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03/07/2008 | FRANCE | N°07/01936

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 03 juillet 2008, 07/01936


COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE SOCIALE
Prud'hommes
GROSSES le 3 Juillet 2008 à
la SCP VAUGHAN ET ASSOCIES
la SELARL BARON - BELLANGER - PALHETA
COPIES le 3 Juillet 2008 à
S.A. OR BRUN
Emmanuel X...

UNEDIC



ARRÊT du : 3 JUILLET 2008


MINUTE N° : 436 - N° RG : 07/01936


DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE TOURS en date du 13 Juin 2007 - Section : ENCADREMENT


ENTRE


APPELANTE :


• La Société Anonyme OR BRUN, dont le siège social est Route de Beauvoir - 85160 ST JEAN D

E MONTS, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège.


représentée par la SCP VAUG...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE SOCIALE
Prud'hommes
GROSSES le 3 Juillet 2008 à
la SCP VAUGHAN ET ASSOCIES
la SELARL BARON - BELLANGER - PALHETA
COPIES le 3 Juillet 2008 à
S.A. OR BRUN
Emmanuel X...

UNEDIC

ARRÊT du : 3 JUILLET 2008

MINUTE N° : 436 - N° RG : 07/01936

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE TOURS en date du 13 Juin 2007 - Section : ENCADREMENT

ENTRE

APPELANTE :

• La Société Anonyme OR BRUN, dont le siège social est Route de Beauvoir - 85160 ST JEAN DE MONTS, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP VAUGHAN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Bruno COURTINE, avocat au barreau de PARIS

ET

INTIMÉ :

• Monsieur Emmanuel X..., né le 12 septembre 1968 à PAVILLON SOUS BOIS (93), demeurant ... - 37540 ST CYR SUR LOIRE

représenté par Maître BARON de la SELARL BARON - BELLANGER - PALHETA, avocats au barreau de TOURS

Après débats et audition des parties à l'audience publique du 29 Mai 2008

LA COUR COMPOSÉE DE :

• Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre
• Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller
• Madame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller

Assistés lors des débats de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier,

Puis ces mêmes magistrats en ont délibéré dans la même formation et à l'audience publique du 26 Juin 2008, prorogé au jeudi 3 juillet 2008, Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur Emmanuel X... a été engagé, le 1er mars 1998, par la SA MOUILLEAU, devenue la SA OR BRUN, en qualité de directeur commercial, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Il est également actionnaire de la société.

Après avoir refusé une délégation de pouvoir proposée par le président, Monsieur Michel A..., il a constaté une dégradation de ses conditions de travail.

Sa prime du mois de mai lui a été retirée et après avoir finalement accepté la délégation, il a, malgré tout, constaté que sa prime de vacances avait été réduite.

C'est dans ces conditions que, le 9 août 2006, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de TOURS, section Encadrement, d'une action en résiliation judiciaire du contrat de travail et a demandé la condamnation de son employeur à lui verser :
• 31.500 euros d'indemnité de préavis
• 3.150 euros de congés payés y afférents
• 29.610 euros d'indemnité de licenciement à parfaire à la date prononcé
• 200.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
• 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Entre-temps, il a été licencié le 29 janvier 2007 et a donc sollicité, subsidiairement que son licenciement soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée à lui payer :
- 200.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Pour sa part, l'employeur a conclu au débouté des demandes présentées et à la condamnation du salarié à lui verser :
- 20.000 euros pour procédure abusive
- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 juin 2007, le Conseil de Prud'hommes de TOURS a condamné la SA OR BRUN à verser au demandeur :
29.610 euros d'indemnité de licenciement en deniers ou quittance
80.000 euros d'indemnité en application de l'article L 122-14-4 du Code du travail
1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société a fait appel de la décision le 30 juillet 2007.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

1/ Ceux de la société, appelante :

Elle sollicite l'infirmation du jugement critiqué.

Sur la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, elle souhaite, à titre principal, que la demande du salarié soit considérée comme constituant une démission. A titre subsidiaire, elle conclut au débouté de la demande. A titre infiniment subsidiaire, elle demande que l'indemnisation soit réduite à de plus justes proportions.

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse, elle conclut au débouté des demandes de l'employé et, à titre subsidiaire, elle requiert la réduction de l'indemnisation.

Sur les demandes au titre de la perte de chance, elle souhaite que l'intéressé soit débouté.

