COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS Me GARNIER Me BORDIER
ARRÊT du : 11 OCTOBRE 2007
No RG : 06 / 03246
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 05 Octobre 2006
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS : Monsieur Jean X..., demeurant... 37320 TRUYES représenté par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour ayant pour avocat la SELARL ABRS, du barreau de TOURS
Madame Huguette Y... épouse X..., demeurant... 37320 TRUYES représentée par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour ayant pour avocat la SELARL ABRS, du barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉE : DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX D'INDRE ET LOIRE, demeurant 40, rue Edouard Vaillant-Hôtel des Impôts-37025 TOURS CEDEX 1
représentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 07 Décembre 2006
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré : Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre, Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller.
Greffier : Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Septembre 2007, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 11 Octobre 2007 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
La Cour statue sur l'appel d'un jugement rendu le 5 octobre 2006 par le tribunal de grande instance de Tours, tel que cet appel est interjeté par les époux X..., suivant déclaration du 7 décembre 2006, enregistrée au greffe de la Cour sous le no3246 / 2006.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :
*19 juin 2007 (par les époux X...),
* 7 août 2007 (par le directeur des services fiscaux du département d'Indre-et-Loire).
Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé ici que M. Z..., décédé le 10 janvier 2004, avait institué pour ses légataires universels les époux X..., envers lesquels, par un acte sous seing privé du 26 décembre 2003, enregistré le 30 décembre 2003, il s'est ensuite également reconnu débiteur d'une somme de 230. 880 € au titre de l'assistance qu'ils lui auraient prêtée, leur versant déjà à ce titre une somme de 40. 000 € par chèque.
Les époux X... ayant, dans la déclaration de succession, déduit, sur le fondement des articles 768 et suivants du Code général des impôts, le solde de cette dette, soit la somme de 230. 880-40. 000 = 190. 880 €, l'administration fiscale, par propositions de rectification du 18 janvier 2005, notifiées le 21 suivant à chaque légataire, a contesté cette déduction. Elle a également rapporté à l'actif, les analysant comme des donations, les montants de trois chèques tirés sur la Société générale et remis par feu M. Z... (chèque no 20 du 25 décembre 2003 de 7. 500 € à l'ordre de Mme X... ; chèque no 21 du même jour et du même montant à l'ordre de M. X..., les époux X... les analysant comme des présents d'usage ; chèque no 24 du 8 janvier 2004 d'un montant de 40. 000 € à l'ordre des époux X..., qui correspond en fait à l'avance réglée par M. Z... sur la dette d'assistance).
L'administration ayant rejeté les réclamations des époux X... et mis en recouvrement le supplément d'impôt (de 59. 685 € de droits principaux pour chaque légataire, soit 119. 370 € au total), ils ont saisi, par acte d'huissier de justice du 28 octobre 2005, le tribunal de grande instance de Tours de leurs contestations.
Celui-ci les ayant rejetées, ils ont interjeté appel.
En cause d'appel, chaque partie a présenté, plus précisément, les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du magistrat de la mise en état du 5 septembre 2007, dont les avoués des parties ont été avisés.
Par note conjointe du président et du greffier adressée la veille de la date du présent arrêt, les avoués des parties ont été également avisés que le prononcé de l'arrêt était avancé à cette date.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la déductibilité de la dette d'assistance :
Attendu, au préalable, que, si dans la déclaration de succession la somme de 40. 000 € payée par chèque daté du 8 janvier 2004 et encaissée le 12 suivant, après le décès de M. Z..., est portée distinctement, au passif, de celle de 190. 880 € correspondant au solde de la dette d'assistance, ces deux postes du passif posent globalement la question de la déductibilité de cette dette ;
Que, par application des dispositions de l'article 773. 2o du Code général des impôts, les dettes du défunt envers ses légataires, qui ne sont pas, en principe, déductibles, peuvent l'être, par exception, si, d'abord, elles ont été consenties par un acte ayant date certaine autrement que par le décès d'une des parties et si, lorsque cette condition est remplie, comme en l'espèce, les légataires prouvent la sincérité et l'existence de la dette au jour du décès ; que, dès lors, ainsi qu'il résulte du texte, l'existence d'un acte sous seing privé ayant date certaine avant l'ouverture de la succession a pour seul effet d'autoriser les légataires, qui ont la charge de la preuve, à démontrer la sincérité et l'existence de la dette, sans que l'existence de l'acte établisse par elle-même cette preuve ;
