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08/10/2009 | FRANCE | N°292

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 08 octobre 2009, 292


COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS SCP LAVAL-LUEGER SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE Me GARNIER

08 / 10 / 2009 ARRÊT du : 08 OCTOBRE 2009

N° RG : 07 / 02272
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 30 Mai 2007
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE : Société DHL GLOBAL FORWARDING (UK) LIMITED anciennement dénommée DAZAS LTD TRADING AS DHL DANZAS AIR et OCEAN, agissant en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège Century House-100 Church Street

STAINES-MIDDLESEX TW 18 4 QD GRANDE BRETAGNE représentée par la SCP DESPLANQUES-DEVAU...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS SCP LAVAL-LUEGER SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE Me GARNIER

08 / 10 / 2009 ARRÊT du : 08 OCTOBRE 2009

N° RG : 07 / 02272
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 30 Mai 2007
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE : Société DHL GLOBAL FORWARDING (UK) LIMITED anciennement dénommée DAZAS LTD TRADING AS DHL DANZAS AIR et OCEAN, agissant en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège Century House-100 Church Street STAINES-MIDDLESEX TW 18 4 QD GRANDE BRETAGNE représentée par la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, avoués à la Cour ayant pour avocat Me Béatrice WITVOET, du barreau de PARIS

D'UNE PART
INTIMÉES : S. A. S TOE TRANSMANCHE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège Zone industrielle de Rouwmesnil 76370 ROUXMESNIL BOUTEILLES représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat la SCP GODIN CITRON et ASSOCIES, du barreau de PARIS

Société M C NAMARA FREIGHT LIMITED agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège 60 High Street-New Malden SURREY KT3 4EZ ROYAUME UNI représentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour ayant pour avocat Me Catherine FERRACCI, du barreau de PARIS

PARTIES INTERVENANTES : Maître Philippe X... pris en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la Société TOE TRANSMANCHE ... représenté par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat la SCP GODIN CITRON et ASSOCIES, du barreau de PARIS

Maître Philippe X... es qualité de liquidateur à la procédure de liquidation judiciairede la société TOE TRANSMANCHE ... représenté par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat la SCP GODIN CITRON et ASSOCIES, du barreau de PARIS

D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 11 Septembre 2007
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 10 septembre 2009 à 9h00
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré : Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.

