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25/06/2008 | FRANCE | N°101

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Ct0169, 25 juin 2008, 101


CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
RÉPUBLIQUE DU CENTRE
EXPÉDITIONS à :
URSSAF DU LOIRET URSSAF D'EURE ET LOIR la SCP GIDE-LOYRETTE-NOUEL DRASS ORLÉANS Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ORLEANS

ARRÊT du : 25 JUIN 2008
N° RG : 07 / 01381
Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ORLEANS en date du 03 Avril 2007
ENTRE
APPELANTES :
URSSAF DU LOIRET 9 Place du Général de Gaulle 45955 ORLEANS CEDEX 9

URSSAF D'EURE ET LOIR 8 bis, Rue Charles Victor Garola 28036 CHARTRES C

EDEX

Représentées par Mme Josette X... en vertu d'un pouvoir spécial
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
RÉP...

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
RÉPUBLIQUE DU CENTRE
EXPÉDITIONS à :
URSSAF DU LOIRET URSSAF D'EURE ET LOIR la SCP GIDE-LOYRETTE-NOUEL DRASS ORLÉANS Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ORLEANS

ARRÊT du : 25 JUIN 2008
N° RG : 07 / 01381
Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ORLEANS en date du 03 Avril 2007
ENTRE
APPELANTES :
URSSAF DU LOIRET 9 Place du Général de Gaulle 45955 ORLEANS CEDEX 9

URSSAF D'EURE ET LOIR 8 bis, Rue Charles Victor Garola 28036 CHARTRES CEDEX

Représentées par Mme Josette X... en vertu d'un pouvoir spécial
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
RÉPUBLIQUE DU CENTRE Rue de la Halte 45770 SARAN

Représentée par la SCP GIDE-LOYRETTE-NOUEL (avocats au barreau de PARIS)

PARTIE AVISÉE :

DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES 25 Boulevard Jean Jaurès 45044 ORLEANS CEDEX 1

Non comparante, ni représentée,
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Monsieur Yves FOULQUIER, Conseiller, Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.

Greffier :
Mme Sylvie CHEVREAU, faisant fonction de Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 23 AVRIL 2008.
ARRÊT :
Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 25 JUIN 2008 par Monsieur le Conseiller GARNIER, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ :
Par requête en date du 18 août 2005, la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE a contesté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chartres la décision du 9 mai 2005, notifiée le 20 juin, par laquelle la commission de recours amiable de l'URSSAF d'Eure et Loir a rejeté sa demande en remboursement d'une somme de 87. 477 € correspondant à une part des cotisations et contributions versées par elle du 1er janvier 1990 au 31 décembre 2000 au titre de l'emploi des journalistes dans ses établissements de Chartres, Châteaudun, Dreux et Nogent-le-Rotrou.
Par requête en date du 11 octobre 2005, la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE a contesté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Orléans la décision du 27 juin 2005, notifiée le 12 août 2005, par laquelle la commission de recours amiable de l'URSSAF du Loiret a rejeté sa demande en remboursement d'une somme de 288. 763 € correspondant à une part des cotisations et contributions versées par elle du 1er janvier 1990 au 31 décembre 2000 au titre de l'emploi des journalistes dans ses établissements d'Orléans, Montargis, Pithiviers, Gien et Saran.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chartres s'est dessaisi le 26 janvier 2006 au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Orléans en raison de la connexité entre ces deux instances.
Par jugement du 3 avril 2007 notifié aux parties le 18 mai, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Orléans, après avoir ordonné la jonction entre les deux instances, a dit que l'action en répétition de l'indu diligentée par la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE n'était pas prescrite et a condamné sous exécution provisoire l'URSSAF du Loiret à payer à la demanderesse 288. 763 € outre intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004 ainsi que 3. 000 € d'indemnité de procédure, et l'URSSAF d'Eure et Loir à lui payer 87. 477 € outre intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004 ainsi que 3. 000 € d'indemnité de procédure.
L'URSSAF du Loiret a interjeté appel de ce jugement le 12 juin 2007 et l'URSSAF d'Eure et Loir le 15 juin 2007.
Après un report sollicité par les parties, l'affaire a été évoquée le 23 avril 2008.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux conclusions écrites déposées par les plaideurs et par eux soutenues à l'audience.
Il suffira de rappeler ici que l'arrêté du 26 mars 1987 fixant l'abattement applicable au taux des cotisations de sécurité sociale dues pour l'emploi de certaines catégories de journalistes prévoit par rapport au régime général un abattement de 20 % dans la limite du plafond sur les rémunérations dont bénéficient les entreprises de presse employant des journalistes ou assimilés ; qu'au vu de lettres circulaires de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), l'ensemble des URSSAF de France, dont celles du Loiret et d'Eure et Loir, ont considéré que la suppression du plafonnement de l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse, accidents du travail, allocations familiales et versement transport, instituée par les lois du 13 janvier 1989, du 23 janvier 1990 et du 30 décembre 1992, avait pour effet nécessaire de supprimer cet abattement, et ont adressé aux employeurs des bordereaux de déclarations portant l'indication pré-remplie d'un taux plein, sans abattement ; que la Cour de cassation a fait droit par trois arrêts des 14 mai 1998, 11 avril 2002 et 17 octobre 2002 aux contestations de certains employeurs en disant pour chacune des cotisations considérées que les lois qui avaient supprimé le plafonnement de l'assiette des cotisations n'avaient pas abrogé l'article 1er de l'arrêté du 26 mars 1987 instituant l'abattement de 20 % et ne pouvaient donc pas faire échec à son application ; qu'au vu d'une lettre en date du 30 octobre 2002 du ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité indiquant qu'il convenait d'appliquer l'abattement à l'ensemble des cotisations, reprise par une lettre collective de l'ACOSS en date du 15 avril 2003, les URSSAF ont cessé d'appeler des cotisations à taux plein et remboursé la part indûment versée des cotisations pour la période 2001 et 2002 mais ont invoqué la prescription de la demande en remboursement pour la période antérieure, et que par le jugement dont appels, le tribunal des affaires de sécurité sociale a donc fait droit à la demande en remboursement de la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE pour l'ensemble de la période 1990 / 2000 en retenant que son action n'était pas irrecevable car le délai de prescription de sa demande en répétition n'avait commencé à courir qu'à compter du 15 avril 2003, date avant laquelle elle s'était trouvée dans l'incapacité d'agir en raison de l'ignorance légitime et raisonnable de son droit.

