COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE SOCIALE
Prud'hommes
GROSSES le 26 JUIN 2008 à
la SELARL A-JURIS BILLON-GRAND-MENOUVRIER
Me Coralie BEAUJEAN-PIPET
COPIES le 26 JUIN 2008 à
LIGUE DU CENTRE DE TENNIS
Sandrine Y...
ARRÊT du : 26 JUIN 2008
N° RG : 07 / 01885
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ORLEANS en date du 19 Juin 2007- Section : ACTIVITÉS DIVERSES
ENTRE
APPELANTE :
• LIGUE DU CENTRE DE TENNIS, dont le siège social est Rue Albert Camus-BP 60 970-41009 BLOIS CEDEX agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Agnès MENOUVRIER de la SELARL A-JURIS BILLON-GRAND-MENOUVRIER, avocats au barreau d'ORLEANS.
ET
INTIMÉE :
• Mademoiselle Sandrine Y..., née le 24 octobre 1975 à MONTARGIS (45), demeurant ...
représentée par Me Coralie BEAUJEAN-PIPET, avocat au barreau d'ORLEANS
Après débats et audition des parties à l'audience publique du 29 Mai 2008
LA COUR COMPOSÉE DE :
• Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre
• Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller
• Madame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller
Assistés lors des débats de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier,
Puis ces mêmes magistrats en ont délibéré dans la même formation et à l'audience publique du 26 Juin 2008, Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mademoiselle Sandrine Y... a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Orléans de diverses demandes à l'encontre de la LIGUE DU CENTRE DE TENNIS, pour le détail desquelles il est renvoyé au jugement du 19 juin 2007, la Cour se référant également à cette décision pour l'exposé de la demande reconventionnelle et des moyens initiaux.
Elle a obtenu :
-8 220 euros de dommages intérêts pour licenciement infondé ;
-500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement a été notifié à la Ligue le 27 juin 2007.
Elle en a fait appel le 25 juillet 2007.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
Elle demande le rejet de toutes les réclamations et 1800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que Mademoiselle Y..., engagée comme animateur sportif de proximité le 15 novembre 1999, a été licenciée pour motif économique le 28 mai 2005.
Elle explique pourquoi le transfert du siège social constituait une réorganisation destinée à sauvegarder sa compétitivité, la somme réclamée étant de toute façon exagérée puisque Mademoiselle Y... ne produit aucun élément sur son préjudice, le nombre de salariés étant inférieur à onze.
Elle fait ensuite valoir qu'elle était bien animateur sportif de proximité, et non conseiller en développement, ses attestations étant de complaisance.
Mademoiselle Y... fait appel incident pour obtenir :
-16 516, 35 euros de rappel de salaire de décembre 2000 à juin 2005 ;
-1 650 euros de congés payés afférents ;
-13 170 euros de dommages intérêts pour licenciement infondé ;
-1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle explique pourquoi elle exerçait en fait les fonctions d'un conseiller en développement, ce qui justifie le rappel réclamé, et ajoute que le licenciement avait en réalité un motif personnel (se séparer d'une salariée trop revendicative), outre que la nécessité de sauvegarder la compétitivité n'est nullement démontrée. Elle se fonde sur l'article L. 122-14-4 du code du travail.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Eu égard aux dates ci-dessus, les appels, principal et incident, sont recevables.
La Ligue a engagé Mademoiselle Y..., le 15 novembre 1999, comme animateur sportif de proximité ; il s'agissait de ce qu'il était convenu d'appeler un " emploi jeune ".
Elle était mise à la disposition du comité du Loiret.
Le rappel de salaire.
La fiche de poste d'un animateur sportif départemental est la suivante :
" 1) Les missions départementales.
- Participer à la politique d'animation en direction des clubs
-Etablir un plan de visite des clubs, aider les clubs à la prise de licences par Internet, faire un suivi des licences pour tout le département.
- Mettre en place toutes les nouvelles actions servant à la promotion ou au développement du tennis.
- Participer sur demande du CS D à des actions concernant des jeunes.
- Aider les clubs dans leur demande de projet club et suivre la réalisation.
- Participer à l'organisation et au suivi de toutes les actions et compétitions gérées par le Comité Départemental.
- Participer aux réunions du Comité Directeur, de secteur, assemblée générale du Comité Départementale et des commissions pour lesquelles il est convoqué.
2) Les missions régionales.
