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15/12/2008 | FRANCE | N°08/00339

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 15 décembre 2008, 08/00339


DOSSIER N° 08 / 00339
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2008

COUR D'APPEL D'ORLEANS

Prononcé publiquement le LUNDI 15 DECEMBRE 2008, par la 6e Chambre des Appels Correctionnels, section 1.

Sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel d'ORLEANS du 02 NOVEMBRE 2007.

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :


X... Ionel
né le 27 Juillet 1983 à PITHIVIERS, LOIRET (045)
Fils de X... José et de Z... Pierrette
chauffeur routier
en concubinage
De nationalité française
Déjà condamné

Demeurant...


Prévenu, appelant, in

timé,
Comparant
Assisté de Me GONZALEZ Emmanuel, avocat au barreau d'ORLEANS


B... Delphine Jacqueline Géraldine
née le 18 ...

DOSSIER N° 08 / 00339
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2008

COUR D'APPEL D'ORLEANS

Prononcé publiquement le LUNDI 15 DECEMBRE 2008, par la 6e Chambre des Appels Correctionnels, section 1.

Sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel d'ORLEANS du 02 NOVEMBRE 2007.

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X... Ionel
né le 27 Juillet 1983 à PITHIVIERS, LOIRET (045)
Fils de X... José et de Z... Pierrette
chauffeur routier
en concubinage
De nationalité française
Déjà condamné

Demeurant...

Prévenu, appelant, intimé,
Comparant
Assisté de Me GONZALEZ Emmanuel, avocat au barreau d'ORLEANS

B... Delphine Jacqueline Géraldine
née le 18 Février 1983 à NEUVILLE AUX BOIS, LOIRET (045)
Fille de B... Gérard et de C... Jacqueline
assistante maternelle
en concubinage
De nationalité française
Jamais condamnée

Demeurant...

Prévenue, appelante, intimée
Comparante
Assistée de Maître KROVNIKOFF Sonia, avocat au barreau d'ORLEANS de la Selarl BOUVIER-KROVNIKOFF

LE MINISTERE PUBLIC
Appelant,

Monsieur Le Président du Conseil Général agissant ès qualités d'administrateur ad'hoc des enfants X... Emilien et Roberto, tous deux nés le 16 / 08 / 2001 à PITHIVIERS (45), demeurant UTAS EST- 1A, rue des Maraîchers-45150 JARGEAU

Partie civile, intimée,
Non comparant,
Représenté par Maître LEGRAND-LEJOUR Martine, avocat au barreau d'ORLEANS de la SCP LEGRAND-LEGRAND-LEJOUR-PONTRUCHE

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOIRET, Place du Général de Gaulle-45021 ORLEANS CEDEX 1

Partie intervenante, intimée,
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DE LA COUR,

lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur ROUSSEL, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre
Conseillers : Madame PAUCOT-BILGER,
Madame de LATAULADE,

assistée lors des débats et du délibéré de Madame Krasimira FILIPOVA, magistrat du parquet au Ministère Public pour la région de Sofia en BULGARIE qui a siégé en surnombre et a assisté au délibéré.

GREFFIER :
lors des débats Madame Evelyne PEIGNE et au prononcé de l'arrêt, Madame Viviane COLLET.

MINISTÈRE PUBLIC :
représenté aux débats Monsieur GESTERMANN, Avocat Général et au prononcé de l'arrêt par Monsieur KER, Substitut Général.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :
Le Tribunal correctionnel d'ORLEANS, par jugement contradictoire à signifier (non signifié)

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

- a déclaré X... Ionel
coupable de VIOLENCE AGGRAVEE PAR 2 CIRCONSTANCES SUIVIE D'INCAPACITE SUPERIEURE A 8 JOURS, entre le 1 / 11 / 2001 et le 08 / 11 / 2001, à FLEURY LES AUBRAIS, NATINF 020739, infraction prévue par l'article 222-12 AL. 2, AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 222-12 AL. 2, 222-44, 222-45, 222-47 AL. 1 du Code pénal

B... Delphine Jacqueline Géraldine
coupable de NON-ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER, entre le 1 / 11 / 2001 et le 08 / 11 / 2001, à FLEURY LES AUBRAIS, NATINF 000114, infraction prévue par l'article 223-6 AL. 2 du Code pénal et réprimée par les articles 223-6 AL. 2, AL. 1, 223-16 du Code pénal

et, en application de ces articles, a condamné

X... Ionel à 3 ans d'emprisonnement ;

