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11/07/2024 | FRANCE | N°22/01391

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 11 juillet 2024, 22/01391


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 JUILLET 2024



N° RG 22/01391 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFHY



AFFAIRE :



[T] [Y] [D]





C/

S.A.S. AUCHAN RETAIL SERVICES Venant aux droits de la société SODEC

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES




N° Section : AD

N° RG : 20/00346



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sylvie LAROSE MARTINS de la SELARL MANGIN LAROSE AVOCATS ASSOCIES



Me Vincent DUVAL







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JUILLET 2024

N° RG 22/01391 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFHY

AFFAIRE :

[T] [Y] [D]

C/

S.A.S. AUCHAN RETAIL SERVICES Venant aux droits de la société SODEC

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : 20/00346

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sylvie LAROSE MARTINS de la SELARL MANGIN LAROSE AVOCATS ASSOCIES

Me Vincent DUVAL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE JUILLET JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [Y] [D]

né le 30 Décembre 1973 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Sylvie LAROSE MARTINS de la SELARL MANGIN LAROSE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C01622

APPELANT

****************

S.A.S. AUCHAN RETAIL SERVICES Venant aux droits de la société SODEC

N° SIRET : 831 888 318

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentant : Me Vincent DUVAL, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. AUCHAN RETAIL FRANCE

N° SIRET : 481 986 446

[Adresse 9]

[Localité 3]

Représentant : Me Vincent DUVAL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

En présence de Madame [F] [H], greffier stagiaire

FAITS ET PROCÉDURE

Le 22 octobre 1996, M. [T] [Y] [D] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée, par la société Docks de France, devenue la société ATAC, devenue ensuite la société Auchan Supermarché, filiale de la société Auchan Retail France.

En janvier 2016, les fonctions support des différentes entités détenues par Auchan Retail France, parmi lesquelles la société Auchan Supermarché, ont été rationalisées et regroupées au sein d'une seule et même entreprise, la société SODEC.

C'est dans ce cadre que le contrat de travail de M. [Y] [D] a été transféré à la société SODEC, aux droits de laquelle vient désormais la SAS Auchan Retail Services, qui a pour activité la grande distribution, emploie plus de dix salariés et est une filiale de la société Auchan Retail France.

En dernier lieu, M. [Y] [D] a occupé les fonctions de chef de secteur paie, statut agent de maîtrise, au sein de la société SODEC, devenue Auchan Retail Services, et a continué de travailler au sein du siège social de la société ATAC, devenue Auchan Supermarché, situé à [Localité 7].

M. [Y] [D] exerçait par ailleurs un mandat de représentation du personnel en sa qualité de membre titulaire de la délégation unique du personnel et délégué syndical.

En 2017, le groupe Auchan s'est engagé dans un processus de réorganisation, notamment de regroupement des services d'appui jusque-là répartis entre les différentes sociétés.

Par communiqué de presse du 2 mars 2017, le groupe publiait les grandes lignes de cette réorganisation, annonçant le lancement de la procédure d'information-consultation des représentants du personnel.

Cette réorganisation avait notamment pour objectif de regrouper des services sur le site d'Okabé (« OKB ») situé au [Localité 8], dont le service paie géré par la société SODEC jusqu'alors basé sur le site de [Localité 7].