Enfin, en tout état de cause, elle conclut à la condamnation du salarié à lui verser :
- 20.000 euros pour procédure abusive
- 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle plaide, dans un premier temps, sur la résiliation du contrat de travail. Elle indique que le salarié a fondé sa demande sur la non obtention de la prime de mai 2006 et sur le fait qu'il n'a pas pu exercer sa mission librement compte tenu de l'intervention du président de l'entreprise.

Elle indique qu'elle lui a bien accordé une prime mais que celle-ci a été versée plus tard dans l'année. Elle poursuit en expliquant que, dans son travail, l'employé avait une attitude passive qui a contraint le président à interférer dans sa mission, ce qui relève de son pouvoir de direction.

Elle constate également que la demande de l'intéressé est manifestement disproportionnée.

Dans un deuxième temps, elle plaide sur le licenciement. prononcé à l'encontre de Monsieur Emmanuel X.... Elle affirme que ce dernier est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Elle prétend, en effet, que le salarié était coupable d'une mauvaise gestion des relations commerciales avec les centrales d'achat, qu'il était responsable de la mauvaise mise en oeuvre du développement de l'entreprise et qu'il avait de nombreuses carences dans l'encadrement de la force de vente. Elle rappelle que cela eut pour conséquence l'intervention du président.

Enfin, dans un dernier temps, elle plaide sur les demandes formulées sur le fondement de la perte d'une chance. Elle considère que la demande liée à la perte d'une chance ayant résulté des promesses dont le salarié a bénéficié en qualité d'actionnaire est irrecevable car de la compétence du Tribunal de commerce. Elle poursuit en observant que la salarié est toujours actionnaire au sein de l'entreprise et qu'il ne peut donc se prévaloir de la perte d'une chance sur le fondement de son engagement de non-concurrence.

Elle termine en notant qu'il n'est pas prouvé que l'intéressé aurait réalisé une plus value sur les actions qu'il détenait si les options d'achats avaient été levées à une autre date. Par conséquent, elle considère qu'il ne peut se prévaloir d'une prétendue perte d'investissement.

2/ Ceux du salarié :

Il conclut au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et à la condamnation de ce dernier à lui verser :
31.500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
3.150 euros de congés payés y afférents
29.610 euros d'indemnité de licenciement à parfaire à la date du prononcé de la résiliation
200.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il souhaite que son licenciement soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée à lui verser :
• 200.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
• 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En toute hypothèse, il demande que l'employeur soit condamné à lui verser 310.923,65 euros à titre de réparation du préjudice financier subi du fait de la rupture anticipée de son contrat de travail, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il plaide, dans un premier temps, sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Il relève que le président de la société est venu s'immiscer dans son champ de compétences ce qui a eu pour conséquences de paralyser son activité professionnelle. Il prétend que la délégation de pouvoir qu'il a accepté n'a pas été respectée et qu'il a fait l'objet d'un traitement discriminatoire en terme de gratification.

Il plaide dans un deuxième temps sur l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement. Il nie toute négligence dans les relations commerciales entretenues avec les centrales d'achat susceptibles de justifier son licenciement.

Par ailleurs, il considère qu'il ne peut être tenu pour responsable du manque de chiffre d'affaire allégué par Monsieur A.... Selon lui, si la société n'avait pas eu à faire face à des circonstances insurmontables, le chiffre d'affaires aurait été en progression.

Il poursuit en indiquant que le climat délétère dénoncé par l'employeur est le fruit de l'attitude du président qui a refusé de négocier avec les commerciaux. De son point de vue, il ne peut pas lui être reproché un manque de motivation dans l'encadrement de la force de vente.

Enfin, dans un dernier temps, il plaide sur la perte de chance induite par la rupture prématurée de son contrat de travail au regard de l'interdépendance existante entre lui et le pacte d'associé.

Il indique que bien que l'engagement de non-concurrence soit conclu en sa qualité d'actionnaire et non de salarié, il importe d'en tenir compte dans la détermination de l'étendu du préjudice résultant de la rupture du contrat.

Il ajoute que l'investissement qu'il a consenti dans la société s'est révélé beaucoup moins attractif que s'il avait pu exercer son activité salarié de manière sereine.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La notification du jugement est intervenue le 9 juillet 2007, en sorte que l'appel, régularisé au greffe de ce siège, le 30 juillet suivant, dans le délai légal d'un mois, s'avère recevable en la forme.

