COUR D'APPEL D'ORLEANS CHAMBRE SOCIALE
PRUD'HOMMES
GROSSES le 14 FEVRIER 2008
à
Me LE METAYER-CAILLAUD-CESAREO
la SCP MADRID-CABEZO-MADRID-FOUSSEREAU
COPIES le 14 FEVRIER 2008
à
S. N. C. APPIA LOIRET
Omar Y...
ARRÊT du : 14 FEVRIER 2008
N° RG : 07 / 01110
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes D'ORLEANS en date du 05 Avril 2007 - Section : INDUSTRIE
ENTRE
APPELANTE :
• La Société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE DE FRANCE CENTRE venant aux droits de la S. N. C. APPIA LOIRET, dont le siège social est 57 Rue Hatton-B. P. 57-45750 SAINT PRYVE SAINT MESMIN, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège
représentée par Me LE METAYER de la SCP LE METAYER-CAILLAUD-CESAREO, avocat au barreau d'ORLEANS
ET
INTIMÉ :
• Monsieur Omar Y..., né le 01 Janvier 1944 à BENI AMAL (MAROC), demeurant ...
représenté par Me MADRID de la SCP MADRID-CABEZO-MADRID-FOUSSEREAU, avocats au barreau d'ORLEANS
Après débats et audition des parties à l'audience publique du 17 Janvier 2008
LA COUR COMPOSÉE DE :
Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre
Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller
Madame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller
Assistés lors des débats de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier,
Puis ces mêmes magistrats en ont délibéré dans la même formation et à l'audience publique du 14 Février 2008, Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Monsieur Omar Y... a été engagé le 5 août 1977 par la SNC APPIA LOIRET devenue EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS, sans contrat de travail écrit en qualité d'ouvrier routier.
Courant 2005, il a rencontré d'importants problèmes de santé qui ont conduit à son placement en arrêt de travail du mois de mars 2005 au mois de février 2006.
À l'issue de la visite médicale de reprise, le 2 février 2006, le médecin du travail le déclare inapte en ces termes :
" inapte au poste proposé à dater de ce jour en application de la procédure d'urgence de l'article R 241-51-1 ".
Monsieur Y... est licencié pour inaptitude le 2 mars suivant.
Par requête du 12 octobre 2006, il conteste son licenciement devant le conseil de prud'hommes d'ORLÉANS qui est saisi de plusieurs demandes pour le détail desquelles il est renvoyé au jugement du 5 avril 2007, la cour se référant également à cette décision pour l'exposé des faits, de la demande reconventionnelle et des moyens initiaux des parties.
Le licenciement est annulé et salarié se voit allouer :
• 13. 350 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
• 2. 650 euros d'indemnité compensatrice de préavis
• 265 euros de congés payés afférents.
Le 9 mai 2007, l'employeur relève appel du jugement notifié le 16 avril 2007.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A / L'employeur
L'appelante, poursuit l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Au soutien de son appel, elle fait valoir que le médecin du travail l'a très clairement déclaré inapte à son poste de travail de terrassier, le seul qu'il ait jamais occupé depuis 28 ans au sein de l'entreprise et que la fiche d'aptitude ne laisse pas de doute sur la position prise du Docteur Z..., lequel en écrivant " à dater de ce jour ", ne laisse pas de place au doute quant à l'inutilité d'une seconde visite.
La société EIFFAGE ajoute que cette fiche était accompagnée d'une lettre précisant que l'état physique du salarié n'était pas compatible avec un travail de chantier, et qu'il y avait tout lieu de considérer que le maintien de Monsieur Y... dans son emploi même le temps de la deuxième visite faisant courir à celui-ci un risque d'aggravation.
Elle indique par ailleurs, avoir respecté son obligation en matière de reclassement, les documents versés aux débats démontrant qu'elle avait effectué des recherches approfondies et sérieuses en ce sens.
Enfin, l'employeur soutient que l''indemnité compensatrice de préavis n'est pas due dès lors que le salarié n'était pas en mesure de travailler pendant le préavis.
Subsidiairement, elle rappelle que le préjudice doit être établi pour donner lieu à une indemnité supérieure au minimum, et que ce n'est pas le cas en l'occurrence, dès lors que Monsieur Y... aurait dû, en tout état de cause, prendre sa retraite le premier janvier 2009 et qu'il a reçu une indemnité conventionnelle de 7. 292 euros puis les indemnités de l'Assedic, soit une perte maximale avant impôt de 4. 960 euros.
B / Le salarié
Omar Y... sollicite la confirmation du jugement hormis concernant le montant des dommages et intérêts estimant son préjudice à 24. 000 euros.
Il fait valoir, en réplique, que le licenciement est nul et de nul effet faute pour le médecin du travail d'avoir expressément constaté la situation de danger immédiat qui dispense l'employeur de faire effectuer une seconde visite dans les quinze jours, la seule référence à l'article R 241-51-1 du code du travail étant insuffisante à cet égard.
