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15/03/2007 | FRANCE | N°118

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 15 mars 2007, 118


COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS
SCP LAVAL-LUEGER
SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE
Me DAUDÉ

ARRÊT du : 15 MARS 2007

No :

No RG : 06 / 01632

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de TOURS en date du 17 Mars 2006

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :

Monsieur Vincenzo X...,
demeurant...

Madame Maria Y...épouse X...,
demeurant...

représentéS par la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Fr

édéric BRISSAUD, du barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉS :

Maître Nadine K...
prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciai...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS
SCP LAVAL-LUEGER
SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE
Me DAUDÉ

ARRÊT du : 15 MARS 2007

No :

No RG : 06 / 01632

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de TOURS en date du 17 Mars 2006

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :

Monsieur Vincenzo X...,
demeurant...

Madame Maria Y...épouse X...,
demeurant...

représentéS par la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Frédéric BRISSAUD, du barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉS :

Maître Nadine K...
prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société MECAFLEXO,
demeurant 26 rue Jules Favre-37000 TOURS

représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour

ayant pour avocat la SCP CHAS-BRILLATZ-GAZZERI-CARVALHO, du barreau de TOURS

La Société Coopérative BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
demeurant 9 Avenue Newton-78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX

représentée par Me Jean-Michel DAUDÉ, avoué à la Cour

ayant pour avocat la SCP SAINT CRICQ-NEGRE du barreau de

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 07 Juin 2006

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :
Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre,
Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller,
Monsieur Alain GARNIER, Conseiller.

Greffier :

Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats,
Madame Vanessa DRANSART, lors du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 FEVRIER 2007, à laquelle, sur rapport de Monsieur D..., Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 15 Mars 2007 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

La Cour statue sur l'appel d'un jugement du tribunal de commerce de Tours rendu le 17 mars 2006, interjeté par les époux X..., suivant déclaration du 7 juin 2006, enregistrée sous le no 1632 / 2006.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :

*10 janvier 2007 (par la Banque populaire Val de France, ci-après : BPVF),

*14 février 2007 (par les époux X...),

*14 février 2007 (par Me Breion, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mecaflexo).

Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que M.X... était le président de la société anonyme Mecaflexo, dont le principal partenaire bancaire
était la BPVF. Par un acte sous seing privé signé les 31 juillet et 10 août 2000, il avait été convenu entre elles une convention-cadre définissant les modalités des cessions de créances professionnelles pouvant intervenir soit à titre d'escompte (c'est-à-dire de mobilisation directe des créances cédées par inscription des sommes correspondantes au crédit du compte courant de la société cédante), soit à titre de garantie des opérations de crédit consenties au client, pouvant revêtir la forme d'avances ou découverts en compte courant, le client recouvrant les créances qui sont affectées à l'amortissement des engagements en contrepartie desquels leur cession a eu lieu. Plusieurs concours bancaires ont été accordés à la société Mecaflexo et renouvelés le 10 septembre 2002, dont une ligne de crédit documentaire d'un montant de 400. 000 €, les époux X... s'étant portés cautions solidaires, par acte du 4 février 2002, de tous engagements de la société envers l'établissement de crédit à concurrence de 500. 000 € en principal.

Des difficultés étant survenues avec un client de la société Mecaflexo, la société De La Rue, la banque HSBC, établissement de crédit de ce client, a finalement notifié, le 29 octobre 2002, à la société Mecaflexo, un crédit documentaire irrévocable pour le paiement de la prestation commandée et la société Mecaflexo l'a informée, le 7 novembre 2002, que les fonds seraient à verser entre les mains de la BPVF, ce dont la banque HSBC a pris acte le 18 novembre 2002.

La BPVF menaçant, selon la société Mecaflexo, de rompre les concours consentis à cette dernière et refusant d'escompter le crédit documentaire, la société Mecaflexo a déclaré la cessation de ses paiements le 29 novembre 2002 et, par jugement du tribunal de commerce de Tours du 3 décembre 2002, elle a été mise en liquidation judiciaire, avec Me Breion en qualité de liquidateur, la date de cessation des paiements étant fixée au 20 septembre 2002. La veille de l'ouverture de la procédure collective, le 2 décembre 2002, au cours d'un rendez-vous entre la BPVF et M.X..., l'établissement de crédit aurait cependant, mais toujours d'après ce dernier, accepté de prendre à l'escompte la créance de la société Mecaflexo de 399. 608 € sur la société De La Rue, pour finalement se rétracter, d'où l'ouverture de la liquidation judiciaire immédiate le 3 décembre 2002, mais, le 4 décembre 2002, la BPVF notifiait à la société HSBC la cession de créance résultant du crédit documentaire et déclarait ultérieurement sa créance entre les mains de Me Breion, en en déduisant le montant encaissé de la société HSBC.

