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20/08/2024 | FRANCE | N°24/05389

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-7, 20 août 2024, 24/05389


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7



Code nac : 14C









N° RG 24/05389 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WWT6



( Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)













Copies délivrées le :



à :



Mme [K]



Me LUNEAU



Hop. [10]



Mme [R]









ORDONNANCE





Le 20 Août 2024



prononcé

par mise à disposition au greffe,



Nous Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère, à la cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d'hospitalisation sous contrainte (décret n°2011-846 du 18 juillet 2011), assistée de...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14C

N° RG 24/05389 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WWT6

( Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)

Copies délivrées le :

à :

Mme [K]

Me LUNEAU

Hop. [10]

Mme [R]

ORDONNANCE

Le 20 Août 2024

prononcé par mise à disposition au greffe,

Nous Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère, à la cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d'hospitalisation sous contrainte (décret n°2011-846 du 18 juillet 2011), assistée de Madame Rosanna VALETTE, Greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

ENTRE :

Madame [G] [K]

actuellement hospitaliée au centre hospitalier

De [10]

non comparante, représentée par Me Benoît LUNEAU, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 269, commis d'office

APPELANTE

ET :

LE DIRECTEUR DU GROUPE HOSPITALIER [10]

[Adresse 2]

[Localité 5]

non représenté

Madame [P] [R], tiers

[Adresse 3]

[Localité 4]

non comparante, non représentée

INTIMEES

ET COMME PARTIE JOINTE :

M. LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES

non représenté à l'audience, madame Corinne MOREAU, avocat général, ayant rendu un avis écrit

A l'audience publique du 20 Août 2024 où nous étions Madame Marie-Bénédicte JACQUET assisté de Madame Céline KOC, Greffière, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour;

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [G] [K], née le 2 avril 1994 et demeurant [Adresse 1] à [Localité 8] (92) fait l'objet depuis le 26 juin 2024 d'une mesure de soins psychiatriques, sous la forme d'une hospitalisation complète, au centre hospitalier [10] de [Localité 6], sur décision du directeur d'établissement à la demande d'un tiers, en application des dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 2 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nanterre a autorisé le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète.

Le 26 juillet 2024, le directeur de l'établissement de [Localité 6] a décidé de maintenir les soins psychiatriques sans le consentement en hospitalisation au groupe hospitalier [10] de Mme [K].

Par requête du 31 juillet 2024, Mme [K] a demandé la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète dont elle fait l'objet.

Par ordonnance du 7 août 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté la requête en mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Appel a été interjeté le 9 août 2024 par le conseil de Mme [K].

Mme [K], Mme [R], tiers et mère de l'intéressée, et l'établissement [Localité 9] ont été convoqués en vue de l'audience.

Le procureur général représenté par Mme Corinne MOREAU, avocate générale, a visé cette procédure par écrit le 16 août 2024, avis versé aux débats.

L'audience s'est tenue le 20 août 2024 en audience publique.

A l'audience, bien que régulièrement convoqués, Mme [K], Mme [R] et le centre hospitalier de [Localité 6] n'ont pas comparu.

En l'absence de l'appelante, le greffe a contacté le groupe hospitalier de [Localité 6] qui a informé qu'un certificat médical devait parvenir sous peu à la Cour et une note en délibéré a été autorisée.

Le conseil de Mme [K], la représentant, a sollicité la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte, invoquant l'absence de notification de la décision du 26 juillet 2024 de maintien en hospitalisation complète et le fait qu'à la date de l'audience son hospitalisation contrainte ne respectait plus les conditions prescrites par le code de la santé publique.

Il précise que l'absence de notification a empêché Mme [K] de saisir la commission départementale des soins psychiatriques, ce qu'elle a fait dès qu'elle a pu, en même temps que l'appel de la décision.

