COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS
Me Elisabeth BORDIER
SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE
27/03/2008
ARRÊT du : 27 MARS 2008
No RG : 07/01398
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 05 Avril 2007
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
SOCIETE CIVILE DE PRODUCTION AGRO-ALIMENTAIRE DE SAINTE MARTHE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, Ferme de Sainte Marthe - 41200 MILLANCAY
représentée par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour
ayant pour avocat Me SIMON de la SELARL A.CO.R, du barreau de PARIS
D'UNE PART
INTIMÉE :
Sa SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE LIGEA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 1 rue Franciade - 41260 LA CHAUSSEE ST VICTOR
représentée par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Elisabeth DE KREUZNACH, de la SELARL TREMBLAY du barreau de PARIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 08 Juin 2007
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre,
Monsieur Alain GARNIER, Conseiller,
Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.
Greffier :
Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 FÉVRIER 2008, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 27 MARS 2008 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En 1993, la société coopérative agricole FRANCIADE, aux droits de laquelle vient la société coopérative agricole LIGEA (la société LIGEA), et la société civile de production agrobiologique et alimentaire de SAINTE MARTHE (la société SAINTE MARTHE) ont présenté une demande de concours communautaire auprès de la Commission des Communautés Européennes dans le cadre d'un projet pilote d'agriculture biologique. Par décision du 26 novembre 1993, la Commission des Communautés Européennes a accordé à la société FRANCIADE une subvention du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) d'un maximum de 812.571 Ecus susceptible de remboursement en cas de non respect des conditions d'utilisation, et les sociétés FRANCIADE et SAINTE MARTHE ont conclu le 17 janvier 1994 une convention de délégation et de répartition des actions et du montant de la subvention comportant une « caution solidaire » de la société SAINTE MARTHE pour toutes les sommes qui seraient réclamées par l'administration européenne. La société FRANCIADE s'étant vu notifier par les Communautés Européennes une demande de remboursement d'un montant de 316.785,37 Euros, suite à un contrôle sur place, et s'étant acquittée de cette somme, a vainement demandé à la société SAINTE MARTHE de lui restituer la part lui revenant dans le projet, et a assigné cette dernière, par acte du 27 octobre 2004, en paiement de la somme réclamée.
Par jugement du 5 avril 2007, le Tribunal de grande instance de BLOIS a condamné la société SAINTE MARTHE à payer à la société LIGEA la somme de 233.470,81 Euros, outre celle de 2.319 Euros à titre d'intérêts de retard, ainsi qu'une indemnité de procédure de 1.500 Euros.
La société SAINTE MARTHE a relevé appel.
Par conclusions signifiées le 2 octobre 2007, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, elle fait valoir que les pièces du dossier démontrent que la société FRANCIADE était le principal instigateur du projet et en assumait la responsabilité essentielle, comme indiqué dans la décision de la Commission des Communautés Européennes. Elle rappelle que les actions qui lui ont été déléguées par la convention du 17 janvier 1994 devaient être réalisées après accord du coordinateur FRANCIADE. Elle prétend que le Tribunal, en fondant sa décision sur le seul article 6, a dénaturé les termes de cette convention, alors que la société LIGEA, recherchant sa responsabilité au titre des articles 1134 et 1147 du Code civil, devait prouver le manquement de sa cocontractante à une obligation souscrite. Elle conteste la validité de la clause de caution solidaire qui ne respecte pas les dispositions de l'article 1326 du Code civil et ne peut constituer un engagement de restitution sans condition, c'est à dire quelles que soient les modalités d'exécution du contrat. Elle estime que la société FRANCIADE était seule responsable des conditions d'utilisation des fonds prévues par la décision de la Commission du 26 novembre 1993, sans effet à son encontre au regard de l'article 1165 du Code civil. Elle ajoute que la société intimée ne précise pas en quoi elle n'aurait pas respecté la seule convention qui lui soit applicable, celle du 17 janvier 1994, le coordinateur devant veiller à la bonne exécution des travaux. Elle sollicite, en dernier lieu, l'allocation de la somme de 5.000 Euros à titre d'indemnité de procédure.
Par ses écritures du 19 novembre 2007, la société LIGEA relève que le projet a été mené conjointement, que la société SAINTE MARTHE devait réaliser l'essentiel des actions et des investissements, soit 73,70 % de ceux-ci et qu'elle avait parfaite connaissance des termes de la décision de la Commission Européenne annexée à la convention du 17 janvier 1994 et donc des conditions de l'aide accordée. Elle considère que la société appelante est responsable de la demande de remboursement pour ne pas avoir mené à bien les missions dont elle avait la charge et doit ainsi réparation du préjudice subi. Elle affirme qu'en tout état de cause, la société SAINTE MARTHE s'est engagée, aux termes de l'article 6 de la convention du 17 janvier 1994, à garantir la société FRANCIADE de toute demande de restitution formulée par la Commission Européenne. Elle conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société SAINTE MARTHE à lui verser la somme de 5.000 Euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'issue des débats, le président d'audience a indiqué aux parties que l'arrêt serait rendu le 27 mars 2008.
SUR QUOI
Attendu que la convention de délégation conclue entre les parties le 17 janvier 1994 prévoit que la société SAINTE MARTHE est chargée de réaliser, à son initiative et sous sa seule responsabilité, après accord du coordinateur FRANCIADE, la conservation d'espèces légumières et fruitières menacées, des investissements dans une partie du système informatique et dans une chambre froide, l'engagement d'un ouvrier agricole pour l'exécution des tâches, la confection d'un support audiovisuel à caractère pédagogique et la traduction en anglais de dossiers ; qu'elle stipule que la part d'aide communautaire pouvant être attribuée à la société SAINTE MARTHE correspond à une somme maximum de 598.877 Ecus ; que, selon l'article 6 de la convention précitée, intitulé « caution solidaire », « la SCPAA SAINTE MARTHE, représentée par son gérant, Monsieur Philippe A..., déclare se porter caution solidaire et indivisible au bénéfice de la FRANCIADE pour toutes les sommes qui auront été reçues au titre des aides de la CEE sous couvert de la FRANCIADE et qui seraient contestées ou réclamées ultérieurement par l'administration (CEE) » ;
Attendu qu'en dépit de l'intitulé erroné de cette clause qui ne se réfère pas à la garantie de la dette d'un débiteur principal à l'égard d'un créancier et ne peut donc constituer un cautionnement, l'engagement de rembourser à la FRANCIADE toutes les sommes qui pourraient être réclamées par la Commission des Communautés Européennes s'analyse comme une garantie autonome que la société SAINTE MARTHE a contractée envers la société FRANCIADE, indépendante du contrat de base, en l'occurrence la décision de la Commission Européenne du 26 novembre 1993, et n'impliquant pas appréciation des modalités d'exécution de celui-ci pour l'évaluation des montants garantis, ou pour la détermination des durées de validité ;
Que l'engagement de la société SAINTE MARTHE est, d'ailleurs, causé, dès lors qu'elle a eu un intérêt économique à l'intervention de la décision de la Commission Européenne, peu important qu'elle ne soit pas désignée comme destinataire de cette décision ;
Qu'en outre, l'acte de délégation du 17 janvier 1994 crée des obligations réciproques à la charge de chaque partie, réalisation d'actions d'un côté et allocation d'une fraction importante (73,70 %) de la subvention de l'autre, de sorte qu'il s'agit d'un contrat synallagmatique auquel l'article 1326 du Code civil n'est pas applicable ;
Attendu, dans ces conditions, qu'il n'y a pas lieu de rechercher si les parties ont manqué à leurs obligations dans la mise en oeuvre de la décision européenne d'octroi d'une subvention, et que la société SAINTE MARTHE n'est pas fondée à différer le paiement des sommes réclamées dont elle ne remet pas en cause le montant, ni à soulever des objections ou des contestations sur les responsabilités respectives des parties, alors que la clause de garantie ne comporte aucune réserve, le jugement étant confirmé de ce chef ;
Attendu que la société SAINTE MARTHE supportera les dépens d'appel et versera une indemnité de 3.000 Euros à la société LIGEA au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris ;
Condamne la société civile de production agrobiologique et alimentaire de SAINTE MARTHE aux dépens d'appel, et à payer la somme de 3.000 Euros à la société coopérative agricole LIGEA par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Accorde à la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, titulaire d'un Office d'Avoué, le droit reconnu par l'article 699 du même code ;
Et le présent arrêt a été signé par Monsieur REMERY, Président, et Madame FERNANDEZ, Greffier présent lors du prononcé.