- a dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement à hauteur de 2 ans

B... Delphine Jacqueline Géraldine à 1 an d'emprisonnement avec sursis

SUR L'ACTION CIVILE

-a déclaré la constitution de partie civile de M. le Président du Conseil Général demeurant UTAS EST, agissant ès qualités d'administrateur ad hoc des enfants X... Emilien et Roberto recevable et régulière en la forme,

- a déclaré X... Ionel et B... Delphine entièrement responsables du préjudice subi par Emilien X...,

- a déclaré X... Ionel seul et entièrement responsable du préjudice subi par Roberto X...,

Avant dire droit

-a ordonné une expertise médicale des enfants X... Emilien et X... Roberto

-a commis le Docteur K... Philippe demeurant... en qualité d'expert, avec mission habituelle

-a dit que M. le Président du Conseil Général demeurant UTAS EST, agissant ès qualités d'administrateur ad hoc des enfants X... Emilien et Roberto, à qui incombera l'avance des frais d'expertise, consignera entre les mains du régisseur d'avances et des recettes du Greffe (service des expertises) la somme de 400, 00 euros par enfant soit 800, 00 euros, dans le délai de 3 mois en garantie des frais d'expertise

-a dispensé M. le Président du Conseil Général demeurant UTAS EST, agissant ès qualités d'administrateur ad hoc des enfants X... Emilien et Roberto de verser une consignation, s'il vient à obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle

-a condamné solidairement X... Ionel et B... Delphine à payer à X... Emilien une indemnité provisionnelle de 500, 00 euros,

- a condamné X... Ionel, seul à payer à X... Roberto une indemnité provisionnelle de 500, 00 euros,

- a condamné in solidum X... Ionel et B... Delphine à payer à M. le Président du Conseil Général demeurant UTAS EST, agissant ès qualités d'administrateur ad hoc des enfants X... Emilien et Roberto la somme de 800, 00 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale,

- en outre, a condamné solidairement X... Ionel et B... Delphine à payer l'enfant Emilien X..., la somme de 6. 000, 00 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice moral,

- en outre, a condamné X... Ionel, seul, à payer l'enfant Roberto X..., la somme de 6. 000, 00 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice moral,

SUR L'ACTION DE LA PARTIE INTERVENANTE

-a déclaré l'intervention de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Loiret recevable et régulière en la forme,

- a réservé ses droits, une expertise des deux victimes ayant été ordonnée

LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Monsieur X... Ionel, le 07 Novembre 2007, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles
M. le Procureur de la République, le 07 Novembre 2007 contre Monsieur X... Ionel
Mademoiselle B... Delphine, le 09 Novembre 2007, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles
M. le Procureur de la République, le 09 Novembre 2007 contre Mademoiselle B... Delphine

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 24 NOVEMBRE 2008

Ont été entendus :

Monsieur ROUSSEL en son rapport.

Delphine B..., Ionel X... en ses explications.

Maître LEGRAND-LEJOUR Martine, Avocat de la partie civile en sa plaidoirie.

Le Ministère Public en ses réquisitions.

Maître GONZALEZ Emmanuel et Maître KROVNIKOFF Sonia, Avocats des prévenus en leur plaidoirie.

Delphine B... et Ionel X... à nouveau ont eu la parole en dernier.

Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 15 DECEMBRE 2008.

DÉCISION :

Le 12 novembre 2001, l'assistante sociale de l'hôpital PORTE MADELEINE à Orléans, signalait le cas de deux jumeaux de trois mois, Emilien et Roberto X..., qui avaient été admis aux urgences pédiatriques, le 8 novembre précédent après avoir été conduits à l'hôpital par une travailleuse familiale accompagnée de la mère, Delphine B....

Selon les certificats médicaux, Emilien présentait un mauvais état général et des hématomes, un scanner cérébral ayant montré qu'il existait des saignements.

Concernant Roberto, il était indiqué qu'il présentait un hématome pariétal et une fracture bipariétale ainsi qu'une hémorragie méningée ancienne.

Immédiatement entendus, en raison des soupçons de maltraitance, les parents âgés de 18 ans, Ionel X... et Delphine B... contestaient avoir commis des violences sur leurs enfants.

Ils étaient placés en garde-à-vue et une information étaient ouverte, tandis que les enfants étaient judiciairement placés auprès de l'aide sociale à l'enfance.