À titre subsidiaire, il demande à la cour de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer les mêmes sommes de ce chef y compris l'indemnité compensatrice de préavis à laquelle il a droit, dès lors que société EIFFAGE ne justifie pas de recherches suffisantes en vue de son reclassement, si besoin en procédant à des aménagements ou des transformations de poste.
Il précise que des postes étaient en effet disponibles dans d'autres entreprises du groupe pour des travaux de tri ou de nettoyage ou encore un poste administratif de production ou de chauffeur. Il prétend qu'il aurait également pu occuper le poste de la personne chargée de mettre en place la signalisation ou encore de diriger le camion qui étale le goudron sur la route, ces postes ne demandant ni qualification ni aptitudes physiques particulières.
Monsieur Y... indique enfin que son préjudice est beaucoup plus important que ce que veut bien admettre son employeur dans la mesure où il aurait perçu, en tout état de cause, son indemnité de départ à la retraite tout en ayant continué de percevoir l'intégralité de son salaire pendant plusieurs années, et ceci sans égard à son préjudice moral qui est aussi très important après de si nombreuses années d'ancienneté.
La cour renvoie expressément aux conclusions des parties conformes à leurs plaidoiries, déposées le 14 janvier 2007 pour Monsieur Y... et le 16 janvier suivant pour la société EIFFAGE, pour le développement de leurs moyens respectifs.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la nullité du licenciement
L'article R 241-51-1 du code du travail dispose que :
" Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés le cas échéant, des examens complémentaires mentionnés à l'article R 241-52 ".
Ces dispositions renvoient à deux situations possibles à savoir celle du salarié pour lequel la reprise du travail même pendant deux semaines serait susceptible d'aggraver son état et celle de celui qui peut reprendre une activité durant cette même période de temps, sans pour autant menacer sa santé ou celle des tiers.
Il s'ensuit que le médecin du travail qui vise à la fois le dit article et l'urgence se positionne nécessairement et clairement par rapport à la situation de danger immédiat toute autre interprétation revenant à dénaturer le sens de son avis.
Par ailleurs, " le poste proposé " à ce stade de la procédure ne peut s'entendre que de celui qu'avait toujours occupé le salarié, la société n'ayant pas encore effectué la moindre proposition de reclassement à la date du 2 février 2006.
Ainsi, la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS n'avait pas à exiger une seconde visite de contrôle avant d'engager la procédure de licenciement.
2. Sur la cause réelle et sérieuse
L'article L 122-24-4 du code du travail dispose que " A l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte-tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin, par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de poste de travail ".
Ces dispositions sont applicables à tout contrat de travail et l'employeur a l'obligation de rechercher toutes les solutions permettant la poursuite du contrat de travail du salarié alors même que le médecin du travail aurait déclaré ce dernier inapte à tout emploi dans l'entreprise et a conclu à l'impossibilité de son reclassement dans la dite l'entreprise.
C'est également à lui qu'il incombe de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclasser son salarié dans les termes du texte.
Le médecin du travail a constaté Monsieur Y... était inapte à son poste.
Dans sa lettre d'accompagnement, il précisait que l'état physique du salarié n'était pas compatible avec " un travail de chantier (pas de terrassement, pas de conduite d'engins, pas de port de charges lourdes, pas d'utilisation d'outils vibrants, pas de travail station debout prolongée, à genoux, ou accroupie, les travaux en hauteur, ainsi que tout travail nécessitant une force importante) ".
La recherche de reclassement doit s'effectuer au niveau de l'entreprise et de ses établissements ; si elle appartient à un groupe de société l'employeur est tenu d'effectuer cette recherche parmi les entreprises du groupe dont les activités l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la mutation de tout ou partie du personnel.
Pour autant, l'obligation de l'employeur ne va pas jusqu'à devoir proposer une formation de reconversion.
En l'occurrence, le poste de travail du salarié ne pouvait en aucune manière être aménagé ou transformé compte tenu de sa nature et des réserves émises par le médecin du travail.
Par ailleurs, la société EIFFAGE justifie avoir interroger l'ensemble des entreprises du groupe qui ont toutes répondu qu'elles ne disposaient pas de poste disponible pouvant convenir au profil du salarié.
Celui-ci n'étant pas en mesure d'occuper un emploi nécessitant une station debout prolongée, à genoux ou accroupie, le poste de régulateur de circulation ou encore un poste de tri et de nettoyage étaient exclus sachant de surcroît qu'il ne pouvait pas porter des charges lourdes.
L'exclusion des postes de conduite n'autorisait pas davantage un emploi de chauffeur.
Concernant le poste d'administratif de production de la société CRB ou celui d'acheteur occasionnel ETAM, invoqués par le salarié ou encore de technicien de maintenance, ils supposaient une qualification sans rapport avec l'activité antérieure du salarié.
Il s'ensuit que le licenciement de Omar Y... repose sur une cause réelle et sérieuse et que ses demandes ne peuvent prospérer.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement pour inaptitude de Monsieur Omar Y... fondé sur une cause réelle et sérieuse
En conséquence,
Déboute celui-ci de l'ensemble de ses demandes
Condamne le même aux entiers dépens de première instance et d'appel
Et le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre et par le Greffier
Geneviève JAMAIN, Daniel VELLY.