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20/08/2024 | FRANCE | N°24/05638

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-7, 20 août 2024, 24/05638


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7



Code nac : 14P









N° RG 24/05638 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WXCK



(article L.3222-5-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique)















Copies délivrées le :



à :



Hop. [6]



Mme [N]



Mme [E]



Me BERLANDr>


Min. Public





ORDONNANCE

ISOLEMENT ET CONTENTION





Le 20 Août 2024



prononcé par mise à disposition au greffe,



Nous Monsieur Cyril ROTH, président de chambre à la cour d'appel de Versailles, délégué par ordonnance de...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14P

N° RG 24/05638 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WXCK

(article L.3222-5-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique)

Copies délivrées le :

à :

Hop. [6]

Mme [N]

Mme [E]

Me BERLAND

Min. Public

ORDONNANCE

ISOLEMENT ET CONTENTION

Le 20 Août 2024

prononcé par mise à disposition au greffe,

Nous Monsieur Cyril ROTH, président de chambre à la cour d'appel de Versailles, délégué par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d'hospitalisation sous contrainte (article L.3222-5-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique) assisté de Rosanna VALETTE, greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :

ENTRE :

LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [6]

[Adresse 7]

[Localité 4]

non représenté

APPELANTE

ET :

Madame [X] [N]

née le 18 Juillet 1986 à [Localité 5]

actuellement hospitalisée au

Centre hospitalier de [6]

[Localité 4]

représentée par Me Sébastien BERLAND, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 575, commis d'office

Madame [D] [E], curatrice

Mandataire judiciaire à la protection des majeurs

[Adresse 3]

[Localité 1]

non représentée

INTIMEES

ET COMME PARTIE JOINTE :

M. LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES

pris en la personne de madame Corinne MOREAU, avocat général

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 août 2024, Mme [N] a été admise en soins psychiatriques sans consentement, en raison d'un péril imminent.

Le jour même, à 20h05, elle a été placée à l'isolement.

Le 19 août 2024, par l'organe de son avocat, Mme [N] a sollicité la mainlevée de la mesure d'isolement.

Le 19 août 2024 à 17h32, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné cette mainlevée.

Le 20 août 2024, le Centre hospitaliser [6], site de [Localité 4] (le centre hospitalier), a interjeté appel de cette décision, dont il sollicite l'infirmation, soutenant que la mesure d'isolement est régulière et nécessaire.

Pour plus ample exposé des moyens de l'appelant, il est renvoyé à la déclaration d'appel.

Le 20 août 2024 à 16h10, le greffe de la cour d'appel a avisé Mme [E], curatrice de Mme [N], de la procédure.

Par un certificat du 20 août 2024 transmis à 16h30, un psychiatre du centre hospitalier a attesté que l'état de la patiente faisait obstacle à son audition, à laquelle il n'a donc pas été procédé.

Le 20 août 2024 à 17h20, le ministère public a conclu à l'infirmation de l'ordonnance entreprise et au maintien de la mesure d'isolement, l'estimant régulière et bien fondée.

Le 20 août à 18h22, le conseil de Mme [N] a conclu à la confirmation de cette ordonnance, s'appropriant pour l'essentiel les motifs de la critique de la mesure d'isolement développée en première instance.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel a été interjeté dans le délai de vingt-quatre heures prévu à l'article R. 3211-42 du code de la santé publique ; il est donc recevable.

Sur la régularité de l'hospitalisation complète

Le contrôle juridictionnel du juge des libertés et de la détention sur une mesure d'isolement, distinct de celui de la mesure d'hospitalisation complète, est opéré au regard des seuls critères prévus à l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

En l'espèce, ayant suivi l'argumentation de Mme [N] sur ce point, le juge des libertés et de la détention a, pour ordonner la mainlevée de la mesure d'isolement, retenu que les démarches de recherche et d'information de sa famille prévues à l'article L. 3212-1 du code de la santé publique n'étaient pas établies, le relevé de ces démarches figurant au dossier étant antérieur à l'admission.

Mais un tel moyen ne peut être soumis au juge des libertés et de la détention qu'à l'occasion du contrôle systématique de la mesure d'hospitalisation complète qu'il opère, ou bien lorsqu'il est saisi à cet effet par la personne hospitalisée ; présenté à l'occasion d'un recours dirigé contre la seule mesure d'isolement, il est inopérant.

L'ordonnance entreprise doit donc être infirmée de ce chef.

Au reste, c'est manifestement en raison d'une erreur de plume que le relevé des démarches de recherche d'information de la famille de Mme [N] effectué au service des urgences de l'hôpital [2] figurant au dossier a été daté du 13 août 2024, dès lors que celle-ci a été admise le 16 août 2024.