La travailleuse familiale, Denise L..., expliquait aux policiers qu'elle avait constaté, en arrivant au domicile des enfants, le matin du 8 novembre, qu'Emilien avait la tête bleue et difforme et que Roberto avait une déformation à la tête ; que Delphine ne paraissait pas très inquiète, ne semblant pas se rendre compte de la gravité de la situation ; qu'elle avait donc décidé d'emmener les jumeaux aux urgences ; que le père, qui travaillait, les avait rejointes et qu'il lui était apparu surpris et abattu.

Elle ajoutait qu'une de ses collègues intervenue le 5 novembre auprès des enfants, avait constaté des bleus sur les oreilles de ces derniers.

Les parents de Delphine B..., au domicile desquels le jeune couple résidait, indiquaient ne rien avoir remarqué d'anormal. Monsieur B... précisait que Delphine et Ionel lui paraissaient attentifs et doux avec leurs enfants mais que Ionel était maladroit. Il indiquait également que Delphine, Ionel et les jumeaux avaient passé le week-end prolongé du ler novembre au domicile des parents de Ionel à Pithiviers.

Séverine B..., âgée de 22 ans, sœur de Delphine, habitant également avec eux, relevait la difficulté qu'ils rencontraient parfois à cohabiter tous ensemble. Elle notait qu'elle avait trouvé que les bébés " pleuraient bizarrement " depuis leur retour de Pithiviers le 5 novembre mais qu'elle n'avait pas remarqué de traces suspectes sur ses neveux, dont elle s'occupait occasionnellement.

Entendus sur commission rogatoire, le père et la sœur de Ionel X... déclaraient qu'ils n'avaient rien constaté sur les jumeaux ; que si Ionel était impatient et criait parfois lorsque ses enfants pleuraient, ils ne l'avaient jamais vu leur porter de coups.

Des amis des époux X..., venus durant le week-end déclaraient qu'ils n'avaient pas eu connaissance d'un incident et indiquaient que leur petite fille âgée de 3 ans avait pris les jumeaux dans ses bras mais sous leur surveillance constante.

Brigitte M..., puéricultrice intervenue auprès des enfants, indiquait que Delphine B... avait un comportement maternel adapté et que le père lui paraissait concerné par ses enfants.

Le Dr N... qui avait reçu Emilien et Roberto en consultation le 5 novembre 2001 indiquait qu'elle avait constaté un hématome sur une oreille de chacun d'eux ; qu'elle avait procédé à un examen complet et qu'elle n'avait constaté aucune autre trace suspecte et que le comportement de la maman lui paraissait adapté.

Tout au long de la procédure, Delphine B... ne donnait aucune explication, répétant ne pas comprendre ce qui avait pu se passer.

Elle affirmait tout d'abord que Ionel n'était pas violent et qu'elle n'avait elle-même jamais frappé ses enfants.

Au sujet des hématomes sur les oreilles constatés le 5 novembre, elle affirmait que le médecin lui avait indiqué qu'ils pouvaient provenir d'un bonnet trop serré ; qu'elle n'avait noté aucun comportement anormal de ses enfants jusqu'au 8 novembre ; que dans la nuit du 7 au 8 novembre, elle les avait entendu pleurer bizarrement ; qu'elle avait pensé qu'ils avaient fait un mauvais rêve ; qu'en se réveillant elle avait entendu Ionel s'énerver sur les enfants qui pleuraient ainsi que des claques fortes sur les fesses mais qu'elle n'avait rien vu ; que si Ionel X... avait pu être violent dans le passé, il ne l'était plus ; qu'il donnait seulement des petites tapes sur les fesses des nourrissons, tout comme elle le faisait, pour les calmer lorsqu'ils pleuraient.

Lors de sa mise en examen, le 15 novembre 2001, elle confirmait cette version, notamment les claques fortes entendues au cours de la nuit, mais ajoutait qu'elle avait déjà constaté que Ionel avait « secoué Roberto bien fort pour un bébé ».

Ionel X... contestait, dans un premier temps, tout geste de violence à l'égard de ses enfants.

Placé en garde-à-vue, il déclarait que la nuit du 7 au 8 novembre, il s'était levé pour aller voir Emilien qui pleurait ; qu'il l'avait pris dans ses bras mais que l'enfant avait gesticulé et lui avait échappé des mains puis était tombé au sol, sur la moquette ; qu'après cette chute, Emilien avait cessé de pleurer ; qu'il l'avait aussitôt remis dans son lit, après avoir vérifié qu'il respirait toujours et qu'il était retourné se coucher mais n'avait rien dit à sa compagne, par peur.