L'URSSAF du Loiret demande à la cour de confirmer la décision de la commission de recours amiable du Loiret du 27 juin 2005 et d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en déclarant prescrite la demande en remboursement au titre des exercices 1990 à 2000 et en condamnant en conséquence la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE à lui reverser 288. 763 € au titre des cotisations, 20. 705, 01 € au titre des intérêts légaux et 3. 000 € à titre d'indemnité de procédure.

Soutenant que l'action adverse en répétition d'indu obéit au délai de prescription institué par l'article L 243-6 du Code de la Sécurité sociale en sa rédaction antérieure à la loi du 18 décembre 2003, l'appelante considère que le nouvel alinéa introduit par ce texte visant le constat judiciaire de non-conformité d'un texte à une norme supérieure n'est pas applicable en la cause et fait valoir, en substance, que le point de départ du délai court bien du jour du versement des cotisations indues car le cotisant ne s'est jamais trouvé selon elle dans l'impossibilité d'agir puisqu'il connaissait parfaitement l'existence de l'abattement pour l'avoir pratiqué jusqu'en 1990 et qu'il lui était loisible, dès le paiement des premières cotisations calculées sans abattement, de contester la position de l'URSSAF, comme l'ont précisément fait les entreprises de presse dont l'action a abouti aux arrêts rendus en 1998 et 2002 par la Cour de cassation.

En réponse à la mise en cause subsidiaire de sa responsabilité par LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE, l'URSSAF du Loiret - se prévalant en cela de l'arrêt rendu le 20 décembre 2007 par la Cour de cassation dans une instance selon elle comparable - soutient que la divergence d'interprétation d'un texte tranchée ultérieurement par la cour suprême n'est pas constitutive d'une faute à la charge des organismes de recouvrement susceptible d'engager leur responsabilité à l'égard des cotisants, et elle ajoute d'une part, que s'agissant d'un système déclaratif l'employeur n'était nullement tenu d'utiliser les bordereaux pré-remplis qu'elle lui adressait pour lui faciliter la tâche mais pouvait parfaitement établir lui-même ses déclarations en portant un taux abattu ; d'autre part que ni le fait de diffuser la circulaire de la CNAMTS ni celui d'adopter son analyse ne constituent des fautes d'autant que la matière est complexe et mouvante et que le déplafonnement de l'assiette des cotisations pouvait tout à fait être analysé comme impliquant la suppression d'un abattement précisément calculé dans la limite du plafond ; et enfin qu'elle n'a pas manqué à son devoir d'information puisque se posait un réel problème d'interprétation.

