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27/03/2008 | FRANCE | N°07/02030

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 27 mars 2008, 07/02030


COUR D' APPEL D' ORLÉANS
CHAMBRE SOCIALE
Prud' Hommes
GROSSES le : 27 MARS 2008 à
la SCP BENICHOU & ASSOCIES
la SCP GEORGET- DESHOULIERES
COPIES le : 27 MARS 2008 à
Patrick X...

BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
ARRÊT du : 27 MARS 2008

MINUTE No : 199 / 2008 No RG : 07 / 02030

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD' HOMMES DE TOURS en date du 18 Juillet 2007- Section : ENCADREMENT

ENTRE
APPELANT :

• Monsieur Patrick X..., né le 10 novembre 1954 à JONZAC (17), demeurant ...


comparant en person

ne, assisté de la SCP BENICHOU & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Violaine CHAUSSINAND, avocat au ba...

COUR D' APPEL D' ORLÉANS
CHAMBRE SOCIALE
Prud' Hommes
GROSSES le : 27 MARS 2008 à
la SCP BENICHOU & ASSOCIES
la SCP GEORGET- DESHOULIERES
COPIES le : 27 MARS 2008 à
Patrick X...

BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
ARRÊT du : 27 MARS 2008

MINUTE No : 199 / 2008 No RG : 07 / 02030

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD' HOMMES DE TOURS en date du 18 Juillet 2007- Section : ENCADREMENT

ENTRE
APPELANT :

• Monsieur Patrick X..., né le 10 novembre 1954 à JONZAC (17), demeurant ...

comparant en personne, assisté de la SCP BENICHOU & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Violaine CHAUSSINAND, avocat au barreau de PARIS

ET

INTIMÉE :

• LA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE, sise 2 Avenue de Milan- 37200 TOURS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Me GEORGET de la SCP GEORGET- DESHOULIERES, avocats au barreau de TOURS, en présence de M. Régis DE Z... (DRH) et M. Jean- Yves A... (Directeur Général Adjoint)

Après débats et audition des parties à l' audience publique du 28 Février 2008

LA COUR COMPOSÉE DE :
Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre
Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller
Madame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller

Assistés lors des débats de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier,

Puis ces mêmes magistrats en ont délibéré dans la même formation et à l' audience publique du 27 Mars 2008,

Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier, a rendu l' arrêt dont la teneur suit :

RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur Patrick X... a été engagé, le 15 septembre 1975, par la BANQUE POPULAIRE TOURAINE HAUT POITOU devenue la BANQUE POUPULAIRE VAL DE France, en qualité d' attaché commercial.

Durant plusieurs années, il a bénéficié de différentes promotions et en dernier lieu sa rémunération mensuelle était de 3. 883, 15 €.

Le 15 mars 2006, il a été convoqué à un entretien préalable organisé le 27 mars suivant et a été mis à pied à titre conservatoire.

Le 7 avril de la même année, son licenciement lui a été notifié pour faute grave.

C' est dans ces conditions qu' il a saisi, le 2 mai suivant, le conseil de prud' hommes de TOURS, section Encadrement, d' une action contre son ancien employeur pour le voir condamner à lui verser :

- 3. 298, 59 € de rappels de salaire,
- 14. 657, 01 € d' indemnité de préavis,
- 1. 795, 66 € d' indemnité de congés payés du préavis et de mise à pied,
- 83. 554, 67 € d' indemnité conventionnelle de licenciement,
- 350. 000 € d' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 6. 000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens.

Pour sa part, l' employeur a conclu au débouté des demandes présentées et à la condamnation du salarié à lui verser 3. 000 € en application de l' article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 juillet 2007, le conseil de prud' hommes de TOURS a jugé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse mais a condamné la banque à verser à l' employé :
- 3. 298, 59 € en paiement de la mise à pied et 329, 86 € de congés payés y afférents,
- 12. 265, 44 € de préavis et 1. 226, 54 € de congés payés y afférents,
- 18. 215, 20 € d' indemnité conventionnelle de licenciement,
- 1. 000 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux dépens.

