COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS
SCP LAVAL-LUEGER
SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE
21 / 01 / 2010
ARRÊT du : 21 JANVIER 2010
No :
No RG : 09 / 01183
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de TOURS en date du 27 Février 2009
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
SA OUEST IMPRESSIONS EUROPE agissant poursuites et diligences en la personne de son Président du Conseil d'Administration, domicilié en cette qualité audit siège
Boulevard de Poitiers ZI La Maltière
79300 BRESSUIRE
représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Nicolas CHAN, du barreau de BRESSUIRE
D'UNE PART
INTIMÉS :
Maître Nadine Y... pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA MECAFLEXO
...
...
représenté par la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP ARCOLE-NAIL-CHAS-BRILLATZ & Associés, du barreau de TOURS
Maître Mireille Z... pris en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SA OUEST IMPRESSIONS EUROPE et de commissaire à l'exécution de son plan de redressement.
...
79000 NIORT
représenté par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Nicolas CHAN, du barreau de BRESSUIRE
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 17 Avril 2009
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 27 Novembre 2009
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre,
Monsieur Alain GARNIER, Conseiller,
Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.
Greffier :
Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats,
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 DECEMBRE 2009, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 21 JANVIER 2010 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
La Cour statue sur l'appel, interjeté par la société Ouest Impressions Europe, suivant déclaration du 17 avril 2009 (enrôlée sous le no d'instance 09 / 01183), d'un jugement rendu le 27 février 2009 par le tribunal de commerce de Tours.
.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :
*19 novembre 2009 (par la société Ouest Impressions Europe et Me Z..., ès qualités de représentant des créanciers de la société Ouest Impressions Europe et de commissaire à l'exécution du plan de celle-ci),
*24 novembre 2009 (par Me Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mécaflexo).
Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé ici que la société Mécaflexo a, par contrat du 27 octobre 2001, donné en location à la société Ouest Impression Europe une machine d'impression offset PLANETA 4 couleurs pour une durée de 84 mois puis a cédé sa créance de loyers à la Caisse régionale de crédit mutuel du Morbihan et de la Loire-Atlantique (le Crédit maritime), le 26 novembre 2002, avant d'être mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Tours du 3 décembre 2002, qui a désigné Me Y... en qualité de liquidateur. Celle-ci a saisi, par assignations des 22 et 25 juin 2004, le tribunal de commerce de Tours d'une demande tendant à faire déclarer inopposable ou nulle la cession de créance à la procédure collective et à obtenir de la société Ouest Impressions Europe le paiement des loyers.
Par jugement du 22 juin 2005, le tribunal de grande instance de Bressuire, statuant commercialement, a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Ouest Impressions Europe et nommé Me Z... en qualité de représentant des créanciers. Me Y..., après avoir, le 31 octobre 2005, déclaré la totalité de la créance de loyers de la société Mécaflexo en a demandé la fixation en faisant assigner en intervention, le 14 février 2006, Me Z... devant le tribunal de commerce de Tours.
Le 6 juin 2006 a été arrêté le plan de redressement de la société Ouest Impressions Europe. Me Z... est devenue commissaire à l'exécution du plan.
Par un arrêt confirmatif irrévocable rendu le 12 février 2008, la cour d'appel de Poitiers a rejeté la demande de Me Y... tendant à être relevée de la forclusion encourue.
C'est dans ces conditions que, par le jugement du 27 février 2009 déféré à la cour d'appel d'Orléans dans la présente instance, le tribunal de commerce de Tours a annulé la cession de créance faite par la société Mécaflexo au Crédit maritime, rejeté la demande de la société Ouest Impressions Europe tendant à la résiliation du contrat de location et condamné la société locataire au paiement des loyers postérieurs à l'ouverture de son redressement judiciaire.
Appel principal a été interjeté par la société Ouest Impressions Europe. Me Y... a conclu à la confirmation du jugement sauf à porter le montant des loyers mis à la charge de la société Ouest Impressions Europe à la somme de 231. 570, 08 €.
En appel, chaque partie a, plus précisément, développé les demandes et moyens qui seront analysés et discutés dans les motifs du présent arrêt.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du magistrat de la mise en état du 27 novembre 2009, dont les avoués des parties ont été avisés.