Greffier : Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats,

DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Septembre 2009, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 08 Octobre 2009 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
La Cour statue sur l'appel, interjeté par la société Danzas LTD trading as DHL Danzas Air et ocean, suivant déclaration du 11 septembre 2007 (enrôlée sous le no d'instance 07 / 02272), d'un jugement rendu le 30 mai 2007 par le tribunal de commerce d'Orléans.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :
- 27 janvier 2009 (par la société DHL Global Forwarding (UK) LTD, se disant aux droits de la société appelante),
- 24 juillet 2009 (par la société Mc Namara Freight Ltd, ci-après société Mc Namara),
- 21 août 2009 (par Me X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Toe Transmanche).
Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé ici que, la société Seagate, qui avait vendu à la société UFP Hardware du matériel informatique, a confié l'organisation de leur transport, entre Paisley (Royaume-Uni) et Ormes (Loiret, France), à une société Danzas, dont la détermination est l'un des points du litige. Celle-ci a fait exécuter le déplacement par la société Mc Namara, qui s'est elle-même substitué la société TOE Transmanche. Lors d'un arrêt du véhicule avant Douvres, dans la nuit du 28 au 29 octobre 2004, 10 des 14 palettes composant le chargement ont été dérobées. L'acquéreur ayant été indemnisé par une société Danzas, à concurrence de la somme de 168. 000 USD, cette société a saisi le tribunal de commerce d'Orléans, par assignation du 19 janvier 2005, d'une demande en paiement dirigée contre la société Mc Namara et la société TOE Transmanche, mise ultérieurement en redressement puis liquidation judiciaires.
Par le jugement déféré à la cour d'appel, le tribunal a rejeté l'ensemble des demandes, en retenant que ni la société Mc Namara, ni la société TOE Transmanche n'étaient responsables de la perte des marchandises sur le fondement de la faute lourde.
Appel a été interjeté comme il a été dit.
En appel, chaque partie a, plus précisément, développé les demandes et moyens qui seront analysés et discutés dans les motifs du présent arrêt.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du magistrat de la mise en état du 10 septembre 2009, à 9 heures, dont les avoués des parties ont été avisés.
A l'issue des débats, qui ont eu lieu le 10 septembre 2009, à 14 heures le président d'audience a indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé le 8 octobre 2009, par sa mise à disposition au greffe de la Cour.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur les irrecevabilités opposées par la société Mc Namara et Me X..., ès qualités
Attendu que, bien que le magistrat de la mise en état se soit, à deux reprises, prononcé sur certaines de ces irrecevabilités, par des ordonnances des 30 avril et 9 octobre 2008, cette dernière ayant rejeté la demande tendant à faire juger l'appel irrecevable pour défaut de qualité, l'absence d'autorité de chose jugée de ces décisions permet aux intimés, comme en l'espèce, de renouveler devant la formation collégiale de la Cour les mêmes fin de non-recevoir et même d'en soulever de nouvelles ;
Qu'il est soutenu, d'abord, que l'appel, ou plus précisément l'intervention en cause d'appel de la société DHL Global Forwarding (UK) Ltd, ne serait pas recevable, au motif que cette société ne serait pas la société partie demanderesse en première instance puis appelante ; qu'il résulte des pièces du dossier que l'assignation introductive de l'instance devant le premier juge, datée du 19 janvier 2005, a été délivrée à la requête de la société Danzas Ltd trading as DHL Danzas Air et Ocean, ou plus simplement Danzas Ltd, le reste de sa dénomination (à partir de trading as) dans l'acte d'huissier de justice ne se rapportant en fait qu'à un nom commercial ou une enseigne ; que c'est encore sous cette dénomination que la déclaration d'appel du 11 septembre 2007 a été faite, avant que, dans des conclusions d'appel signifiées et déposées le 22 février 2008, apparaisse la société DHL Global Forwarding (UK) Ltd se disant " anciennement dénommée Danzas Ltd trading... " ; que, contrairement à ce que soutiennent tant la société Mc Namara que Me X..., qui confondent la société Danzas Ltd et une autre société distincte à la dénomination très proche Danzas (UK) Ltd, il résulte d'un extrait du registre des sociétés pour l'Angleterre et le Pays de Galles (pièce n° 26 communiquée par Danzas) que la société DHL Forwarding (UK) Ltd, portant le no d'enregistrement 4056042 - qui est la seule référence constante, contrairement à la localisation du siège - s'est bien appelée auparavant Danzas Limited, dénomination sous laquelle elle a agi devant le premier juge, puis DHL Logistics (UK) Limited, dénomination intermédiaire qui n'apparaît pas dans la procédure, ce qui est, cependant, sans incidence, sur le maintien de sa personnalité morale ; que cette société Danzas Limited portait bien le même n° 4056042 et non pas 1793384, comme l'autre société Danzas (UK) Ltd ; que, dès lors, il n'existe aucun doute sur l'identité entre la société Danzas Limited, auteur de l'assignation et de l'acte d'appel et la société DHL Global Forwarding (UK) Limited, intervenante ; que la première fin de non-recevoir invoquée sera rejetée ;