Sous le contrôle du Directeur Administratif et en accord avec le Président du Comité Départemental, participe à l'organisation d'actions régionales ciblées sur demande :
- Championnats individuels régionaux d'hiver et d'été.
- Coupe Marchetti
-Masters
-Toute autre manifestation régionale décidée par le bureau de la Ligue
-Participe aux réunions de coordination Ligue
-et autres actions décidées par le Comité Directeur. "
Elle revendique la qualification de conseiller en développement dont la fiche de poste est la suivante :
" 1) Les missions :
est chargé d'assurer :
• Les actions fédérales retenues par le Président en accord avec le bureau de la ligue
• Les actions régionales retenues par le Président en accord avec le bureau de la ligue
• La mise en place et le suivi des projets clubs (consolidation ligue)
• Le suivi des actions nationales (courts couverts).
• Le suivi des groupements d'employeurs
• Réalisation des actions départementales pour le département du Loir et Cher.
• Toute autre mission de sa compétence demandée par le Directeur Administratif et des Présidents de Comité. "
La distinction tient au niveau de décision et de responsabilité ; l'animateur départemental a pour principale mission d'animer et d'aider les clubs de son département, et, ponctuellement de participer à la mise en place des compétitions régionales ; le conseiller en développement assure les actions fédérales et régionales ; il met en place et suit les projets clubs, suit les actions nationales (courts couverts).
La Cour adopte les motifs pertinents du jugement qui après avoir analysé les témoignages de Mademoiselle Y... a estimé qu'ils ne démontraient pas qu'elle ait effectivement assuré les missions d'un conseiller en développement.
Il convient d'ajouter que :
- Madame du Z... a reconnu qu'elle avait attesté " par esprit de solidarité ", sans véritablement savoir quelles étaient les attributions de Mademoiselle Y... ;
- L'encadrement de scolaires lors de la fête du sport à Châteauneuf sur Loire ressort de la qualification animateur sportif départemental ;
- Les attestations E..., A... et F... expliquent de façon convaincante que le conseiller en développement était Monsieur B... et non Mademoiselle Y... ;
- Celle-ci participait régulièrement aux réunions de coordinations des animateurs départementaux, dirigées par Monsieur B..., ce qui confirme les attestations précitées.
Ainsi Mademoiselle Y... ne faisant pas la preuve qui lui incombe, le jugement sera confirmé.
Le licenciement.
Mademoiselle Y... a été licenciée pour motif économique le 28 mai 2005, dans les termes suivants :
" Nous vous rappelons les faits générateurs de cette décision :
1 - Par courrier recommandé A. R. en date du 16 mars 2005, nous vous avons confirmé que la décision de transférer le Siège Social de la Ligue du Centre de Tennis, avait été entérinée par la réunion de bureau du 14 février 2005 et que ce transfert serait effectif au 1er juillet 2005 compte tenu des travaux en cours. Cette décision a été validée par le Comité Directeur du 2 avril 2005.
2 - Vous aviez un délai d'un mois pour nous dire si vous souhaitiez ou non venir travailler à BLOIS, au Stade de Ligue ST GEORGES-Rue Albert Camus.
Pendant ce délai, vous étiez reçu par M. G..., Président de la Ligue et Mme C..., Responsable Administrative, le 30 mars 2005 à 10 H 15, pour vous aider à prendre cette décision en vous apportant toute précision complémentaire et notamment les modalités de prise en charge des frais occasionnés par le Transfert ; vous avez également fait part de vos souhaits de rester sur le département du Loiret.
3 - Le 16 avril 2005, par courrier recommandé A. R. vous nous avez fait part qu'il vous était difficile de prendre une position sur votre mutation compte tenu que vous ne connaissiez pas exactement les tâches qui vous incomberaient dans l'avenir. Dans notre courrier recommandé du 20 avril 2005, nous avons répondu à l'alinéa 8 concernant votre mutation à BLOIS.
Le 29 avril 2005, nous vous avons remis une lettre en main propre contre décharge pour vous donner des précisions, comme vous nous le demandiez dans un de vos courriers, sur votre fonction, votre lieu de travail, et vos déplacements, conformément à votre contrat de travail, et vous indiquer les missions assignées à un conseiller au développement en vous précisant que la modification de votre contrat ne portait que sur le lieu de travail, Blois au lieu de Semoy, Siège de la Ligue.