Il ajoute que l'absence du patient sans aucune explication et en l'absence de certificat médical d'inaudibilité est un motif supplémentaire d'irrégularité devant entraîner la mainlevée de la mesure, en présence d'un grief évident d'exposer ses moyens.

L'affaire a été mise en délibéré.

En cours de délibéré, l'hôpital a envoyé un certificat médical de ce jour, rédigé par le docteur [S], qui a constaté : 'Patiente de 30 ans hospitalisée sous contrainte à l'unité Rodin pour syndrome catatonique survenu suite à la rupture thérapeutique après sa dernière sortie d'hospitalisation dans le contexte d'une psychose chronique.

Ce jour, elle n'a pu être accompagnée à la Cour d'Appel de Versailles par manque de personnel dans notre unité hospitalière.'

Le conseil de Mme [K] expose alors, dans une note en délibéré en réponse au certificat médical du 20 août 2024, que Mme [K] a été privée de la possibilité d'assister à l'audience, qu'elle était parfaitement audible et que l'hôpital ne fait état que de difficultés matérielles d'organisation et non de circonstances insurmontables. Il demande donc la mainlevée de la mesure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.

Sur l'absence de Mme [K] à l'audience

Le certificat médical de ce jour expose que par manque de personnel, Mme [K] n'avait pu être accompagnée à la Cour d'appel. S'il convient de déplorer cette situation, il y a lieu de relever que Mme [K] était représentée régulièrement à l'audience par son avocat, conformément à l'article 411 du code de procédure civile. La déclaration d'appel a été déposée par le conseil de Mme [K], cette dernière ayant également pu saisir la commission départementale des soins psychiatriques.

En outre, si Mme [K] avait fait part de son souhait d'être présente à l'audience, elle a également signé un document, le 16 août 2024, déclarant qu'elle serait représentée par un avocat dans le cas où elle ne serait pas présente à l'audience devant le juge des libertés et de la détention.

Il en résulte que Mme [K] était régulièrement représentée à l'audience et que la procédure est régulière.

Sur l'irrégularité de procédure

L'article L. 3211-3 du code de la santé publique dispose qu' 'avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1(...)'.

Les dispositions combinées des articles L. 3211-3 et L. 3216-1 du code de la santé publique imposent une information du patient sur la décision le concernant, les raisons qui motivent cette décision, le plus rapidement possible, d'une manière appropriée à son état et dans la mesure où son état le permet. Le défaut d'information du patient sur sa situation affecte la régularité de la procédure et peut, si l'irrégularité constatée porte atteinte à ses droits, entraîner la mainlevée de la mesure.

Par ailleurs, l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet, conformément aux dispositions de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, cette atteinte devant être appréciée in concreto.

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme [K] s'est vue notifier la décision de maintien en hospitalisation sous contrainte datée du 26 juillet 2024, vraisemblablement le 7 août 2024 du fait de la mention manuscrite de la date difficilement lisible mais qu'elle a refusé de signer le document.

Si la notification de la décision elle-même a tardé, Mme [K] était déjà informée de cette demande le même jour par le docteur [H] qui l'a examinée et cette irrégularité ne saurait lui faire grief compte tenu des nombreux certificats médicaux produits aux débats et dont elle a été informée.

Les décisions d'admission et de maintien précédentes ainsi que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention maintenant l'hospitalisation complète ayant été notifiées régulièrement, le seul fait que la 'décision de maintien' soit notifiée tardivement, alors que cette décision de maintien a été prise après le certificat médical de maintien mensuel du 26 juillet 2024 mentionnant l'information de l'intéressé, ne suffit pas à porter atteinte aux droits de l'intéressé.

De surcroît, comme l'a souligné le premier juge, aucun grief n'est rapporté en ce qu'il ne peut être valablement contesté que la mesure d'hospitalisation complète est indispensable pour protéger Mme [K], qui se mettait en danger ainsi qu'il résulte des certificats médicaux versés au dossier, et dans ces conditions, à supposer qu'il ait été établi le grief pouvant en résulter pour l'intéressée serait bien inférieur à celui qui résulterait pour elle de la mainlevée de la mesure.