Qu'il est ensuite soutenu que la société DHL Global Forwarding ne serait pas intervenue dans l'opération de transport sous l'une quelconque de ses dénominations antérieures et n'aurait ainsi pas qualité pour agir en responsabilité ; que, cependant, sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, il résulte des pièces du dossier que la société UFP Hardware qui, en tant qu'acheteur dans la vente au départ selon le mode choisi (INCOTERM CPT) supportait les risques du transport, ce qui suffisait à lui conférer qualité pour être indemnisée, a adressé sa facture à la suite des pertes subies à la société Danzas Ltd (pièce no 6 de l'appelante) puis a établi l'acte de subrogation conventionnelle du 22 décembre 2004 à l'ordre de celle-ci, plus précisément dénommée dans cet acte Danzas Limited t / a (c'est-à-dire " trading as ") DHL Danzas Air et Ocean, soit la société au nom de laquelle l'assignation a été ensuite délivrée ; qu'il est ainsi incontestable que la société Danzas Limited, qui a payé le 22 décembre 2004 à UFP Hardware l'indemnité de 168. 000 USD au moyen d'un chèque tiré sur son compte tenu par la banque HSBC (l'intitulé du tireur est encore Danzas Ltd t / as Danzas Air et ocean) a été subrogée conventionnellement dans les droits de l'acheteur de la marchandise volée, titre en vertu duquel elle agit ; que, par ailleurs, la société Mc Namara ne peut soutenir que son donneur d'ordre serait encore une autre société du groupe Danzas, la société DHL Freight, dès lors que celle-ci, si elle est effectivement intervenue pour commander le transport, n'a agi qu'en qualité de mandataire, facturant sa prestation à Danzas Ltd, que la société Mc Namara ne s'y est pas trompée, en confirmant la date et le lieu du chargement à Danzas Ltd, qu'elle a simplement appelée par erreur Danzas (UK) Ltd, que la lettre de voiture européenne n° 07087- à laquelle elle ne prétend pas être étrangère, puisqu'elle indique dans ses conclusions (non paginées, bas du feuillet 3) qu'elle a répercuté à la société TOE Transmanche les instructions sommaires reçues, " ainsi qu'en fait foi la CMR no 07087 "- porte elle-même la mention en qualité d'expéditeur de " DHL Danzas Air et Ocean ", qui est le nom commercial ou l'enseigne de la société Danzas Ltd ; que, dès lors, cette société, y compris sous sa nouvelle dénomination DHL Global Forwarding (UK) Limited, avait et a qualité pour agir en paiement ;
Sur la responsabilité de la société Mc Namara recherchée par la société DHL Global Forwarding, désormais dénommée Danzas
Attendu qu'il résulte des conclusions concordantes des parties sur ce point que la société Mc Namara a la qualité de commissionnaire de transport, qui lui est attribuée expressément par la société Danzas (p. 10 des conclusions de celle-ci) et Me X... (p. 8 qui évoque le commissionnaire de transport Mc Namara) et qu'elle reconnaît implicitement (feuillet no 9, où il est indiqué " l'appelante ne saurait donc reprocher au commissionnaire intermédiaire ", se désignant ainsi elle-même) ; qu'il résulte des mêmes conclusions que l'argumentation des parties, dans une matière où leurs droits sont disponibles, est fondée sur la notion française de commissionnaire de transport responsable comme tel sur le fondement du droit français, l'application des dispositions de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route (dite CMR) étant, en tout état de cause, exclue dans les rapports entre client et commissionnaire et commissionnaires entre eux ;
