COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE SOCIALE Prud'Hommes GROSSES le 23/02/06 à SCP LE METAYER etc SCP BAUR COPIES le à X... SARL YAHVE ARRÊT du : 16 FEVRIER 2006 N : 123/2006 N RG : 05/02429 DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE :
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ORLEANS en date du 18 Mai 2005 Section :
ENCADREMENT ENTRE APPELANT: Monsieur José X... 7 Rue du Champs de Courses 45000 ORLEANS représenté par Me LE METAYER membre de la SCP LE METAYER - CAILLAUD - CESAREO - BONHOMME, avocats au barreau d'ORLEANS ET INTIMÉE : S.A.R.L. YAHVE exerçant sous l'enseigne"MANGO'S CAFE" 27 Avenue de la Libération 45000 ORLEANS représentée par Me ESQUERRE, de la SCP BAUR, avocat au barreau d'ORLEANS 1 A l'audience publique du03 Janvier 2006 tenue par Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, Assisté lors des débats de Madame Ghislaine Y..., Greffier, Après délibéré au cours duquel Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller, a rendu compte des débats à la Cour composée de Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller, Madame Marie-Anne LAURENCEAU, Conseiller, A l'audience publique dul6 Février 2006, Monsieur Daniel VELLY, Président de chambre, Assisté de Madame Ghislaine Y..., Greffier, A rendu l'arrêt dont la teneur suit . 2 RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE Monsieur José X... a saisi le Conseil des Prud'hommes d'Orléans de diverses demandes à l'encontre de la S.A.R.L. YAHVE, exerçant sous l'enseigne "Mango's Café", pour le détail desquelles il est renvoyé au jugement du 18 mai 2005, la Cour se référant également à cette décision pour l'exposé de la demande reconventionnelle et des moyens initiaux. Il a obtenu : -
22.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et préjudice moral ; -
400 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le jugement lui a été notifié le 4 juin 2005. Il en
a fait appel le 27 juin 2005. DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES Il réclame : -
67.216 euros de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateurs ; -
6.721,60 euros de congés payés afférents ; -
30.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; -
21.721 euros de dommages-intérêts pour travail dissimulé ; -
5.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral ; -
2.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile. Il expose que la société, qui exploite un restaurant bar, l'a engagé comme directeur d'exploitation le 15 avril 2002, et l'a licencié le 27 octobre 2003 pour "incompatibilité d'humeur". Il soutient qu'un tel motif est trop imprécis et ne constitue pas en soi un motif de licenciement, expliquant subsidiairement pourquoi les reproches allégués sont infondés. 3 Il justifie la somme réclamée par les circonstances de la rupture, par l'intégration des heures supplémentaires et par le fait qu'il est toujours au chômage. Il ajoute que, rémunéré pour 41 heures par semaine, il en a fait beaucoup plus, alors qu'il n'était pas cadre dirigeant. Il explique qu'il était présent pendant toutes les heures d'ouverture, car il faisait la caisse lors de la fermeture pour la remettre le lendemain à 9 heures au dirigeant. Il soutient que ses fonctions l'obligeaient a être là en permanence, ce qui est confirmé par diverses attestations, l'omission de ces heures sur les bulletins de paie constituant un travail dissimulé. Il estime enfin que les accusations portées contre lui et la référence à sa vie privée lui ont causé un préjudice moral. La société fait appel incident pour obtenir le débouté intégral et 1.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle reprend ses
conclusions devant le Conseil de Prud'hommes, la Cour se référant sur ce point au résumé qu'en a fait le jugement. MOTIFS DE LA DÉCISION Eu égard aux dates ci-dessus, les appels, principal et incident, sont recevables. La société exploite un bar restaurant sous l'enseigne "Mango's Café". Cet établissement a des heures d'ouverture très importantes (du lundi au samedi de 9 h et demie à 2 heures). Monsieur X... a été engagé comme directeur d'exploitation le 15 avril 2002. Le licenciement Il a été licencié le 27 octobre 2003, pour "incompatibilité d'humeur". Un tel motif, qui fixe définitivement les limites du litige, n'est pas en soi une cause de licenciement, à défaut d'une énonciation, même sommaire, d'éléments matériellement vérifiables. Les éléments invoqués dans le cadre de la procédure n'ont donc même pas à être examinés. L'appelant avait une faible ancienneté (un peu plus d'un an et demi). 4 Concernant sa situation professionnelle après la rupture, il produit des relevés d'indemnités Assedic établissant qu'il était au chômage en septembre et en novembre 2005. Ces éléments ne sont que parcellaires car ils laissent la Cour dans l'ignorance de sa situation dans l'intervalle. Son préjudice sera évalué à 12.700 euros. Les dommages-intérêts complémentaires Le fait d'invoquer à son endroit, dans le cadre de la procédure, des comportements critiquables pour justifier le licenciement, sans en justifier, ne lui a pas causé de préjudice moral. Les heures supplémentaires et les réclamations qui en découlent Selon le contrat et les bulletins de paie, Monsieur X... était engagé et a été rémunéré pour 177 heures 67 par mois, soit 41 heures par semaine. D'après la convention, cet horaire serait réparti du lundi au dimanche, d'un commun accord entre les parties. En réalité, il n'y a pas eu d'accord. Monsieur X... affirme sans être démenti qu'il travaillait du lundi au samedi. Etant le seul cadre, il était chargé de veiller à la bonne marche de l'établissement.
Cependant rien ne l'empêchait de déléguer. Si, en application de l'article L.212-1-1 du code du travail, la preuve en la matière est partagée, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature a étayer sa demande. L'appelant produit en premier lieu un tableau des horaires qu'il aurait effectué, selon lequel : -
à compter du 25 avril 2002, il aurait travaillé de 9 heures et demie à 2 heures, soit, compte tenu des repas, 15 heures par jour et 90 heures par semaine ; -
à compter du let septembre 2002, il aurait travaillé de 9 heures et demie à 15 heures et de 19 heures à 2 heures, soit 11 heures et demie par jour (à l'exception des lundi et mercredi soirs, réduisant ces jours là à 5 heures et demie), soit 57 heures par semaine. Cette pièce, établie unilatéralement, et rédigée, non au fur et à mesure, mais d'un seul trait (c'est toujours le même stylo qui a été employé) et pour les besoins de la procédure, n'est pas probante. Il produit aussi des attestations qui, pour certaines, excèdent même les horaires considérables qu'il invoque (des témoins attestant qu'il était déjà là à 9 heures et quart et qu'il fermait vers 3 heures), et ne sont donc pas crédibles. 5 Les autres établissent qu'il était là en permanence lors des repas du midi, du soir et jusqu'à la fermeture. D'ailleurs c'est lui qui clôturait la caisse. Cependant elles ne prouvent pas qu'il ait travaillé sans interruption lors des périodes revendiquées, sans s'absenter et sans faire de pauses, en dehors des repas, ne serait ce que pour se reposer. Deux éléments supplémentaires soulèvent un sérieux doute : -
selon les bulletins de paie, Monsieur X..., jusqu'en septembre 2005, habitait Saint Jean le Blanc. Il n'est guère vraisemblable que, sans prendre de repos dans la journée, il puisse terminer son travail à 2 heures du matin, rentrer à Saint Jean le Blanc (l'établissement
se situe avenue de la Libération à ORLEANS) ne dormir que quelques heures et être de nouveau à son travail le lendemain à 9 heures et demie, et ce 6 jours sur 7. -
le contrat prévoyait une période d'essai de 3 mois. Il est aussi peu vraisemblable que si véritablement, au bout de 10 jours, il avait fait des horaires que l'ont peut qualifier de dementiels (90 heures alors que la durée maximum absolue est de 52 heures), il n'ait ni mis fin à son emploi ni formulé de réclamation. En définitive, les éléments qu'il produit ne sont pas de nature a étayer sa demande. A supposer même qu'il ait fait plus des 41 heures rémunérées, seules les heures supplémentaires faites avec l'accord, au moins implicite, de l'employeur, peuvent être indemnisées. La société avait deux associés, Messieurs Z... et A... C'est Monsieur A..., le gérant, qui avait établi le contrat. Monsieur Z... était très peu présent. Monsieur X... affirme sans être démenti que Monsieur A..., qui gérait son affaire de papeterie à proximité, passait chaque début de matinée pour qu'il lui remette la recette de la veille. Si Monsieur A... savait donc que Monsieur X... était là le matin et assurait la fermeture vers 2 heures, il n'était pas présent dans la journée, s'occupant de son propre commerce, et ignorait donc les horaires faits par son directeur d'exploitation. L'on ne peut donc considérer qu'il a implicitement autorisé ces dépassements, à supposer qu'ils existent. En conclusion, la demande d'heures supplémentaires et celles qui en découlent seront rejetées. L'une des demandes étant fondée, il est inéquitable que Monsieur X... supporte la totalité de ses frais irrépétibles. 6 Il convient de confirmer les 400 euros et d'y ajouter 400 euros pour la procédure d'appel. Enfin les dépens seront partagés par moitié. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement et contradictoirement Confirme le jugement, sauf sur le point ci après ; Ramène le montant des
dommages-intérêts de 22.000 euros à 12.700 euros; Y ajoutant, condamne la S.A.R.L. YAHVE à payer à Monsieur José X... 400 euros supplémentaires en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Dit que les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié. Et le présent arrêt a été signé par Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre et par Madame Ghislaine Y..., Greffier Le GREFFIER,
Le PRÉSIDENT, 7