claudette X..., épouse Y..., a été employée par la société ND LOGISTICS du 7 avril 2003 au 5 juin 2012, date à laquelle elle a été licenciée pour inaptitude au poste de cariste logistique qu'elle occupait depuis le premier avril 2005. Elle a déclaré, d'une part le 7 février 2012 des épicondylites gauche et droite des coudes qui ont fait l'objet d'une décision de prise en charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret (la CPAM) en date du 2 juillet 2012, d'autre part le 28 février 2012 des épaules droite et gauche douloureuses dont le caractère professionnel a été reconnu par jugement définitif en date du 27 novembre 2013 qui a déclaré inopposable à l'employeur cette décision de reconnaissance.
Le 7 décembre 2012, Madame Y...a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Orléans afin de voir reconnaître l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de ces maladies et obtenir l'organisation d'une expertise ainsi que le versement d'une indemnité de procédure de 1. 500 euros.
Par jugement en date du 27 novembre 2013, le tribunal l'a déboutée de l'ensemble de ces prétentions.
Madame Y..., qui a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 24 décembre 2013, en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de faire intégralement droit à ses demandes. Elle soutient que la faute inexcusable commise par son employeur est caractérisée par l'absence de mesure prise pour la protéger, par le maintien à son poste sans aucun aménagement et par l'absence d'améliorations apportées au chariot élévateur inadapté qu'elle était contrainte de conduire.
La société ND LOGISTICS conclut à la confirmation de la décision entreprise en faisant valoir que l'appelante ne rapporte pas la preuve que son employeur avait conscience du danger auquel elle était exposée et n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver. A titre subsidiaire, elle conclut au rejet de la demande de majoration de rente et demande à la cour de limiter la mission de l'expert à l'évaluation des postes de préjudices énumérés par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale,
La CPAM s'en rapporte à justice.
Il est référé pour le surplus aux conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience par les parties.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu que l'employeur est, en vertu du contrat de travail qui le lie à son salarié, tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat et que tout manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Que la preuve d'une faute inexcusable incombe à la partie qui l'invoque ;
Attendu que les épicondylites des deux coudes présentées par Madame Y...ont été prises en charge comme étant inscrites au tableau numéro 57 B des maladies professionnelles qui mentionne les tendinopathies d'insertion des muscles epidoncyliens lorsque le salarié effectue des travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant bras ou des mouvements de pronosupination ;
Qu'il n'est pas contesté que, dans son activité de cariste, Madame Y...était appelée à manipuler des colis et à les placer les uns sur les autres et que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal qui ne pouvait en juger ainsi alors que le caractère professionnel des épicondylites présentées par la salariée avait été définitivement reconnu, la manipulation de ces colis entraînait nécessairement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant bras et des mouvements de pronosupination (ensemble des mouvements qui facilitent la rotation de la main et permettent d'en tourner la paume vers le haut ou vers le bas) ;
Attendu par ailleurs que le tribunal ne pouvait écarter les maladies professionnelles des épaules droite et gauche inscrites au tableau 57 A des maladies professionnelles puisque les rapports entre la CPAM et l'employeur sont indépendants des rapports entre le salarié et son employeur et que le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la Caisse et l'employeur ne prive pas le salarié de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur (Cass soc 28 février 2002 no 99-17201) ;
Attendu que Madame Y...ne saurait cependant soutenir que la jurisprudence retient que l'inscription depuis plusieurs années des travaux susceptibles de provoquer une maladie aux tableaux des maladies professionnelles suffit à établir que l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger encouru par ses salariés en fondant cette affirmation sur un unique arrêt de la Cour de Cassation qui a retenu que l'inscription d'un produit réputé cancérigène sur un tableau des maladies professionnelles suffit pour établir la connaissance par l'employeur d'un risque causé par ce produit, ce qui est sans rapport avec l'objet du présent litige ;