Le 20 mars 2018, les salariés de la société SODEC du site de [Localité 7] ont réclamé à pouvoir bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) en cours dans cinq des sociétés du groupe Auchan, ce qui leur a été refusé par courrier du 5 avril 2018, adressé par la direction des ressources humaines, pour les motifs suivants : «  [..] vous mettez en évidence la situation des collaborateurs du CSP paie basés à [Localité 7]. Cette situation est toute particulière. Dans le cadre de la réorganisation des services d'appui, le CSP paie basé à [Localité 7] sera transféré sur le site du [Localité 8] au 1er juillet 2019 afin de rejoindre la nouvelle direction d'Auchan Retail France en Ile de France. Dans ce contexte, l'entreprise accompagnera ces collaborateurs dans le cadre de la mobilité géographique qu'ils seront appelés à exercer. Ces derniers bénéficieront ainsi de l'ensemble des mesures d'accompagnement à la mobilité interne applicables au regard de leur situation, celle-ci sera présentée par leur manager prochainement. L'entreprise a également décidé de proposer un accompagnement financier jusqu'à la date du transfert afin de prendre en considération la participation aux travaux d'harmonisation et d'organisation auxquels ils sont amenés à participer d'ici à la date du transfert. Par ailleurs, dans le cadre de la proposition de transfert au [Localité 8], qui sera faite au cours du 1er semestre 2019, l'entreprise sera attentive à l'ensemble des situations individuelles pouvant se présenter, dans le respect de nos valeurs et engagements humains. Afin de répondre avec précision aux interrogations, le licenciement pour faute grave serait exclu dans le cas où un collaborateur refuserait son transfert pour des raisons personnelles. Néanmoins, comme nous l'avons toujours affirmé, la situation des collaborateurs du CSP de [Localité 7] dont le lieu de travail est transféré au [Localité 8] et la situation des collaborateurs dont le poste est supprimé n'est pas comparable. Le principe d'égalité de traitement ne peut donc être évoqué dans ce contexte ».

Par courrier du 7 mai 2019, M. [Y] [D] a été informé du transfert de son lieu de travail vers [Localité 8] à compter du 24 juin 2019.

M. [Y] [D] ayant refusé cette mobilité en ne se présentant pas le 24 juin 2019 sur son nouveau lieu de travail, a été convoqué par courrier du 2 juillet 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 12 juillet 2019.

Par courrier du 19 août 2019, l'inspectrice du travail a accordé à la société l'autorisation de procéder au licenciement de M. [Y] [D].

Par courrier non daté, M. [Y] [D] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Monsieur,

Vous ne nous êtes pas présenté à l'entretien préalable pour lequel vous étiez convoqué le 12 juillet 2019 et dont la convocation vous a été adressée par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 juillet 2019.

Vous êtes titulaire du mandat suivant, membre titulaire collège encadrement de la Délégation Unique du Personnel, et ce depuis les élections de la Délégation Unique du Personnel du 29/09/2016 et Délégué Syndical depuis le 10/10/2016.

Par courrier en date du 09/07/2019, nous avons convoqué la Délégation Unique du Personnel agissant en qualité de comité d'entreprise, à une réunion prévue le 18/07/2019 ayant pour objet la consultation de cette instance sur votre projet de licenciement.

Par courrier en date du 09/07/2019, vous avez été invité à cette réunion afin de pouvoir être entendu par les membres de la Délégation Unique du Personnel agissant en qualité de comité d'entreprise. Vous ne vous êtes pas présenté à cette réunion.

Au cours de cette réunion du 18/07/2019, la Délégation Unique du Personnel agissant en qualité de comité d'entreprise a rendu un avis favorable concernant votre projet de licenciement.

La demande d'autorisation de licenciement a été adressée à Madame l'inspectrice du travail, et réceptionnée le 24/07/2019.

Dans ce cadre, une enquête contradictoire a eu lieu le 06/08/2019 au cours de laquelle vous avez été entendu individuellement par voie téléphonique.

Par une décision dûment motivée datée du 19/08/2019, Madame l'inspectrice du travail a autorisé votre licenciement, au vu des éléments et motifs repris ci-après.

Suite à la réorganisation des services d'appui initiée au sein des entités Hypermarché Auchan Supermarché, My Auchan et Auchan E-commerce France, l'ensemble des services d'appui de ces différentes entités ont été regroupés sur les mêmes sites et pour une partie d'entre eux transférés sur le siège à [Localité 10].

La société SODEC occupait pour son équipe basée à [Localité 7] un espace situé dans les locaux d'Auchan Supermarché. Ces locaux ont été fermés à partir du 31 décembre 2018 pour partie et complètement au 24 juin 2019.

Dans le même temps, les équipes des services d'appuis de la région parisienne des différents formats proximité, E-commerce ont été regroupés sur un site situé près du magasin Hypermarché du [Localité 8] (OKB).

Lors d'une réunion du 8 janvier 2019, vous avez été informée en votre qualité de collaborateur de la société SODEC, que votre lieu de travail, auparavant localisé sur le site de [Localité 7], serait transféré au cours des mois de mai ou juin 2019, et au plus tard au 30 juin 2019, sur le nouveau site basé à [Localité 8]. Il vous a été remis un courrier en main propre à cette date.