Qu'en l'espèce, le document du 26 décembre 2003 enregistré et versé aux débats n'est pas de la main de M. Z..., qui l'a seulement signé et daté, après avoir fait précéder, d'une main tremblante, la date et sa signature de la mention suivante : « Je verse en chèque 40. 000 € à valoir sur ma dette », le dit chèque n'étant d'ailleurs établi que le 8 janvier 2004 ; que, si les époux X... indiquent que ce serait M. X... qui aurait rédigé l'acte parce que M. Z... estimait son écriture illisible pour l'enregistrement, et s'ils précisent encore que M. Z... avait demandé conseil à son notaire, Me A..., et établi le brouillon-non retrouvé-que M. X... aurait recopié, la Cour ne peut que relever, avec le tribunal, que le notaire qui, pourtant, leur a écrit une lettre versée au dossier, ne dit rien sur ce point et que l'existence d'un tel document écrit par un tiers intéressé, alors qu'il suffisait de l'établir en la forme authentique pour éviter toute difficulté, si son auteur intellectuel ne pouvait l'écrire lui-même, laisse planer le doute ; que, par ailleurs, les témoignages établissent essentiellement que les époux X... faisaient des achats chez les commerçants (attestations G...; H...) pour le compte de M. Z... ; que d'autres attestations sont imprécises (M. B...évoque aide et soutien, M. C...aide et assistance) ; que M. D...et Mme E..., s'ils évoquent une aide dans toutes les tâches domestiques du quotidien ou permanente, ne donnent pas plus de détails et l'aide-ménagère, Mme F..., qui effectuait une heure de ménage deux fois pas semaine au domicile de M. Z... a simplement constaté leur présence ; que ces éléments sont insuffisants pour justifier une créance de 230. 880 €, correspondant à un travail-rémunéré 10 € de l'heure, d'après l'acte-des deux époux X... d'une durée conjointe de 37 heures par semaine, sans aucune interruption pendant 12 ans, toutes les années étant comptées pour 52 semaines ; que la demande des époux X... est sans commune mesure avec les hypothèses rencontrées en jurisprudence, notamment avec celle ayant donné lieu à l'arrêt invoqué (Cass. com. 31 mai 2005, pourv. no 03-18. 921, DGI c / Bonnet), concernant le cas d'une personne dépendante hébergée par sa soeur durant 43 ans avec prise en charge complète évaluée, pour une période ramenée à 30 ans, à la somme de 540. 000 FF ; qu'en outre on s'étonne, avec le tribunal, que M. Z..., dont les conclusions des appelants (p. 3) indiquent qu'il a découvert la notion de " créance d'assistance " dans un article du numéro d'avril 2003 de la revue Investir magazine, ait attendu le mois de décembre 2003 pour se reconnaître à ce titre débiteur envers les époux X..., qu'il avait institués légataires universels-d'un patrimoine de près de 900. 000 €, selon l'estimation de l'administration fiscale (p. 4 des conclusions de celle-ci) non contestée dans cet ordre de grandeur par les époux X... qui font état d'une succession de 866. 702,94 € (p. 13 de leurs conclusions)-par testament authentique le 9 juin 2003, sans jamais évoquer à ce moment cette question si importante à ses yeux, selon ce qui est soutenu ;
Que les redevables n'établissant pas ainsi la sincérité et l'existence de la dette litigieuse dans les termes de l'article 773. 2o du Code général des impôts, la demande de déduction sera écartée sans que le juge puisse lui-même fixer le montant de la créance invoquée à une somme réduite, comme le demande subsidiairement en appel les époux X..., qui font ainsi encore plus douter de la sincérité de la dette ;
Que de ce premier chef, le jugement sera confirmé ;
Sur les donations rapportables :
Attendu, en revanche, que les sommes remises par M. Z... aux époux X... par la transmission des deux chèques de 7. 500 € le jour de Noël 2003, que l'administration fiscale analyse comme correspondant à des dons manuels rapportables, ne constituent, compte tenu des circonstances de leur remise, un jour de fête, et de l'état de fortune de M. Z..., qui ne permet pas de qualifier les sommes versées d'excessives, que des présents d'usage non rapportables ; que, de ce second chef, le jugement sera infirmé ;
Sur les demandes accessoires
Attendu qu'en raison du rejet de leurs principales prétentions, les époux X... supporteront les dépens et, à ce titre, devront verser à l'administration fiscale la somme de 1. 800 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS LA COUR,
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort :
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les réclamations des époux X... concernant la dette d'assistance de 230. 880 € reconnue par M. Z... envers eux et REJETTE leur demande subsidiaire en fixation d'une dette d'un montant moindre ;
INFIRME le jugement en ce qui concerne la remise, le 25 décembre 2003, des deux chèques de 7. 500 €, QUALIFIE cette remise de présent d'usage et REJETTE les prétentions de l'administration fiscale à cet égard ;
DIT que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge solidaire des époux X... et qu'ils seront tenus de payer à l'administration fiscale la somme de 1. 800 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
ACCORDE à Me Garnier, titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
ET le présent arrêt a été signé par M. Rémery, Président et Mme Fernandez, Greffier ayant assisté au prononcé de l'arrêt.