La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°24/00581

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 11 juillet 2024, 24/00581


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88K



Chambre sociale 4-6











ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 JUILLET 2024



N° RG 24/00581 -JONCTION AVEC LE

N° RG 24/01211

N° Portalis DBV3-V-B7I-WLS3



AFFAIRE :



[F] [H]





C/



CNAV









Décision déférée à la cour : rendu le 10 novembre 2023 par le pole social TJ de Versailles







Copies ex

écutoires délivrées à :



Me Guillaume GUERRIEN

CNAV





Copies certifiées conformes délivrées à :





[F] [H]





Mme [G] [C]

Représentante de la

CNAV







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88K

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JUILLET 2024

N° RG 24/00581 -JONCTION AVEC LE

N° RG 24/01211

N° Portalis DBV3-V-B7I-WLS3

AFFAIRE :

[F] [H]

C/

CNAV

Décision déférée à la cour : rendu le 10 novembre 2023 par le pole social TJ de Versailles

Copies exécutoires délivrées à :

Me Guillaume GUERRIEN

CNAV

Copies certifiées conformes délivrées à :

[F] [H]

Mme [G] [C]

Représentante de la

CNAV

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [H]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Guillaume GUERRIEN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 641

bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 100 %.

APPELANT

****************

CNAV

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [G] [C] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseillère,

Madame Odile CRIQ, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M.[F] [H], né le 31 décembre 1952, est bénéficiaire, depuis le 1er octobre 2013, d'une pension de retraite personnelle et perçoit, depuis la même date, l'allocation de solidarité aux personnes âgées dite 'ASPA'.

A la suite d'une enquête, la caisse nationale d'assurance vieillesse (ci-après la CNAV) a notifié à M. [F] [H], par courrier du 18 juillet 2020, un trop perçu d'un montant de 21968,34 euros pour la période du 1er octobre 2013 au 30 juin 2020. Dans le même courrier, elle lui a notifié le nouveau montant de sa pension de retraite personnelle à compter du 1er juillet 2020, à savoir 444,62 euros.

Le 27 juillet 2020, M. [F] [H] a saisi la commission de recours amiable pour contester la notification de la CNAV.

Par décision du 14 septembre 2022, la commission de recours amiable a rejeté le recours au motif que 'M.[F] [H] a signé une demande d'ASPA reçue le 4 décembre 2013 puis deux questionnaires de ressources et de situation familiale les 14 février 2014 et 12 février 2017 sans jamais indiquer sa rente accident de travail, alors que les termes 'rentes personnelles' figuraient expressément. C'est à la faveur d'une enquête effectuée le 4 mai 2020 qu'un agent assermenté de la Caisse dans le cadre d'un contrôle de ressources que la Caisse a constaté que M.[F] [H] n'avait jamais déclaré sa rente AT perçue depuis 2007. De plus, sur le questionnaire de ressources adressé par l'agent enquêteur le 7 janvier 2020, M.[F] [H] n'a pas davantage indiqué percevoir une rente AT. Aux termes de l'article L815-11 précité, 'l'allocation peut être révisée, suspendue ou supprimée à tout moment lorsqu'il est constaté que l'une des conditions exigées pour son service n'est pas remplie' les arrérages restent acquis sauf fraude, absence de déclaration ou de transfert de la résidence hors du territoire ou absence de déclaration de ressources. Or, M.[F] [H] n'a jamais informé la caisse de la perception de sa rente AT alors qu'il était tenu de renseigner spontanément la caisse de la totalité de ses ressources. C'est pourquoi, l'absence de déclaration en temps utile justifie la révision du droit de l'allocation et le remboursement des sommes indûment perçues. M.[F] [H] ayant omis volontairement de déclarer à plusieurs reprises le montant de sa rente AT, il a manqué à son obligation relevant de l'article R815-18 du code de sécurité sociale, ce qui permet à la Caisse de qualifier son comportement de frauduleux'.

