COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS SCP LAVAL-LUEGER SCP DUTHOIT-DESPLANQUES Me DAUDÉ ARRÊT du : 01 FEVRIER 2001 N° : N° RG : 99/02471 DÉCISION DE LA COUR : Infirmation DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : T.G.I. MONTARGIS en date du 12 Mai 1999 PARTIES EN CAUSE APPELANT : Monsieur Guy X..., ... par la SCP DUTHOIT-DESPLANQUES, avoués à la Cour D'UNE PART INTIMÉES : S.A. CICAMUR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, 57, Rue de la Victoire - 75007 PARIS SA U.C.B prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, 5, Avenue Kléber - 75016 PARIS S.A. FINANCIERE GAILLON prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, 48, Rue des Petits Champs - 75002 PARIS représentées par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat Me BARAT, du barreau de PARIS S.C.I. LE MELEZE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx- 45270 LADON représentée par Me Jean-Michel DAUDÉ, avoué à la Cour ayant pour avocat Me Philippe POULIN, du barreau de MONTARGIS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 28 Juin 1999 ORDONNANCE DE CLÈTURE DU 15 novembre 2000 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre, Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller. Greffier :
Mademoiselle Karine Y..., lors des débats et du prononcé de l'arrêt. DÉBATS : A l'audience publique du 30 Novembre 2000. ARRÊT : Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 01 Février 2001 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La Cour statue sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance
de Montargis rendu le 12 mai 1999, interjeté par M. Guy X..., suivant déclaration du 28 juin 1999.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les 13 octobre (SCI Le Mélèze), 10 (M. X...) et 15 novembre 2000 (sociétés Cicamur et autres).
Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que, par acte notarié du 24 juin 1992, les sociétés CICAMUR, chef de file, UCB-Bail et Eurofibail, aux droits de laquelle est venue la société Financière-Gaillon (les crédits-bailleurs), agissant conjointement, chacune pour un tiers, ont donné à crédit-bail un ensemble d'immeubles à usage d'hôtel sis à Magnanville (Yvelines) à la Société civile immobilière de l'hôtel Mag 2000 (la SCI de l'hôtel). Le capital de cette SCI était réparti entre 9 associés, personnes physiques ou morales, dont la société à responsabilité limitée "Les Editions de la Versaudière" (société La Versaudière), ayant M. X... pour principal associé et Mme X..., son épouse, pour gérante. Comme tous les autres associés de la SCI de l'hôtel, la société La Versaudière avait nanti, en garantie, au profit des crédits-bailleurs ses parts et, dans l'acte notarié, M. X... s'était également porté caution solidaire des engagements de la société La Versaudière au titre des deux premières années des loyers du crédit-bail. Dans l'acte, les crédits-bailleurs avaient aussi autorisé la SCI de l'hôtel à sous-louer les immeubles à la société anonyme "Restauration hôtelière de Magnanville" (société RHM), dont M. X... présidait le conseil d'administration. Par des actes postérieurs du 31 janvier 1995, M. X... avait souscrit un autre engagement de caution solidaire ou prorogé le précédent.
La SCI de l'hôtel ayant cessé de régler les loyers du crédit-bail,
celui-ci a été résilié, ainsi que l'a constaté une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Versailles du 19 octobre 1995.
Par jugement du 9 novembre 1995, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de la SCI de l'hôtel, M. Z... de Dalmassy étant désigné en qualité de liquidateur.
Par jugement du 25 avril 1997, le tribunal de grande instance de Montargis, sur le fondement des articles 1857 et 1858 du Code civil, a condamné la société La Versaudière envers les crédits-bailleurs au paiement de la dette de la SCI de l'hôtel, à proportion de sa part dans le capital social, soit 41,67 %. La société La Versaudière ayant été mise, à son tour, en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Montargis du 14 novembre 1997, avec M. A... comme liquidateur, la Cour d'appel d'Orléans, par arrêt du 1er octobre 1998, a fixé la créance des crédits-bailleurs à l'égard de la société La Versaudière.
