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20/09/2007 | FRANCE | N°343

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 20 septembre 2007, 343


GROSSES + EXPÉDITIONSSCP LAVAL-LUEGERSCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE

ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2007
No :

No RG : 06/02690
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de TOURS en date du 22 Septembre 2006
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :S.A.R.L BERAL INVEST agissant poursuites et diligences de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège, 266 avenue Daumesnil - 75012 PARISreprésentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Courayant pour avocat Me Joëlle BENAYOUN- ORLIANGE, du barreau de PARIS

D'UNE PART
INTIMÉE :CRCAM VAL DE FRANCE prise en la

personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 1, rue Daniel Bout...

GROSSES + EXPÉDITIONSSCP LAVAL-LUEGERSCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE

ARRÊT du : 20 SEPTEMBRE 2007
No :

No RG : 06/02690
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de TOURS en date du 22 Septembre 2006
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :S.A.R.L BERAL INVEST agissant poursuites et diligences de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège, 266 avenue Daumesnil - 75012 PARISreprésentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Courayant pour avocat Me Joëlle BENAYOUN- ORLIANGE, du barreau de PARIS

D'UNE PART
INTIMÉE :CRCAM VAL DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 1, rue Daniel Boutet - 28000 CHARTRESreprésentée par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Courayant pour avocat TREMBLAY- Avocats Associés- Me DE KREUZNACH du barreau de PARIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 05 Octobre 2006
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre,Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller,Monsieur Alain GARNIER, Conseiller.

Greffier :
Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Septembre 2007, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 20 Septembre 2007 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Un groupe de trois établissements de crédit, composé de la Banque Populaire Val de France, de la CRCAM Val de France et du Crédit Lyonnais, a, par actes des 6 décembre 2000 et 24 avril 2002, consenti par parts égales à la Société MEDIPHA SANTE deux prêts respectivement de 14.010.000 F (2.135.810,73 Euros) et 1.128.000 Euros, destinés à l'acquisition de spécialités pharmaceutiques connues sous les noms de « Adenyl, Topmag et Physiocal », la Société MEDIPHA DEVELOPPEMENT, devenue BERAL INVEST, maison-mère de l'emprunteuse, se portant caution solidaire de leur remboursement. La Société MEDIPHA SANTE ayant été mise en liquidation judiciaire le 23 janvier 2004, la CRCAM Val de France a déclaré sa créance et a assigné, par acte du 16 septembre 2004, la Société BERAL INVEST en exécution de ses engagements de caution. Cette dernière a opposé, notamment, la fausseté des deux procès-verbaux de son conseil d'administration des 28 novembre 2000 et 15 novembre 2001 autorisant les engagements de caution et a sollicité un sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir suite à son dépôt de plainte avec constitution de partie civile des chefs, en particulier, de faux et usage déposée le 30 mars 2004 entre les mains du doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance d'EVRY.

Par jugement du 22 septembre 2006, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de TOURS a rejeté la demande de sursis à statuer et a condamné la Société BERAL INVEST à payer à la CRCAM Val de France la somme de 490.351,36 Euros au titre du premier prêt et celle de 342.699,28 Euros au titre du second, avec intérêts au taux contractuel à compter du 1er août 2004, outre une indemnité de procédure de 2.000 Euros.

La Société BERAL INVEST a relevé appel. En cours de procédure, elle a sollicité du magistrat de la mise en état qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir. Ce magistrat, par ordonnance d'incident du 28 mars 2007, s'est déclaré incompétent au motif qu'il ne pouvait lui-même être le juge d'appel de la décision des premiers juges et qu'il appartenait à la formation collégiale de la Cour de se prononcer sur cette demande.
La Société BERAL INVEST demande à la Cour, par infirmation de la décision entreprise, à titre principal, de surseoir à statuer, et à titre subsidiaire, de prononcer la nullité des engagements de caution soit en raison de la nullité qui entache les procès-verbaux du conseil d'administration, soit pour absence de cause ou à tout le moins par suite de l'affectation des fonds à un emploi différent de celui spécifié au contrat, la faute de la banque dans l'absence de contrôle des opérations devant, très subsidiairement, être sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts équivalents aux sommes réclamées. De son côté, la CRCAM Val de France conclut à la confirmation du jugement.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, qui seront analysés en même temps que leur discussion dans les motifs qui suivent, il est expressément renvoyé à la décision entreprise et aux dernières conclusions signifiées les 19 juin 2007 (Société BERAL INVEST) et 18 juin 2007 (CRCAM Val de France).
Par note conjointe du président et du greffier adressée la veille de la date du présent arrêt, les avoués des parties ont été également avisés que le prononcé de l'arrêt était avancé à cette date.
SUR QUOI