Attendu, en fait, qu'ainsi que le fait valoir la société Danzas, la société Mc Namara connaissait parfaitement la nature de la marchandise confiée au transport et son caractère sensible et disposait ainsi, en tant que professionnel de l'organisation du transport, de tous les éléments lui permettant de donner au transporteur les instructions adéquates tant sur le choix de la remorque que sur les précautions particulières à observer pour sa surveillance, sans qu'elle puisse, dans les circonstances propres de l'espèce, s'exonérer, fût-ce partiellement, par le seul fait que la société Danzas ne lui aurait pas fourni d'instructions formelles ni n'aurait protesté sur l'emploi d'une remorque simplement bâchée, l'eût-elle connu ; qu'en effet, si, ni la commande du transport par Danzas, ni la lettre de voiture n'étaient par elles-mêmes de nature à renseigner précisément quiconque sur la nature de la marchandise - la lettre indiquant 14 palettes " divers " et, comme destinataire, la société UFP sans autre précision, tandis que la commande ne donnant que cette précision supplémentaire sur le destinataire, UFP " Hardware ", laissant penser que son activité pouvait concerner le matériel informatique, était insuffisante pour connaître la marchandise transportée en l'espèce -, il est, en revanche démontré par la société Danzas que la société Mc Namara s'était elle-même spécialement chargée de l'établissement de la déclaration de transit communautaire, ce qui lui donnait toutes informations sur la nature de la marchandise ; que, bien qu'elle émette - d'ailleurs assez mollement dans ses conclusions-des doutes sur les documents qui seront analysés ci-après (pièces n° 12 à 14, communiquées par Danzas) et sur la façon dont la société Danzas se les serait procurés, les pièces versées aux débats, indépendamment de l'attestation du 12 octobre 2007 de M. B..., qui ne sera pas retenue par la Cour, prouvent que la société Mc Namara connaissait la nature de la marchandise ; qu'en effet, ces pièces sont des correspondances, en langue anglaise avec une traduction, échangées exclusivement entre la société Mc Namara et la société BWW Dover, mandatée par elle pour effectuer les opérations douanières de transit et dont il résulte que, le 28 octobre 2004, jour du chargement, à 15 heures (heure de la télécopie), la société Mc Namara a demandé à la société BWW Dover de préparer un document de transit T 1 pour la remorque no 5660 (qui est bien le no de la remorque porté sur la lettre de voiture), en lui joignant les factures et en lui précisant que si elle avait besoin d'informations complémentaires, elle ne devait pas hésiter à la contacter (" Invoices attached, however should you require any further information please do not hesitate to contact me ") ; que par un courrier électronique envoyé peu après (à 3 : 46 PM, soit 15 heures 46), le même préposé de la société Mc Namara écrivait, manifestement en réponse à une interrogation téléphonique de son correspondant, à la société BWW Dover que les marchandises litigieuses se trouvaient en Écosse, lieu du chargement, pour y être soit modifiées, soit réparées ; qu'encore, après le vol, c'est bien le même préposé de la société Mc Namara qui a demandé à la société BWW Dover de s'assurer de l'annulation de la déclaration de transit ; que ces éléments, directement contraires au récit des opérations en douane fait par la société Mc Namara dans ses conclusions, qui prétend qu'elle aurait simplement demandé à Danzas de vérifier que le chauffeur emportait avec lui le document de transit communautaire, mais qu'elle n'en connaissait ni le contenu, ni les pièces jointes, démontrent que c'est elle, et elle seule, qui a donné toutes les instructions pour l'établir et qui possédait tous les renseignements nécessaires, ayant en mains la facture Seagate-UFP, laquelle, sans équivoque, désignait la marchandise sous l'appellation " hard disc drive " (lecteur de disque dur), pour une valeur totale de 231. 000 USD, qui n'a rien de banale, ces indications étant suffisantes à un professionnel de l'organisation du transport pour apprécier, mieux que personne, sans avoir à en référer à son donneur d'ordre, le caractère particulièrement convoité de la marchandise qui lui était confiée et l'importance de sa valeur ;
Que, dès lors, il appartenait à la société Mc Namara, sinon d'interdire au transporteur l'emploi d'une remorque simplement bâchée, au moins d'attirer fermement son attention sur le caractère très sensible de ce qu'il transportait et de lui interdire en conséquence, par des instructions formelles, tout stationnement nocturne en dehors d'une aire gardée ; qu'il ne prouve pas l'avoir fait, puisque, la lettre de voiture, comme il a été vu, n'apportait pas la moindre précision sur le contenu du chargement et que le chauffeur-M. Nicolas C...- n'en avait aucune idée avant le vol ; que ses divers récits des faits sur ce point sont parfaitement concordants, aussi bien celui qu'il a lui-même rédigé en langue française le 2 novembre 2004 que celui postérieurement recueilli par les services de police britanniques (pièce n° 16 de Danzas) qui, par un interrogatoire minutieux, ont pu s'assurer que le conducteur ne connaissait pas la nature de la marchandise :
« Question : What information were you given about your load ? Answer : Nothing at all...