C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier de justice du 18 mai 2004, Me Breion saisissait le tribunal de commerce de Tours d'une demande dirigée contre la BPVF tendant à l'inopposabilité de la cession, subsidiairement à sa nullité, la BPVF appelant en la cause les époux X..., en leur qualité de cautions. Par le jugement aujourd'hui déféré à la cour d'appel, le tribunal a annulé la cession, condamné la BPVF à verser au liquidateur judiciaire de la société Mecaflexo la somme de 397. 260,46 €, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation et déclaré le jugement commun aux cautions.

En cause d'appel, chaque partie a présenté, plus précisément, les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 février 2007, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.

Par note conjointe du président et du greffier adressée la veille de la date du présent arrêt, les avoués des parties ont été également avisés que le prononcé de l'arrêt était avancé à cette date.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu, en premier lieu, que Me Breion soutient que l'appel des époux X... serait irrecevable, comme tardif, dès lors que le jugement entrepris leur a été signifié le 11 mai 2006, que le délai d'appel, en matière de procédure collective, est de 10 jours et qu'il était donc expiré le 7 juin 2006, date de leur déclaration d'appel ;

Mais attendu qu'il résulte de l'acte de signification du 11 mai 2006, qui a été versé aux débats, qu'il indiquait aux époux X... un délai d'un mois pour interjeter appel et que, même si ce délai était inexact, l'acte a induit en erreur les appelants dont le recours, formé dans le délai qui leur était imparti par la signification, ne peut, dès lors, être jugé irrecevable ;

Attendu, en second lieu, que par voie d'appel incident, Me Breion, sollicite que la cession litigieuse lui soit, ès qualités, déclarée inopposable comme étant intervenue, non le 2, mais le 3 décembre 2002, après, par conséquent, la prise d'effet, à 0 heure, du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Mecaflexo cédante ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 313-27, alinéa 1er du Code monétaire et financier, la cession de créances professionnelles prend effet même entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau et, selon le dernier alinéa du texte, si la date apposée fait l'objet d'une contestation, comme en l'espèce, c'est à l'établissement de crédit de prouver l'exactitude de celle mentionnée ; que cette preuve peut être rapportée par tous moyens, l'obligation imposée par le décret no 81-862 du 9 septembre 1981 de l'emploi d'un procédé technique inviolable, telle qu'elle est visée par Me Breion, n'étant plus d'actualité ;