1) SUR LA DEMANDE DE RÉSILIATION JUDICIAIRE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Il résulte des articles 1184 du code civil et L 120-4 du code du travail que chacune des parties liées par un contrat synallagmatique peut en demander la résiliation judiciaire, en cas d'inexécution des obligations découlant du contrat, que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, et que le salarié ne peut être privé de la possibilité de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, en cas de manquements d'une gravité suffisante de sa part.

a) Sur le non respect allégué de la délégation de pouvoir

Fils du fondateur de la société OR BRUN, Monsieur Emmanuel X..., né en 1968, a été recruté en qualité de directeur commercial de celle-ci, le 1er mars 1998. Son salaire mensuel brut s'élevait, en dernier lieu, à 10 500 €, sans compter la prime de participation et d'objectifs annuels de 9 000 € et les primes de vacances de 1 950 €. Lui-même possède 7,8 % des parts de la société et avec son père, ils atteignent 30 % des parts.

Monsieur Michel A... a été recruté en novembre 2005 comme directeur général pour redresser les comptes de la société et il se montre d'emblée, très actif pour répondre aux souhaits du conseil d'administration.

En janvier 2006, il propose à Monsieur X... une délégation de compétences élargies, puisque lui-même agit aussi au sein des deux autres sociétés du groupe.

Monsieur X... temporisera, en assurant qu'il ne disposait pas de moyens suffisants, puis suggérera à Monsieur A... une modification de cette délégation.

Le rejet primitif de cette proposition irritera vivement le directeur général, qui analysera cette position comme une dérobade, mais il insistera auprès de Monsieur X... (les deux hommes se tutoient) en lui envoyant un courriel le 29 mai 2006 ainsi rédigé :
« Quant à la délégation que tu continues de ne pas vouloir signer, ceci est de toute évidence de la mauvaise foi... en tant que directeur général, je pense avoir le droit de voir nos clients... je te rappelle que je t'ai demandé de signer une délégation depuis janvier, que j'ai corrigé celle-ci pour répondre à tes souhaits et remarques. Cette dernière version t'a été envoyée le 27 janvier... si tu ne veux pas la signer, c'est ta décision, qui me déçoit car elle montre encore qu tu ne joues pas le jeu. Par contre, puisque tu ne souhaites pas prendre de telles responsabilités, je te demande à partir d'aujourd'hui d'obtenir mon accord avant d'écrire tout courriel, d'engager toute négociation et de finaliser tout accord avec des clients. Je te demande, par ailleurs, de me prévenir à l'avance des rendez-vous que tu prends avec les acheteurs de centrales, comme BRICOMARCHE lundi dernier. On reparle de toute cela demain. Merci, cordialement, Michel A... ».

Dans un courriel du 2 octobre 2006, Monsieur X... lui rétorquera : « C'est donc contraint et forcé, ne pouvant plus travailler de la sorte, que je t'ai signé la délégation de pouvoir en juin 2006".

Cependant, s'il était admissible que, par dépit, le directeur général use de coercition et de « surveillance très rapprochée » envers le directeur commercial qui refusait de signer une délégation de pouvoirs, cette position ne peut plus se concevoir dès la signature effective de la délégation, en juin 2006.

Or, Monsieur X... se voit contraint, comme les multiples courriels fournis aux débats le démontrent postérieurs au 1er juillet 2006, de fournir à Monsieur A... la justification de presque tous ses actes.

Est symptomatique à cet égard, le courriel que Monsieur A... lui envoie le 1er octobre 2006 : « ... je te rappelle que je t'ai demandé :

d'obtenir mon accord avant l'envoi de toute proposition/confirmation de négociations avec nos clients (distributeur, centrales ou grossistes)
de me faire une copie des courriels envoyés en copie sur l'e-mail si c'est un e-mail... »

Le 4 octobre 2006, Monsieur X... adresse à son directeur général « Michel, ci-joint planning de rendez-vous à venir :

• 10-10-06 : CASTORAMA à 10h
• 17-10-06 : CATAC à 10 h
• 18-10-06 : M. BRICOLAGE à 14h
• 25-10-06 : GYSEL SUD à 16h avec Monsieur C...

• 25-10-06 : GARIBALDI à 10h... ».