Par requête enregistrée au greffe le 28 mars 2023, M. [F] [H] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, suite à la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement du 10 novembre 2023, notifié le 8 décembre 2023 et reçu entre le 11 et le 13 décembre 2023 par les parties, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a statué comme suit :

dit que le trop perçu par M. [F] [H] sur la période du 1er octobre 2013 au 30 juin 2020 s'élève à la somme de 21 968,34 euros

confirme la décision de la caisse nationale d'assurance vieillesse du 18 juillet 2020

condamne M. [F] [H] à verser à la caisse nationale d'assurance vieillesse la somme de 20 136,34 euros au titre du solde du trop-perçu d'ASPA pour la période du 1er octobre 2013 au 30 juin 2020, déduction faite des versements déjà effectués

déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples

condamne M. [F] [H] aux entiers dépens

ordonne l'exécution provisoire de la décision.

Par courrier reçu au greffe du tribunal judiciaire de Versailles le 21 décembre 2023, M.[F] [H] a saisi le Procureur général d'une demande de révision du jugement précité. Faute de précision quant aux références du jugement critiqué et quant à la nature de la saisine, ce courrier après recherches, a été communiqué à la cour d'appel de Versailles le 23 février 2024 et enregistré sous le numéro RG24-581.

Le 27 décembre 2023, M. [F] [H] a fait une demande d'aide juridictionnelle, qu'il a obtenue le 27 février 2024.

Par courrier du 29 mars 2024, reçu le 2 avril 2024, le conseil de M. [F] [H] a interjeté appel du jugement, enregistré sous le numéro RG24-1211.

Aux termes de ses conclusions écrites visées le 28 mai 2024, soutenues oralement à l'audience, M.[F] [H] sollicite de la cour de :

déclarer recevable le recours de M.[F] [H] et y faisant droit

infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions

et statuant de nouveau, constater l'absence de fraude par M.[F] [H] et dire en conséquence prescrite, et à tout le moins mal fondée, toute demande de recouvrement pour les allocations ASPA versées antérieurement au 8 décembre 2021

annuler la décision de la CNAV du 18 juillet 2020, celle de la commission de recours amiable du 14 septembre 2022 et celle du médiateur de l'assurance retraite du 27 janvier 2023

juger prescrite la demande de remboursement de trop-perçu de la CNAV

à titre subsidiaire, constater l'erreur dans les calculs de la CNAV

annuler la décision de la CNAV du 18 juillet 2020, celle de la commission de recours amiable du 14 septembre 2022 et celle du médiateur de l'assurance retraite du 27 janvier 2023

ordonner à la CNAV de rétablir les droits à l'ASPA de M.[F] [H] à compter du 1er octobre 2013

ordonner à la CNAV et la condamner en tant que de besoin, de restituer à M.[F] [H] l'ensemble des sommes indûment prélevées en recouvrement d'un prétendu indu désormais annulé

en tout état de cause, condamner la CNAV à payer à M.[F] [H] une somme de 10000 euros à titre de dommages-intérêts

condamner la CNAV à payer à M.[F] [H] une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions écrites du 6 mai 2024, et soutenues oralement à l'audience, la caisse nationale d'assurance vieillesse demande à la cour de :

sur la forme, statuer sur la recevabilité de l'appel de M.[F] [H],

prononcer la jonction des deux affaires inscrites sous les n°RG24/00581 et 24/01211

sur le fond, confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Versailles du 10 novembre 2023 en toutes ses dispositions

rejeter la demande formulée par M.[F] [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

débouter M. [F] [H] de ses demandes, fins et conclusions

en tout état de cause, condamner M. [F] [H] aux dépens.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la jonction

Eu égard à leur connexité, il convient pour une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les n°RG24-00581 et 24-01211, lesquelles seront suivies sous le premier de ces numéros.

Sur la recevabilité

L'appel à l'encontre d'un jugement du pôle social du Tribunal judiciaire s'exerce dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Le délai d'appel à l'encontre de la décision du 10 novembre 2023 du pôle social du Tribunal judiciaire de Versailles démarre le jour de la notification effective le 11 décembre 2023 (signature de l'avis de réception de la lettre recommandée de notification), notification avec rappel précis des délais et des modalités pour exercer le recours, et expire le 11 janvier 2024 à 24 heures.