Concernant Roberto, il déclarait que les faits s'étaient déroulés chez ses parents le week-end de la Toussaint ; qu'au cours d'un dîner, il avait dû aller voir ses enfants qui pleuraient, à trois reprises ; qu'ils étaient alors couchés dans une pièce aménagée du sous-sol ; qu'à la troisième fois, énervé, il avait donné une première claque sur la tête de Roberto avec la main droite, puis une seconde car l'enfant n'arrêtait pas de pleurer et que le lendemain, l'enfant n'avait aucune trace hormis un bleu sur l'oreille.

Il expliquait qu'il s'emportait facilement et qu'il lui arrivait de « péter les plombs gravement ».

Lors de sa mise en examen il réitérait ses aveux tout en précisant que la chute d'Emilien, était purement accidentelle.

S'agissant de Roberto, il évoquait un « aller-retour » avec la main, sans pouvoir préciser cependant s'il avait ou non le poing fermé.

Interrogé une nouvelle fois le 31 mars 2003, il indiquait ne pas s'être rendu compte de la manière dont il serrait les nourrissons en précisant que dans la nuit du 7 au 8 novembre, il était énervé notamment en raison de la pression exercée par les parents de Delphine.

Emilien et Roberto faisaient l'objet de plusieurs expertises médicales.

Ayant examiné Roberto le 19 février 2002, le Dr K... indiquait que les lésions constatées étaient d'origine traumatiques ; qu'elles étaient compatibles avec les déclarations de Ionel X... ; que l'existence d'une ecchymose et d'une fracture éliminait l'hypothèse d'un « enfant secoué » et que les séquelles, notamment d'ordre intellectuel, ne pourraient être évaluées qu'après plusieurs années.

La seconde expertise de l'enfant était réalisée le 18 mars 2005 par le même médecin qui notait que son état de santé était sans anomalie sur le plan physique et ne relevait pas de trouble imputable aux maltraitances.

M. J..., psychologue, qui examinait l'enfant le 22 novembre 2004, relevait une symptomatologie d'anxiété, d'angoisse et d'abandon se traduisant par des peurs excessives en l'absence de repères. Il demeurait cependant optimiste sur l'évolution de l'enfant compte tenu de ses ressources et de son désir de vivre.

A la suite de son hospitalisation pour une crise d'épilepsie entre le 3 et le 5 avril 2005, une nouvelle expertise du Dr K..., en date du 20 septembre 2005, révélait que ces crises étaient imputables au traumatisme crânien du 2 novembre 2001, la fracture et les contusions sous-jacentes ayant entraîné des foyers d'hyperexcitation du tissu cérébral générateur de crises compulsives nécessitant, sans doute, un traitement à vie.

Concernant Émilien, le Dr K... concluait dans un premier rapport, le 12 février 2002, que les blessures constatées lors de l'examen clinique et révélées par le scanner cérébral (fracture du crâne, contusion hémorragique, lame d'épanchement sous-dural), étaient d'origine traumatique.

Selon lui, les explications de la chute fournies par Ionel X... étaient incohérentes compte tenu de l'association d'une fracture du crâne avec des ecchymoses externes, ces dernières n'ayant pu être occasionnées que par un ou plusieurs coups directs. Il ajoutait que la fracture du crâne d'un enfant de moins d'un an pouvait être due au contact d'un objet dur et qu'en l'espèce, la moquette aurait dû amortir le choc.

Il considérait que le syndrome de l'enfant secoué pouvait expliquer les lésions intracraniennes mais qu'il n'expliquait ni les ecchymoses ni les fractures.

À la suite d'un nouvel examen, le 18 mars 2005, il constatait que l'état de santé de l'enfant, était sans anomalie sur le plan physique, mais relevait une crise d'épilepsie secondaire à une hyper excitation du tissu cérébral superficiel, dont il n'excluait pas qu'elle puisse être la conséquence des maltraitances subies.

Il concluait à la nécessité d'une surveillance médicale, n'entravant pas, sauf événement récurrent, la vie quotidienne.

L'enfant était également examiné sur le plan psychologique par M. J... le 22 novembre 2004.

Celui-ci notait des peurs et un comportement de défense évoquant un enfant battu, mais il constatait une excellente capacité de récupération tout en notant des troubles légers du comportement.

***

Devant la cour, Ionel X... maintient ses déclarations antérieures, et affirme à nouveau qu'à l'exception des faits qu'il a reconnus s'agissant de Roberto, il n'a pas exercé de violences sur ses enfants. Il estime également que la peine qui a été prononcée par le tribunal est trop sévère.

Delphine B... déclare qu'elle n'a pas commis d'infraction et affirme qu'elle a toujours agi dans l'intérêt de ses enfants.

Le président du conseil général du Loiret, agissant en qualité d'administrateur ad hoc des enfants mineurs Émilien X... et Roberto X..., demande, dans des conclusions déposées par son conseil, la condamnation des deux parents, solidairement à payer, au titre de la réparation due au premier des deux enfants, la somme de 6 000 € et à Ionel X... en réparation du préjudice causé à l'enfant Roberto, la somme de 6 000 €.

Il est également demandé à la cour de désigner un expert qui aura pour mission de donner tout élément permettant de liquider ultérieurement le préjudice lié aux séquelles et de fixer l'indemnité provisionnelle à 1000 €, outre une indemnité de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Monsieur l'avocat général relève que, selon les experts, les enfants conserveront des séquelles à vie. Il demande à la cour d'aggraver la peine prononcée contre Ionel X... et de confirmer celle prononcée contre Delphine B....

Le conseil de Ionel X... fait valoir que l'intéressé jouit d'une bonne réputation dans son entourage ; qu'il est travailleur ; qu'il n'a pas commis les faits graves qui lui sont reprochés ; qu'il vit désormais avec une compagne qui lui a donné un enfant âgé de deux ans ; qu'il dispose d'un travail et qu'une peine d'emprisonnement de la durée de celle qui lui a été infligée par les premiers juges ruinerait son rétablissement.

Le conseil de Delphine B... plaide l'infirmation du jugement entrepris et la relaxe de l'intéressée. Elle fait valoir que le 8 novembre au matin, en levant Émilien, celle-ci s'est aperçue qu'il présentait une déformation du visage ; qu'elle a alerté aussitôt l'aide familiale ; qu'il est apparu au même moment que le second enfant présentait les mêmes symptômes ; que la veille elle s'était couchée vers 22 heures et avait laissé son compagnon prendre le relais avec les enfants ; qu'elle a seulement remarqué que les deux enfants pleuraient bizarrement ; que Ionel X... n'a jamais mis en cause sa compagne, déclarant que lorsque l'enfant Émilien est tombé de ses bras, Delphine B... qui dormait ne s'en était pas aperçue et qu'il ne l'avait pas réveillée pour le lui dire ; que pour l'appréciation de la responsabilité pénale de l'intéressé, la cour doit tenir compte de son âge, de son inexpérience des nourrissons, de la fatigue accumulée et du fait qu'elle dormait au moment de la chute, en sorte qu'elle n'a pas pu prendre la mesure de la gravité du péril auquel se trouvait exposé l'enfant ; qu'il doit également être tenu compte de ce que le père de la jeune femme, qui a vu l'enfant le matin avant d'aller au travail n'a rien remarqué d'anormal et qu'en toute hypothèse Delphine B... a immédiatement averti la travailleuse familiale lorsqu'elle s'est aperçue du péril.

SUR CE, LA COUR,

Régulièrement formés, les appels sont recevables.

Les débats devant la cour n'ont mis en évidence aucun élément contredisant l'appréciation des premiers juges.

Si Ionel X... est demeuré sur ses positions, il reste que la thèse selon laquelle l'enfant Émilien est tombé de ses bras pour toucher le sol sur la moquette n'est guère convaincante.

D'une part, en effet, ses déclarations et les gestes qu'il a montrés devant la cour pour reproduire ceux qui ont été les siens lorsqu'il a sorti l'enfant de son lit, ne peuvent expliquer qu'il a laissé glisser celui-ci par simple maladresse et si l'enfant était tombé sur la moquette, une telle chute ne peut expliquer les graves lésions qui ont été constatées aux urgences pédiatriques de l'hôpital, ainsi que l''expert judiciaire le relève dans un rapport clair et complet.

Au surplus, si ces faits accidentels étaient véritablement survenus, il n'est pas douteux qu'ils auraient provoqué de la part du Ionel X..., dont le comportement habituel de père a été qualifié d'adapté par plusieurs témoins entendus au cours de la procédure, une réaction autre que celle de la dissimulation.