C'est dans ces conditions que les crédits-bailleurs ont assigné en exécution de son engagement de caution M. X... et que, par jugement du 17 mars 1999 du tribunal de grande instance de Montargis, celui-ci a été condamné à payer aux crédits-bailleurs la somme de 5.100.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 1997, date de l'assignation devant le premier juge.
Par arrêt du 25 mai 2000, la Cour a confirmé dans toutes ses dispositions ce jugement "sauf à préciser que les condamnations prononcées à la charge de M. X... et au profit des sociétés CICAMUR, chef de file, UCB-Bail et Eurofibail, aux droits de laquelle est venue la société Financière-Gaillon (les crédits-bailleurs), seront divisées entre elles, chacune percevant le tiers du montant de ces condamnations".
Parallèlement, les crédits-bailleurs, exerçant l'action paulienne, ont saisi le tribunal de grande instance de Montargis, par acte d'huissier de justice du 5 juillet 1997, afin que leur soit déclarée inopposable la vente, intervenue par acte authentique du 30 juillet 1996, du Château de la Versaudière effectuée par M. Guy X... en faveur de la SCI Le Mélèze, comprenant parmi ses associés deux de ses enfants et qui, malgré la vente, serait resté le domicile de M. X.... Le jugement entrepris ayant accueilli cette demande, M. Guy X... en a relevé appel et, soutenu par la SCI Le Mélèze, développe à l'appui de son recours les moyens qui seront précisés dans les motifs du présent arrêt, tandis que les crédits-bailleurs concluent à la confirmation du jugement.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 novembre 2000. MOTIFS DE L'ARRET :
Sur la procédure :
Attendu, sur la recevabilité des conclusions de M. Guy X... au regard des dispositions de l'article 961 du nouveau Code de procédure civile, qu'en réponse à la demande faite sur ce point par les crédits-bailleurs, M. Guy X... justifie de son état civil complet par la production de sa carte d'identité et de la réalité de son domicile actuel au 1, rue Demarquay à Paris (10°) par la production de deux autres documents : une lettre du Ministère de l'intérieur, service du Fichier national du permis de conduire, expédiée le 3 avril 2000 à son attention à cette adresse et une lettre d'une agence immobilière lui indiquant qu'elle pourrait mettre à sa disposition l'appartement du 1, rue Demarquay à compter du 28 juillet 1999 ;
Attendu, sur la recevabilité de la demande en inopposabilité contestée par M. Guy X... en l'absence de justification de sa publication au bureau des hypothèques, que, par la pièce n° 13 de
leur dossier, les crédits-bailleurs justifient que leur assignation du 5 juillet 1997 tendant à faire déclarer inopposable la vente par la voie paulienne a été publiée au bureau des hypothèques de Montargis le 17 juillet 1997 (volume 1997 P ; n° 3031), ainsi qu'en fait foi la mention portée sur cette assignation ; que le motif d'irrecevabilité invoquée par M. Guy X... sera rejeté ;
Sur le bien-fondé de l'action paulienne :
Attendu qu'il résulte de l'acte notarié de vente du 30 juillet 1996 que la vente du Château de la Versaudière s'est faite au prix de 1.200.000 francs, qui a été réglé par la SCI Le Mélèze, acquéreur, à M. Guy X..., vendeur, à concurrence de 100.000 francs directement et à concurrence de 1.100.000 francs à la vue du notaire instrumentaire ; que, dans leurs écritures, les crédits-bailleurs ne contestent pas que le prix ou les autres conditions de la vente étaient normaux ; que, notamment, nulle part dans les conclusions des crédits-bailleurs, il n'est allégué que le prix consenti était insuffisant par rapport à la valeur de l'immeuble ou qu'il s'agirait d'un prix fictif jamais versé ;
Que, si une vente immobilière conclue à un prix normal, qui a été réglé, reste néanmoins susceptible d'être déclarée inopposable aux créanciers du vendeur par la voie de l'action paulienne, c'est à la charge pour ceux-ci de démontrer que leur débiteur a voulu substituer à un immeuble facilement saisissable sa contrepartie en valeurs aisément dissimulables ou plus difficiles à appréhender ; que, si, en ce sens, les crédits-bailleurs, font valoir, en p. 8 de leurs conclusions, en invoquant aussi une autre vente immobilière consentie depuis par M. X... à un tiers, que M. X... "est en train de distraire ses biens immobiliers pour en retirer des liquidités qu'il dissimule, empêchant ainsi les sociétés crédit-bailleresses d'exécuter les décisions prononcées à son encontre", il s'agit là d'une pure