Les obligations mises à la charge de Monsieur X... contredisent la volonté exprimée par le directeur général de lui déléguer ses pouvoirs de contrôle et de direction en matière de conclusion de contrats commerciaux, si l'on s'en tient aux voeux exprimés, au soutien de la délégation de pourvoir régularisée.

Monsieur A... n'a pas hésité à intervenir directement auprès des clients ou des directeurs de vente subordonnés à Monsieur X..., sans que ce dernier soit informé des négociations entreprises.

Et l'adjoint de Monsieur X..., Edgard D..., écrit à celui-ci : « Lors de mon entrevue le 25 octobre 2006 avec Michel A..., il m'a annoncé ton départ de la société d'ici la fin de l'année 2006 et m'a demandé d'élaborer avec Yannick la politique commerciale 2007".

b) Sur son attitude passive alléguée

Le nombre des courriels échangé avec Monsieur A... démontre sa réactivité face aux demandes de ce directeur général.

Sa pleine implication à sa tâche et à la poursuite de résultats pour l'entreprise est assurée par la volonté de travailler, en dépit d'un arrêt-maladie du 20 février au 22 mars 2006, ou encore de répondre présent pendant le mois d'août 2006, en congé, alors que Monsieur A... sollicitait ses équipes pour redoubler d'action pour la conquête des marchés.

Les ventes pour 2006 ont progressé de 3% par rapport aux ventes de 2005 et la société OR BRUN a réussi, en dépit d'un marché global en baisse, à présenter des résultats supérieurs à ceux du secteur d'activité :

- pour le terreau : - 2,5% alors que le marché présente un résultat de - 4,8%
- pour l'engrais : + 20% (contre - 7,9% pour le marché)
- pour le fertilisant : - 12% (contre -27 % pour le marché).

Par ailleurs, le directeur a avalisé diverses de ses propositions, la nouvelle grille tarifaire, le nouveau système de pré-saison, les nouveaux modes de rémunération des commerciaux, la mise en place de budget pour les mises en avants produits et pour les animations suggérées.

c) Sur les gratifications

En ce qui concerne les primes de vacances en 2006, le total correspond au total de 2005 mais réparti différemment car le contour des congés d'été 2006 ne correspondait pas à celui des congés d'été 2005.

Pour la prime de participation et d'objectifs, il a perçu :
- en mai 2003 : 7 622€
- en mai 2004 : 9 000€
- en mai 2005 : 9 000€
Et rien en mai 2006.

Cependant, il ne produit pas les bulletins de salaires des commerciaux de son équipe pour déterminer le traitement discriminatoire dont il affirme avoir été l'objet, en sorte que la Cour ne possède aucun élément de référence.

Par ailleurs, il a participé à la réflexion de la direction sur la réforme de ces primes et rien ne démontre, en définitive, l'attitude négative de la direction à son égard, concernant cette question.

Au total, la Cour estime que le comportement de la direction générale entre juillet 2006 et janvier 2007 démontre de sa part, à la fois dans les rapports généraux et dans les rapports quotidiens avec son directeur commercial, une attitude méprisante contraire à son statut et à la délégation de pouvoirs expressément acceptée par Monsieur X... en juin 2006.

Il s'agit là d'un manquement grave aux obligations résultant du contrat de travail liant les deux parties, justifiant pleinement la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société, au 9 février 2007.

2) SUR LE LICENCIEMENT DU 9 FÉVRIER 2007

Lorsqu'un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail, en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant de travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, la juridiction saisie doit, d'abord, rechercher si la demande de résiliation était justifiée et c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Comme, en l'espèce, la résiliation judiciaire du contrat de travail est confirmée aujourd'hui, le licenciement postérieur reste sans effet.

3) SUR LES DEMANDES DE SOMMES PRÉSENTÉES PAR M. X...

Il reconnaît, par le biais de son avocat, que « du fait de son licenciement intervenu en cour de procédure, ayant perçu l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de congés payés, l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis ... la seule conséquence indemnitaire qui demeure à trancher est celle afférente aux dispositions de l'article L 122-14-4 du Code du Travail ... »

Monsieur X... avait, en effet, plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de onze salariés.