Que tous les salariés qui manipulent des colis ne présentent pas des épicondylites bilatérales et des épaules douloureuses et que le tribunal n'a donc pas renversé la charge de la preuve en retenant qu'il n'appartenait pas à l'employeur de démontrer qu'il n'avait pas conscience que Madame Y...était exposée à un danger particulier ;
Attendu cependant qu'il ressort des pièces de l'appelante qu'elle a communiqué à la société ND LOGISTICS un premier certificat médical établi le 28 novembre 2011 par son médecin traitant qui contre-indiquait le port de charges lourdes pendant une durée d'un mois ;
Que l'intimée ne conteste pas ne pas avoir alors aménagé le poste de sa salariée et a uniquement saisi le médecin du travail pour solliciter son avis ;
Que le médecin du travail a, le 22 décembre 2011, fait connaître à l'employeur que Madame Y...ne devait " plus faire de manipulations durables de charges lourdes " et qu'elle n'était apte à son poste de travail que sous la réserve de se limiter à " la conduite d'un chariot élévateur ou à un contrôle expédition étiquetage " ;
Que la société ND LOGISTICS n'a pas plus aménagé le poste de travail de Madame Y...mais a simplement écrit le 17 janvier 2012 au médecin du travail pour lui faire connaître qu'il n'existait pas, au sein de l'entrepôt dans lequel travaillait la salariée, de poste de conduite de chariot élévateur ou de contrôleur à l'expédition ou à la réception qui n'exigeait pas la manipulation de colis compris entre 3 et 15 kilos en lui demandant en conséquence sa position définitive sur l'aptitude de Madame Y...à son poste actuel afin de pouvoir mettre en oeuvre d'éventuelles actions de reclassement ;
Que les échanges ensuite poursuivis avec le médecin du travail, qui après avoir répondu le 19 janvier 2012 qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur une telle aptitude a délivré une fiche d'inaptitude le 22 mars 2012, ne peuvent justifier la décision de l'employeur de maintenir l'appelante à son poste sans aucun aménagement ;
Que le 30 janvier 2012, se plaignant de très vives douleurs, la salariée a de nouveau consulté son médecin qui l'a placée en arrêt de travail à compter du 31 janvier et lui a fait remplir un dossier de déclaration de maladie professionnelle concernant les épicondylites ;
Que Madame Y...n'a jamais repris son travail et que le débat engagé entre les parties sur les propositions de reclassement qui ont pu lui être faites est sans intérêt pour la solution du litige qui porte exclusivement sur l'existence d'une faute inexcusable commise par l'employeur avant le 30 janvier 2012, date de l'arrêt de travail définitif de la salariée ;
Attendu qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur n'ait pas été la cause déterminante de la maladie survenue mais qu'il suffit qu'elle en ait été une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres faits ont concouru au dommage ;
Qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé que le médecin traitant de l'appelante ne l'a pas considérée comme définitivement atteinte d'une maladie professionnelle le 28 novembre 2011 mais a uniquement préconisé l'abstention de port de charges lourdes pendant une durée d'un mois ;
Qu'il appartenait donc à la société ND LOGISTICS, ainsi informée des risques encourus par la salariée lors du port de telles charges, de prendre immédiatement toute mesure nécessaire pour l'en préserver ;
Qu'il a été relevé que l'intimée ne justifie d'aucun aménagement du poste de Madame Y...et n'indique même pas y avoir procédé et que, bien que son attention ait été de nouveau attirée sur les risques encourus par sa salariée par l'avis délivré par le médecin du travail le 22 décembre 2011, ND LOGISTICS n'a pris aucune mesure, laissant la salariée à son poste non aménagé jusqu'au 30 janvier 2012, date à laquelle sont état de santé s'étant considérablement dégradé, elle a dû être placée en arrêt de travail et qu'a été médicalement constatée l'apparition d'une maladie professionnelle invalidante dont il n'avait pas été fait état auparavant ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur, qui en était parfaitement informé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver sa salariée des dangers encourus, ce qui conduit à infirmer le jugement déféré et à retenir que les maladies professionnelles présentées par Madame Y...résultent d'une faute inexcusable commise par son employeur ;