Selon l'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles, 'Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :

1° De la notification de la décision d'admission provisoire ;

2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;

4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la propriété intellectuelle, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° à 4° du présent article.

Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente'.

En application de ce texte, la demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de prescription et un nouveau délai de même durée court à compter de la date de son admission.

En l'espèce, la demande d'aide juridictionnelle a été déposée le 27 décembre 2023, soit dans le délai d'appel d'un mois, puis notifiée par courrier du 1er mars 2024, reçu le 5 mars 2024 à l'ordre des avocats de Versailles, de sorte que l'appel interjeté le 2 avril 2024 est recevable.

Sur le fond

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

M.[F] [H] invoque la prescription biennale, ce à quoi la CNAV oppose la fraude de l'appelant.

Selon l'article L815-1 du code de sécurité sociale dans sa version applicable au litige, 'Toute personne justifiant d'une résidence stable et régulière sur le territoire métropolitain ou dans un département mentionné à l'article L. 751-1 et ayant atteint un âge minimum bénéficie d'une allocation de solidarité aux personnes âgées dans les conditions prévues par le présent chapitre. Cet âge minimum est abaissé en cas d'inaptitude au travail.

Un décret en Conseil d'Etat précise la condition de résidence mentionnée au présent article'.

Selon l'article L815-4 du code précité, ' Le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, qui varie selon que le foyer est constitué d'une personne seule ou de conjoints, de concubins ou de partenaires liés par un pacte civil de solidarité, est fixé par décret'.

Selon l'article L815-11 du code précité, 'L'allocation peut être révisée, suspendue ou supprimée à tout moment lorsqu'il est constaté que l'une des conditions exigées pour son service n'est pas remplie ou lorsque les ressources de l'allocataire ont varié.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles l'allocation peut être révisée, suspendue ou supprimée par les services ou organismes mentionnés à l'article L. 815-7.

Dans tous les cas, les arrérages versés sont acquis aux bénéficiaires sauf lorsqu'il y a fraude, absence de déclaration du transfert de leur résidence hors du territoire métropolitain ou des départements mentionnés à l'article L. 751-1, absence de déclaration des ressources ou omission de ressources dans les déclarations.

Toute demande de remboursement de trop-perçu se prescrit par deux ans à compter de la date du paiement de l'allocation entre les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration'.

Selon l'article R815-5 du code précité, 'Pour bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées instituée par l'article L. 815-1, l'intéressé doit souscrire une demande conforme au modèle arrêté par le ministre chargé de la sécurité sociale.

Des exemplaires de la demande sont mis à la disposition des intéressés par les organismes ou services de retraite de base mentionnés à l'article L. 815-7 et, s'agissant des personnes mentionnées au deuxième alinéa de cet article, par les mairies'.

Selon l'article R815-18 du code précité, 'La personne qui sollicite le bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées est tenue de faire connaître à l'organisme ou au service chargé de la liquidation le montant des ressources, prises en compte dans les conditions fixées aux articles R. 815-22 à R. 815-25, dont elle, et le cas échéant son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dispose'.

Selon l'article R815-19 du code précité, 'L'organisme ou le service liquidateur procède, s'il y a lieu, à toute enquête ou recherche nécessaire et demande tout éclaircissement qu'il juge utile.'.

Selon l'article R815-38 du code précité, 'Les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées sont tenus de déclarer à l'organisme ou au service qui leur sert cette allocation tout changement survenu dans leurs ressources, leur situation familiale ou leur résidence.'.

Selon l'article R815-39 alinéa 1 du code précité, 'Les organismes et services mentionnés à l'article L. 815-7 peuvent procéder, à tout moment, à la vérification des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des demandeurs ou au contrôle des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées'.