Sur le respect des délais de renouvellement de la mesure d'isolement

L'article L.3222-5-1 du code de la santé publique dispose :

I.-L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures, et fait l'objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d'une mesure d'isolement pour une durée maximale de six heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l'objet de deux évaluations par douze heures.

II. - A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d'isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d'office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l'état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d'éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d'autres modalités de prise en charge permettant d'assurer sa sécurité ou celle d'autrui. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d'office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d'isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d'une mesure d'isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l'expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l'information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention.

Pour l'application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu'une mesure d'isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu'une précédente mesure d'isolement ou de contention a pris fin, sa durée s'ajoute à celle des mesures d'isolement ou de contention qui la précèdent.

Les mêmes deux premiers alinéas s'appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

Les mesures d'isolement et de contention peuvent également faire l'objet d'un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l'article L. 3211-12-1.

Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent II.

III.-Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l'article L. 3222-1. Pour chaque mesure d'isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d'hospitalisation, la date et l'heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée. Le registre, établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.

L'établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d'admission en chambre d'isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l'évaluation de sa mise en 'uvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l'article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l'article L. 6143-1.

Les délais exprimés en heures prévus à ce texte se calculent d'heure à heure (voir 1ère Civ., 26 octobre 2022, n°20-22.827).

En l'espèce, il résulte de l'extrait de registre communiqué par le centre hospitalier qu'un psychiatre a placé Mme [N] en isolement le 16 août 2024 à 20h05 ; que cette mesure a été renouvelée le 17 août à 06h02, le 17 août à 12h00, le 17 août à 16h10, le 18 août à 10h00, le 18 août à 17h32, le 19 août à 10h29, le 19 août à 16h52.

L'argumentation de Mme [N] selon laquelle les prescriptions successives d'isolement ne respecteraient pas toutes les délais prévus à l'article L. 3222-5-1 précité manque donc en fait.

Sur la motivation de la mesure d'isolement

Dans le contrôle d'une mesure d'isolement, le juge ne peut substituer son avis à celui des médecins, son rôle se limitant à s'assurer que leur décision est motivée de manière circonstanciée au regard des critères définis à l'article L. 3222-5-1 précité (voir 1ère Civ., 27 septembre 2017, n°16-22.544 ; CA Paris, 16 janv. 2023, n° 23/00020 ; CA Paris, 11 mai 2022, n° 22/00195).

En l'espèce, à l'appui de sa demande de mainlevée, Mme [N] a fait valoir devant le juge des libertés et de la détention qu'elle était autorisée à fumer une cigarette plusieurs fois par jour, ce qui était en contradiction avec la motivation de la mesure d'isolement faisant état de la nécessité de prévenir un passage à l'acte ; en appel, elle affirme que si son état peut justifier une hospitalisation complète, l'isolement doit rester un dernier recours, dont les conditions ne sont pas remplies.

Mais des certificats successifs susvisés, il résulte que la patiente a été agitée pendant plusieurs jours, est dans un état d'excitation psyhique et psychomotrice avec cris, pleurs et tapage, nie ses troubles, présente un risque de passage à l'acte hétéro-agressif.

A l'occasion du renouvellement de la mesure du 19 août 2024 à 10h29, le médecin a notamment relevé que Mme [N] présentait des idées délirantes de persécution, minimisait les troubles ayant conduit à son isolement, avait un comportement impulsif et imprévisible, des antécédents de passages à l'acte hétéro-agressifs dans des contextes de décompensation similaires, enfin présentait un risque de passage à l'acte imminent.

Du certificat de situation dressé ce jour à notre intention par un praticien hospitalier, il ressort que Mme [N], qui souffre de psychose chronique, a été hospitalisée pour une décompensation ; que sa désorganisation psychotique reste importante ; qu'elle se montre exaltée, virulente, menaçante, intolérante à la moindre frustration, réticente aux soins et imprévisible, ce qui justifie son isolement et explique l'impossibilité de son audition par le magistrat.

Au vu de ces constats médicaux, la mesure d'isolement, convenablement motivée, doit être considérée comme toujours justifiée par la nécessité de prévenir un dommage imminent pour le patient ou autrui.

Il convient en conséquence d'en ordonner le maintien.

PAR CES MOTIFS

Infirmons l'ordonnance critiquée ;

Ordonnons le maintien de la mesure d'isolement ;

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Fait à Versailles le 20/08/2024 à 18h45

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-7
Numéro d'arrêt : 24/05638
Date de la décision : 20/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-20;24.05638 ?
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