L'URSSAF d'Eure et Loir conclut pareillement à l'infirmation pure et simple du jugement entrepris et à la confirmation de la décision de rejet de la contestation prise par sa commission de recours amiable en demandant à la cour de déclarer prescrite l'action adverse au motif que la société LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE ne s'est jamais trouvée dans l'impossibilité d'agir en répétition d'indu puisqu'elle pouvait d'emblée introduire une action pour faire juger qu'elle bénéficiait toujours de l'abattement, à l'instar des entreprises de presse dont les contestations ont abouti à la jurisprudence qui a dit que l'arrêté du 26 mars 1987 n'était pas abrogé, et pour le surplus l'appelante conteste avoir engagé sa responsabilité en se prévalant de l'arrêt du 20 décembre 2007 par lequel la Cour de cassation a considéré, dans un cas selon elle exactement similaire, que la divergence d'interprétation d'un texte qu'elle-même tranche ultérieurement en faveur de celle défendue par les débiteurs des cotisations n'est pas constitutive d'une faute à la charge des organismes de recouvrement susceptible d'engager leur responsabilité à l'égard des cotisants.
La SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE - qui réclame 6. 000 € d'indemnité de procédure à chacune des appelantes - conclut principalement à la confirmation pure et simple du jugement déféré en soutenant que son action n'est nullement prescrite, car elle ne pouvait agir avant le 15 avril 2003 du fait de l'ignorance raisonnable et légitime sur ses droits dans laquelle elle se trouvait jusqu'alors, faisant valoir en substance à ce titre :
- que c'est aux organismes de la sécurité sociale qu'il incombait d'informer les cotisants sur les droits auxquels ils peuvent prétendre, mais qu'elle a reçu d'eux sans la moindre réserve une information dont la fausseté a été reconnue par la Cour de cassation
- qu'en présence d'une telle initiative spontanée des URSSAF et du fait de la mise en pratique immédiate de leur analyse erronée par l'envoi de bordereaux pré-remplis mentionnant un taux dépourvu d'abattement, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir mis en doute ce qui lui était présenté comme le droit positif et non comme une interprétation, d'autant qu'il s'agit d'une législation complexe et que l'information provenait d'organismes investis d'une mission de service public dont il est normal de présumer exactes les positions
- que les appelantes invoquent à tort le caractère purement déclaratif de la procédure alors que l'usage du bordereau transmis par l'URSSAF est obligatoire et toute modification du taux interdite, et qu'il est irréaliste de leur part de soutenir qu'elle-même aurait pu néanmoins contester les cotisations appelées, dès lors qu'il lui aurait fallu pour cela exercer des centaines de recours et encourir des pénalités et des majorations, outre le risque redoutable d'inscriptions de privilèges et d'une exclusion des marchés publics, voire de poursuites pénales
- que l'exigibilité de sa créance n'a pu naître qu'à compter du moment où l'administration elle-même a admis l'incompatibilité de son interprétation avec le droit positif, et donc avant la lettre circulaire de l'ACOSS du 15 avril 2003
- qu'il s'évince du premier alinéa de l'article L 243-6 du Code de la Sécurité sociale tel qu'introduit par la loi du 18 décembre 2003 qu'hormis ce cas spécifique où une décision juridictionnelle déclare non conforme à une norme supérieure une règle de droit dont il a été fait application et où le délai de prescription de la demande en remboursement est alors de trois ans, le remboursement porte sur la totalité des sommes indûment versées
- que la position adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 20 décembre 2007 est unanimement critiquée par la doctrine, et heurte l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en créant sans motif légitime une discrimination entre des employeurs pourtant placés dans une situation analogue, selon qu'ils auront ou non acquitté les cotisations qu'il leur était demandé de verser.
À titre subsidiaire, pour le cas où la cour considérerait néanmoins la prescription acquise, la société LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE demande alors que l'URSSAF du Loiret soit condamnée à lui payer la somme 288. 763 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004 et l'URSSAF d'Eure et Loir condamnée à lui payer 87. 477 € outre intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004 en faisant valoir que les URSSAF ont failli à leur mission légale d'information prévue à l'article R. 112-2 du Code de la Sécurité sociale en diffusant une doctrine erronée et commis une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil en présentant sans réserve aucune cette doctrine comme constituant le droit positif alors qu'il ne s'agissait que d'une interprétation des textes et qu'elle savait d'ailleurs que cette analyse était contestable puisque les premières contestations sur lesquelles a statué la Cour de cassation dataient de 1993 et qu'il était jugé depuis 1998 que l'arrêté du 26 mars 1987 n'était pas abrogé.
Soutenant que toute illégalité est constitutive d'une faute même si la question faisait débat, l'intimée indique ne pouvoir adhérer à la position exprimée dans l'arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2007 invoqué par les appelantes, en objectant que le fondement juridique de l'exonération des organismes sociaux n'est pas indiqué contrairement à ce que requiert l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il n'est pas convaincant de faire état d'une divergence d'interprétation qu'aurait tranchée la Cour suprême alors qu'il s'agissait en réalité d'une interprétation erronée et jugée telle, et alors que la solution dédouane les organismes de sécurité sociale de leurs erreurs et les dispense de leur obligation de délivrer une information objective au prétexte qu'ils pourraient être partie à un éventuel contentieux, et elle justifie sa réclamation en faisant valoir que la faute des URSSAF est directement à l'origine du versement des sommes litigieuses et que son préjudice consiste à avoir été privée à due concurrence des sommes ainsi affectées, qui ont fait défaut à sa trésorerie.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Attendu que la société LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE a formulé le 9 avril 2004 ses demandes de remboursement au titre d'indus payés du 1er janvier 1990 au 31 décembre 2000 ;
Attendu que dans sa rédaction antérieure à la loi no2003-1199 du 18 décembre 2003, seule applicable en la cause au vu de la date des paiements litigieux, l'article L 243-6 du Code de la Sécurité sociale dispose que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ; que la société LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE, si elle le cite au soutien de son argumentation, ne revendique pas l'application du second alinéa de l'article L 243-6 du Code de la Sécurité sociale introduit par ladite loi du18 décembre 2003, lequel n'a de toute façon pas vocation à trouver application en l'espèce ;
Attendu que l'action de la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE encourt donc la prescription puisqu'elle porte sur des cotisations acquittées plus de deux années avant l'introduction de sa demande en répétition ;
Attendu que pour solliciter la confirmation du jugement entrepris et conclure à la recevabilité de son action, l'intimée soutient qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité d'agir avant le 15 avril 2003 ;
Mais attendu les circonstances de fait qu'elle invoque ne caractérisent pas une impossibilité d'agir au sens de l'article 2251 du Code civil ni de l'adage selon lequel la prescription ne court point contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir ;
Attendu en effet qu'il ressort des productions et des explications des parties que la société LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE connaissait les dispositions de l'arrêté du 26 mars 1987 instituant l'abattement de 20 % puisqu'elle en avait bénéficié jusqu'en 1989 ;
Qu'elle ne justifie nullement qu'il ne lui aurait pas été loisible de contester devant les juridictions compétentes dans le délai de la loi, à compter du paiement des premières cotisations calculées selon le régime général, l'interprétation des lois du 13 janvier 1989 puis du 23 janvier 1990 et du 30 décembre 1992 sur laquelle l'URSSAF d'Eure et Loir et l'URSSAF du Loiret se fondèrent au regard de la circulaire de la CNAMTS du 8 janvier 1991et de la lettre circulaire de l'ACOSS du 19 janvier 1993 pour lui dénier le bénéfice de l'abattement de 20 % prévu par l'arrêté du 26 mars 1987 ; qu'en sa qualité d'entreprise de presse d'importance régionale, comme telle assistée d'un expert-comptable et pouvant avoir un accès effectif aux conseils de professionnels, elle ne saurait être regardée comme ayant pu légitimement et raisonnablement ignorer que la doctrine professée par les organismes de sécurité sociale était dépourvue d'effet normatif et en tout état de cause susceptible de contestation ; que le caractère déclaratif de la procédure ne lui interdisait pas de revendiquer un taux de cotisation différent de celui porté sur les bulletins pré-imprimés qu'elle recevait périodiquement, à l'instar des entreprises de presse qui résolurent de maintenir l'abattement de 20 % et, sur opposition aux contraintes alors émises à leur encontre, amenèrent la Cour de cassation à se prononcer dans ses arrêts des 14 mai 1998, 11 avril 2002 et 12 octobre 2002 et à trancher le litige en la défaveur des organismes de recouvrement ; que pour ne pas s'exposer aux inconvénients dont elle fait état en référence aux sanctions encourues en cas de défaut de paiement des cotisations appelées, il lui était à tout le moins possible, et aisé, de s'acquitter des sommes calculées par les URSSAF mais d'en solliciter aussitôt, et en tout cas dans le délai de la loi, la répétition, en excipant leur caractère indu ;
Que pour ce même motif, tiré de la faculté dont elle disposait effectivement de contester la position des organismes de recouvrement, l'intimée n'est pas fondée à arguer d'une prétendue atteinte aux droits protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que ce soit en ses articles 6-1, 14 ou 1er du protocole n° 1, puisqu'elle a été à même d'agir en justice pour faire reconnaître sa créance, et que la différence entre sa situation et celle des entreprises de presse qui ont exercé fructueusement une action procède de sa propre abstention et non d'une quelconque discrimination ;
Et attendu enfin que la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE n'est pas davantage fondée à prétendre voir reporter au 15 avril 2003 le point de départ du délai de prescription en invoquant à son bénéfice la jurisprudence ayant admis un report en cas de révélation d'un fait dissimulé ou de survenance d'un événement nouveau, dans la mesure où son droit à bénéficier de l'abattement a toujours existé et qu'elle pouvait agir en répétition dès son premier paiement conforme aux réclamations des URSSAF, chacun de ses versements étant constitutif d'une créance aussitôt exigible ;
Attendu que la décision entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a jugé que l'action de la RÉPUBLIQUE du CENTRE n'était pas prescrite, et les décisions des commissions de recours amiable confirmées en ce qu'elles ont déclaré tardives ses demandes en remboursement ;
Attendu que la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE invoque subsidiairement la responsabilité de l'URSSAF d'Eure et Loir et de l'URSSAF du Loiret pour solliciter leur condamnation respective à lui verser des dommages et intérêts du montant de ce qu'elle a indûment payé et qu'elle ne peut répéter ;
Attendu à cet égard que l'analyse erronée des dispositions de la loi du 23 janvier 1990 à laquelle se sont livrées les URSSAF d'Eure et Loir et du Loiret n'est pas en tant que telle constitutive de leur part d'une faute susceptible d'engager leur responsabilité à l'égard de la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, dans la mesure où elle procédait d'une interprétation qui n'était pas grossièrement dépourvue de toute justification mais reposait sur la suppression du plafond auquel l'article 2 de l'arrêté du 26 mars 1987 se référait pour fixer l'abattement applicable au taux des cotisations de sécurité sociale dues pour l'emploi de certaines catégories de journalistes ; que le fait que cette interprétation fût favorable aux intérêts de l'organisme de recouvrement n'est pas non plus en lui-même de nature à lui conférer un caractère fautif ; qu'il en va de même de la circonstance que les URSSAF reçoivent mission d'assurer l'information générale des assurés sociaux en vertu de l'article R112-2 du Code de la Sécurité sociale ;
Attendu en revanche qu'aux termes d'un arrêt dont la portée générale ne pouvait échapper aux URSSAF d'Eure et Loir et du Loiret, puisqu'il approuvait la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification d'avoir fait droit au recours d'une entreprise de presse cotisant dans les mêmes conditions que la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE comme employeur de journalistes professionnels et assimilés, la Cour de cassation a jugé le 14 mai 1998 que c'était à bon droit que la décision querellée avait décidé que la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 supprimant le plafonnement de l'assiette des cotisations accident du travail n'avait pas abrogé l'article 1er de l'arrêté du 26 mars 1987, de sorte qu'elle ne pouvait faire échec à l'application de l'abattement prévu par ce texte au taux des cotisations intéressant les journalistes professionnels ;
Que cette solution était évidemment transposable aux cotisations dues par la société LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE au titre de l'assurance vieillesse, des allocations familiales et du versement transport, auxquelles il ne pouvait être davantage question d'appliquer l'interprétation ainsi condamnée consistant à inférer de la suppression du plafonnement de l'assiette l'abrogation de l'abattement de 20 % ;
Qu'il n'est ni soutenu, ni d'ailleurs plausible, que les URSSAF n'aient pas eu immédiatement connaissance de l'arrêt du14 mai 1998, en raison de leur propre organisation interne dotée d'un service juridique, et également du fait de l'étroitesse des liens les unissant au ministère en charge de la sécurité sociale, de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, dont témoigne sa diffusion de leurs lettres ou circulaires, et auxquels une telle décision de principe n'a pu échapper sitôt son prononcé public ;
Or attendu que les URSSAF d'Eure et Loir et du Loiret ont maintenu jusqu'à la fin de l'année 2002 l'interprétation ainsi condamnée au mois de mai 1998 par la cour suprême, en continuant d'encaisser auprès de la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE des cotisations à un taux non conforme à la réglementation, et sans même diffuser la décision contraire à leur doctrine comme elles l'avaient fait en leur temps des circulaires ACOSS et CNAMTS qui la promouvait ;
Attendu qu'elles ont en cela commis un manquement à leur obligation spécifique d'information générale telle que prévue à l'article R112-2 du Code de la Sécurité sociale, en raison de l'absence de loyauté dans l'exécution de ce devoir qu'impliquait cette dissimulation, et une faute délictuelle au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, en ce qu'elles ne pouvaient ignorer que cette dissimulation conduisait l'employeur à débourser une part indue de cotisations, ceci à compter du moment où elles ont connu la décision, ce qui peut être considéré comme advenu le mois de sa reddition soit avant le 1er juin 1998 ;
Et attendu que le préjudice qui est résulté pour la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE de ces fautes est exactement égal aux sommes qu'elle a versées indûment aux deux URSSAF, et qui ont nécessairement fait défaut à sa trésorerie ;
Attendu que les tableaux produits aux débats par l'intimée, qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part des appelantes fût-ce dans le cadre d'une argumentation simplement subsidiaire, permettent de déterminer ainsi que suit le préjudice indemnisable pour la période ainsi à considérer du 1er juin 1998 - en retenant donc 7 / 12 de la somme au titre de ladite année 1998 - au 30 décembre 2000 :

s'agissant de l'URSSAF d'Eure et Loir : 157. 785 francs soit 24. 054, 17 € tel que suit :

1998 1999 2000

CHARTRES
17. 196 francs
30. 614 francs
29. 805 francs
CHÂTEAUDUN

7. 354 francs

11. 993 francs
10. 296 francs

DREUX

10. 904 francs 18. 063 francs 19. 466 francs

NOGENT le ROTROU

--2. 094 francs

TOTAL 35. 454 francs 60. 670 francs 61. 661 francs

¤ s'agissant de l'URSSAF du Loiret : 557. 324 francs soit 84. 963, 50 € tel que suit :
1998 1999 2000

GIEN 2. 232 francs 427 francs 3. 952 francs

MONTARGIS 5. 236 francs 9. 454 francs 7. 358 francs

ORLÉANS 28. 523 francs 50. 428 francs 56. 205 francs

PITHIVIERS 5. 892 francs 5. 721 francs 6. 794 francs

SARAN 88. 534 francs 144. 360 francs 142. 208 francs

TOTAL 130. 417 francs 210. 390 francs 216. 517 francs

Que s'y ajouteront les intérêts courus depuis la date de la demande, à titre compensatoire ;

Attendu enfin qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes allouées par le jugement, laquelle est une conséquence de droit de son infirmation ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort
INFIRME le jugement entrepris à l'exception des indemnités de procédure qu'il a allouées, et statuant à nouveau :
DIT que l'action en répétition de l'indu exercée à l'encontre de l'URSSAF d'Eure et Loir et de l'URSSAF du Loiret par la société LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE est prescrite
DIT que l'URSSAF d'Eure et Loir et l'URSSAF du Loiret ont chacune engagé sa responsabilité envers la société LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE à compter du 1er juin 1998
CONDAMNE l'URSSAF d'Eure et Loir à payer à la SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE
* à titre de dommages et intérêts : la somme 24. 054, 17 € (VINGT QUATRE MILLE CINQUANTE QUATRE EUROS ET DIX SEPT CENTIMES) et les intérêts courus sur cette somme au taux légal à compter du 9 avril 2004
* celle de 2. 500 € (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) à titre d'indemnité de procédure
CONDAMNE l'URSSAF du Loiret à payer à la société LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE
* à titre de dommages et intérêts : la somme de 84. 963, 50 € (QUATRE VINGT QUATRE MILLE NEUF CENT SOIXANTE TROIS EUROS ET CINQUANTE CENTIMES) et les intérêts courus sur cette somme au taux légal à compter du 9 avril 2004
* celle de 2. 500 € (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) à titre d'indemnité de procédure.
ET le présent arrêt a été signé par Monsieur GARNIER, Président et Madame CHEVREAU, faisant fonction de Greffier, présent lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Ct0169
Numéro d'arrêt : 101
Date de la décision : 25/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours, 03 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2008-06-25;101 ?
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