Le 2 mai 2005, nous avons reçu votre lettre courrier recommandé AR du 29 avril à laquelle nous avions déjà répondu en partie le 20 avril et en partie le 29 avril 2005. Nous vous avons confirmé votre fonction, votre lieu de travail, vos activités et déplacements professionnels et votre salaire le 4 mai 2005 par lettre remise en main propre contre décharge, en vous reprécisant qu'il n'y aurait pas de poste de conseiller en développement rattaché exclusivement au Loiret.
Le 4 mai, par lettre remise en main propre, vous nous avez fait part de votre décision de ne pas accepter la modification de votre contrat de travail, modification substantielle puisqu'il s'agit du lieu de travail prévu dans votre contrat de travail.
4 - Cette décision de votre part, nous a conduit à entamer la procédure légale de licenciement à votre égard et à vous convoquer le 4 mai 2005 à un entretien préalable à votre licenciement, envisagé pour motif économique.
5 - Lors de cet entretien du mercredi 18 mai 2005 à 10 H 30 que vous avez eu avec Mme C..., en présence de M. Michel D..., délégué syndical FO qui vous assistait, et de M. Daniel A..., Trésorier Général de la Ligue, nous vous avons rappelé les faits, cités en alinéa 1 - 2 - 3 - 4.
Nous vous avons informée qu'à ce jour, il n'y avait pas de possibilité de reclassement au sein de la Ligue, puisque le lieu de travail de tous les salariés devait être à BLOIS ;
Vous avez maintenu votre position, à savoir le refus de mutation sur le site de BLOIS. Nous vous avons expliqué la procédure de licenciement et donné les indications nécessaires en ce qui concerne les éléments de préavis, congés payés, indemnités de licenciement, etc. "
A supposer que le transfert du siège social de la Ligue de Semoy (Loiret) et Blois (Loir et Cher) soit une réorganisation, encore faut-il qu'elle soit justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité, l'argumentation selon laquelle il s'agirait même d'assurer sa pérennité étant farfelue tant il est évident que la Ligue n'a jamais été menacée de disparition.
L'appelante affirme que le nombre de licenciés avait baissé (-500 en 2004,-1400 en 2005). Elle ne produit rien pour étayer cette affirmation.
Elle n'allègue même pas que cette baisse, si elle existe, soit propre à la ligue du Centre ; il pourrait aussi bien s'agir d'une baisse générale du nombre de licenciés.
Elle ne produit aucun élément pour étayer d'éventuelles difficultés financières.
En fait, elle a décidé de transférer son siège social, non pour sauvegarder sa compétitivité, mais pour se développer, le nouveau siège étant mieux centré géographiquement, avec des locaux nettement plus spacieux et de nombreux courts à proximité immédiate. Il s'agissait en fait d'une décision de bonne gestion qui n'était pas motivée par des difficultés. Il est d'ailleurs révélateur que la lettre de licenciement présente ce transfert comme un fait sans indiquer les raisons qui sont à l'origine de cette décision.
La Ligue affirme qu'elle n'a pas onze salariés, ce qui est contesté. Or elle n'en justifie pas, et sa pièce n° 33 (statut du personnel de la Ligue) tend à prouver le contraire.
Mademoiselle Y... ayant cinq ans et demi d'ancienneté, les dommages et intérêts ne peuvent être inférieurs au salaire des six derniers mois. Son préavis a pris fin le 28 juillet 2005.
Elle justifie être restée au chômage jusqu'à ce qu ‘ elle retrouve un emploi le 12 décembre 2005, qui a pris fin le 14 février 2007.
Dans ces conditions son préjudice matériel et moral n'a pas excédé le minimum, soit 8 220 euros.
Il convient d'ordonner le remboursement, des indemnités de chômage, dans la limite de deux mois.
Il est inéquitable qu'elle supporte au moins, en totalité, ses frais irrépétibles. Il convient de confirmer les 500 euros et d'y ajouter 1 000 euros.
Enfin la Ligue supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE recevables les appels, principal et incident ;
CONFIRME le jugement, et Y AJOUTANT :
ORDONNE le remboursement par la Ligue du Centre de tennis des indemnités de chômage payées à Mademoiselle Sandrine Y... du jour de la rupture, dans la limite de deux mois d'indemnités.
CONDAMNE la Ligue du Centre de tennis à payer à Mademoiselle Sandrine Y... 1000 euros supplémentaires en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNE la Ligue du Centre de tennis aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre et par le Greffier