Que, cependant, à l'examen du bordereau litigieux, qui comporte deux feuillets, il ressort qu'effectivement, ce que ne contestent d'ailleurs pas vraiment les époux X... eux-mêmes et encore moins l'établissement de crédit qui, d'une manière curieuse, indique que " la surcharge n'est ni grossière, ni manifeste "-ce qui souligne paradoxalement son habileté-et que la contestation " n'est pas causée eu égard à la relative qualité habituelle des mentions manuscrites apposées sur ce type de document "-ce qui ne signifie pas grand chose-que le bordereau avait d'abord été daté du 3 décembre 2002 en ses deux pages, le 3 étant ensuite transformé en un 2 par une rature (pour supprimer la barre du 3) et une surcharge (pour ajouter la queue du 2) identiques sur chaque page ; que l'établissement de crédit, à part ses propres affirmations et celles des époux X... et sans qu'on ne puisse rien déduire de la chose jugée par des décisions antérieures dont l'objet était différent (s'agissant du refus de prononcer des sanctions personnelles à l'encontre de M.X..., au motif que la faute alléguée, commise le 2 ou le 3, n'avait pas contribué à la cessation des paiements du 20 septembre 2002), ne rapporte, par aucun moyen, la preuve de l'exactitude de la date du 2 décembre 2002 ; que la Cour observe que cette date n'est pas mentionnée dans la lettre du 4 décembre 2002 notifiant, déjà deux jours après-s'il fallait retenir la date du 2-à la société HSBC la cession ; qu'elle ne l'est pas, non plus, dans la déclaration de créance et que c'est seulement le 16 avril 2004 que la BPVF la confirme au liquidateur, en lui indiquant benoîtement que " la surcharge évoquée concernant la date de cession ne nous paraît pas manifeste " ; que cette indication, qui nie l'évidence, bien qu'elle soit reprise dans les conclusions de l'établissement de crédit, comme il a déjà été dit, laisse penser à une certaine tentative de camouflage de la vraie date apposée ; que la date du 3 correspond, en effet, beaucoup mieux à la conclusion du récit du rendez-vous du 2 fait par M.X... et dont les principaux éléments ont été rapportés dans l'exposé du litige qui précède ; qu'on comprend mal, si l'établissement de crédit a, comme il est prétendu, daté le bordereau de prise à l'escompte (et non en garantie) du 2, c'est-à-dire du jour de la rencontre, ce qui impliquait a priori son usage, pourquoi il aurait dit le contraire à son client ce jour-là en lui annonçant la rupture de ses concours ; que la demande de liquidation judiciaire immédiate formée par M.X... lui-même le lendemain, en l'absence de tout document explicatif (le jugement d'ouverture du 3 décembre 2002 ne donne lui-même aucune explication et ne rapporte aucun propos de M.X...), est ainsi beaucoup plus compatible avec la fausseté de la date du 2 décembre 2002 apposée sur le document et le fait que le rendez-vous n'avait débouché sur aucun accord des parties, plutôt qu'avec la thèse de M. Cernusco indiquant que le banquier aurait lui-même apposé la date du 2 sur le document sans pour autant en faire l'usage qu'impliquait son libellé, c'est-à-dire la prise à l'escompte en vue de créditer le compte de la société Mecaflexo ; que, par conséquent, les éléments essentiels au dossier démontrent que le bordereau de cession a d'abord été correctement daté du 3 décembre 2002 et que la date du 2 résultant d'une rature et d'une surcharge ne correspond pas à la vérité ; que, par ailleurs, le fait que M.X... fût à Tours le 3 décembre 2002 pour l'audience du tribunal de commerce statuant sur sa demande d'ouverture d'une procédure collective n'a pas d'incidence, puisque la date est apposée par le cessionnaire ;

Et attendu que, même faite en exécution d'une convention-cadre antérieure, une cession de créance professionnelle datée du jour de la liquidation judiciaire du cédant, alors que celui-ci était dessaisi, est inopposable à la procédure collective, obligeant le cessionnaire à restituer au liquidateur les sommes reçues en exécution ; qu'il y a donc lieu de recevoir l'appel incident de Me Breion, le jugement étant confirmé en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la BPVF et en ce qu'il a été déclaré commun aux époux X... ;

Sur les demandes accessoires :

Attendu que les dépens seront à la charge in solidum de la BPVF et des époux X..., et partagés entre eux par moitié, sans remboursement toutefois de frais hors dépens ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR,

STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort :

REJETTE la demande de Me Breion, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mecaflexo tendant à faire déclarer l'appel irrecevable comme tardif ;

ACCUEILLANT l'appel incident de Me Breion, DIT que la date du 2 décembre 2002 apposée sur le bordereau de cession de créance professionnelle est inexacte et que la cession a pris effet le 3 décembre 2002, jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire immédiate de la société Mecaflexo cédante ;

DIT, en conséquence, inopposable à Me Breion, ès qualités, cette cession et CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Banque populaire Val de France à restituer à Me Breion la somme de 397. 260,46 € en principal, augmentée des intérêts, déclaré la décision commune aux époux X..., en leur qualité de cautions solidaires des engagements de la société Mecaflexo, et statué sur les dépens de première instance ;

DIT que la Banque populaire Val de France et les époux X... supporteront in solidum les dépens d'appel, ceux-ci étant partagés entre eux par moitié, MAIS REJETTE toute demande d'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tant au premier qu'au second degré ;

ACCORDE à la SCP Laval-Lueger, titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;

Et le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre REMERY, président et Madame Vanessa DRANSART, agent administratif faisant fonction de greffier ayant assisté à son prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 118
Date de la décision : 15/03/2007
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CESSION DE CREANCE - Cession de créance professionnelle - Bordereau - Date - / JDF

En application des dispositions de l'article L. 313-27, alinéa 3 du Code monétaire et financier, il appartient à l'établissement de crédit cessionnaire d'une créance professionnelle de prouver, par tous moyens, l'exactitude de la date apposée sur le bordereau de cession, lorsque celle-ci est contestée, notamment en raison de ce que cette date a été surchargée et raturée pour qu'elle apparaisse d'un jour antérieur à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire du cédant


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Tours, 17 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2007-03-15;118 ?
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