La Cour prend en considération :

le chômage de cet ancien directeur commercial jusqu'en mai 2008, rémunéré 5.200 euros par mois depuis septembre 2007, puisqu'il a perçu 53.051 euros lors de son solde de tous comptes,
son ancienneté, depuis mars 1999, dans une société familiale,
son âge (il est né en 1968)

pour arrêter les dommages et intérêts auxquels il prétend à 80.000 euros, somme confirmée.

En effet, le déficit de salaires pendant cette période de chômage équivaut à elle seule, à 65.000 euros.

Enfin, il percevra 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en appel.

4) SUR LA DEMANDE SPÉCIFIQUE AU REGARD DU PACTE D'ASSOCIÉ

Une différence majeure existe entre :

• d'une part, la situation d'un salarié qui bénéficie d'options afin de devenir un jour potentiellement actionnaire de la société qui l'emploie (stock options)

• et, d'autre part, le cas de Monsieur X... qui détient d'ores et déjà des actions de la société FINAPER 1, qui est donc actionnaire de cette société et qui bénéficie, par ailleurs, en sa qualité d'actionnaire, de promesse de vente et d'achat d'actions que ses coactionnaires lui ont consenties en cas de réalisation d'événements particuliers.

Or, Monsieur X... est irrecevable à présenter devant les juridictions prud'homales des demandes sur le fondement de la perte de chance ayant résulté pour lui des promesses dont il bénéficie en sa qualité d'actionnaire ; une telle demande relevant de la compétence exclusive des tribunaux de commerce.

En effet, il n'appartient pas aux juridictions prud'homales de connaître de telles demandes pour l'appréciation desquelles il est nécessaire d'analyser :

• d'une part, les termes du pacte d'associés FINAPER 1 conclu le 28 juillet 2005, et de la promesse unilatérale d'achat qui y aurait été consentie par les investisseurs au profit de Monsieur X... ;
• et d'autre part, les résultats du Groupe OR BRUN au regard des engagements pris par les cédants aux termes du business plan établi par ces derniers au moment de la cession.

Or, ces analyses ont déjà été soumises par Monsieur X... au Tribunal de Commerce de PARIS d'une part, statuant en matière de référé, cette formation s'étant déclaré incompétente et d'autre part, statuant au fond, cette formation devant se prononcer dans les prochains mois.

Une telle demande ne dérivant pas du contrat de travail mais bien exclusivement du Pacte d'associés, elle ne relève pas de la compétence du Conseil de Prud'hommes ni de celle corrélative de la Chambre Sociale de la Cour d'Appel.

En conséquence, cette Cour se déclarera incompétente en raison de la matière pour apprécier de ces problématiques liées à l'application de promesse de cession et d'achat.

Au vu de l'ensemble de ces considérations, la Cour repoussera comme mal fondées toutes les autres demandes des parties.

Enfin, la Cour condamnera l'employeur à rembourser à l'ASSEDIC 4 mois de prestations sociales versées à Monsieur X... sur le fondement de l'article L.122-14-4 du Code du Travail.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

RECOIT, en la forme, l'appel principal de la Société Anonyme OR BRUN et l'appel incident de Monsieur Emmanuel X...

AU FOND, CONFIRME le jugement critiqué (Conseil de Prud'hommes de TOURS, section ENCADREMENT, 13 juin 2007) sur :

• la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... au 9 février 2007 aux torts de la SA OR BRUN,
• la condamnation de cette société à lui régler
80.000 euros en application de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail
1.000 euros au titre en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

• CONSTATE que la SA OR BRUN a réglé en décembre 2006 la somme de 9.000 euros bruts au titre de la prime de participation revendiquée et 53.051 euros au titre du solde de tous comptes incluant les indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés afférents,

• ORDONNE, au besoin, par l'employeur, la remise à Monsieur X... de bulletins de paie afférents aux créances salariales ainsi qu'un certificat de travail et une attestation ASSEDIC,

• SE DÉCLARE INCOMPÉTENT, en raison de la matière au titre des pertes de chance au profit du Tribunal de Commerce de PARIS,

• Y AJOUTANT, CONDAMNE la SA OR BRUN à verser à Monsieur X..., une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,

• CONDAMNE l'employeur à régler à l'ASSEDIC 4 mois de prestations sociales versées à Monsieur X...,

• DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

• CONDAMNE la SA OR BRUN aux dépens d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre et par le Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 07/01936
Date de la décision : 03/07/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Tours


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-07-03;07.01936 ?
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