Sur la demande de sursis à statuer et la validité des cautionnements
Attendu que, conformément aux stipulations des deux actes de prêts, la société emprunteuse a fourni aux banques le procès-verbal des délibérations du conseil d'administration de la Société MEDIPHA DEVELOPPEMENT des 28 novembre 2000 et 15 novembre 2001 autorisant le président de cette société, au nom et pour le compte de celle-ci, à se porter caution de la Société MEDIPHA SANTE au profit des trois banques en garantie des prêts de 14.010.000 F et 1.131.000 Euros ; que la société appelante soulève la nullité des engagements de caution au motif que les autorisations précitées auraient été données irrégulièrement, voire constitueraient des faux ; qu'elle souligne, d'abord, que ces procès-verbaux sont signés du président, Monsieur Jean B..., représentant légal des deux sociétés cautions et cautionnées, et de son épouse Madame Pierrette B... administrateur et actionnaire de la Société MEDIPHA DEVELOPPEMENT, lesquels signataires, en leur qualité d'intéressés, au sens des articles L. 225-38, L. 225-40 et L. 225-42 du Code de Commerce, ne pouvaient participer au vote ; qu'elle ajoute, encore, que Madame B... l'a informée de ce qu'aucune des séances du conseil d'administration ne s'était tenue aux dates indiquées, et que sa signature figurant sur les procès-verbaux était contrefaite ; qu'elle considère, enfin, que la banque était de mauvaise fois puisqu'elle ne pouvait ignorer, au vu des documents communiqués, que la spécialité « Physiocal » avait déjà été acquise par la société soeur MEDIFA, devenue ALKOPHARM, qui avait déjà réglé 50 % du prix de cession avant la demande initiale de financement ainsi que le solde avant la mise en place du second prêt destiné à financer le solde des spécialités pharmaceutiques ;
Que la Société BERAL INVEST a déposé plainte avec constitution de partie civile le 30 mars 2004 auprès du doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance d'EVRY, contre Monsieur Jean B... et la Société MEDIPHA SANTE prise en la personne de son liquidateur Me C..., des chefs d'abus de confiance, escroquerie, faux et usage, du fait, notamment, des prêts et des engagements de caution en ce qu'ils concernaient la spécialité « Physiocal » ; que, selon l'article 4 du Code de Procédure Pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, « la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur le procès civil » ;
Attendu, toutefois, qu'aucun élément ne permettait à la banque de mettre en doute la régularité des procès-verbaux litigieux ; qu'en effet, ces documents sont revêtus de la signature du président et d'un administrateur, conformément à l'article 86 du décret du 23 mars 1967 et mentionnent expressément que Monsieur B... s'est abstenu de voter la résolution adoptée ; que s'agissant de Madame B..., le fait d'être administrateur et actionnaire de la Société MEDIPHA DEVELOPPEMENT n'impliquait pas qu'elle fût « intéressée » au sens des articles L. 225-38 à L. 225-40 du Code de Commerce dès lors qu'elle ne détenait aucune participation et n'exerçait aucune fonction dans la société cautionnée, et elle pouvait donc régulièrement prendre part au vote sur l'autorisation sollicitée ;

Qu'en outre, la mauvaise foi de la CRCAM Val de France n'est pas établie, dans la mesure où, comme l'a estimé le Tribunal, le financement contesté de la spécialité « Physiocal » ne représente que 2 % de l'opération, et où le plan de rachat de produits par MEDIPHA SANTE remis à la banque à l'appui de la demande de concours prévoyait que « tous les produits seront par hypothèse regroupés dans MEDIPHA SANTE à partir de début 2002, tandis que MEDIFA ne traitera plus qu'une activité industrielle », ce dont il se déduit que la banque pouvait légitimement penser que, dans le cadre d'accords intra-groupe, ladite spécialité serait rachetée par la Société MEDIPHA SANTE, la preuve n'étant pas rapportée que le prêteur, qui n'avait pas l'obligation de surveiller l'affectation des fonds, comme il sera exposé ultérieurement, a su, lorsqu'il a fait souscrire à la caution ses engagements, que la société emprunteuse ne réaliserait pas l'achat de la spécialité litigieuse qui devait être financé à l'aide d'une fraction du prêt ;

Attendu, enfin, que l'attestation de Madame B..., établie pour les besoins de la cause, et à la suite d'une procédure de divorce avec Monsieur B..., selon laquelle elle n'aurait jamais été présente aux conseils d'administration, sa signature ayant été imitée, n'est pas de nature à emporter la conviction sur l'absence d'autorisation du conseil d'administration ; qu'en effet, la société appelante s'est abstenue de verser aux débats d'autres éléments de preuve, tels que le registre des présences, le registre spécial des délibérations prévu par l'article 85 du décret du 23 mars 1967, ou des attestations des autres administrateurs notés comme présents dans les procès-verbaux des 28 novembre 2000 et 15 novembre 2001 ; qu'il est notamment curieux que Monsieur Bernard D..., administrateur et directeur général de la Société MEDIPHA SANTE au moment de la souscription des cautionnements et désormais dirigeant de cette société, n'ait pas mentionné dans sa déclaration de plainte du 30 mars 2004 que les procès-verbaux contestés constitueraient des faux en écriture et que les conseils d'administration ne se seraient jamais tenus, alors qu'il figure comme présent lors de ces conseils ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que l'inexistence des autorisations n'étant pas démontrée, et que leur apparence n'étant pas contraire aux prescriptions légales, l'établissement de crédit n'était tenu à aucune vérification complémentaire concernant ces autorisations, et la nullité invoquée n'est pas opposable à celui-ci, eu égard à sa bonne foi, par application de l'article L. 235-12 du Code de Commerce ; qu'il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, puisque la décision éventuelle sur la plainte pénale n'est pas susceptible, en l'état, d'avoir une influence sur le présent litige ;