Attendu que les dispositions de l'article L 452-2 étant applicables de plein droit, il convient d'ordonner la majoration au maximum des indemnités dues à Madame Y...et d'instituer une expertise afin de recueillir les éléments permettant de chiffrer le préjudice indemnisable devant la juridiction de sécurité sociale ;
Que s'agissant de la mission à confier au médecin, celui-ci doit fournir à la juridiction les éléments techniques lui permettant de procéder à l'évaluation des postes de préjudice indemnisable en cas de faute inexcusable, dont le périmètre, légalement défini par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, s'apprécie à la lumière de la décision no2010-8 QPC du 18 juin 2010 du Conseil Constitutionnel, qui a déclaré conformes à la Constitution les articles L 451-1 et L 451-2 à 5 du code de la sécurité sociale sous la réserve de ce que les dispositions de ces textes ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
Qu'il en résulte que l'expertise ne peut porter ni sur les frais médicaux assimilés, ni sur le déficit permanent, ni sur la perte de gains professionnels mais cependant, outre les chefs de préjudice expressément énumérés par l'article L. 452-3, à savoir les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et la perte des possibilités de promotion professionnelle, sur les préjudices en lien avec l'éventuelle nécessité de recourir à une tierce personne avant la consolidation et avec le déficit fonctionnel temporaire, lesquels ne sont pas couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME la décision entreprise,
STATUANT À NOUVEAU,
DIT que la société ND LOGISTICS a manqué à son obligation de sécurité de résultat, ce qui a entraîné l'apparition des maladies professionnelles présentées par Madame Claudette X..., épouse Y...,
JUGE que ce manquement a le caractère d'une faute inexcusable,
FIXE au maximum le montant des indemnités devant revenir à Madame Claudette X..., épouse Y...,
DIT que la Caisse primaire d'assurance maladie du Loiret fera l'avance des frais et indemnités et en récupérera le montant auprès de la société ND LOGISTICS et CONDAMNE d'ores et déjà cette dernière à les lui rembourser sur les justificatifs qu'elle lui en fournira,
AVANT DIRE DOIT sur le montant de la réparation des préjudices causés par la faute inexcusable,
ORDONNE une expertise médicale de Madame Claudette X..., épouse Y..., domicilié ... et commet pour y procéder le docteur Philippe Z..., ... à Orléans, avec pour mission, après avoir examiné la victime et recueilli tous renseignements utiles de : 1/ décrire les lésions subies, 2/ indiquer leur traitement, leur évolution et celle des troubles en rapport direct avec les maladies, 3/ déterminer, décrire, qualifier et chiffrer : a/ les préjudices expressément énumérés par l'article L452-3 du code de la sécurité sociale à savoir : * les souffrances endurées sur une échelle de 1 à 7 * le préjudice esthétique sur une échelle de 1 à 7 * le préjudice d'agrément * la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle

b/ le déficit fonctionnel temporaire
c/ la nécessité d'avoir recourir à une tierce personne avant la consolidation,
DIT que l'expert devra donner connaissance de ses premières conclusions aux parties et répondre à toutes observations écrites de leur part dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir son rapport définitif,
DIT que l'expert déposera son rapport au greffe de la cour dans un délai de deux mois à compter de sa saisine par le secrétariat,
DIT que les frais d'expertise seront avancés par la caisse d'assurance maladie du Loiret qui en récupérera le montant auprès de la société ND LOGISTICS,
CONDAMNE la société ND LOGISTICS à payer à Madame Claudette X..., épouse Y..., la somme de 1. 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur MONGE, Président et Madame COLLET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des affaires de sÉcuritÉ sociale
Numéro d'arrêt : 14/00026
Date de la décision : 22/04/2015
Sens de l'arrêt : Expertise
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2015-04-22;14.00026 ?
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