En l'espèce, il résulte des pièces produites par la CNAV que:

- M.[F] [H] a renseigné, signé et adressé un formulaire de demande d'ASPA (pièce 7) le 6 septembre 2013 qui fait apparaître que la ligne 4 ' allocations chômage, préretraite' est renseignée, la ligne 5 'pensions, retraites, rentes personnelles et de réversion (y compris la majoration de réversion)' n'est pas renseignée, un trait barrant les lignes 5, 6 et 7 du formulaire contrairement à la ligne 8 'autres revenus, précisez' où il est mentionné une 'AAH' de '418,43€ + complément mensuel : 179,31€'. Aucune rente AT n'est signalée.

- formulaire adressé à M.[F] [H] en daté du 14 octobre 2014 (pièce 8) intitulé 'contrôle de vos ressources et de votre situation familiale' qui a été renseigné, signé et retourné le 14 février 2014 [2015] par M.[F] [H] à la Caisse dans lequel il ne mentionne que les montants de ses retraites de 434,53 euros (retraite CNAV) et 105,57 euros (retraite complémentaire ARRCO), sans évoquer sa rente AT.

- formulaire adressé à M.[F] [H] daté du 9 octobre 2016 (pièce 9)intitulé 'contrôle de vos ressources et de votre situation familiale' qui a été renseigné, signé le 12 février 2017 et retourné par M.[F] [H] à la Caisse dans lequel il ne mentionne que les montants de ses retraites de 630,41 euros dont ASPA (retraite CNAV) et 105,57 euros (retraite complémentaire ARRCO), sans évoquer sa rente AT.

Si M.[F] [H] conteste avoir demandé l'ASPA, renseigné le formulaire et avoir reçu et signé tous les documents s'y rapportant notamment ceux relatifs à la réactualisation de ses ressources, pour autant la signature figurant sur les trois formulaires précités est identique, outre le fait qu'il ne conteste pas avoir perçu l'allocation ASPA depuis 2013. Il convient de relever que la pièce 12 qu'il produit pour démontrer une différence d'écriture ne porte pas plus mention de la rente AT. Par ailleurs, s'il produit un formulaire de demande de régularisation de carrière daté du 10 octobre 2018 (pièce 13) pour démontrer qu'en 2018, il a signalé spontanément sa rente mensuelle de 358,16 euros, pour autant il ne justifie pas de son envoi alors que la CNAV en conteste la réception, outre le fait qu'à l'occasion de l'enquête administrative diligentée par la Caisse, M.[F] [H] lui a retourné le questionnaire de contrôle des ressources le 17 février 2020 sans faire mention de sa rente AT (pièce 6).

Comme rappelé supra, l'organisme chargé de la liquidation de la prestation peut procéder, à tout moment, à la vérification des ressources (article R815-39 du code de sécurité sociale) en tenant compte, le cas échéant, des éléments que lui ont fournis les administrations publiques et les organismes de protection sociale (article L815-17 du code de sécurité sociale).

En tout état de cause, deux contrôles systématiques sont effectués environ un an, puis environ trois ans après l'attribution de l'allocation, afin de s'assurer de la prise en compte des retraites complémentaires ou d'éventuels avantages contributifs attribués postérieurement à l'allocation. Ces contrôles sont effectués quel que soit l'âge de l'allocataire (Circ. CNAV n° 2007-15, 1er février 2007).

Ainsi, par trois fois M.[F] [H] n'a pas déclaré volontairement sa rente AT, les documents médicaux qu'il produit (pièces 8, 9, 14,15) ne démontrant aucun trouble de nature à vicier son discernement, ne faisant état que d'un état anxio-dépressif suite aux émeutes dans les banlieues de novembre 2005 et un expert ayant déclaré son état stabilisé à la date du 17 avril 2007.

En conséquence, il convient de retenir la fraude et de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la prescription biennale étant écartée, par confirmation du jugement.

Sur le bien-fondé de la créance

A titre subsidiaire, M.[F] [H] conteste le montant réclamé et reproche à la Caisse de faire une mauvaise interprétation de l'article L815-9 du code de sécurité sociale en cumulant aux ressources qu'elle retient pour M.[F] [H], la somme maximale possible pour l'ASPA pour en conclure que ce cumul dépasse les plafonds annuels.