affirmation, qui, en l'état, n'est étayée par aucune justification ; Qu'en effet, les crédits-bailleurs se bornent à soutenir que M. X... n'a pas réglé sa dette ni fait de proposition d'apurement ; qu'ils ne prétendent même pas, alors que le jugement du tribunal de grande instance de Montargis du 17 mars 1999, confirmé par l'arrêt de cette Cour du 25 mai 2000, qui condamnait M. X... en sa qualité de caution, était assorti de l'exécution provisoire, avoir effectué la moindre tentative d'exécution par voie de saisie mobilière, notamment sur les comptes bancaires de M. X... ; que, même après l'arrêt du 25 mai 2000, ils ne justifient toujours pas de leurs démarches en ce sens ni même d'aucune démarche quelconque pour recouvrer leur créance, se contentant d'attendre que M. X... veuille les payer ; qu'autrement dit, les crédits-bailleurs n'établissent pas, et les motifs retenus par le premier juge pas davantage, que la vente du 30 juillet 1996, dont le prix a d'ailleurs servi partiellement à désintéresser des créanciers hypothécaires qui leur étaient, de toute façon, préférables par leur rang, - eux-mêmes ayant été assez imprudents pour n'avoir demandé aucune sûreté conservatoire en même temps qu'ils assignaient la caution - aurait provoqué l'appauvrissement de M. X... ou, au moins, aggravé son insolvabilité, alors qu'il a perçu le solde du prix et que rien ne prouve qu'il l'a dissimulé ; que, faute, par conséquent, pour les crédits-bailleurs, de démontrer le préjudice qu'ils subissent et alors que, contrairement à ce qu'ils soutiennent implicitement, l'engagement de la caution sur tous ses biens immeubles - mais dont aucun n'était affecté spécialement à la garantie de l'exécution du cautionnement - n'interdisait pas à celle-ci de vendre, ils ne peuvent qu'être déboutés de l'action paulienne qu'ils ont exercée, peu important que la SCI Le Mélèze présentât des liens avec M. X..., voire qu'il y eût connivence entre
eux ou que, malgré la vente, M. X... habitât encore le Château de la Versaudière, éléments qui, à les supposer établis, ne suffisent pas à eux seuls à justifier le bien-fondé de l'action paulienne ;
Que le jugement déféré sera donc infirmé ;
Sur les dépens et l'indemnité de procédure :
Attendu que les crédits-bailleurs qui succombent dans leurs prétentions supporteront les dépens de première instance et d'appel ; Que l'équité ne commande pas cependant d'allouer à M. X... ou à la SCI Le Mélèze une somme par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PA
R CES MOTIFS :
DECLARE recevables les conclusions signifiées par M. Guy X... ;
CONSTATE que la demande tendant à faire déclarer inopposable la vente immobilière du 30 juillet 1997 a été publiée au bureau des hypothèques de Montargis le 17 juillet 1997, vol. 1997 P, n° 3031 et REJETTE la fin de non-recevoir présentée à cet égard par M. Guy X... ; SUR LE BIEN-FONDÉ de l'action paulienne exercée par les sociétés CICAMUR, UCB-Bail et Eurofibail, aux droits de laquelle est venue la société Financière-Gaillon (les crédits-bailleurs), INFIRME, dans toutes ses dispositions le jugement entrepris et REJETTE la demande des crédits-bailleurs tendant à ce que leur soit déclarée inopposable la vente du Château de La Versaudière faite par acte authentique du 30 juillet 1996 reçue par M. B..., notaire à Paris ;
CONDAMNE les crédits-bailleurs conjointement, chacun pour un tiers, aux dépens de première instance et d'appel ;
REJETTE toutes demandes d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
ACCORDE à la SCP Duthoit-Desplanques et à Me Daudé, avoués, le droit reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
ET le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT