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20/10/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006947804

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 20 octobre 2005, JURITEXT000006947804


COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS Me GARNIER Me BORDIER ARRÊT du : 20 OCTOBRE 2005 No : No RG : 04/02866 DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 07 Septembre 2004 PARTIES EN CAUSE APPELANTE : S.A. SATAF Société de droit luxembourgeois, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, demeurant 121 Avenue de la Fa'encerie - L1511 LUXEMBOURG représentée par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour ayant pour avocat Me Agnès ALLEAUME, du

barreau de PARIS D'UNE PART INTIMÉE : LA DIRECTION NATIONALE DES V...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS Me GARNIER Me BORDIER ARRÊT du : 20 OCTOBRE 2005 No : No RG : 04/02866 DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 07 Septembre 2004 PARTIES EN CAUSE APPELANTE : S.A. SATAF Société de droit luxembourgeois, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, demeurant 121 Avenue de la Fa'encerie - L1511 LUXEMBOURG représentée par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour ayant pour avocat Me Agnès ALLEAUME, du barreau de PARIS D'UNE PART INTIMÉE : LA DIRECTION NATIONALE DES VERIFICATIONS DE SITUATIONS FISCALES représentée par Madame X..., inspectrice de direction des Services Fiscaux, 34 Rue Ampère - 75017 PARIS représentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 21 Septembre 2004 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre, Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller. Greffier : Madame Nadia Y..., lors des débats et du prononcé de l'arrêt. DÉBATS : A l'audience publique du 29 Septembre 2005. ARRÊT : Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 20 Octobre 2005 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile. EXPOSÉ DU LITIGE :

La Cour statue sur l'appel d'un jugement du Tribunal de grande instance d'Orléans rendu le 7 septembre 2004, interjeté par la société de droit luxembourgeois SATAF, suivant déclaration du 21 septembre 2004. Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :21 septembre 2005 (société SATAF) Dans le présent arrêt, il sera

seulement rappelé que la société SATAF est une société holding dont le siège est à Luxembourg. Elle détient 29.999 des 30.000 parts de la société SIAF (Société d'investissement agricole et foncier), également établie au Luxembourg, mais qui possède, dans le département du Loiret une propriété immobilière sise principalement à Cerdon-du-Loiret. Le 12 décembre 2000, l'administration fiscale a notifié à la société SATAF une proposition de redressement, reçue le 14 décembre 2000, en vue de lui faire supporter, pour les années 1994 à 2000, la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles situés en France, appartenant à des personnes morales étrangères, qui est instituée par l'article 990 D du Code général des impôts. La réclamation de la société SATAF, faite après mise en recouvrement de l'impôt estimé dû ayant été rejetée, cette société a saisi le Tribunal de grande instance d'Orléans d'une demande de dégrèvement qui a été rejetée, en sa totalité, par le jugement aujourd'hui déféré à la Cour par la société SATAF. En cause d'appel, chaque partie a présenté les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 septembre 2005, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés. MOTIFS DE L'ARRÊT : Sur l'incidence, en l'espèce, des conventions internationales signées entre la France et le Luxembourg : Attendu que, par application des dispositions de l'article 990 E 3o du Code général des impôts, la taxe litigieuse n'est pas applicable aux personnes morales étrangères qui, en vertu d'un traité, ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde que celles dont le siège de direction effective est situé en France, lorsqu'elles prennent et respectent un engagement de communication défini par le texte ; qu'en l'espèce, la société SATAF invoque en ce sens la convention d'établissement franco-luxembourgeoise du 31 mars 1930, accordant en France aux sociétés luxembourgeoises le traitement

de la nation la plus favorisée ; que, cependant, cette convention a expressément prévu, dans son article 9, la conclusion d'une convention spéciale au sujet des droits, taxes, impôts et contributions auxquels les sociétés sont assujetties, de sorte qu'elle-même n'a pas de portée fiscale ; Que, s'il existe, entre la France et le Luxembourg, une convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, signée le 1er avril 1958, qui prévoyait, en son article 21, que les sociétés d'un Etat contractant ne seront pas soumises dans l'autre Etat à des impôts autres ou plus élevés que ceux qui frappent les sociétés de ce dernier Etat, les deux Etats, par un avenant du 8 septembre 1970, sous forme d'échange de lettres, ont écarté son application aux sociétés holding au sens de la législation particulière luxembourgeoise, ce qu'est la société SATAF, ainsi qu'elle ne le conteste pas ; qu'il en résulte que cette société ne peut ni bénéficier de la non-imposition prévue par la convention de 1958, ni déduire de l'inapplication à son égard de cette convention que celle de 1930 lui permettrait d'échapper à la taxe litigieuse, alors que ce traité n'a pas, ainsi qu'il a été vu, de portée fiscale ; Attendu que la société SATAF invoque encore les dispositions de l'article 990 E 2o du Code général des impôts, selon lesquelles la taxe litigieuse n'est pas applicable aux personnes morales qui, ayant leur siège dans un pays ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, effectuent certaines déclarations ; que la convention d'assistance administrative franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ne s'appliquant pas en l'espèce, s'agissant d'une société holding, la société SATAF soutient que la Directive no 77/1977 du Conseil des Communautés européennes, organisant entre Etats membres un échange de

renseignements en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, devrait en tenir lieu, en raison du principe communautaire de primauté de la législation européenne ; que, cependant, la directive, qui ne peut être assimilée à une convention bilatérale au sens de l'article 990 E 2o du Code général des impôts, ne vise pas, en tout état de cause, un impôt de la nature de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés sur le territoire français par des personnes morales établies à l'étranger ; Que, dès lors, la société SATAF n'est pas exonérée du paiement de la taxe de 3 % en vertu de l'existence d'une convention internationale ; Sur l'exonération demandée par la société SATAF par application de l'article 990 E 1o du Code général des impôts : Attendu qu'aux termes de ce texte, la taxe n'est pas applicable aux personnes morales dont les actifs immobiliers situés en France représentent moins de 50 % des actifs français, étant exclu des actifs immobiliers pris en considération pour le calcul de la proportion ceux que la personne morale ou la personne interposée affectent à leur propre activité professionnelle autre qu'immobilière ; Attendu que la société SIAF, société interposée au sens de l'article 990 D du Code général des impôts, est propriétaire du domaine du Chéry, dont la superficie est de 424 ha 50 a 98 s'étendant sur le territoire de trois communes du département du Loiret (Cerdon, St-Florent-le-Jeune et Villemurlin), en Sologne du Nord-Est, en nature de terres (70 ha), landes, bois résineux et feuillus (334 ha 50 a 98) et étangs (8 d'une surface totale de 20 ha), sur lequel est édifié un important ensemble bâti comprenant maison, construite en 1992, de 1.000 m habitables et dépendances, maison de garde et ferme avec bâtiments d'habitation et d'exploitation ; qu'un expert immobilier consulté par la société SATAF, M. Z..., inscrit sur la liste des experts judiciaires dressée par la Cour d'appel de Bourges, estime, dans un rapport daté du 6

octobre 2003, la valeur vénale de l'ensemble immobilier de la façon suivante (avant-dernier page du rapport) [*ensemble bâti à usage bourgeois (Maison de Chéry + dépendances)

1.676.939 ç *]Territoire : -terres et prés

288.120 ç -bois

1.680.287 ç -étangs

182.940 ç

------------

2.151.347 ç

2.151.347 ç [*Maison garde forestier

........................60.979 ç

60.979 ç *]bâtiments de ferme

........................91.483 ç

91.483 ç

----------------

....................2.303.809 ç TOTAL

3.980.748 ç Que ce rapport, soumis à la discussion contradictoire des parties, est contesté par l'administration pour plusieurs motifs ; que le premier concerne la date de l'estimation, en 2003, alors que les années concernées par l'imposition sont les années 1994 à 2000 ; que, cependant, l'administration ne justifie pas que les prix auraient fortement évolué entre 1994 et 2000 et les chiffres indiqués par l'expert Z... en ce qui concerne la maison, objet de la principale difficulté d'évaluation - chiffres qui sont déjà très au delà des estimations faites par agent immobilier (entre 765.000 et 1.060.000 ç), la maison bourgeoise étant d'un style très contemporain qui ne trouve pas acquéreur en Sologne (v. lettre du 20 septembre 2005, pièce no 11 de la SATAF) - restent, de toute façon, en phase avec les chiffres des années considérées, puisque l'administration retient, de son côté, pour ces années, une valeur de 1.905.195,46 ç

(p. 7 de ses conclusions), hors terrain attenant, et que la valeur d'assurance (plus de 1.800.000 ç) est proche ; que la différence entre ces valeurs supérieures avancées par l'administration et les estimations expertales s'explique par le fait qu'il s'agit, non de valeurs vénales, mais de coût de construction (le coût de la construction de la maison, hors agencements, était déjà en 1992 d'environ 1.500.000 ç ) ou reconstruction (police d'assurance versée aux débats par l'administration) ; que s'il est encore exact, comme l'administration l'indique, qu'il faut tenir compte du parc attenant à la maison, il y a lieu d'observer que l'expert Blot, contrairement à ce qu'elle soutient, l'a nécessairement inclus dans l'estimation de la maison et de ses dépendances, puisque son rapport le distingue clairement du reste du territoire de terres et bois, la comparaison des feuillets commençant par les OE I et II étant à cet égard déterminante ; que l'estimation à 1.676.939 ç correspond ainsi à la valeur vénale de la maison ; que, même si l'on y ajoute la valeur des autres bâtiments, y compris ceux de la ferme, sans même distinguer, ce qui est déjà contestable, entre ceux d'habitation et ceux servant à l'exploitation, la valeur vénale des actifs immobiliers non affectés à une activité professionnelle autre qu'immobilière s'élève à 1.676.939 + 60.979 + 91.483 = 1.829.401 ç ; que c'est cette valeur globale qu'il convient de comparer à l'ensemble des actifs français ; Qu'en ce qui concerne les autres actifs immobiliers, l'administration estime que la SIAF aurait elle-même reconnu avoir orienté son activité prépondérante vers l'immobilier ; que s'il est vrai que, dans une lettre du 12 juillet 2000, son conseil a indiqué qu'une activité à prépondérance immobilière avait commencé en 1994 après l'achèvement de la maison bourgeoise décrite ci-dessus, cette lettre doit être interprétée dans les limites de la réponse qu'elle apporte à l'administration ; qu'elle n'évoque, en effet, jamais autre chose

que la maison et sa location, et ne fait aucune référence à l'ensemble du territoire, de même que l'administration, sauf à soutenir brièvement que l'activité agricole aurait été abandonnée, n'émet pas, ni dans ses conclusions, ni dans la notification de redressement, de contestation précise et argumentée sur la valeur des 424 ha au minimum de terres, prés, bois et étangs, exploitables dans le cadre d'une activité professionnelle agricole et forestière, comme l'expert Z... l'indique, et dont la société SATAF précise, de son côté, sans être contestée, et en produisant ses bilans, qu'elle lui procure des ressources, notamment, par la vente de blé, bois et poissons ; que les actifs immobiliers ainsi affectés à l'exploitation agricole et forestière ont une valeur vénale de 2.151.347 ç, qui n'est pas sérieusement contestable, et sur laquelle l'administration n'a pas fait d'observations particulières ; Qu'il y a lieu de considérer, aucun renseignement n'étant donné sur les actifs mobiliers et ne faisant l'objet d'une discussion, que l'ensemble des actifs français est ici immobilier et que, sur la valeur vénale globale de ces actif français (3.980.748 ç), la part des actifs affectés à une activité autre qu'immobilière est de :

2.151.347 : 3.980.748 = 0,54 ; que, dès lors, par différence, les actifs immobiliers non affectés à une activité professionnelle autre qu'immobilière représentent 46 % des actifs français, ce qui justifie l'exonération demandée sur le fondement de l'article 990 E 1o du Code général des impôts ; Que la cour observe d'ailleurs que, même en retenant la valeur vénale de 1.905.195,46 ç pour la maison et en y ajoutant l'ensemble des bâtiments, ce qui, en tout état de cause, est contestable pour la ferme, comme on l'a déjà dit, la proportion serait encore inférieure à 50 % : 1.905.195,46 + 60.979 + 91.483 :

1.905.195,46 + 2.151.347 + 60.979 + 91.483 = 2.057.657,46 ç :

4.209.004,46 = 0,49 ; Qu'il résulte de tout ce qui précède que la

taxe prévue à l'article 990 D du Code général des impôts n'est pas applicable à la société SATAF pour les années 1994 à 2000 ; qu'il convient donc d'infirmer en ce sens le jugement entrepris et de dire que les dépens seront supportés par l'administration, sans qu'il y ait lieu, toutefois, d'allouer à la société SATAF une somme en remboursement de ses frais hors dépens ; PAR CES MOTIFS LA COUR, STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort : INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a implicitement jugé que la société SATAF ne pouvait bénéficier des exonérations de la taxe, instituée à l'article 990 D du Code général des impôts, sur la valeur de ses actifs immobiliers français au titre des 2o et 3o de l'article 990 E du même Code ; JUGE que la société SATAF n'est pas redevable de la taxe ci-dessus pour les années 1994 à 2000 en application des dispositions de l'article 990 E 1o du Code général des impôts ; ORDONNE, en conséquence, la décharge totale de l'imposition faite à ce titre, avec remboursement des sommes déjà payées, le cas échéant, outre les intérêts prévus par la loi ; DIT que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'administration fiscale (Direction nationale des vérifications des situations fiscales), MAIS REJETTE toute demande d'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; ACCORDE à Me Bordier, titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; ET le présent arrêt a été signé par M. Rémery, Président et Mme Y..., Greffier ayant assisté au prononcé de l'arrêt. LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947804
Date de la décision : 20/10/2005
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales n'y ayant pas leur siège

Les sociétés holding établies au Luxembourg ne sont pas exonérées de la taxe de 3 % sur la valeur vénale de leurs immeubles situés en France, instituée à l'article 990 D du Code général des impôts, la convention d'établissement franco-luxembourgeoise du 31 mars 1930 n'ayant pas de portée fiscale et l'application de celle du 1er avril 1958, tendant à éviter les doubles impositions, ayant été écartée, en ce qui concerne les holdings au sens du droit luxembourgeois, par avenant sous forme d'échange de lettres du 8 septembre 1970


Références :

Convention franco-luxembourgeoise du 31 mars 1930 Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 Code général des Impôts, article 990 D

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2005-10-20;juritext000006947804 ?
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