Sur la recevabilité de la demande

Attendu que la Société BERAL INVEST prétend que les cautionnements délivrés garantissent un « pool bancaire » à raison de la somme totale prêtée et non chaque entité du « pool » pour le montant d'une part déterminée ;
Mais attendu que si les deux cautionnement sont respectivement fixés à 14.010.000 F et 1.128.000 Euros, les documents sont clairs et précis et comportent de manière détaillée l'ensemble des conditions et modalités des prêts par banque, soit montant avancé par chacune (4.670.000 F et 376.000 Euros pour la CRCAM), montant des échéances et indication que chaque banque gère sa part, ce qui permet de connaître l'étendue et la portée des engagements souscrits consistant à garantir trois établissements de crédit à raison de leur part respective ; que les dettes dont la CRCAM Val de France demande le paiement à la caution ont, par conséquent, bien été contractées par la Société MEDIPHA SANTE envers cette banque qui est recevable en son action en paiement ;
Sur l'absence de cause alléguée
Attendu que la Société BERAL INVEST fait grief à la CRCAM Val de France de ne pas avoir respecté et fait respecter l'affectation pour laquelle les fonds ont été octroyés à la Société MEDIPHA SANTE, cette attitude entraînant, à son sens, la nullité des cautionnements ou, à tout le moins, engageant la responsabilité du prêteur qui a donné aux fonds une destination contraire à celle pour laquelle le crédit a été demandé ;
Qu'il sera d'abord rappelé que la cause de l'obligation de la caution est la considération de l'obligation prise corrélativement par le créancier, à savoir l'ouverture de crédit à la société cautionnée et la remise des fonds prêtés ;
Que, par ailleurs, l'indication, dans un acte de prêt consenti par un établissement de crédit, de la destination des fonds ne peut faire naître à son endroit une obligation de contrôle de leur affectation qu'autant qu'il l'a expressément souscrite ; qu'en l'espèce, les conditions particulières du premier contrat du 6 décembre 2000 précisent que le crédit a pour objet exclusif « l'acquisition des spécialités pharmaceutiques connues sous les noms de Adenyl, Topmag et Physiocal » tandis que celles du contrat du 24 avril 2002 indiquent que le crédit a pour objet exclusif de « financer la paiement du solde des spécialités pharmaceutiques » précitées ; qu'en vertu des articles 2 et 3 des conditions générales, « l'emprunteur s'engage à utiliser tous les prêts figurant au plan de financement, exclusivement au financement de l'objet prévu aux conditions particulières… et à fournir à première demande de la banque les justificatifs de la réalisation de l'objet du prêt et notamment les factures acquittées » ;
Qu'il résulte des ces stipulations que le contrôle de l'emploi des fonds n'avait pas de caractère impératif pour la banque et n'était qu'une faculté qu'elle s'était réservée, laissée à sa seule appréciation, ce que la caution qui était intervenue à l'acte ne pouvait ignorer ; que la Société BERAL INVEST ne rapporte pas davantage la preuve que la surveillance de l'emploi des fonds aurait constitué un élément déterminant de son consentement, alors qu'actionnaire majoritaire de sa filiale, elle disposait de tous les pouvoirs pour réaliser elle-même cette vérification ; que la banque n'a donc pas manqué à son obligation et n'a pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société appelante ;
Et attendu que le montant de la créance n'étant pas contesté, le jugement mérite confirmation dans les condamnations prononcées ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que la Société BERAL INVEST supportera les dépens d'appel, lesquels comprendront ceux de l'incident du 28 mars 2007 et versera, en outre, une indemnité de 5.000 Euros à la CRCAM Val de France sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Rejette la demande de sursis à statuer formée par la Société BERAL INVEST ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne la Société BERAL INVEST aux dépens d'appel, lesquels comprendront les frais de l'incident du 28 mars 2007, et à payer à la CRCAM Val de France la somme de 5.000 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Accorde à la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, titulaire d'un Office d'Avoué, le droit reconnu par l'article 699 du même code ;
Et le présent arrêt a été signé par Monsieur REMERY, Président, et Madame FERNANDEZ, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 343
Date de la décision : 20/09/2007
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Tours, 22 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2007-09-20;343 ?
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