Q. Were you informed at any time what was loaded onto your vehicle ? A. No Q. While the vehicle was being loaded, did you notice anything that indicated what the contents of your load were. A. No

Q. When did you realize what the goods were ? A. When the police opened the envelope »

(Traduction libre : " Quelles informations vous ont-elles été données sur votre chargement ? Aucune. Avez-vous été informé, à un moment quelconque, de ce qui avait été chargé à bord de votre véhicule. Non. Pendant le chargement, avez vous remarqué quelque chose indiquant son contenu ? Non. Quand avez vous réalisé ce qu'étaient les marchandises ? Quand la police a ouvert l'emballage ") ; que, par ailleurs, le chauffeur ne pouvait pas déterminer la nature des marchandises transportées par un simple examen visuel des palettes lors de leur chargement, comme il le lui est reproché ; que, contrairement à ce qui est également soutenu, la simple détention dans la cabine du tracteur de la déclaration de transit communautaire, voire des factures jointes - étant au surplus précisé que, selon le récit de M. C..., tous les documents accompagnant la marchandise se trouvaient dans une enveloppe fermée à l'adresse de l'acheteur destinataire - ne suffisait pas à informer le transporteur ou son préposé sur la nature de la marchandise et, étranger aux rapports du vendeur et de l'acheteur, il n'avait pas spécialement à les examiner, contrairement à la société Mc Namara, son donneur d'ordre direct, qui était spécialement chargée des opérations de transit communautaire, ce qui lui donnait accès, mieux que quiconque, Danzas en particulier, à toutes les informations nécessaires sur la nature et la valeur du chargement ;
Que, dès lors, la société Mc Namara a commis une faute personnelle envers Danzas en ne répercutant pas auprès de la société TOE Transmanche les informations essentielles en sa possession sur le caractère particulièrement sensible de la marchandise et sa valeur ; qu'en conséquence, elle est, non seulement, garante envers la société Danzas du fait de son substitué, la société TOE Transmanche, mais aussi responsable de sa faute personnelle, ce qui l'empêche d'invoquer en sa faveur les limitations légales de responsabilité dont son substitué pourrait, le cas échéant, se prévaloir ; que, n'invoquant, par ailleurs, aucune limitation contractuelle de responsabilité, la société Mc Namara doit, dans ses rapports avec la société Danzas, répondre intégralement de son propre fait et, en l'absence de toute contestation sur le montant des sommes réclamées, sera condamnée à payer à la société Danzas la contre-valeur en euros, au jour du règlement, de la somme de 164. 933 dollars des États-Unis, à laquelle les dernières conclusions de la société Danzas limitent sa demande ; que la société Mc Namara n'étant pas condamnée sur le fondement de la CMR, les intérêts dus par elle le seront, en revanche, au taux légal français, à compter du 19 janvier 2005, date de l'assignation, valant mise en demeure de payer après subrogation, et non pas au taux CMR de 5 % ; que ces intérêts seront capitalisés à compter des dernières conclusions de la société Danzas, du 27 janvier 2009, qui ne font pas référence à une date antérieure de capitalisation ;
Sur la responsabilité de la société TOE Transmanche, recherchée directement par la société Danzas et à l'appui de son appel en garantie par la société Mc Namara
Attendu qu'au préalable il convient d'apprécier l'incidence de l'ouverture à l'égard de la société TOE Transmanche d'une procédure collective ;
Qu'en effet, la société TOE Transmanche a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Dieppe du 17 avril 2008, publié au BODACC le 16 mai 2008, cette procédure collective étant convertie en liquidation judiciaire par jugement du 5 février 2009, qui a désigné Me X..., précédemment mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur judiciaire ; que l'appréciation de la responsabilité de la société TOE Transmanche suppose donc la régularité de la reprise de la présente instance en cours à laquelle celle-ci était partie, sur la demande initiale de la société Danzas et l'appel en garantie de la société Mc Namara, devant la cour d'appel d'Orléans et donc la régularité des déclarations de créances des sociétés Danzas et Mc Namara ; qu'à cet égard, il est constant, au vu des pièces produites, et comme le relève Me X... dans ses conclusions, que les sociétés Mc Namara et Danzas, par l'intermédiaire de leurs avocats respectifs, n'ont adressé leur déclaration de créance que les 3 février et 7 avril 2009, hors du délai légal de quatre mois - ces deux créanciers ayant leur siège au Royaume-Uni bénéficiaient d'une prorogation de deux mois, par application des dispositions de l'article R. 622-24, alinéa 2 du Code de commerce - qui avait commencé à courir le 16 mai 2008 ; que, pour échapper aux conséquences de la forclusion encourue, la société Danzas ne développe aucune argumentation ; que sa demande tendant à engager directement envers elle la responsabilité de la société TOE Transmanche ne peut donc qu'être déclarée irrecevable, comme le sollicite Me X... ;
Qu'en ce qui concerne la société Mc Namara, elle déclare (feuillet n° 5 de ses conclusions) n'avoir appris l'existence de la procédure de redressement judiciaire que par un courrier adressé par l'avocat de la société TOE Transmanche à son propre conseil le 28 janvier 2009 ; qu'il sera d'abord observé que la société Mc Namara rappelle ainsi expressément, dans ses dernières conclusions et à plusieurs reprises, la teneur d'un courrier confidentiel échangé entre conseils, ce qui avait provoqué un incident lors de la mise en état du dossier, la société Mc Namara finissant, dans une lettre adressée le 8 septembre 2009 par son avoué au magistrat de la mise en état, par renoncer à produire et communiquer cette pièce, dont pourtant elle continue de faire état, puisqu'elle n'a apporté aucune modification sur ce point à ses conclusions sur le fond ;
Que, sur le fond, elle soutient qu'elle aurait dû être avertie en tant que créancier connu demeurant dans un autre État membre ; que ceci est parfaitement exact ; qu'en effet, la société Mc Namara étant un créancier connu du mandataire judiciaire - compte tenu de l'instance en cours -, il appartenait à celui-ci de lui adresser l'avertissement prévu par l'article R. 622-21 du Code de commerce, cet avertissement devant, en outre, être conforme aux dispositions des articles 40 et 42. 1° du règlement communautaire n° 1346 / 2000 du 29 mai 2000 sur les procédures d'insolvabilité, applicable en la cause, textes auxquels la société Mc Namara se réfère implicitement dans ses conclusions ; que, par application de ces textes, le mandataire judiciaire aurait donc dû informer la société Mc Namara de son obligation de déclarer sa créance, avec toutes les instructions à suivre pour le faire, sur un formulaire portant, dans toutes les langues officielles des institutions de l'Union européenne, dont l'anglais, l'intitulé " Invitation à produire une créance. Délais à respecter " ; qu'il est constant qu'un tel avertissement n'a pas été adressé à la société Mc Namara, qui s'en prévaut ;
Que, pour autant, celle-ci déduit de l'absence d'avertissement des conséquences qui ne sont pas plus juridiquement pertinentes dans sa situation que dans celle de la société Danzas, qui s'est abstenue, pour sa part, de toute argumentation à ce sujet ; qu'en effet, par application des dispositions de l'article 4, § 2, h) du règlement, c'est la loi de l'État d'ouverture de la procédure collective, ici la loi française dans sa rédaction résultant de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, qui détermine les conséquences d'un défaut d'information d'un créancier, fût-il établi sur le territoire d'un autre État-membre ; que s'agissant, en l'espèce, de