Le salarié a fait appel de la décision le 1er août 2007.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

1 / Ceux du salarié, appelant :

Il sollicite la condamnation de son ancien employeur à lui verser :
- 3. 298, 59 € de rappel de salaire,
- 1. 244, 73 € de rappel de 13ème mois,
- 13. 513, 40 € d' indemnité compensatrice de préavis,
- 1. 805, 67 € d' indemnité compensatrice de congés payés se rapportant au rappel de salaire, au 13ème mois et au préavis,
- 81. 205, 64 € d' indemnité conventionnelle de licenciement,
- 350. 000 € d' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il considère que son employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité du motif du licenciement.

Il nie avoir « sabordé » le projet des époux B..., dont la femme est gérante de la société CSFI, en profitant de son implication professionnelle dans ce dossier pour le reprendre à son propre compte. Au contraire, il explique qu' il est intervenu à titre privé car la CSFI était prestataire de service dans une opération ayant trait à son patrimoine personnel. Selon lui, l' entière charge de la preuve incombe à l' employeur et le doute profite à l' accusé.

Il réfute également l' idée selon laquelle il aurait abusé de sa qualité de préposé de la Banque auprès des époux C..., clients de la société, pour leur proposer de leur racheter personnellement une maison à vil prix. Il note encore une fois que l' employeur ne rapporte pas la preuve du motif allégué. Selon lui, il a agit en tant que préposé et dans son domaine de compétence, lors d' un rendez vous unique et non suivi d' effets.

Enfin, il prétend que son employeur n' a pas respecté ses droits. Il observe qu' il n' a pas été convoqué par le contrôleur, Monsieur D..., et qu' aucune enquête interne n' a été diligentée auprès des supérieurs hiérarchiques préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, en violation de l' article 23 du règlement intérieur.

2 / Ceux de l' employeur :

Il conclut, à titre principal, au débouté des demandes du salarié et à sa condamnation à lui verser 3. 000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens.

A titre subsidiaire, il sollicite l' infirmation du jugement critiqué.

Enfin, à titre très subsidiaire, si la Cour décidait que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, il souhaite que la confirmation de la décision critiquée et que le montant de l' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit réduit à de plus justes proportions.

Il constate que la procédure a été respectée et qu' une enquête a été effectuée par la Direction Générale de la Banque.

Il reproche au salarié d' avoir dénigré les époux B... afin de les évincer du projet de lotissement de SAINT DENIS DE L' HÔTEL, projet financé par la Banque.

Il observe également que si l' employé est intervenu à titre privé comme il le prétend, cela veut dire qu' il a pris sur son temps de travail pour traiter une affaire personnelle.

Par ailleurs, il indique que Monsieur X... n' a pas voulu répondre aux époux C... qui souhaitaient se voir accorder un prêt pour aménager leur maison et a préféré leur conseiller de vendre en voyant le profit personnel qu' il pouvait en tirer.

De son point de vue, il ne fait aucun doute que la faute grave est caractérisée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La notification du jugement est intervenue le 18 juillet 2007, en sorte que l' appel, régularisé dans le délai légal d' un mois, le 1er août suivant au greffe de cette Cour, s' avère recevable en la forme, comme l' appel incident de la BANQUE POPULAIRE sur le fondement de l' article 550 du code de procédure civile.

1o) Sur la nature du licenciement

La faute grave résulte d' un fait ou d' un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d' une importance telle qu' elle rend impossible le maintien du salarié dans l' entreprise pendant la durée du préavis.