En effet, le certificat médical de situation du 5 août 2024 mentionne : 'Patiente âgée de 30 ans, réadmise le 26/06/2024 en SPDT via le SAU de 1'hôpital [7] pour état catatonique et psychotique sur les lieux de son travail dans un contexte de rupture thérapeutique dès la sortie de sa dernière hospitalisation de notre service en date du 12/06/2024.

Plusieurs réajustements thérapeutiques ont été initiés depuis son admission sans grande efficacité des symptômes psychotiques négatifs mise à part une régression des éléments catatoniques.

L'examen, ce jour, montre une patiente légèrement figée, dans un contact bizarre et de présentation dissociée avec des sourires immotivés et persistants. Le discours est désorganisé, flou, persévératif et circonvolutoire dans un déni des troubles avec une mise en avant d'une opposition aux soins en milieu hospitalier et avec des demandes réitérées de sortie. Il est noté une rationalisation délirante à mécanismes interprétatif et intuitif avec des thèmes de harcèlement et de préjudice centrés sur son milieu professionnel. La thymie est basse sans idéation morbide. L'observance médicamenteuse est aléatoire devant une opposition passive à chaque administration sans aucune adhésion au traitement.

Cet état rend nécessaire la poursuite des soins psychiatriques sans consentement en milieu hospitalier pour observation et réadaptation thérapeutique devant des troubles psychotiques probables d'allure schizoïde.'

Enfin le certificat médical du 26 juillet 2024 de maintien mensuel précise que 'La patiente a été informée, de manière adaptée à son état, le vendredi 26 juillet 2024 du projet de maintien des soins psychiatriques sous la forme définie par le présent certificat et a été mis à même de faire valoir ses observations par tout moyen adapté et de manière appropriée à cet état.'

En conséquence, le moyen tiré de l'absence de notification de la décision du 26 juillet 2024 sera rejeté.

Sur le fond

Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.

Le certificat médical initial du 26 juin 2024 et les certificats suivants des 26 juillet et 5 août 2024 détaillent avec précision les troubles dont souffre Mme [K]. Le certificat du 16 août 2024 du docteur [F] indique que plusieurs réajustements thérapeutiques ont permis d'observer une amélioration du contact et de la relation à autrui ; que cependant le 'discours reste projectif, ou, inauthentique et persévératif quant à son opposition aux soins en milieu hospitalier et par rapport à des demandes réitérées de sortie. Les troubles sont déniés sans critique, sans aucune appropriation pathologique ni adhésion thérapeutique avec une rationalisation projective sur les difficultés rencontrées au niveau professionnel. La patiente est dans l'évitement quand nous lui renvoyons qu'il s'agit de la troisième hospitalisation depuis avril 2024 pour des motifs identiques. Il est noté également la persistance d'éléments interprétatifs et intuitifs à thèmes de persécution.

Ses troubles justifient la poursuite d'une hospitalisation à temps plein sous contrainte afin de renforcer l'alliance thérapeutique et 1'adhésion aux soins devant le risque de rupture de traitement dès la sortie comme précédemment.'

Cet avis médical est suffisamment précis pour justifier les restrictions à l'exercice des libertés individuelles de Mme [K], qui demeurent adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis, l'intéressée se trouvant dans l'impossibilité de consentir aux soins en raison des troubles décrits, son état nécessitant des soins assortis d'une surveillance constante. L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a maintenu la mesure de soins psychiatriques de Mme [K] sous la forme d'une hospitalisation complète.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance réputée contradictoire,

Déclarons l'appel de Mme [K] recevable,

Confirmons l'ordonnance entreprise,

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-7
Numéro d'arrêt : 24/05389
Date de la décision : 20/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-20;24.05389 ?
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