DOSSIER N 07 / 00189
ARRÊT DU 22 AVRIL 2008
YR-No 2008 /
COUR D'APPEL D'ORLEANS
Prononcé publiquement le MARDI 22 AVRIL 2008, par la 6ème Chambre des Appels Correctionnels, section 2.
Sur appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de PARIS-31ème Chambre du 07 JUIN 2005.
Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de PARIS du 17 / 03 / 2006.
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation Chambre Criminelle en date du 06 février 2007.
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X... Rolf
né le 14 Décembre 1942 à VASTEVILLE, MANCHE (050)
filiation non communiquée
Retraité
Divorcé
De nationalité française
Jamais condamné
Demeurant ...-75014 PARIS
Prévenu, appelant, intimé
Comparant
Assisté de Maître DARTEVELLE Bernard avocat au barreau de PARIS
LE MINISTERE PUBLIC
Appelant,
Y... Fathi, demeurant ...-75005 PARIS
Partie civile, intimé
Comparant
Assisté de Maître METIN David, avocat au barreau de VERSAILLES
COMPOSITION DE LA COUR,
lors des débats, du délibéré,
Président : Monsieur ROUSSEL, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre
Conseillers : Madame PAUCOT-BILGER,
Madame RAIMBAUD-WINTHERLIG,
arrêt prononcé par Monsieur ROUSSEL, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre
GREFFIER :
lors des débats et au prononcé de l'arrêt, Madame PALLU.
MINISTÈRE PUBLIC :
représenté aux débats par Madame AMOUROUX, Avocat Général.
représenté au prononcé de l'arrêt par Madame GUILLAUDIER, Substitut Général
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Le Tribunal, par jugement contradictoire
SUR L'ACTION PUBLIQUE :
-a relaxé X... Rolf des fins de la poursuite de :
EMBAUCHE DE SALARIE PAR CONTRAT A DUREE DETERMINEE HORS CAS AUTORISES, du 17 / 05 / 2002 au 31 / 10 / 2002, à Paris (75), infraction prévue par les articles L. 152-1-4, L. 122-1-1, L. 122-2, D. 121-1, D. 121-2 du Code du travail et réprimée par l'article L. 152-1-4 du Code du travail
-a déclaré X... Rolf coupable de :
ENTRAVE A L'EXERCICE DU DROIT SYNDICAL, courant / 10 / 2002, à Paris (75), infraction prévue par les articles L. 481-2 AL. 1, L. 412-1, L. 412-4, L. 412-5 du Code du travail et réprimée par l'article L. 481-2 AL. 1 du Code du travail
et, en application de ces articles, a condamné X... Rolf à :
-une amende délictuelle de 3. 000 €
SUR L'ACTION CIVILE :
-a déclaré recevable en la forme, la constitution de partie civile de Fathi Y...
-a condamné Rolf X... à payer à Fathi Y..., partie civile 4. 000 € à titre de dommages-intérêts et 500 € au titre de l'article 475-1 du code e procédure pénale
-a débouté Fathi Y... du surplus de ses demandes
-a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Monsieur X... Rolf, le 09 Juin 2005 contre Monsieur Y... Fathi, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles
M. le Procureur de la République, le 09 Juin 2005 contre Monsieur X... Rolf
Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de PARIS en date du 17 Mars 2006 qui a :
-reçu les appels du prévenu et du ministère public
-confirmé les dispositions du jugement déféré en ce qu'il a relaxé Rolf X... du chef d'embauche d'un salarié par contrat à durée déterminée hors des cas autorisés
-a dit irrecevable la demande de Fathi Y... tendant à la condamnation de Rolf X... au titre de la violation des règles relatives aux contrats à durée déterminée
-a réformé le jugement entrepris pour le surplus
-a renvoyé Rolf X... des fins de la poursuite du chef d'entrave à l'exercice des fonctions d'un délégué syndical
-a débouté Fathi Y... de ses demandes.
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation, Chambre Criminelle, en date du 6 Février 2007.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 04 MARS 2008
Ont été entendus :
Monsieur ROUSSEL en son rapport.
X... Rolf en ses explications.
Y... Fathi en ses observations.
Maître METIN David, Avocat de la partie civile en sa plaidoirie à l'appui des conclusions déposées sur le bureau de la Cour.
Le Ministère Public en ses réquisitions.
Maître DARTEVELLE Bernard, Avocat du prévenu en sa plaidoirie à l'appui des conclusions déposées sur le bureau de la Cour.
X... Rolf à nouveau a eu la parole en dernier.
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 22 AVRIL 2008.
DÉCISION :
Rolf X... a été nommé directeur général de la Fondation Santé des Etudiants de France le 1er juillet 2002, cet organisme gérant 13 établissements de santé et employant environ 2500 salariés.
Les faits se sont produits au centre médical Édouard Rist situé à Paris, 16e arrondissement, qui était à l'époque des faits dirigés par Mme Francine D....
Infirmant partiellement le jugement du tribunal correctionnel de Paris, la cour d'appel de Paris, a, par un arrêt du 17 mars 2006, renvoyé Rolf X... des fins de la poursuite du chef d'entrave.
Fathi Y..., qui avait obtenu des dommages-intérêts devant le tribunal, s'est pourvu en cassation.
Par arrêt en date du 6 février 2006, la Cour de Cassation a cassé et annulé les dispositions civiles de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, au motif que l'élément intentionnel du délit poursuivi se déduisait, non du but recherché par l'intéressé, mais du caractère volontaire du manquement constaté.
Dans ses conclusions, le conseil de Fathi Y... fait valoir que ce dernier a été embauché comme veilleur de nuit par la clinique médicale et pédagogique Édouard Rist dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée arrivant à échéance le 16 décembre 2000 mais prorogé à plusieurs reprises jusqu'au 31 octobre 2002 ; que le 6 juin 2002 Mme D..., directeur de cet établissement, était avisée de sa désignation en qualité de délégué syndical ; que cette information a été transmise à la direction générale le 14 juin 2002 ; que le 5 juin de la même année Mme D... a voulu transformer le CDD en CDI ; que cette proposition a été repoussée par Monsieur X... par une lettre explicite du 21 juin 2002 ; que le 29 juin 2002 l'attention de Monsieur X... a été appelée à nouveau sur le statut de délégué syndical de M. Fathi Y... ; qu'elle appelait à nouveau son attention le 16 octobre 2002 sur ce point, mais était dessaisie du dossier le lendemain ; que sur l'intervention de l'inspecteur du travail, la Fondation a été contrainte de transformer le contrat de travail en CDI ; que la Cour de Cassation a censuré la cour d'appel de Paris, considérant que l'élément intentionnel du délit poursuivi se déduisait du caractère volontaire du manquement constaté, en l'espèce, l'absence de saisine de l'inspection du travail dans le délai d'un mois ; qu'il y a lieu de retenir comme délit d'entrave le fait de ne pas respecter le délai d'un mois qui précède le terme du contrat pour saisir l'inspection du travail ; que M. X... ne saurait contester le caractère intentionnel de l'infraction, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a clairement entendu se réserver le traitement du dossier de M. Fathi Y..., en pleine connaissance de la situation de ce dernier ; que c'est dans ce contexte qui lui est imputable qu'il s'est dérobé à son obligation de saisir l'inspection du travail dans les délais.
Dans ses conclusions, le conseil de Rolf X... expose que Fathi Y... a été embauché au centre médical par Mme D... le 16 novembre 2000, par contrat à durée déterminée expirant le 3 décembre 2000 ; que trois semaines après l'expiration de ce contrat l'intéressé a été embauché à nouveau, soit du 24 décembre 2000 au 25 janvier 2001 ; qu'en raison de l'indisponibilité prolongée du salarié remplacé, le terme du contrat a été prorogé au 28 février 2001 ; qu'un nouvel avenant a eu pour effet de porter le terme du contrat à durée déterminée au 30 octobre 2002 ; que lors de sa prise de fonctions, M. Rolf X... a décidé de faire procéder à un audit social de l'établissement dirigé par Mme D... ; que le rapport déposé par la personne chargée de cette mission a mis en évidence des irrégularités dans la gestion de contrats de travail à durée déterminée ; que pour cette raison Mme D... a été destinataire d'une note du 21 juin 2002 par lequel M. X... lui a fait connaître qu'il souhaitait être destinataire de tous les projets de transformation de CDD en CDI, a attiré son attention sur la nécessité d'appliquer strictement les règles en vigueur pour les remplacements pour vacances de postes et lui a fait connaître qu'il ne lui semblait pas opportun de procéder à la transformation du CDD de M. Y... en CDI avant le 31 octobre 2002 ; qu'il s'est donc simplement agi de la part de M. X... de rappeler à Mme D... qu'en cas de vacance de poste le recrutement interne devait être préféré à un recrutement externe ; que, ce faisant, M. X... n'a pas dessaisi Mme D... avant le 17 octobre, date à laquelle il a constaté sa défaillance dans l'application des règles ; qu'en toute hypothèse, M. X... ignorait avant la date du 16 octobre 2002 que M. Fathi Y... avait été désigné délégué syndical CGT-Force Ouvrière ; qu'à cette date et alors qu'elle connaissait la qualité de délégué syndical de son salarié, Mme D... s'est manifestement abstenue de saisir l'inspection du travail comme elle aurait dû le faire, un mois avant l'expiration du contrat à durée déterminée, soit le 30 septembre 2002 au plus tard ; que ses défaillances ont conduit au dessaisissement de Mme D... puis à la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article L. 412-18 du code du travail ayant abouti au refus de l'inspecteur du travail d'autoriser qu'il soit mis fin au contrat.
Sur les éléments constitutifs de l'infraction, il est fait valoir que c'est à tort que le tribunal a considéré que, pour avoir dessaisi Mme D... du dossier du salarié, Monsieur X... était personnellement tenu de saisir du cas de l'intéressé l'inspecteur du travail, un mois avant la fin du contrat ; qu'en effet le simple retard dans la saisine de l'inspecteur du travail ne suffit pas à caractériser l'infraction, alors qu'en l'espèce le retard mis dans la saisine de ce fonctionnaire n'a ni limité ni fait obstacle à l'exercice des fonctions de délégué syndical du salarié ni eu pour effet de mettre fin au contrat.
Il est également fait valoir que le délit ne peut être imputé à M. Rolf X..., en raison de ce que seule Mme D... doit en répondre en sa qualité de chef d'établissement ; que d'ailleurs, loin de s'estimer dessaisie du dossier, Mme D... a mis en oeuvre la procédure légale le 7 octobre 2002, alors qu'elle avait auparavant mis en place les procédures internes de recrutement en octobre 2002 ; que la saisine de l'inspection du travail hors délais, du fait de la carence de Mme D..., est parfaitement involontaire.
Il est demandé à la cour de débouter M. Fathi Y... de l'ensemble de ses demandes.
SUR CE, LA COUR,
Les faits s'inscrivent dans un contexte de conflit ouvert entre Mme D... directrice de la clinique Édouard Rist et M. Rolf X....
Ceci résulte des pièces du dossier de la procédure, Mme D... ayant reproché à la direction générale de traiter M. Y... de manière discriminatoire, au cours de son audition par les services de police.
À l'inverse, M. X... a développé des arguments selon lesquels Mme D... avait conduit le dossier Y... dans un esprit militant et son conseil a affirmé devant la cour que la position de cette dernière était dictée par la volonté de faire aboutir des convictions d'essence syndicale.
Ces querelles sont à rapprocher de l'affirmation de M. X... selon laquelle la saisine tardive de l'inspection du travail par Mme D... a été calculée, afin que celle-ci soit dépourvue de tout effet et que M. Y... conserve son emploi.
Il est de fait que l'inspecteur du travail a relevé l'irrégularité tenant à la tardiveté de sa saisine et qu'il s'est opposé à ce qu'il soit mis fin au contrat de travail, en sorte que M. Y... est demeuré dans l'entreprise.
Quoiqu'il en soit, Mme D... était investie de la responsabilité de l'administration et de la gestion de l'établissement et selon le règlement intérieur, elle devait procéder au recrutement et à la gestion des carrières des personnels.
C'est d'ailleurs ce qu'a relevé l'inspecteur du travail qui a dressé procès-verbal à son encontre à propos du cas de M. Y....
Mme D... n'a d'ailleurs pas élevé de contestation concernant son niveau de responsabilité.
Elle a ainsi reconnu, au cours de son audition du 6 mai 2003, qu'elle disposait de l'autorité disciplinaire sur le personnel et qu'elle avait le pouvoir de licencier et d'embaucher, sous l'autorité du directeur général de la Fondation.
C'est à ce titre qu'elle a conduit les formalités d'embauche de M. Y... et a proposé d'employer ce dernier dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2002.
Cette proposition, qui dérogeait aux principes gouvernant l'embauche au sein de la Fondation, n'a pas reçu l'aval de la direction générale qui a fait connaître sa position dans une note du 21 juin 2002, sous la signature de M. X..., mais celle-ci n'a fait que rappeler les règles applicables en matière de recrutement et n'a en rien dessaisi Mme Francine D... qui a conservé la maîtrise du processus de recrutement d'un agent d'accueil de nuit, ainsi que le démontre la diffusion par ses soins de l'offre d'emploi le 7 octobre 2002.
C'est donc à tort que le directeur général de la fondation, qui n'a pas dessaisi Mme D... avant le 17 octobre, date à laquelle il a constaté sa défaillance dans l'application des règles et sur lequel ne pesaient pas les charges décrites par l'inspecteur du travail dans son procès-verbal, a été retenu dans les liens de la prévention.
En conséquence, statuant dans les limites de l'appel, la cour infirmera le jugement entrepris et rejettera les demandes de la partie civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de sa saisine,
VU l'arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, en date du 6 février 2007,
INFIRMANT le jugement entrepris,
REJETTE les demandes de la partie civile,