En l' espèce, la lettre de licenciement pour faute grave du 7 avril 2006 expose :

«... Par courrier recommandé avec accusé / réception du 13 février 2006, M. Yvan de E..., Directeur Général, a été alerté par M. et Mme B... d' un certain nombre d' agissements qui engagent à l' évidence votre responsabilité et qui sont, de nature à porter préjudice à notre banque.
En effet, courant 2005, M. et Mme B... vous ont rencontré sur le site Banque Populaire de Tours (avenue de Milan) et vous ont remis un dossier complet (prévisionnel financier, plan du projet...) pour le financement d' un lotissement de 46 pavillons, projet sur lequel ils travaillaient depuis l' année 2002.
Vous étiez déjà informé de ce projet depuis juin 2004. En effet, le 24 juin 2004, M. et Mme B... vous ont présenté sur place, à Saint- Denis- de- l' Hôtel, le site du futur projet. A plusieurs reprises, vous les avez ensuite rencontrés à Saint- Denis- de- l' Hôtel, à leur domicile ou à la banque.
Dans ce cadre, vous avez notamment assisté M. et Mme B... le 12 octobre 2004 lors d' une réunion qui s' est tenue à la mairie de Saint- Denis- de- l' Hôtel en présence de Madame le Maire, Odile G.... Lors de cette réunion au cours de laquelle vous avez exposé le projet de financement de cette opération, vous vous êtes clairement présenté comme collaborateur de la Banque Populaire Val de France en remettant votre carte de visite professionnelle aux conseillers municipaux présents, ainsi qu' à Madame le Maire.
Il en faisait alors aucun doute dans l' esprit des personnes présentes que vous agissiez en tant que représentant de la Banque Populaire Val de France.
D' autres rendez- vous ont eu lieu tout au long de l' année 2005 pour l' avancement de ce projet.
Le 3 février 2006, une réunion était prévues à la mairie pour faire le point sur la mise en place du rachat des parcelles appartenant à la commune. Le matin du jour de ce rendez- vous, vous vous êtes présenté avec M. H... à la mairie. Vous y avez rencontré M. I..., adjoint au maire, et M. J..., Directeur Général des services de la commune, et avez dénigré M. et Mme B..., indiquant que ces derniers n' étaient pas « fiables » (financièrement et juridiquement). Vous avez alors annoncé votre intention de poursuivre l' opération sans eux et avez proposé un nouveau lotisseur " digne de confiance ".
Vous avez ainsi sabordé le projet de nos clients, profitant de votre implication professionnelle dans ce dossier pour le reprendre à votre compte personnel.
De tels agissements sont totalement inacceptables et portent atteinte à l' image de la banque. Ils sont contraires aux règles d' éthique et de déontologie inhérentes aux métiers de la banque et que vous ne pouviez ignorer, compte tenu de votre ancienneté dans notre entreprise et des responsabilités que vous y avez depuis de nombreuses années.
A cet égard, le règlement intérieur contient les règles de déontologie applicables au personnel de l' entreprise, et notamment en son article 26. 1 intitulé Conflit d' intérêts qui dispose : « Le collaborateur ne doit pas intervenir dans toute opération bancaire ou financière qui pourrait le placer en situation de conflit d' intérêts.
Le collaborateur ne peut pas non plus intervenir directement face à un client pour son propre compte ou celui de ses proches dans quelque opération bancaire ou financière que ce soit ».
Lors de notre entretien, vous avez contesté les faits en nous indiquant que les relations que vous avez pu entretenir avec M. et Mme B... étaient strictement privées et ne pouvaient intéresser notre banque.
Pourtant, un examen attentif de votre emploi du temps démontre qu' un certain nombre des rendez- vous avec ces clients se sont tenus pendant votre temps de travail. Dans certains cas, vous avez même reçu M. et Mme B... sur votre lieu de travail. Enfin, il apparaît que certaines dépenses (frais de déplacement, repas) ont été facturées à la banque par le biais de vos notes de frais.
Ces éléments supplémentaires sont de nature à prouver que votre implication dans ce dossier était bien d' ordre professionnel. Ils établissent dans tous les cas la violation de votre obligation de loyauté à notre égard.
Sur ce point, le règlement intérieur rappelle, en son article 13. 1 : « Le collaborateur doit utiliser les locaux, biens, moyens, matériels et systèmes d' information mis à disposition pour l' usage professionnel auquel ils sont destinés (...).
Ils ne sauraient être utilisés à des fins personnelles par les collaborateurs sauf circonstances exceptionnelles et accord explicite du responsable hiérarchique ».
Par ailleurs, le courrier de M. et Mme B... nous a révélé qu' ils n' étaient pas les seules victimes de vos agissements.
En effet, nous avons notamment été alertés par M. et Mme C..., clients eux aussi de la Banque Populaire depuis longtemps, qui ont fait appel à notre banque pour le financement d' un projet immobilier.
Vous êtes intervenu dans ce dossier, qui n' entrait pas dans vos attributions, et en avez profité avec M. H... pour proposer à ces clients de faire racheter leur propriété (pour un prix dérisoire), afin de la raser pour y faire construire trois pavillons. Vous leur avez d' ailleurs proposé de les reloger en leur louant une maison vous appartenant, ce qui les a pour le moins étonnés.
Là encore, vous avez profité d' un dossier présenté à la Banque Populaire Val de France pour proposer à nos clients une opération immobilière pour votre propre compte.
Il ne fait donc aucun doute que vous avez utilisé votre statut de collaborateur de la Banque Populaire Val de France, ainsi que votre connaissance de la situation de nos clients et de leurs projets, pour monter des opérations pour votre compte personnel et non celui de la banque.
Un tel mélange des genres, encore une fois contraire à note déontologie, est bien sûr de nature à rejaillir sur l' image de notre établissement qui se trouve ternie par ce genre de pratiques.
De tels agissements sont tout à fait inadmissibles et caractérisent une faute d' une telle gravité qu' il nous est impossible de vous conserver dans nos effectifs.
Vos explications recueillies au cours de notre entretien du 27 mars 2006 ne nous ont pas permis de changer notre appréciation des faits. Nous avons donc décidé de vous licencier pour faute grave, sans indemnité de préavis ni de licenciement. Vous cesserez de faire partie de nos effectifs à compter de la date de première présentation de cette lettre... ».

a) Sur le non-respect allégué des droits du salarié

L' article 23 du règlement intérieur, en application au sein de la Banque Populaire à partir du début 2005, a trait au contrôle du respect des dispositions déontologiques.

Il évoque que " la direction de l' audit et du contrôle de l' établissement est chargée du contrôle et du respect des dispositions déontologiques. Un déontologue.... est plus particulièrement chargé de l' application des dispositions relatives aux opérations sur les marchés financiers. Il est notamment responsable du contrôle des comptes du personnel ouverts dans l' établissement... Tout collaborateur qui éprouverait des difficultés pour respecter toute disposition déontologique doit s' adresser au déontologue... ".

Il ne résulte pas de ce texte l' obligation pour la banque de saisir ce service de manière préalable avant un licenciement, et aucune mention n' existe concernant un vice de procédure, en l' absence de saisine, qui rendrait, de ce fait, le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre, le litige présent ne concernait pas des opérations sur les marchés financiers.

Par ailleurs, l' article 27. 1 de la convention collective nationale des banques, applicable, relatif au licenciement pour motif disciplinaire, détaille la procédure à suivre sans évoquer la saisine du déontologue. Cependant, la commission paritaire de recours interne à l' entreprise pouvait être saisie dans un délai de 5 jours à compter de la notification du licenciement, ce que s' est bien abstenu de faire Monsieur X..., alors que la lettre du 7 avril 2006, dans sa partie finale, mentionnait bien cette possibilité.

Enfin, toujours au titre de la forme, les plaignants avaient saisi directement le directeur général de la Banque, Monsieur de E... qui a déclenché une enquête ayant abouti à la procédure de licenciement : ce processus conserve toute sa logique, dans un tel cas, sans que tous les supérieurs hiérarchiques de Monsieur X... aient à être interrogés, eu égard à la nature des faits reprochés.

L' employeur n' encourt donc aucun reproche quant à la forme suivie, les droits de Monsieur X... ayant été scrupuleusement respectés.

b) Sur les fautes alléguées concernant le dossier B...

- Le 3 février 2006, lors d' une réunion à la mairie de SAINT DENIS DE L' HÔTEL pour le lotissement du BOIS DE L' AUMÔNE, présenté par la SARL C. S. F. I. dont Madame Brigitte B... est la gérante, et portant sur le lotissement en 39 lots pour une surface de 44 439m ² (44 ha 43), celle- ci dénonce la volte face de Messieurs X... et H... représentants, à cette réunion, la société ORDEAU, en cours d' inscription, pour le financement du projet, alors qu' ils étaient intervenus auparavant au titre de représentants de la Banque Populaire.

Madame B..., qui était titulaire d' un compte, au nom de sa société dans les livres de la Banque à SAINT AVERTIN depuis le 6 février 2004 atteste " que connaissant Monsieur X... de la Banque Populaire qui avait notamment été chargé de financer mon acquisition en 2003... ainsi que l' achat de deux terrains à bâtir... j' ai donc contacté Monsieur X... pour le lotissement de SAINT DENIS DE L' HOTEL pour lui demander que la Banque Populaire prenne en charge mon projet... ".

Monsieur Raymond L..., géomètre, atteste aussi que « la société CSFI m' a informé que le projet sus évoqué serait financé par la Banque Populaire conformément aux négociations intervenues ».

Madame Odile G..., maire de SAINT DENIS DE L' HÔTEL confirme, le 28 mars 2006, « que le projet CSFI de Monsieur et Madame B... a, dans mon esprit, toujours été assimilé à la Banque Populaire et ce, depuis la présentation au conseil municipal... ».

Monsieur X... reconnaît lui- même « avoir remis, le 12 octobre 2004, une carte de visite de la Banque, faute d' avoir sur lui une carte de visite personnelle qu' il avait pris soin de rayer et d' ajouter ses coordonnées personnelles ».

Dans ce contexte, Monsieur Vincent J..., directeur général des services de la mairie de SAINT DENIS DE L' HÔTEL envoie un courriel, le 10 mars 2006, à Monsieur A... directeur général adjoint de la Banque, où il précise : «... je vous confirme que le 3 février 2006, nous avons rencontré avec Michel I..., adjoint aux travaux Messieurs X... et H... au sujet de la réalisation d' un lotissement au lieu dit " BOIS DE L' AUMÔNE " qui se sont présentés comme les financeurs, à titre privé, par la création d' une société dénommée ORDEAU de l' opération initiée par la société CSFI (Monsieur et Madame B...). Ils nous ont indiqué lors de cette réunion que les consorts B... n' étaient pas fiables financièrement et juridiquement. Ils nous ont proposé de continuer l' opération sans Monsieur et Madame B... et nous ont présenté un nouveau lotisseur digne de confiance ».

Monsieur I..., précité, adjoint au maire admet dans un courrier du 21 mars 2006 que « Monsieur X... nous a fait part de ses soucis personnels entre Monsieur et Madame B... pour des problèmes juridiques sur les constructions qui lui sont propres ».

Monsieur J..., dans un second courriel du 21 mars 2006 prévient Monsieur A... de prendre toutes les précautions qui s' imposent sur les faits que je vous ai rapportés, dans l' attente du courrier de Monsieur I..., et « sur lesquels je ne reviens pas ».

Il est donc établi que Monsieur X..., ce jour- là a dénigré Monsieur et Madame B..., clients de la banque auprès des élus et des fonctionnaires municipaux de SAINT DENIS DE L' HÔTEL dans le but de saboter leurs projets. Effectivement, le CSFI n' a pu emporter le marché, en définitive.

- Le règlement intérieur, que ne pouvait ignorer ce cadre supérieur, présent dans la Banque depuis 31 ans, prescrit, en son article 26- 1 intitulé « conflit d' intérêts » que « le collaborateur ne doit pas intervenir dans toute opération bancaire ou financière qui pourrait le placer en situation de conflit d' intérêts. Il ne peut pas, non plus, intervenir directement face à un client pour son propre compte... dans quelque opération bancaire ou financière ».

C' est pourtant ce que Monsieur X... a effectué, en se plaçant comme financeur, par le biais de la société ORDEAU, auprès de la société CSFI, elle- même cliente de la Banque Populaire.

- De même, l' article 13. 1 du règlement intérieur rappelle que « le collaborateur doit utiliser les locaux... systèmes d' information mis à disposition pour l' usage professionnel auquel ils sont destinés... ils ne sauraient être utilisés à des fins personnelles par les collaborateurs sauf circonstances exceptionnelles et accord explicite du responsable hiérarchique... ».

Or l' agenda des époux B..., croisé avec l' agenda électronique de Monsieur X... démontre qu' ils se sont rencontrés le 20 septembre 2004 à la Banque Populaire pour évoquer les projets de SAINT DENIS DE L' HÔTEL, mais aussi le 15 septembre 2005, sans compter les rencontres communes effectuées aux horaires de travail habituels, en dehors de la Banque pour monter des projets communs n' ayant rien à voir avec la Banque Populaire (le 2 décembre 2004, le 10 janvier 2005, le 14 janvier 2005, le 31 janvier 2005).

Et Madame B... a adressé un fax le 18 novembre 2005, à Monsieur X... concernant l' affaire de SAINT DENIS DE L' HÔTEL, à son numéro professionnel mais il est vrai qu' il disposait d' une autonomie certaine quant aux horaires, en tant que cadre supérieur, dans l' organisation de son temps de travail.

c) Sur les fautes alléguées concernant le dossier C...

Le Docteur et Madame Philippe C... se plaignent dans un courrier du 30 mars 2006, à Monsieur A... directeur général adjoint de la Banque Populaire en ces termes : « Clients de la B. P. V. F. depuis 1977, nous tenons à porter à votre connaissance les pratiques douteuses de certains de vos collaborateurs... à la recherche, en mars 2005, d' un financement... nous avons contacté comme intermédiaire Monsieur DE N...qui s' est chargé de présenter notre dossier auprès de Monsieur H..., de la Banque Populaire Val de France... le 29 septembre 2005, à 15h rendez- vous fut pris à notre domicile pour finaliser l' offre de prêt. Messieurs X..., H... et DE N...se sont présentés chez nous et là, surprise la seule solution préalable à tout prêt : il fallait vendre le longère que nous étions en train de restaurer... Monsieur X... a tout de suite envisagé de raser la maison 18ème et d' y implanter trois pavillons... il nous a proposé de nous louer une des deux maisons qu' il venait de faire construire à SAINT CYR SUR LOIRE... la restauration du bâtiment a donc continué, à la suite de quoi Monsieur DE N...nous fit savoir que la Banque Populaire était furieuse et nous le ferait payer.
Tout ceci nous paraît bien trouble et peu habituel dans les bonnes pratiques bancaires ».

Madame Claudie C... a confirmé dans une attestation régulière les termes de ce courrier.

Là encore, la violation de l' article 26. 1 du règlement intérieur est flagrante puisqu' en proposant de reloger les époux C..., Monsieur X... a cherché à tirer un profit personnel des relations que le client avait nouées avec la Banque pour obtenir un financement.

Au vu de l' ensemble de ces faits, caractérisés et démontrés par les pièces produites par la Banque sans que celles fournies par Monsieur X... puissent les atténuer ou les affaiblir, la Cour considère qu' il s' agit, non d' une faute grave, mais d' une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En effet, Monsieur X... s' est avéré être un collaborateur exemplaire depuis 31 ans sans aucune sanction. Il a obtenu la médaille vermeil du travail et, en conséquence, la Banque lui a versé une somme de 2 945 € de prime à cette occasion, le 20 février 2006, 46 jours avant son licenciement.

D' autre part les deux catégories de faits reprochés ne se sont pas matérialisés par une opération financière, ils sont restés à l' état de projet.

Il a existé, ainsi, une sorte de repentir actif.

La Banque ne prouve pas, par ailleurs, par des pièces, le discrédit dont elle aurait souffert de la part des clients, seul Monsieur X... a suscité l' amertume des deux clients considérés.

Et les dernières dénonciations ont bien été faites à la Banque dans les deux mois avant que la procédure de licenciement ne soit installée, ce qui suffit à rendre non prescrits les faits dénoncés.

Au total, ces faits ne justifiaient pas qu' il soit évincé de sa tâche pendant le délai de préavis.

2o) Sur les demandes financières

- La mise à pied conservatoire ne se justifiait pas, s' agissant d' un licenciement pour cause réelle et sérieuse : la somme de 3 298, 59 € à titre de rappel de salaire pendant ce laps de temps sera donc confirmée, ainsi que celle de 329, 86 € pour les congés payés.

- Le 13ème mois a été réglé en décembre 2005 pour 3 025, 43 €, mais proratisé seulement pour 613, 37 € pour les quatre premiers mois de l' année 2006, comme le contrat de travail a pris fin à l' issue des trois mois de préavis accordés aux cadres le 7 juillet 2006 il aurait dû percevoir 1 520 €. Il a donc droit à la différence 1 520 €- 613, 37 € = 906, 63 € et 90, 66 € de congés payés afférents.

- Le préavis de trois mois est référencé par rapport à la moyenne des 12 mois antérieurs. L' article R 122- 2 du code du travail dispose que toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel versée au salarié pendant cette période sera prise en compte dans la limite d' un montant calculé prorata temporis.

Aussi faut- il retenir la somme de 13 513, 40 € d' indemnité de préavis et 1 351, 34 € de congés payés afférents.

- L' indemnité de licenciement retenue ne peut être que l' indemnité légale, puisque le licenciement est intervenu pour faute disciplinaire qui exclut, selon la convention collective (article 27- 2) toute indemnité conventionnelle.

La somme calculée par les premiers juges selon l' article R 122- 2du code du travail à hauteur de 18 215, 20 € sera confirmée.

- Le licenciement pour cause réelle et sérieuse exclut toute indemnisation sur le fondement de l' article L 122- 14- 4 du code du travail et Monsieur X... sera donc débouté de sa demande de 350 000 € comme mal fondée.

Aucun texte ne prescrit la publication de cet arrêt qui, en l' occurrence, ferait une publicité désobligeante à Monsieur X..., ce dont il doit se passer pour rechercher du travail.

Aucune des parties n' ayant triomphé dans l' intégralité de ses prétentions, chacune conservera pour elle les frais de l' article 700 du code de procédure civile.

Enfin, toutes les autres demandes des parties, au vu de l' ensemble des moyens retenus dans cet arrêt seront repoussées comme mal fondées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REÇOIT, en la forme, l' appel de Monsieur Patrick X... et l' appel incident de la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE,

AU FOND, CONFIRME le jugement critiqué (CPH TOURS, encadrement, 18 juillet 2007) sur
• le licenciement de Monsieur X... le 7 avril 2006 valablement intervenu pour cause réelle et sérieuse,
• sur la condamnation, en conséquence, de la Banque à lui payer
- 3 298, 59 € de rappel de salaire pour la mise à pied,
- 329, 85 € de congés payés afférents,
- 18 215, 20 € d' indemnité légale de licenciement,

MAIS L' INFIRME, pour le surplus, et, statuant à nouveau,

CONDAMNE la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE à payer à Monsieur Patrick X...

•- 13 513, 40 € d' indemnité de préavis et 1 351, 34 € de congés payés afférents,
•- 906, 63 € au titre du 13ème mois proratisé et 90, 66 € de congés payés afférents,

DIT que ces sommes seront dues en deniers ou quittances, les sommes de nature salariale portant intérêts au taux légal à compter de la demande, 2 mai 2006, et les sommes de nature indemnitaire à compter du jugement du 18 juillet 2007,

ORDONNE la remise à Monsieur Patrick X... par l' employeur d' un bulletin de paie et d' une attestation ASSEDIC conformes à cet arrêt,

DEBOUTE les parties de toutes les autres demandes,

PARTAGE les dépens de première instance et d' appel par moitié entre les parties.

Et le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre et par le Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 07/02030
Date de la décision : 27/03/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Tours


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-27;07.02030 ?
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