A l'issue des débats, le président d'audience a indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé le 21 janvier 2010, par sa mise à disposition au greffe de la Cour.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu, au préalable, qu'il convient de relever que, d'après Me Y..., le jugement déféré aurait acquis force de chose jugée dans toutes ses dispositions concernant le Crédit maritime, à qui il aurait été signifié le 8 avril 2009, en l'absence d'appel dirigé par lui ou contre lui ; que la signification n'étant pas, cependant, produite, ni le Crédit maritime mis en cause, il suffira, dans le présent arrêt, de constater que la Cour n'est pas saisie des dispositions du jugement concernant cette partie en première instance ;
Sur la recevabilité des demandes de Me Y... à l'encontre de la société Ouest Impressions Europe contestée par celle-ci
Attendu qu'il convient de rappeler qu'après l'ouverture, le 22 juin 2005, du redressement judiciaire de la société Ouest Impressions Europe, Me Y..., au nom de la société Mécaflexo, a déclaré, le 31 octobre 2005, au passif de cette procédure collective, outre des frais, une créance de loyers pour la période d'août 2002 à juillet 2009, de 358. 750, 63 € « dont échus au 22 juin 2005 127. 180, 58 € » ; que le jugement d'ouverture du redressement ayant été publié au BODACC le 10 juillet 2005, de sorte que sa déclaration était tardive, Me Y... a saisi le juge-commissaire du tribunal de grande instance de Bressuire d'une demande de relevé de forclusion que ce magistrat a rejetée par ordonnance du 10 avril 2006, confirmée par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Poitiers (2ème chambre civile) du 12 février 2008 ; que la société Ouest Impressions Europe déduit du libellé même de la déclaration de créance portant sur l'ensemble des loyers, y compris à échoir, comme du rejet définitif de la demande en relevé de forclusion la concernant que l'antériorité de la créance-seule de nature à la soumettre à l'obligation de déclaration dans l'état du droit antérieur à la loi de sauvegarde des entreprises-est devenue incontestable, d'où il résulte, selon la société appelante, que la totalité de la créance de loyers est éteinte ;
Mais attendu que si l'on peut discuter des conséquences qu'aurait pu avoir, au contraire, une décision d'admission de la créance de loyers en sa totalité, dont l'autorité de chose jugée aurait pu s'étendre à sa nature antérieure, il en va différemment d'une décision refusant le relevé de forclusion dont il ne résulte pas la même autorité quant à la nature de la créance, Me Y..., en tant que représentante de la société Mécaflexo étant alors fondée à renoncer à sa déclaration ; que sa demande actuelle dirigée contre la société Ouest Impressions Europe ne porte plus d'ailleurs que sur les loyers postérieurs à l'ouverture du redressement judiciaire de celle-ci ; que la fin de non-recevoir sera rejetée ;
Sur le bien fondé de la demande en paiement des loyers postérieurs
Attendu que la société Ouest Impressions Europe oppose à cette demande-sans, en l'état, formuler de demandes reconventionnelles en paiement, qui seront examinées plus loin-une exception qualifiée d'inexécution, en soutenant que la machine n'aurait jamais fonctionné et se serait révélée dangereuse, de sorte que le loueur de matériel aurait manqué à son obligation de délivrance de la chose louée ;
Mais attendu que la machine ayant été mise à disposition en juillet 2002, avec une période de mise au point en octobre-novembre 2002, ainsi qu'en atteste un rapport d'intervention Mécaflexo à cette époque, aucune réclamation n'a été adressée au loueur et, en décembre 2002, ayant alors pour interlocuteur le Crédit maritime, cessionnaire de la créance de loyers, la société Ouest Impressions Europe, sans lui faire part d'aucun dysfonctionnement, lui a simplement indiqué que la machine se trouvait à Bressuire et lui a fixé un rendez-vous en janvier 2003 pour discuter avec lui des modalités du " transfert du contrat de location " ; qu'il a fallu attendre le mois de décembre 2003 pour que la société Ouest Impressions Europe oppose pour la première fois au Crédit maritime l'inexécution du contrat, et fasse appel, de manière d'ailleurs non contradictoire, à un expert inscrit sur la liste des experts judiciaires dressée par la cour d'appel de Poitiers pour faire apparaître, plus