créanciers chirographaires ou, plus précisément, de créanciers non titulaires d'une sûreté publiée et non liés au débiteur par un contrat publié, l'absence de déclaration de leurs créances dans le délai légal leur impose, sur le fondement de l'article L. 622-26 du Code de commerce et malgré l'absence d'avertissement, d'agir en relevé de forclusion ; que celui-ci suppose la démonstration par le créancier retardataire que sa défaillance n'est pas due à son fait ou qu'il a été omis volontairement par le débiteur lors de l'établissement de la liste des créances qu'il doit remettre au mandataire judiciaire et l'action en relevé de forclusion doit impérativement être exercée dans les 6 mois de la publication du jugement d'ouverture, délai exceptionnellement porté à un an en faveur des créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de 6 mois ; qu'outre que cette dernière situation n'apparaît pas être celle de la société Mc Namara, ni d'ailleurs de la société Danzas, compte tenu de l'action en responsabilité qu'elles dirigeaient à l'encontre de la société TOE Transmanche, il suffira d'observer ici qu'aucun de ces deux créanciers ne prétend avoir saisi le juge-commissaire du tribunal de commerce de Dieppe dans le délai préfix maximum d'un an, lequel est expiré depuis le 17 mai 2009, la société Danzas ne disant rien d'une éventuelle action en relevé de forclusion qu'elle aurait intentée, tandis que la société Mc Namara reconnaît implicitement qu'elle n'en a rien fait, puisqu'elle demande, dans ses dernières conclusions, à la cour d'appel d'Orléans, qui n'en a pas le pouvoir, de la relever elle-même de cette forclusion ; que, par ailleurs, le fait que le mandataire judiciaire n'ait pas opposé à la société Mc Namara la forclusion dès réception de sa déclaration tardive de créance est sans incidence sur l'acquisition de cette sanction ; qu'enfin, la société Mc Namara insistant dans ses conclusions sur l'inopposabilité, en ce qui la concerne, de la forclusion, au vu spécialement de l'arrêt qu'elle cite de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 mars 2000 (Bull. civ. IV, no 56), il convient de rappeler que cette décision concernait un créancier titulaire d'une sûreté publiée, de même que cette Chambre vient de juger (7 juillet 2009, Bull. civ. IV, n° en cours) que la sanction de la forclusion ne pouvait atteindre un créancier résidant aux Pays-Bas que s'il avait reçu l'avertissement dans la forme prévue par le droit français et le règlement n° 1346 / 2000, mais en précisant que ce créancier était titulaire d'une sûreté publiée, ce que n'est pas la société Mc Namara ;
Qu'en conséquence, en l'absence d'une reprise régulière d'instance, il n'y a lieu de se prononcer ni sur la possibilité qu'aurait eue la société TOE Transmanche d'être déchargée de toute responsabilité sur le fondement de l'article 17 de la CMR ou, au moins, de limiter cette responsabilité, en l'absence d'une faute équivalente, en droit français, au dol ;
Sur la demande en paiement du coût du transport formée contre la société Mc Namara par Me X...
Attendu que cette demande, déjà présentée au premier juge, qui ne l'a pas examinée, est recevable, la société Mc Namara n'opposant, au surplus, aucune irrecevabilité ; qu'elle reconnaît ne pas s'être acquittée de la somme de 900 € selon facture du 31 octobre 2004, estimant ne pas la devoir, le transporteur n'ayant pas exécuté le transport et le vol résultant des négligences de son chauffeur ; que, cependant, ce dernier point ne peut être examiné, compte tenu des motifs qui précédent, et la Cour ayant indiqué que la société Mc Namara s'était abstenue de porter à la connaissance du transporteur les renseignements indispensables sur la nature et la valeur du chargement ; que, par ailleurs, une partie du transport a été effectuée entre l'Écosse et Douvres puis jusqu'à Ormes ; que, dès lors la facture est due pour son montant de 900 €, exigible au 10 décembre 2004, mais en l'absence de toute indication sur la facture ou réclamation avant le 4 avril 2007 devant le tribunal de commerce d'Orléans, les intérêts au taux légal ne seront dus qu'à compter de cette dernière date ;
Sur les dépens
Attendu qu'il résulte du présent arrêt que les prétentions de la société Mc Namara sont rejetées en totalité, tandis que le rejet des demandes des autres parties n'est que partiel ; qu'en conséquence, la société Mc Namara supportera seule l'ensemble des dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort :
DIT que la société DHL Global Forwarding (UK) Limited est la nouvelle dénomination de la société Danzas Limited trading as DHL Danzas Air et Ocean, la partie mise ici en italiques de sa dénomination n'étant qu'une enseigne ou un nom commercial et REJETTE la fin de non-recevoir opposée à son intervention en appel ;
CONFIRME le jugement en ce qu'il a implicitement jugé que la société Danzas Limited était le donneur d'ordre de la société Mc Namara Freight et qu'elle est subrogée conventionnellement dans les droits de la société UFP Hardware, acheteur du matériel informatique volé, pour l'avoir indemnisée à concurrence de la somme de 168. 000 USD ;
L'INFIRME pour le surplus et STATUANT À NOUVEAU ;
DÉCLARE la société Mc Namara Freight Ltd entièrement responsable de la perte par vol de 10 palettes renfermant du matériel informatique, JUGE qu'elle a commis une faute personnelle dans l'exécution de son contrat de commission et LA CONDAMNE à payer à la société DHL Global Forwarding (UK) Limited la contre-valeur en euros, au jour du règlement, de la somme de 164. 933 USD avec intérêts au taux légal (français) à compter du 19 janvier 2005 ;
ORDONNE la capitalisation de ces intérêts à compter du 27 janvier 2009 ;
DÉCLARE irrégulière la reprise de l'instance à l'égard de la société TOE Transmanche, représentée par Me X..., son liquidateur judiciaire et, en conséquence, irrecevables les demandes formées à son encontre par les sociétés DHL Global Forwarding (UK) Limited et Mc Namara Freight Ltd ;
CONDAMNE la société Mc Namara Freight Ltd à payer à Me X..., ès qualités, la somme de 900 €, pour prix du transport, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2007 ;
DIT que l'ensemble des dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la société Mc Namara Freight Ltd et LA CONDAMNE à payer à la société DHL Global Forwarding (UK) Limited et à Me X..., ès qualités, la somme de 6. 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
ACCORDE aux SCP Laval-Lueger et Desplanques-Devauchelle, titulaires d'un office d'avoué près la cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du Code de procédure civile ;
ARRÊT signé par M. Jean-Pierre Rémery, Président et Mme Nadia Fernandez, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 292
Date de la décision : 08/10/2009
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 - Procédures d'insolvabilité - Article 42 § 1 - Avertissement d'avoir à produire les créances - / JDF

Si tout créancier connu demeurant dans un autre État membre doit être avisé, dans les formes prévues aux articles 40 et 42 § 1 du Règlement communautaire nº 1346/2000 du 29 mai 2000 sur les procédures d'insolvabilité, de son obligation de déclarer sa créance à une procédure collective ouverte en France, la sanction du défaut d'un tel avertissement est, par application de l'article 4 § 2 h du Règlement, celle du droit français qui n'ouvre aux créanciers chirographaires étrangers que l'action en relevé de forclusion, sans différer le point de départ du délai de forclusion à la délivrance d'un avertissement conforme


Références :

articles 4 § 2 h, 40 et 42 § 1 du Règlement communautaire n° 1346/2000 du 29 mai 2000

Décision attaquée : Tribunal de commerce d'Orléans, 30 mai 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2009-10-08;292 ?
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