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16/07/2024 | FRANCE | N°24/04443

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-7, 16 juillet 2024, 24/04443


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7







Code nac : 14H





N° 209



N° RG 24/04443 -

N° Portalis DBV3-V-B7I-WUOY



















Du 16 JUILLET 2024































ORDONNANCE



LE SEIZE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE



A notre audience publique,



Nous, Charlotte GIRAULT, Conseillère à la

cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Mohamed EL GOUZI, Greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :



ENTRE :



Monsie...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14H

N° 209

N° RG 24/04443 -

N° Portalis DBV3-V-B7I-WUOY

Du 16 JUILLET 2024

ORDONNANCE

LE SEIZE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

A notre audience publique,

Nous, Charlotte GIRAULT, Conseillère à la cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Mohamed EL GOUZI, Greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :

ENTRE :

Monsieur [O] [U]

né le 07 Février 2006 à [Localité 3], de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au CRA [Localité 4]

comparant par visioconférence, assisté de Me Frédérique KUCHLY, avocat au barreau de VERSAILLES, commis d'office, vestiaire : 461 et de monsieur [P] [V], interprète en langue arabe

DEMANDEUR

ET :

PRÉFECTURE DES HAUTES DE SEINE

Section Eloignement

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0500,

DEFENDERESSE

Et comme partie jointe le ministère public absent

Vu les dispositions des articles L. 742-1 et suivants et R743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'extrait individualisé du registre prévu par l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'obligation de quitter le territoire français notifiée par le préfet des Hauts-de-Seine le 21 janvier 2024 à M. [O] [U] ;

Vu l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 12 juillet 2024 portant placement de l'intéressé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 48 heures, notifiée le même jour à 17h50 ;

Vu la requête de l'autorité administrative en date du 14 juillet 2024 tendant à la prolongation de la rétention de M. [O] [U] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 28 jours ;

Le 15 juillet 2024 à 12h14, M. [O] [U] a relevé appel de l'ordonnance prononcée à distance avec l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle par le juge des libertés et de la détention de Versailles le 15 juillet 2024 à 10h48, qui lui a été notifiée le même jour à 11h21, a rejeté les moyens d'irrégularité, déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable, déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [O] [U] régulière et ordonné la prolongation de la rétention de M. [O] [U] pour une durée de vingt-huit jours à compter du 14 juillet 2024 à 17h50.

Il sollicite, dans sa déclaration d'appel, l'annulation de l'ordonnance, subsidiairement, sa réformation et la fin de la rétention. A cette fin, il soulève :

- la violation de ses droits fondamentaux en ce que la préfecture ne prouve pas « la nécessité d'avoir eu recours à un interprète par téléphone » pour la notification de sa mesure de placement en rétention,

- l'absence de diligence de l'administration

Les parties ont été convoquées en vue de l'audience.

A l'audience, le conseil de M. [O] [U] a soutenu que la prefecture ne rapportait pas la preuve de la nécessité de recourir à un interprète par un moyen téléphonique pour effectuer la notification des droits à M. [O] [U], de sorte que les droits fondamentaux de ce dernier n'ont pas été respectés. Par ailleurs, le conseil de M. [O] [U] s'en est rapporté à la cour concernant l'absence de diligences de l'administration.

Le conseil de la préfecture s'est opposé aux moyens soulevés et a demandé la confirmation de la décision entreprise, en faisant valoir que l'administration a effectué les diligences nécessaires au titre de l'article L.741-3 du CESEDA par l'envoi d'un courriel en date du 13 juillet aux autorités consulaires compétentes.

Le conseil de la préfecture, qui n'a pas soulevé de moyen d'ordre public, a exposé également qu'il ne niait pas le besoin d'un interprète pour M. [O] [U] mais que ses droits avaient été respectés, dans la mesure où l'interprète avait été présent en garde-à-vue, que M. [O] [U] avait fait valoir ses droits durant la mesure, ainsi qu'il lui avait été laissé la possibilité de disposer d'un téléphone en fin de garde-à vue pour exercer ses droits, comme le mentionne le procès-verbal de fin de garde-à-vue.

M. [O] [U] a indiqué qu'il n'avait rien à faire en Algérie et ne souhaitait pas rentrer dans son pays. Il indique être au courant de l'obligation de quitter le territoire français qui lui incombe, mais ne pas avoir compris qu'il devait exécuter cette mesure. Il précise qu'il ne lui a pas été laissé de téléphone à la fin de sa garde-à-vue pour faire valoir ses droits. Enfin, il explique qu'il ne comprenait pas bien l'interprète qui était présent car ce dernier parlait un dialecte marocain alors que lui est algérien.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

L'article R 743-11 du même code prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.

En l'espèce, l'appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.

Sur le moyen tiré de l'absence d'interprète

Aux termes de l'article L 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

L'article L 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger indique en début de procédure une langue qu'il comprend et indique s'il sait lire, cette langue étant utilisée jusqu'à la fin de la procédure.

L'article L 141-3 du même code prévoit que toute décision ou information est communiquée à l'étranger dans une langue qu'il comprend, soit au moyen de formulaire écrit, soit par l'intermédiaire d'un interprète, dont l'assistance est obligatoire s'il ne comprend pas le français et ne sait pas lire.

Aux termes d'une jurisprudence constante de la Cour de Cassation, lorsque le juge est saisi d'un moyen sur le fondement de l'article L.141-3 (anciennement L. 111-8) il lui incombe de caractériser la nécessité d'une assistance de l'interprète par l'intermédiaire de moyens de télécommunication (Civ 1ère 24 juin 2020 18-22.543)

En l'espèce, il ne peut qu'être constaté que l'intéressé a fait appel à un interprète durant sa garde-à-vue et a déclaré savoir « un peu » lire et écrire l'arabe, et que les droits au centre de rétention ont été lus et notifiés par un interprète par truchement téléphonique, ainsi que le mentionne l'arrêté de placement en rétention, signé par un officier de police.

Bien qu'un formulaire rédigé en arabe ait été présenté au retenu à son arrivée au centre de rétention qu'il a lu par lui-même et signé, il a aussi déclaré dans le cadre de la procédure pénale ne savoir que très peu lire et écrire l'arabe, ayant un niveau scolaire primaire.

En outre si M. [O] [U] a bénéficié de l'assistance d'un interprète, physique ou téléphonique, pendant toute la durée de la procédure d'enquête devant les services de police, sans jamais faire valoir qu'il ne comprenait pas l'interprète avant la présente instance, la procédure administrative, qui a débuté dans la suite immédiate de sa garde-à-vue, n'a pas été effectuée en présence de l'interprète. En effet, celui-ci ne se trouvait pas dans les locaux des services de police au moment de la notification de fin de garde à vue et de notification du placement en rétention administrative, pas plus que dans les locaux du centre de rétention administrative.

Or, la préfecture ne justifie aucunement la nécessité d'une assistance de l'interprète par l'intermédiaire de moyens de télécommunication ou l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer.

Ainsi, faute de démontrer la nécessité d'une assistance de l'interprète par l'intermédiaire de moyens de télécommunication, et au regard de l'absence de maîtrise de la langue française mais également de la lecture de la langue arabe par le retenu, il convient de retenir que l'absence d'assistance de l'interprète en présentiel aux côtés de M. [O] [U] lui a nécessairement porté grief en portant atteinte à ses droits fondamentaux.

En conséquence, le moyen est fondé et la procédure de placement en rétention administrative est irrégulière, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen tiré de l'absence de diligence de l'administration. En conséquence, il y a lieu de rejeter la requête du préfet aux fins de prolongation de la rétention de M. [O] [U] et d'ordonner sa remise en liberté immédiate.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare le recours recevable en la forme,

Infirme l'ordonnance entreprise,

Déclare irrégulière la procédure de placement en rétention administrative de M. [O] [U]

Rejette la requête du préfet des Hauts-de-Seine aux fins de prolongation de la rétention administrative,

Ordonne la remise en liberté immédiate de M. [O] [U]

Rappelle à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.

Fait à Versailles, le 16 juillet 2024 à 18h15

Et ont signé la présente ordonnance, Charlotte GIRAULT, Conseillère et Mohamed EL GOUZI, Greffier

Le Greffier, La Conseillère,

Mohamed EL GOUZI Charlotte GIRAULT

Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.

l'intéressé, l'interprète, l'avocat

POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.

Article R 743-20 du CESEDA :

' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.

Articles 973 à 976 du code de procédure civile :

Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux ;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-7
Numéro d'arrêt : 24/04443
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;24.04443 ?
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