En réponse, la Caisse indique avoir fait une juste application des textes applicables.

Selon l'article L815-9 du code de sécurité sociale, 'L'allocation de solidarité aux personnes âgées n'est due que si le total de cette allocation et des ressources personnelles de l'intéressé et du conjoint, du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité n'excède pas des plafonds fixés par décret. Lorsque le total de la ou des allocations de solidarité et des ressources personnelles de l'intéressé ou des époux, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité dépasse ces plafonds, la ou les allocations sont réduites à due concurrence'.

Selon l'article R815-22 du code de sécurité sociale, ' Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources, de tous les avantages d'invalidité et de vieillesse dont bénéficie l'intéressé, des revenus professionnels et autres, y compris ceux des biens mobiliers et immobiliers et des biens dont il a fait donation au cours des dix années qui ont précédé la demande'.

Il résulte des éléments du dossier que M.[F] [H] perçoit, en sus de sa pension de retraite et de l'ASPA, une rente accident du travail, ce qui n'est pas contesté.

En application de l'article L815-9 précité, le montant de l'ASPA auquel peut prétendre M.[F] [H] s'évalue en additionnant la totalité de ses ressources et le montant maximum de l'ASPA puis en déduisant de ce total le montant des ressources afin de déterminer si le résultat excède ou pas le plafond de l'ASPA. Contrairement à ce que soutient M.[F] [H] qui conteste la prise en compte du maximum de l'ASPA dans la première partie de la formule de calcul, celle-ci n'a pas pour effet que 'le moindre centime de ressource supplémentaire de l'assuré lui fait dépasser le plafond lorsqu'on cumule', ce qui explique que M.[F] [H] ait pu bénéficier de l'ASPA en ne déclarant pas sa rente AT.

La CNAV a détaillé dans ses écritures, année par année, le trop perçu de M.[F] [H], calcul que la Cour reprend à son compte. Il y apparaît que M.[F] [H] ne pouvait pas prétendre à l'ASPA jusqu'au 1er janvier 2020, date à partir de laquelle il ouvrait droit à une allocation d'un montant de 0,49 euros.

Au vu des sommes indûment versées et des montants réellement dûs, M.[F] [H] est redevable de la somme totale de 23 425,90 euros d'indus à laquelle il convient de soustraire un trop-perçu de 1454,62 euros suite à une révision intervenue en 2015 et annulé par la Caisse en raison de la bonne foi de l'assuré, les retenues réalisées par la Caisse jusqu'en mars 2023 (retenues suspendues en raison de la procédure en cours) et d'ajouter la somme de 2,94 euros correspondant au total versé de janvier à juin 2020 (0,49 x 6) soit un solde restant dû de 20 136,34 euros que M.[F] [H] sera condamné à payer par confirmation du jugement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral

M.[F] [H] reproche à la Caisse de l'avoir privé de ses ressources et de les avoir réduit à 11 euros par mois. Il invoque un plan de surendettement déposé le 25 janvier 2024.

La Caisse s'y oppose, rappelant qu'elle n'a commis aucune faute et relevant que M.[F] [H] a gardé le bénéfice de sa retraite complémentaire (119,46 euros), son APL (239,17 euros et de sa rente AT (417,69 euros) soit environ 791 euros par mois.

La décision de la Caisse étant justifiée et validée par la Cour, M.[F] [H] ne peut faire valoir un quelconque préjudice en lien avec une éventuelle faute de la Caisse, de sorte que sa demande sera rejetée par confirmation du jugement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de débouter M.[F] [H] de sa demande et de le condamner aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les n°RG24-00581 et 24-01211, lesquelles seront suivies sous le premier de ces numéros;

Dit l'appel interjeté par M.[F] [H] le 2 avril 2024 recevable;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 10 novembre 2023 en toutes ses dispositions;

Y ajoutant;

Déboute M.[F] [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M.[F] [H] aux dépens.

- Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président, et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 24/00581
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;24.00581 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award