COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS Me Jean-Michel DAUDÉ la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE
ARRÊT du : 22 JANVIER 2009
N° RG : 08 / 01969
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 09 Janvier 2007
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :
Monsieur Jean X..., demeurant ...
représenté par Me Jean-Michel DAUDÉ, avoué à la Cour ayant pour avocat Maître François TARDIF, du barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 8 allée des Collèges, 18020 BOURGES CEDEX
représentée par la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, avoués à la Cour, ayant pour avocat la SCP BERTRAND-RADISSON-BROSSAS, du barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 02 Juillet 2008
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré : Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.
Greffier : Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats,
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Décembre 2008, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
PRONONCE publiquement le 22 Janvier 2009 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
Suivant acte authentique du 7 septembre 1988, la CRCAM du Loiret, devenue CRCAM Centre Loire, a consenti à la SCI des Francs Bourgeois une ouverture de crédit de 4. 000. 000 F garantie par le cautionnement solidaire de Monsieur X... souscrit en son nom par un mandataire. Par un second acte notarié du 29 décembre 1988, l'établissement de crédit a accordé une ouverture de crédit de 1 400 000 F à la SCI DLJP également garantie par le cautionnement solidaire de Monsieur X.... Les deux sociétés ayant été mises en liquidation judiciaire, la banque a déclaré ses créances et a mis en demeure la caution d'exécuter ses engagements. Monsieur X... a alors assigné la CRCAM Centre Loire, par acte du 26 juin 2002, en contestation de la validité des cautionnements et, subsidiairement, en dommages et intérêts.
Par jugement du 9 janvier 2007, le Tribunal de grande instance d'ORLEANS a débouté Monsieur X... de ses demandes et a fixé à la somme de 713 550,41 Euros la créance de la CRCAM Centre Loire avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2001.
Monsieur X... a relevé appel.
Par ses dernières conclusions signifiées le 2 octobre 2008, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, il prétend que la banque ne dispose d'aucun acte authentique qui puisse lui être opposé dès lors que pour le premier cautionnement, la procuration ne respecte pas les formes prévues par l'article 1326 du Code civil et que l'acte du 29 décembre 1988 est irrégulier pour ne pas mentionner les sommes en lettres conformément aux prescriptions de l'article 7 du décret du 26 novembre 1971. Il considère que toute action est prescrite, 10 ans après le jugement de redressement judiciaire des SCI le 4 novembre 1992.
Subsidiairement, s'estimant non averti au sens de la jurisprudence, il fait grief à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde relativement au caractère excessif des emprunts cautionnés au regard de ses capacités financières et sollicite l'allocation de la somme de 713 550,41 Euros à titre de dommages et intérêts avec compensation des créances réciproques. Très subsidiairement, il relève que le prêteur n'a pas respecté son obligation d'information annuelle de la caution, comme l'a retenu le tribunal.
Par ses dernières écritures du 28 novembre 2008, la CRCAM Centre Loire affirme qu'un cautionnement notarié échappe aux exigences des articles 1326 et 2015 du Code civil en raison de son caractère authentique. Elle soutient que la prescription invoquée par l'appelant n'est pas acquise, l'admission des créances au passif des deux SCI ayant eu pour conséquence de substituer à la prescription décennale la prescription trentenaire de l'ancien article 2262 du Code civil. Elle dénie toute faute dans l'octroi des crédits dans la mesure où Monsieur X..., en sa qualité de marchand de biens, connaissait parfaitement la nature des projets financés et la portée de ses engagements. Elle admet ne pas être en mesure de fournir la preuve de l'information de la caution et conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
A l'issue des débats, le président d'audience a indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé le 22 janvier 2009, par sa mise à disposition au greffe de la Cour.
SUR QUOI
Sur l'acte du 7 septembre 1988
Attendu que, par application des articles 1326, 2015, devenu 2292, et 1985 du Code civil, le mandat sous seing privé de se porter caution doit comporter, lorsque le montant de l'obligation cautionnée est déterminable au jour de l'engagement de la caution, la mention écrite de la main du mandant de la somme en lettres et en chiffres, exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance par cette caution de la nature et de l'étendue de l'engagement qu'elle entend souscrire ; que l'irrégularité qui entache le mandat, au regard de ces mentions, s'étend au cautionnement subséquent donné sous la forme authentique ;
Qu'en l'espèce, le mandat sous seing privé donné le 27 juillet 1988 par Monsieur X... à Monsieur A... à l'effet de le constituer caution solidaire du prêt de 4 000 000 F est irrégulier dans la mesure où la somme garantie n'est exprimée qu'en chiffres ; que la formalité de l'annexion à l'acte authentique de prêt et de cautionnement de la procuration sous seing privé de se porter caution ne suffit pas à purger celle-ci de ses vices de forme, de sorte que l'acte litigieux du 7 septembre 1988 ne peut plus valoir que comme commencement de preuve par écrit et a perdu son caractère de titre exécutoire ;
- Sur l'acte du 29 décembre 1988
Attendu qu'aux termes de l'article 7 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, dans sa rédaction alors applicable, les sommes sont énoncées en lettres à moins qu'elles ne constituent le terme ou le résultat d'une opération ou qu'elles ne soient répétées ;
Que l'examen de l'acte du 29 décembre 1988 portant sur une ouverture de crédit de 1 400 000 F consenti par la CRCAM du Loiret à la SCI DLJP permet de constater que le montant n'en est mentionné qu'en chiffres tandis que la rubrique « cautionnement solidaire » se borne à faire référence au « remboursement du présent engagement en principal frais et accessoires » ;
Que, selon l'article 1318 du Code civil, l'acte qui n'est point authentique par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il a été signé des parties ;
Qu'en l'absence de mention en lettres du montant du crédit et de l'engagement de caution, cette mention ayant pour objet d'assurer la protection de l'emprunteur et de la caution, l'acte du 29 décembre 1988 doit être regardé comme irrégulier et dépossédé de son caractère authentique ;
Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que la CRCAM Centre Loire ne dispose pas, en l'état, de titres exécutoires à l'encontre de Monsieur X... et que le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé la créance de la banque à la somme de 713 550,41 Euros ;
Et attendu qu'ayant admis la demande principale de l'appelant, la Cour n'a pas à se prononcer sur les demandes formées à titre subsidiaire dans le cas où il serait décidé que la CRCAM Centre Loire dispose de titres authentiques opposables à la caution ;
Que la CRCAM Centre Loire supportera les dépens de première instance et d'appel et versera, en outre, la somme de 3 000 Euros à Monsieur X... sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme le jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau ;
Dit que la CRCAM Centre Loire ne dispose pas de titres exécutoires à l'encontre de Monsieur X... ;
Déboute, en conséquence, la CRCAM Centre Loire de sa demande en fixation de créance ;
Dit n'y avoir lieu à se prononcer sur les demandes subsidiaires tendant à l'allocation de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde auquel la CRCAM Centre Loire aurait été tenue à l'égard d'une caution non avertie et à la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ;
Condamne la CRCAM Centre Loire aux dépens de première instance et d'appel et à payer la somme de 3 000 Euros à Monsieur X... au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Accorde à Maître DAUDE, Avoué, le droit à recouvrement direct prévu par l'article 699 du même code ;
Arrêt signé par Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre, et Madame Nadia FERNANDEZ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.