DOSSIER N 07 / 00523
ARRÊT DU 31 MARS 2008
YR-No 2008 / 00
COUR D'APPEL D'ORLEANS
Prononcé publiquement le LUNDI 31 MARS 2008, par la 6ème Chambre des Appels Correctionnels, section 1.
Sur appel d'un jugement de la Juridiction de proximité d'ORLEANS du 22 MAI 2007.
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
LA SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF prise en la personne de son representant legal M. X... Pierre
...45110 CHATEAUNEUF SUR LOIRE
Prévenue, appelante, intimée
Non comparante
Représenté par Maître TRIC Laure, avocat au barreau de PARIS, munie d'un pouvoir en date du 08 / 02 / 2008
LE MINISTERE PUBLIC
Appelant,
COMPOSITION DE LA COUR,
lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur ROUSSEL, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, statuant en juge unique
GREFFIER :
lors des débats et au prononcé de l'arrêt, Madame Evelyne PEIGNE.
MINISTÈRE PUBLIC :
représenté aux débats et au prononcé de l'arrêt par Monsieur GESTERMANN, Avocat Général.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
La Juridiction de proximité d'ORLEANS, par jugement
SUR L'ACTION PUBLIQUE :
-a déclaré La Société BAUDIN CHATEAUNEUF prise en la personne de son représentant legal M. X... Pierre
coupable de PROPRIETAIRE DU VEHICULE REDEVABLE DE L'AMENDE ENCOURUE POUR EXCES DE VITESSE INFERIEUR A 20 KM / H-VITESSE MAXIMALE AUTORISEE SUPERIEURE A 50 KM / H, le 10 / 02 / 2006 à 11 : 58, à RN118 PK / PR005. 100 BIEVRES 91, NATINF 025390, infraction prévue par l'article L. 121-3 du Code de la route et réprimée par l'article R. 413-14 § I AL. 2 du Code de la route
et, en application de ces articles,
a déclaré X... Pierre en sa qualité de représentant légal de la personne morale dénommée SA BAUDIN-CHATEAUNEUF, titulaire de la carte grise du véhicule 8066 YM 45, pécuniairement responsable.
a dit qu'il sera tenu au paiement d'une amende civile d'un montant de cent quatre vingt euros (180 €) conformément aux articles L 121-2 et L 121-3 du code de la route en qualité de représentant légal de la personne morale titulaire de la carte grise du véhicule redevable de l'amende encourue pour excès de vitesse inférieur à 20 km / h là où la vitesse maximale autorisée est supérieure à 50 km / h et dont le conducteur au moment de l'infraction n'a pu être identifié ;
a rappelé que la décision ne donne pas lieu à inscription au casier judiciaire, ne peut être prise en compte pour la récidive et n'entraîne pas de retrait de points affectés au permis de conduire ;
a dit que la décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'une montant de vingt deux euros.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Société LA SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF prise en la personne de son representant legal M. X... Pierre, le 01 Juin 2007,
M. l'Officier du Ministère Public, le 01 Juin 2007 contre LA SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 11 FEVRIER 2008
Ont été entendus :
Monsieur ROUSSEL en son rapport.
Le Ministère Public en ses réquisitions.
Maître TRIC Laure, Avocat de la prévenue en sa plaidoirie à l'appui des conclusions déposées sur le bureau de la Cour.
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 31 MARS 2008.
DÉCISION :
Au moyen d'un procès-verbal figurant au dossier de la procédure, la police a constaté qu'un véhicule immatriculé au nom de la société Baudin Châteauneuf avait commis un excès de vitesse, cette constatation ayant été faite par un appareil qui a photographié la plaque d'immatriculation de la voiture.
L'infraction a été constatée le 10 février 2006, sur la RN 118, dans sa portion traversant le territoire de la commune de BIEVRES 91, le véhicule concerné étant de marque CITROEN type camionette, immatriculée 8066YM45, la vitesse enregistrée ayant été de 113 kilomètres à l'heure, alors qu'elle était limitée à 90 kilomètres à l'heure.
Entendu en sa qualité de représentant de la société Baudin Châteauneuf, M. Jocelyn A... a déclaré qu'il ne pouvait pas identifier le conducteur.
Le premier juge a écarté les moyens qui tendaient à ce que soit prononcée la relaxe.
Monsieur l'Avocat Général requiert la confirmation du jugement entrepris.
Le conseil du prévenu fait valoir dans des conclusions déposées devant la cour que, de la combinaison des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route, il résulte que le représentant légal d'une société est pécuniairement redevable de l'amende pour excès de vitesse commis par un véhicule immatriculé au nom de sa société, à moins de démontrer qu'il ne pouvait être le conducteur du véhicule en infraction ; qu'en l'espèce M. Pierre X... produit une attestation de son épouse, une attestation d'un collaborateur de sa société et un relevé d'utilisation d'une carte de paiement de carburant daté du jour de l'infraction, prouvant qu'il n'était pas le conducteur du véhicule au moment où a été commis l'excès de vitesse ; que c'est à tort que le premier juge a considéré qu'un dirigeant de société ne peut s'exonérer de sa responsabilité en établissant qu'il n'était pas l'auteur de l'infraction ; qu'en privant le représentant légal de société du cas d'exonération relatif à la fourniture d'éléments susceptibles de démontrer qu'il n'était pas l'auteur de l'infraction et en posant à son encontre une présomption de culpabilité contraire aux principes généraux du droit, le premier juge a violé la Convention européenne des droits de l'homme alors que la responsabilité pécuniaire est encourue personnellement par le dirigeant puisqu'il ne peut en faire supporter le coût par sa société.
Il est demandé à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire et juger que le représentant légal de la société Baudin Châteauneuf n'était pas le conducteur du véhicule au moment de la commission de l'infraction et de relaxer M. Pierre X... des fins de la poursuite.
SUR CE LA COUR,
Régulièrement formés, les appels sont recevables.
L'article L. 121-1 du code de la route affirme le principe de la responsabilité pénale du conducteur d'un véhicule, pour les infractions commises par lui dans la conduite de ce véhicule, et les articles L. 121-2 et L. 121-3 de ce même code posent le principe de la responsabilité pécuniaire du titulaire du certificat d'immatriculation d'un véhicule pour certaines infractions.
S'agissant des contraventions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées, l'article L. 121-3 dispose que le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement de l'amende encourue, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction.
En l'espèce, où le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule en infraction est une société, cette dernière disposition est sans objet, dès lors qu'une personne morale, par définition inapte à la conduite d'un véhicule ne peut jamais être l'auteur véritable d'une infraction de la nature de celle qui est poursuivie.
Mais, le dernier alinéa de l'article 121-3 vise précisément, par renvoi à l'article L. 121-2, le cas où le certificat d'immatriculation du véhicule est établi au nom d'une personne morale, ce dernier article disposant que : « lorsque le certificat d'immatriculation du véhicule est établi au nom d'une personne morale, la responsabilité pécuniaire prévue au premier alinéa incombe, sous les mêmes réserves, au représentant légal de cette personne morale ».
Lesdites réserves sont explicitées dans le même article.
Il en résulte que le représentant légal d'une personne morale n'est pas responsable pécuniairement de l'infraction poursuivie s'il établit l'existence d'un événement de force majeure ou s'il fournit des renseignements permettant d'identifier l'auteur véritable de l'infraction.
Dès lors que la possibilité a été offerte à M. Pierre X... de donner le nom de la personne à laquelle le véhicule avait été confié le jour où l'infraction a été commise, identité qu'il ne peut ignorer dans sa position de chef d'entreprise, mais qu'il ne communique pas pour des raisons qui lui sont propres et dont la loi ne lui demande aucun compte, il ne peut soutenir, ainsi qu'il le fait que l'application des dispositions précitées le placent dans une situation où sa culpabilité est présumée en contradiction avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme.
En effet, il n'existe pas d'incompatibilité entre les articles précités qui instituent une responsabilité pécuniaire, laquelle n'a pas de caractère pénal ainsi qu'en dispose explicitement l'article L. 121-3, et la Convention européenne des droits de l'homme, alors par ailleurs que le responsable pécuniaire fait présentement le choix de taire le nom de l'auteur de l'infraction pour lui éviter des poursuites.
Dans ces conditions, le jugement sera intégralement confirmé dès lors que l'infraction a été constatée par un procès-verbal régulier dont la force probante est entière et que le premier juge a prononcé une juste sanction, sauf à dire que l'amende, prévue par un texte pénal à titre de sanction d'une infraction, n'a pas un caractère civil.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant publiquement et contradictoirement,
REÇOIT les appels,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à dire que l'amende prononcée n'a pas un caractère civil.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de CENT VINGT (120) EUROS dont est redevable la condamnée.