Or, il dit qu'il a préféré remettre l'enfant dans le lit, sans rien dire à sa compagne qui dormait, surpris tout de même du silence brutal de l'enfant, dont, en toute hypothèse et quoiqu'il affirme, le caractère éminemment inquiétant ne pouvait lui échapper.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont relevé, pour le retenir dans les liens de la prévention, que la fracture du crâne de l'enfant a été nécessairement provoquée par un choc au contact d'un objet dur ; que les ecchymoses n'ont pu provenir de la chute sur la moquette ni du bonnet trop serré de l'enfant ; que, de toute évidence, ce dernier avait reçu plusieurs coups portés volontairement et que la thèse de ces violences volontaires était corroborée par la personnalité du prévenu telle qu'elle avait pu être cernée par les investigations entreprises.

En second lieu, s'agissant de l'enfant Roberto, même s'il minimise la force des coups qu'il lui a portés, le prévenu reconnaît l'avoir frappé, ainsi que cela a été relevé précédemment.

Les séquelles constatées au service de pédiatrie à l'hôpital montrent d'ailleurs que les deux enfants ont subi un traitement comparable de la part de leur père qui s'est livré sur eux à des actes d'une grande violence, en proportion de leur extrême fragilité de nourrissons âgés d'à peine trois mois.

En raison de la gravité des faits, il y a lieu de maintenir le principe d'une peine d'emprisonnement, telle qu'elle a été prononcée.

Toutefois, la durée de l'emprisonnement infligé au prévenu par les premiers juges ne tient pas suffisamment compte de la gravité des infractions commises.

Dans ces conditions, la cour condamnera Ionel X... à quatre années d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, période durant laquelle l'intéressé devra recevoir des soins appropriés à son état de santé et devra faire la preuve qu'il a dédommagé les victimes.

S'agissant de Delphine B... qui plaide la relaxe, ses explications quant aux les événements qui se sont produits dans la nuit du 7 au 8 novembre 2001 ne sont pas davantage probants et les premiers juges ont relevé avec pertinence qu'elle ne pouvait se réfugier derrière l'argument de son état de fatigue, alors que l'énervement de son concubin et sa personnalité emportée, le bruit des coups qu'elle a entendus dans la nuit, le manque d'appétit des enfants et les gémissements entendus par elle auraient dû la conduire à plus de vigilance, ce qui lui aurait permis de prendre beaucoup plus tôt la mesure de la gravité de la situation qui a été exactement analysée par l'aide familiale à son arrivée, étant observé par ailleurs que les faits se sont produits dans la pièce même où elle dormait.

La carence volontaire de Delphine B... est d'autant plus patente qu'elle effectuait des études pour obtenir un diplôme dans le domaine sanitaire et social.

Sans doute, Delphine B... a-t-elle voulu se cacher la vérité, comme l'ont écrit les premiers juges, mais quelles que soient les raisons de sa passivité, sa dépendance amoureuse envers Ionel X... étant sans doute un facteur qui a eu un certain poids, il n'existe aucun fait justificatif de l'infraction commise.

La concernant, la décision attaquée sera intégralement confirmée.

Les prévenus étant les seuls appelants des dispositions civiles du jugement, leur situation ne peut être aggravée de ce chef et toute demande de la partie civile excédant ce qui lui a été accordé sera rejetée.

Les dispositions civiles du jugement, pertinentes et justifiées, seront confirmées, sauf à accorder à la partie civile une indemnité au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Le présent arrêt sera déclaré commun à la Caisse primaire d'assurance-maladie du Loiret qui a eu connaissance de la citation et qui ne comparait pas.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré,

STATUANT publiquement et contradictoirement, le présent arrêt devant être signifié à la Caisse primaire d'assurance-maladie du Loiret,

Sur l'action publique,

CONFIRME le jugement entrepris sur la culpabilité et sur la peine infligée à Delphine B...,

INFIRMANT quant au surplus,

CONDAMNE Ionel X... à la peine de 4 ans d'emprisonnement, dont 2 ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans,

LUI IMPOSE une obligation de soins et de dédommagement des victimes,

Sur l'action civile,

CONFIRME le jugement entrepris,

RENVOIE la cause et les parties devant le premier juge pour la liquidation des préjudices,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE chacun des prévenus à payer la somme de 500 € à la partie civile au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale,

REJETTE toute autre demande,

DECLARE le présent arrêt commun à la Caisse primaire d'assurance-maladie du Loiret.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de CENT VINGT (120) EUROS dont est redevable chaque condamné.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 08/00339
Date de la décision : 15/12/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal correctionnel d'Orléans


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-12-15;08.00339 ?
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