CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE GROSSE à :
la SCP GIDE-LOYRETTE-NOUEL
EXPÉDITIONS à :
URSSAF DU LOIRET MICRO CONTROLE NEWPORT D. R. A. S. S. ORLÉANS Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ORLEANS
ARRÊT du : 17 DECEMBRE 2008
N° R. G. : 07 / 01382
Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ORLEANS en date du 11 Mai 2007
ENTRE
APPELANTE :
URSSAF DU LOIRET 9 Place du Général de Gaulle 45955 ORLEANS CEDEX 9
Représenté par Mme X... en vertu d'un pouvoir général D'UNE PART, ET
INTIMÉE :
MICRO CONTROLE NEWPORT 1 Rue Jules Guesde Bât B Z. I. Bois de L'Épine B. P. 189 91006 ÉVRY CEDEX
Représenté par la SCP GIDE-LOYRETTE-NOUEL (avocats au barreau de PARIS)
PARTIE AVISÉE :
DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES 25 Boulevard Jean Jaurès 45044 ORLEANS CEDEX 1
non comparante, ni représentée D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Monsieur Yves FOULQUIER, Conseiller, Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.
Greffier :
Madame Sylvie CHEVREAU, faisant fonction de Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 22 OCTOBRE 2008.
ARRÊT :
Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 17 DECEMBRE 2008 par Monsieur le Conseiller GARNIER, en application des dispositions de l'article 452 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ :
Par requête en date du 21 février 2005, la S. A. S. MICRO-CONTRÔLE-SPECTRA PHYSICS (la société MICRO-CONTRÔLE) a contesté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Loiret la décision, alors implicite et ultérieurement formalisée le 14 décembre 2005, par laquelle la commission de recours amiable de l'URSSAF du Loiret a rejeté pour cause de prescription sa demande en remboursement des cotisations versées entre le 1er décembre 1997 et le 30 novembre 2000 aux salariés de son établissement du Loiret à titre de compensation de la réduction du temps de travail, en exécution d'un accord collectif signé le 19 août 1997 dans le cadre du volet défensif de la loi dite " de Robien " du 20 décembre 1993.
Aux termes du jugement déféré, prononcé le 11 mai 2007 sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Loiret a dit que la société MICRO-CONTRÔLE n'était pas prescrite en son action car elle n'avait pas été en mesure d'agir par ignorance légitime de ses droits, l'a déclarée fondée en sa demande et a condamné l'URSSAF du Loiret à lui payer avec intérêts au taux légal depuis le 12 juillet 2004 la somme de 270. 546, 96 € à titre de remboursement d'indus, ainsi que celle de 3. 000 € à titre d'indemnité de procédure.
L'URSSAF du Loiret a interjeté appel de cette décision le 12 juin 2007.
Après un report sollicité par les parties, l'affaire a été évoquée à l'audience du 22 octobre 2008.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux conclusions écrites déposées par les plaideurs et par eux soutenues à l'audience.
L'URSSAF du Loiret demande à la cour de confirmer la décision de sa commission de recours amiable, d'infirmer en conséquence le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et de condamner l'intimée à lui reverser les sommes réglées en exécution dudit jugement soit 270. 543, 96 € au titre des cotisations, 17. 989, 33 € au titre des intérêts légaux et 3. 000 € au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles.
Elle soutient, en substance, que la demande est bien atteinte par la prescription biennale instituée à l'article L243-6 du Code de la Sécurité sociale en sa rédaction antérieure à la loi du 18 décembre 2003, au motif qu'aucun obstacle n'interdisait à l'entreprise de contester les cotisations en cause et d'en réclamer le remboursement dans les deux années de leur versement, faisant valoir à cet égard que les circonstances invoquées par la société MICRO-CONTRÔLE ne caractérisent nullement la force majeure car rien ne l'empêchait d'introduire une action devant les juridictions compétentes.
Elle indique, sur le fond, que les cotisations encaissées lui étaient bien dues puisqu'il est de jurisprudence assurée que les sommes versées avant le 1er janvier 2006 dans le but de compenser les pertes de rémunération consécutives à une réduction du temps de travail constituent un élément de rémunération soumis à cotisations et ce, quels que soient le type, l'objet et les modalités de l'accord conclu.
Elle nie aussi avoir engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir d'informer les cotisants de façon loyale et complète, en objectant qu'à l'époque considérée soit entre le 1er décembre 1997 et le 30 novembre 2000, l'assujettissement à cotisations des indemnités versées dans le cadre d'un accord dit " de Robien défensif " correspondait à la position du ministère et à une jurisprudence unanime, ajoutant que même ultérieurement seul un arrêt isolé rendu le 20 janvier 2004 par la Cour de cassation a considéré qu'il s'agissait de dommages et intérêts, comme tels exclus de l'assiette des cotisations sociales, et elle fait valoir qu'en tout état de cause la divergence d'interprétation d'un texte tranchée ultérieurement par la haute juridiction en faveur de la thèse défendue par le cotisant n'est pas constitutive d'une faute à la charge de l'organisme de recouvrement.
La société MICRO-CONTRÔLE, qui sollicite en tout état de cause 6. 000 € d'indemnité de procédure, demande à titre principal à la cour de confirmer la décision entreprise en jugeant d'une part qu'elle n'est pas prescrite en son action faute d'avoir pu agir avant le 20 janvier 2004, date de l'arrêt par lequel la Cour de cassation a dit que les indemnités différentielles versées en application d'un accord d'entreprise dit " de Robien défensif " ont le caractère de dommages et intérêts et sont à ce titre exclues de l'assiette des cotisations sociales, en raison de l'ignorance légitime et raisonnable de ses droits dans laquelle elle se trouvait avant cette révélation, du fait des informations erronées diffusées par l'URSSAF, organisme chargé d'une mission de service public et dont les renseignements servent de base aux déclarations du cotisant ; et d'autre part qu'il y a bien indu au vu de l'analyse exprimée dans l'arrêt du 20 janvier 2004, reprise par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) dans une lettre-circulaire du 28 décembre 2004 et valable jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale du 18 décembre 2005, répondant à l'argumentation de l'intimée que l'arrêt rendu en sens contraire le 19 juin 2008 par la Cour de cassation n'est pas transposable en l'espèce car il concernait des compensations différentes, versées en application de la loi dite " Aubry I ", et ajoutant que toute autre analyse romprait les principes d'égalité entre cotisants, de sécurité juridique et de confiance légitime consacrés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
Pour le cas où son action serait jugée prescrite, l'intimée demande à la cour de dire que l'URSSAF du Loiret a failli à sa mission légale d'information prévue à l'article R112-2 du Code de la Sécurité sociale en diffusant une doctrine erronée sans indiquer au surplus qu'il ne s'agissait que d'une interprétation, et de la condamner alors à lui verser à titre de dommages et intérêts le montant des cotisations acquittées entre le 1er décembre 1997 et le 30 novembre 2000 ainsi que les intérêts courus au taux légal sur cette somme à compter du 9 juillet 2004. Affirmant à cet égard que toute illégalité est constitutive d'une faute même si la question faisait débat, l'intimée indique ne pouvoir adhérer à la position exprimée dans l'arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2007 invoqué par l'appelante, en objectant que le fondement juridique de l'exonération des organismes sociaux n'est pas indiqué contrairement à ce que requiert l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il n'est pas convaincant de faire état d'une divergence d'interprétation qu'aurait tranchée la Cour suprême alors qu'il s'agissait en réalité d'une interprétation erronée, et alors que la solution dédouane les organismes de sécurité sociale de leurs erreurs et les dispense de leur obligation de délivrer une information objective au prétexte qu'ils pourraient être partie à un éventuel contentieux, et elle justifie sa réclamation en faisant valoir que la faute de l'URSSAF est directement à l'origine du versement des sommes litigieuses et que son préjudice consiste à avoir été privée à due concurrence des sommes ainsi affectées, qui ont fait défaut à sa trésorerie.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Attendu que la société MICRO-CONTRÔLE a formulé le 9 juillet 2004 ses demandes de remboursement au titre d'indus payés du 1er décembre 1997 au 30 novembre 2000 ;
Attendu que dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, seule applicable en la cause au vu de la date des paiements litigieux, l'article L 243-6 du Code de la Sécurité sociale dispose que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ; que la société MICRO-CONTRÔLE, si elle le cite au soutien de son argumentation, ne revendique pas l'application du second alinéa de l'article L 243-6 du Code de la Sécurité sociale introduit par ladite loi du18 décembre 2003, lequel n'a de toute façon pas vocation à trouver application en l'espèce ;
Attendu que l'action de la S. A. S. MICRO-CONTRÔLE encourt donc la prescription puisqu'elle porte sur des cotisations acquittées plus de deux années avant l'introduction de sa demande en répétition ;
Attendu que pour solliciter la confirmation du jugement entrepris et conclure à la recevabilité de son action, l'intimée soutient qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité d'agir avant le 20 janvier 2004 ;
Mais attendu que les circonstances de fait qu'elle invoque ne caractérisent pas une impossibilité d'agir, ni au sens de l'article 2251 du Code civil, ni à celui de l'adage selon lequel la prescription ne court point contre qui est dans l'impossibilité d'agir ;
Attendu en effet que la société MICRO-CONTRÔLE ne justifie nullement qu'il ne lui aurait pas été loisible de contester devant les juridictions compétentes dans le délai de la loi, à compter du paiement des premières cotisations, l'interprétation de la loi du 20 décembre 1993sur laquelle l'URSSAF du Loiret se fonda au regard de la lettre ministérielle du 17 mars 1997 pour assujettir à cotisations les indemnités compensatrices de pertes de rémunération versées en application d'un accord d'entreprise conclu en application du dispositif législatif dit " défensif " de réduction du temps de travail ; qu'en sa qualité d'entreprise importante disposant de plusieurs établissements sur le territoire national, comme telle assistée d'un expert-comptable et pouvant avoir un accès effectif aux conseils de professionnels, elle ne saurait être regardée comme ayant pu légitimement et raisonnablement ignorer que la doctrine professée par les organismes de sécurité sociale était dépourvue d'effet normatif et en tout état de cause susceptible de contestation ; que le caractère déclaratif de la procédure ne lui interdisait pas de revendiquer une absence d'assujettissement à cotisations, à l'instar des entreprises dont les recours amenèrent la Cour de cassation à se prononcer, notamment dans les arrêts des 17 juin 2003, 20 janvier 2004 et 19 juin 2008 ; que pour ne pas s'exposer aux inconvénients dont elle fait état en référence aux sanctions encourues en cas de défaut de paiement des cotisations appelées, il lui était à tout le moins possible, et aisé, de s'acquitter des sommes calculées par l'URSSAF mais d'en solliciter aussitôt, et en tout cas dans le délai de la loi, la répétition, en excipant de leur caractère indu ;
Que pour ce même motif, tiré de la faculté dont elle disposait effectivement de contester la position de l'organisme de recouvrement, l'intimée n'est pas fondée à arguer d'une prétendue atteinte aux droits protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que ce soit en ses articles 6-1, 14 ou 1er du protocole no1, puisqu'elle a été à même d'agir en justice pour faire reconnaître sa créance, et que la différence entre sa situation et celle des entreprises qui auraient exercé fructueusement une action procède de sa propre abstention et non d'une quelconque discrimination ;
Et attendu enfin que la S. A. S. MICRO-CONTRÔLE n'est pas davantage fondée à prétendre voir reporter au 20 janvier 2004 le point de départ du délai de prescription en invoquant à son bénéfice la jurisprudence ayant admis un report en cas de révélation d'un fait dissimulé ou de survenance d'un événement nouveau, dans la mesure où son droit à revendiquer une exemption de cotisations a toujours existé et qu'elle pouvait agir pour tenter de faire reconnaître en justice le caractère selon elle indu de ses versements dès son premier paiement conforme aux réclamations de l'URSSAF, chaque paiement indu constituant en ce cas une créance aussitôt exigible ;
Attendu que la décision entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a jugé que l'action de la société MICRO-CONTRÔLE n'était pas prescrite, et la décision de la commission de recours amiable confirmée en ce qu'elle a déclaré tardive sa demande en remboursement ;
Attendu que la société MICRO-CONTRÔLE invoque subsidiairement la responsabilité de l'URSSAF du Loiret pour solliciter sa condamnation à lui verser des dommages et intérêts du montant de ce qu'elle a indûment payé et qu'elle ne peut répéter ;
Mais attendu que l'analyse des dispositions de la loi du 20 décembre 1993 à laquelle elle s'est livrée n'est pas en tant que telle constitutive de sa part d'une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil d'autant qu'à l'époque considérée - soit entre décembre 1997 et novembre 2000 - elle procédait d'une interprétation conforme à la lettre ministérielle du 17 mars 1997 et ne heurtait aucune jurisprudence établie ;
Et attendu que sur le fondement également invoqué de l'article R112-2 du Code de la Sécurité sociale, l'URSSAF du Loiret ne peut être regardée comme ayant manqué à son obligation légale d'information envers sa cotisante MICRO-CONTRÔLE puisque l'assujettissement à cotisation des indemnités différentielles correspondait alors à la doctrine communément professée et à la jurisprudence établie, le revirement de jurisprudence constitué par l'arrêt du 20 janvier 2004 étant, par hypothèse, très postérieur, et survenu après l'expiration du délai biennal de prescription dans lequel elle pouvait agir en répétition de cotisations payées entre décembre 1997 et novembre 2000, de sorte que l'intéressée n'a pu subir aucun préjudice, fût-ce sous la forme d'une perte de chance qu'elle n'invoque au demeurant point ;
Que ces considérations rendent inopérante l'argumentation de l'intimée ;
Attendu enfin qu'il n'y a pas lieu, comme sollicité par l'URSSAF, de condamner la société MICRO-CONTRÔLE à lui rembourser les sommes versées en exécution du jugement, dont la restitution constitue une conséquence de droit de l'infirmation prononcée ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort
INFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,
et statuant à nouveau :
DIT que l'action en répétition de l'indu exercée à l'encontre de l'URSSAF du Loiret par la S. A. S. MICRO-CONTRÔLE est irrecevable pour cause de prescription
DIT la société MICRO-CONTRÔLE mal fondée en son action subsidiaire en responsabilité contre l'URSSAF du Loiret et LA DÉBOUTE en conséquence de la demande en dommages et intérêts qu'elle formule à ce titre
DIT n'y avoir lieu à condamner la société MICRO-CONTRÔLE à rembourser à l'URSSAF du Loiret les sommes versées en exécution du jugement, dont la restitution constitue une conséquence de droit de l'infirmation prononcée.
ET le présent arrêt a été signé par Monsieur GARNIER, Président et Madame CHEVREAU, faisant fonction de Greffier, présent lors du prononcé.