d'un an et demi après la livraison, des difficultés qu'elle n'avait jamais signalées, un devis de réparation n'étant établi par la société Industrie graphique process que plusieurs mois encore après, en octobre 2004 ; que les déclarations du propre dirigeant de la société Ouest Impressions Europe, M. A..., qui dit avoir rencontré des problèmes électriques et hydrauliques, sans plus les préciser, et cette expertise tardive sont insuffisantes à établir que la société Mécaflexo aurait manqué à ses obligations alors que, contrairement à ce que soutient la société Ouest Impressions Europe (page 6 de ses conclusions), qui prétend que jamais la machine n'aurait fonctionné, les factures qu'elle verse elle-même aux débats démontrent qu'elle a fait l'objet d'un entretien courant, ce qui corrobore l'hypothèse de son utilisation, hypothèse également confirmée par l'attestation de M. A... qui indique lui-même que la mise en route a été terminée par " la maison mère (Planeta Allemagne) " ; que, surtout, alors qu'elle n'avait jamais émis de protestation ni fait de réserve, la société locataire a attendu un an et demi après la livraison pour en émettre, ce qui rend douteuse sa contestation et exclut, sept ans après, d'ordonner une expertise judiciaire, d'autant plus que la machine est maintenant démontée depuis plus de deux ans et stockée dans des locaux à Saint-Herblain (Loire-Atlantique) ;
Que, par conséquent, la société Ouest Impressions Europe sera tenue au paiement des loyers postérieurs à l'ouverture de sa procédure collective, soit, à concurrence d'un loyer contractuel de 4. 725, 92 € HT par mois, la somme, non contestée, de 231. 570, 08 € ou 276. 957, 81 € TTC qui est réclamée ;
Sur les demandes reconventionnelles formées par la société Ouest Impressions Europe
Attendu que la société locataire demande le paiement de frais d'intervention sur la machine, ainsi que de démontage, transport et stockage qui, compte tenu du sens du présent arrêt, ne peuvent que rester à sa charge ;
Que, par ailleurs, la demande implicite d'enlèvement de la machine à la charge de Me Y..., qui pourrait se déduire de la demande de paiement d'une somme de 300 € par mois jusqu'à l'enlèvement formée par la société Ouest Impressions Europe, n'est pas fondée sur l'arrivée du terme du contrat de location-la Cour n'ayant, au surplus, aucune information sur l'exercice éventuel d'une option d'achat que le contrat du 27 octobre 2001 avait sans doute envisagé, en stipulant une valeur résiduelle-mais sur sa résiliation demandée aux torts de Me Y..., demande qui est écartée, de sorte que la Cour n'a pas à statuer sur le sort de la machine ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort :
CONSTATE qu'elle n'est pas saisie des dispositions du jugement déféré concernant la Caisse régionale de crédit maritime mutuel du Morbihan et de la Loire-Atlantique ;
JUGE que l'arrêt irrévocable de la cour d'appel de Poitiers (2ème chambre civile) du 12 février 2008 qui rejette la demande en relevé de forclusion présentée par Me Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mécaflexo, n'a pas autorité de chose jugée quant à la nature antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Ouest Impressions Europe de la créance de loyers déclarée par Me Y... au passif de cette procédure de redressement ;
DÉCLARE, en conséquence, recevable la demande formée par Me Y... tendant au paiement par la société Ouest Impressions Europe des loyers de la machine d'impression type Planeta 4 couleurs pour la période postérieure au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de cette société, soit le 22 juin 2005 ;
REJETTE l'exception d'inexécution présentée par la société Ouest Impressions Europe et LA CONDAMNE à payer à Me Y..., ès qualités, la somme de 276. 957, 81 € TTC, représentant la totalité des loyers postérieurs au 22 juin 2005 ;
REJETTE l'ensemble des demandes formées par la société Ouest Impressions Europe ;
LA CONDAMNE aux dépens d'appel et à payer à Me Y..., ès qualités, la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en remboursement de ses frais hors dépens exposés en appel ;
ACCORDE à la SCP Desplanques-Devauchelle, titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du Code de procédure civile ;
ARRÊT signé par M. Jean-Pierre Rémery, Président et Mme Nadia Fernandez, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT