COUR D' APPEL D' ORLÉANS
CHAMBRE SOCIALE
Prud' Hommes
GROSSES le 6 mars 2008
à
Me Marc DUMOULIN
la SCP AGUERA ET ASSOCIES
COPIES le 6 mars 2008
à
Caroline Y...
S. A. S. IRIS SOLUPACK
ARRÊT du : 06 MARS 2008
MINUTE No : No RG : 07 / 01509
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD' HOMMES DE BLOIS en date du 04 Juin 2007- Section : ACTIVITÉS DIVERSES
ENTRE
APPELANTE :
• Madame Caroline Y..., demeurant ...
comparant en personne, assistée de Me Marc DUMOULIN, avocat au barreau de BLOIS
ET
INTIMÉE :
• La Société par Actions Simplifiée IRIS SOLUPACK, dont le siège social est Route de Saint Privat- 30340 SALINDRES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par Me FILLIOZAT, avocat au barreau de PARIS de la SCP AGUERA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON (inter- barreaux)
Après débats et audition des parties à l' audience publique du 07 Février 2008
LA COUR COMPOSÉE DE :
Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre
Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller
Madame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller
Assistés lors des débats de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier,
Puis ces mêmes magistrats en ont délibéré dans la même formation et à l' audience publique du 06 Mars 2008,
Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier, a rendu l' arrêt dont la teneur suit :
RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE
Madame Caroline Y... a saisi le Conseil de Prud' hommes de BLOIS de diverses demandes à l' encontre de la SAS IRIS SOLUPACK, pour le détail desquelles il est renvoyé au jugement du 4 juin 2007.
Elle a été déboutée.
Le jugement lui a été notifié le 16 juin 2007.
Elle en a fait appel le 21 juin 2007.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
Elle demande :
• 4. 020 euros de dommages et intérêts pour ne pas avoir organisé les élections de délégués du personnel ;
• 36. 180 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
• 4. 020 euros de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage ;
• 4. 000 euros en application de l' article 700 du Code de Procédure Civile.
Après s' en être rapportée à l' appréciation de la Cour sur la recevabilité de l' appel, elle expose qu' elle était technicienne qualité et qu' elle a été licenciée pour motif économique le 7 février 2006.
Elle soutient que la société n' a pas organisé des élections de délégués du personnel, alors qu' ils devaient être consultés, la suppression d' un poste impliquant une réorganisation générale de l' entreprise, et qu' ainsi elle n' a pu être assistée de l' un d' eux lors de l' entretien préalable.
Elle critique ensuite la réalité et le sérieux des difficultés, observe qu' on lui avait imposé un changement de fonction (assistante administrative), et qu' ainsi le poste supprimé n' était pas le sien, soutient que la société a méconnu son obligation de reclassement, et affirme que l' ordre des licenciements a été méconnu.
Elle précise enfin qu' elle n' a reçu aucune proposition de réembauchage.
La société estime que l' appel est irrecevable car :
il doit être adressé au greffe, alors qu' il l' a été au Président ;
il doit mentionner l' objet de la demande, ce qui n' est pas le cas.
Elle explique que les délégués du personnel ont été élus après le licenciement et qu' ils n' avaient pas à être consultés sur un licenciement individuel.
Elle expose pourquoi il était nécessaire de sauvegarder la compétitivité, tant à son niveau qu' à celui du groupe, que l' obligation de reclassement a été respectée (Mme Y... a refusé 3 propositions) et que les critères ont été correctement appliqués.
Elle remarque que la priorité de réembauchage n' avait pas à s' appliquer puisque l' appelante n' en a pas demandé le bénéfice. Elle précise que ce sont les tâches de Mme Y... qui ont été modifiées, et non sa qualification, et, à la demande de la Cour, que le Groupe SBM DÉVELOPPEMENT comprend trois sociétés.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L' appel a été interjeté dans le délai légal.
Selon l' article R517- 7 du Code du Travail, il est adressé au greffe de la Cour.
En l' espèce, il a été adressé a " la Cour d' appel, chambre sociale, M. Le Président ".
Toutefois, il a été réceptionné par le greffe de la cour, comme le démontre le cachet apposé. Il est donc régulier.
Par ailleurs, la phrase " nous vous demandons d' enregistrer notre appel contre le jugement......... ".. indique quel est son objet.
L' appel est recevable.
L' activité de la société est le conditionnement à façon de produits phyto- sanitaires.
Madame Y..., engagée le 1er décembre 1990 par la société FRANCIADE FRAIS, est passée au service de la Société d' Empaquetage FRANCIADE, puis de la SAS IRIS SOLUPACK. Elle était technicienne qualifiée.
Elle a été licenciée pour motif économique le 7 février 2006, dans les termes suivants :
" La décision de rupture de votre contrat de travail résulte des résultats déficitaires de l' entreprise au cours des trois premiers mois de l' exercice courant et de l' insuffisance persistante d' activité des sites de BLOIS et de VINEUIL, auxquels vous êtes affectée. A fin décembre, le résultat de ces deux sites est ainsi déficitaire de 129 KF alors qu' il devrait être légèrement positif.
Alors même que l' activité devrait correspondre à un pic important sur la période hivernale, les premiers éléments comptables rassemblés et ceux fournis par nos clients montrent que les perspectives projetées pour la campagne 2006 ne seront pas atteintes. En particulier, l' activité du principal client du site de Blois se révèle sensiblement inférieure aux prévisions initiales.
L' absence de perspective de redressement nous a conduit à devoir ajuster l' équilibre entre les opérationnels et fonctionnels et à supprimer votre poste.
Ces motifs vous ont été expliqués lors de l' entretien préalable du 23 janvier 2006, auquel vous vous êtes présentée accompagnée de Monsieur Stéphane A..., reconnu conseiller du salarié par la Préfecture du Loir et Cher. Lors de cet entretien, et sur votre demande, ont été évoquées les critères pris en compte pour la suppression de votre poste : expertise de l' utilisation du logiciel de gestion de production, relations client et situation individuelle (familiale et professionnelle).
Par ailleurs, vous n' avez pas répondu positivement à nos offres de reclassement en tant qu' opératrice postée de fabrication, qui induisait une diminution de votre rémunération. Suite à l' impossibilité de vous proposer un autre poste dans l' entreprise, ou au sein du groupe SBM Développement, nous somme dans l' obligation de rompre le contrat de travail qui nous lie ".
LE RECLASSEMENT
Selon l' article L 321- 1 du Code du Travail, il concerne les emplois équivalents ou ceux de catégorie inférieure existant " dans les entreprises du groupe auquel l' entreprise appartient ".
La recherche doit donc être exhaustive et tous les postes existant doivent être proposés, l' employeur ne pouvant se borner à n' en offrir que quelques uns s' il en existe davantage.
Lors de l' entretien préalable, il a été proposé :
un poste d' opératrice de fabrication à l' usine de BLOIS VINEUIL
un poste d' opératrice de fabrication à l' usine de SALINDRES
un poste de conductrice d' appareil ou de ligne chez SBM Formulation, autre Société du groupe, à BÉZIERS.
Madame Y... n' a pas donné suite.
Il résulte du registre du personnel de la société IRIS qu' elle n' en avait pas d' autre à proposer en son sein.
Toutefois, selon l' organigramme du groupe, celui- ci comporte :
effectivement, la société SBM Formulation ;
la société holding SBM Développement (9 salariés)
la société CAPRICOL (vente de produits phytosanitaire, 31 salariés).
L' intimée aurait donc du fournir, soit le registre du personnel de ces trois sociétés, soit une lettre les interrogeant sur les possibilités de reclassement et les réponses reçues, pour démontrer que la société SBM Formulation n' avait pas d' autre poste que celui de conductrice, et qu' il n' y avait pas de possibilité au sein des deux autres entités.
Ces justifications insuffisantes privent le licenciement de cause réelle et sérieuse.
L' ORDRE DES LICENCIEMENTS
Il s' apprécie par catégories professionnelles.
La société ne peut soutenir que le poste d' assistante qualité constituait à lui seul une telle catégorie.
Elle en était tellement consciente qu' elle a établi un ordre pour opérer un choix entre Mme Y... et ses collègues assistantes administratives. En effet ces salariées pouvaient occuper l' un ou l' autre de ces postes, au besoin après une courte formation (la société ne conteste pas qu' en tout dernier lieu Mme Y... était devenue assistante administrative économique).
Elle a retenu les critères légaux (âge, ancienneté, situation familiale, qualités professionnelles) en y ajoutant un critère appelé " localisation ", les salariées de BLOIS VINEUIL ayant à cet égard 0 point et ceux de SALINDRES 2 points.
L' explication avancée dans le cadre de la procédure est que les salariées de SALINDRES " connaissent les clients et les méthodes de travail ".
Or les qualités professionnelles recouvrent plusieurs rubriques (connaissance GPAO groupe, facturation, relations clients, approvisionnements / plannings, affrètement transport) faisant que la connaissance des clients et des méthodes de travail sont déjà comptabilisées à ce titre.
Par ailleurs, il n' est pas expliqué pourquoi les salariées de SALINDRES connaîtraient mieux les clients et les méthodes de travail.
Ce critère supplémentaire ne repose sur aucune réalité.
Or c' est pourtant lui qui a fait la différence avec la salariée de SALINDRES " BL " qui, avec les 2 points de localisation, a six points, alors que Mme Y..., sans ces 2 points, n' en a que cinq ; sans ce critère, ce n' est pas l' appelante qui aurait été licenciée.
Le préjudice en découlant va donc jusqu' à la perte injustifiée de l' emploi et sera indemnisé sur les mêmes bases que le licenciement infondé.
Les dommages et intérêts ne peuvent être inférieurs au salaire des six derniers mois (Mme Y... a plus de deux ans d' ancienneté dans une entreprise d' au moins 11 salariés).
Outre son ancienneté importante, elle justifie par des relevés d' indemnités ASSEDIC avoir été au chômage :
• de février à août 2006 ;
• de janvier à mars 2007.
Son préjudice matériel et moral sera évalué à 20. 000 euros.
Le remboursement des indemnités chômage sera ordonné, dans la limite de 3 mois.
LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS POUR LA NON ORGANISATION DES ÉLECTIONS DE DÉLÉGUÉS DU PERSONNEL
la société IRIS, qui a repris des activités de la Société SOLUPACK le 1er octobre 2005, aurait dû organiser des élections de délégués du personnel, puisqu' elle avait au moins 11 salariés.
En ce cas, Madame Y... aurait pu se faire assister d' un délégué, nécessairement plus au fait de la problématique économique de la société et du groupe qu' un conseiller extérieur.
Le préjudice en découlant sera évalué à 300 euros.
LA PRIORITÉ DE RÉEMBAUCHAGE
Il suffit de constater que Madame Y... n' en a pas demandé le bénéfice, alors qu' elle aurait dû le faire si elle voulait en user (article L 321- 14 du Code du Travail), pour la débouter.
LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES
Il est inéquitable que Mme Y... les supporte. Il lui sera alloué 1. 600 euros.
LES DÉPENS
La SAS IRIS SOLUPACK les supportera.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE l' appel recevable ;
INFIRME le jugement, et, STATUANT à nouveau,
CONDAMNE la SASL IRIS SOLUPACK à payer à Madame Caroline Y... :
20. 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non respect des critères de licenciement ;
300 euros de dommages et intérêts pour l' organisation tardive des élections de délégué du personnel ;
1. 600 euros en application de l' article 700 du Code de Procédure Civile.
ORDONNE le remboursement, par la SAS IRIS SOLUPACK, des indemnités de chômage payées à Madame Caroline Y... du jour de la rupture, dans la limite de trois moins d' indemnités.
Y AJOUTANT, REJETTE les dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauche ;
CONDAMNE la SAS IRIS SOLUPACK aux dépens de première instance et d' appel.
Et le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre et par le Greffier.