Suivant courrier remis en main propre contre décharge en date du 7 mai 2019, il vous a été confirmé le transfert de votre lieu de travail à l'adresse suivante à compter du 24 juin 2019 :

OKABE - Centre d'affaires A Droite

[Adresse 4]

[Localité 8]

Aux termes de ce même courrier, vous avez été informé que votre déménagement qui pourrait être occasionné par le transfert des locaux de [Localité 7] au [Localité 8], est éligible aux dispositions en vigueur dans l'entreprise concernant la mobilité professionnelle des collaborateurs.

À compter du 24 juin 2019, vous ne vous êtes plus présenté sur votre lieu de travail, et n'avez dans le même temps ni apporté de réponse au courrier visé ci-dessus daté du 7 mai 2019, ni fourni de justifications à votre absence depuis le 24 juin 2019.

Par ailleurs, vous vous êtes exprimé oralement à plusieurs reprises auprès de la Direction de la SODEC sur votre refus de rejoindre votre nouveau lieu de travail pour des raisons personnelles.

Dans ces conditions, vous vous êtes placé, de manière volontaire, en absence injustifiée depuis le 24 juin.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ».

Le 10 juin 2020, M. [Y] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins d'obtenir la condamnation solidaire des sociétés Auchan Retail Services et Auchan Retail France et de solliciter, au titre de l'exécution de son contrat de travail, des dommages et intérêts pour exécution déloyale, et, au titre de la rupture de son contrat de travail, la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la condamnation desdites sociétés au paiement de diverses sommes, ce à quoi elles se sont opposées.

Par jugement rendu le 21 mars 2022, notifié le 23 mars 2022, le conseil a statué comme suit :

dit que la société Auchan Retail France est mise hors de cause dans cette affaire

fixe la moyenne des salaires à 3 276,17 euros

requalifie le licenciement pour cause réelle et sérieuse en licenciement sans cause réelle et sérieuse

condamne la société Auchan Retail Services à verser à M. [Y] [D] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour un montant de 9 828,51 euros

déboute M. [Y] [D]

- de sa demande d'indemnité de plan de sauvegarde de l'emploi

- de sa demande de rappel de prime variable et les congés payés y afférents

- de sa demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement

- sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

ordonne à la société Auchan Retail Services la remise des documents à M. [Y] [D] sans astreinte

condamne la société Auchan Retail Services à verser la somme de 750 euros à M. [Y] [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

déboute M. [Y] [D] de sa demande d'exécution provisoire

déboute [la société de sa] demande reconventionnelle

condamne la société Auchan Retail Services aux dépens.

Le 22 avril 2022, M. [Y] [D] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 20 novembre 2023, M. [Y] [D] demande à la cour de :

déclarer M. [Y] [D] recevable et bien fondé en son appel

y faisant droit, confirmer le jugement en date du 21 mars 2022 en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [Y] [D] ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse

confirmer le jugement en date du 21 mars 2022 en ce qu'il a condamné la société Auchan Retail Services à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à un article 700 du code de procédure civile

infirmer le jugement en date du 21 mars 2022 en ce qu'il a débouté M. [Y] [D] de ses autres demandes

confirmer le jugement en date du 21 mars 2022 en ce qu'il a débouté la société Auchan Retail Services de ses demandes reconventionnelles

déclarer la société Auchan Retail France était bien co-employeur de M. [Y] [D] et qu'elle doit être mise en cause

déclarer l'ensemble des demandes de M. [Y] [D] fondées, justifiées et incontestables

par conséquent, condamner solidairement la société Auchan Retail Services et la société Auchan Retail France à verser à M. [Y] [D] les sommes suivantes :

- rappel de prime variable : 1 640 euros

- congés payés y afférents : 164 euros

- rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement : 4 964,27 euros

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 66 114,36 euros

- indemnisation au titre des mesures du Plan de Sauvegarde de l'Emploi : 38 890,79 euros

- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat : 23 334,48 euros

Fixer la moyenne de salaire brut mensuel de M. [Y] [D] à la somme de 3 889,08 euros

condamner la société Auchan Retail Services à remettre à M. [Y] [D], sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter du prononcé de la décision à intervenir, les pièces suivantes :

- Bulletin de paie rectificatif,

- Attestation Pôle Emploi rectificative,

- Reçu de solde de tout compte rectificatif.

condamner solidairement la société Auchan Retail Services et la société Auchan Retail France à verser à M. [Y] [D] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

condamner la société Auchan Retail Services et la société Auchan Retail France à supporter les dépens en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile

rappeler que l'exécution provisoire est de droit

débouter la société Auchan Retail Services et la société Auchan Retail France de l'intégralité de leurs demandes, fins, écrits et conclusions.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 31 octobre 2023, la société Auchan Retail Services et la société Auchan Retail France demandent à la cour de :

confirmer le chef du jugement rendu le 21 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Versailles, en ce qu'il « dit que la société Auchan Retail France est mise hors de cause dans cette affaire »

infirmer les chefs ci-après du jugement rendu le 21 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Versailles, en ce qu'il :

- requalifie le licenciement pour cause réelle et sérieuse en licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamne la société Auchan Retail Services à verser à M. [Y] [D] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour un montant de 9 828,51 euros

- ordonne à la société Auchan Retail Services la remise des documents à M. [Y] [D] sans astreinte

- condamne la société Auchan Retail Services à verser la somme de 750 euros à M. [Y] [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- déboute de la demande reconventionnelle

- condamne la société Auchan Retail Services aux dépens

Et, statuant à nouveau :

débouter M. [Y] [D] de l'intégralité de ses demandes, fins, écrits et conclusions

condamner M. [Y] [D] aux entiers dépens et à payer à la société Auchan Retail Services la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Par ordonnance rendue le 10 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 26 mars 2024.

Par note en délibéré du 18 juin 2024, le magistrat rapporteur a sollicité les observations des parties comme suit:

'1- Selon l'article 76 du code de procédure civile, « Sauf application de l'article 82-1, l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas.

Devant la cour d'appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la juridiction française ».

2- Il résulte des conclusions des sociétés intimées qu'à titre principal, l'irrecevabilité de l'action en contestation de leur licenciement des salariés protégés, Mme [E], M.[Y] [D], Mme [X], est soulevée au visa de la décision administrative ayant validé le licenciement. Si les intimées ne reprennent pas cette irrecevabilité dans le dispositif de leurs dernières écritures et que les salariés n'ont formulé aucune observation sur cette question, pour autant il appartient à la Cour de soulever d'office la question de l'incompétence de la juridiction judiciaire au visa de la loi des 16-24 août 1790, et en application de l'article 76 précité, et d'inviter les parties à formuler toute observation utile sur cette question et les conséquences y afférentes.

3- Par ailleurs, la même question de compétence se pose s'agissant de la question du co-emploi, sur laquelle les parties sont également invitées à formuler toutes observations utiles ainsi que sur les conséquences y afférentes.

Les notes en délibéré devront être circonscrites à ces deux questions et sont attendues au plus tard pour le 25 juin 2024".

Par note en délibéré du 25 juin 2024, M. [Y] [D] a soutenu la compétence du juge judiciaire pour juger de ses demandes relatives à la contestation de son licenciement, au motif que l'inspection du travail ne s'est pas prononcée d'une part, sur la qualification de la modification de son lieu de travail, d'autre part, sur le motif économique allégué. Elle n'a formulé aucune observation sur la question de la compétence du juge judiciaire s'agissant du co-emploi.

Par note en délibéré du 20 juin 2024, la société Auchan Retail Services, et la société Auchan Retail France qui demande sa mise hors de cause, ont soulevé l'irrecevabilité des demandes de M. [Y] [D] relatives à la contestation de son licenciement et aux demandes subséquentes (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité au titre des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi), au motif qu'elles se heurteraient à la décision définitive de l'inspection du travail ayant autorisé son licenciement. Elles n'ont formulé aucune observation sur la question de la compétence du juge judiciaire s'agissant du co-emploi.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le co-emploi

En application de la loi des 16-24 août 1790 et du principe de la séparation des pouvoirs, il n'entre pas dans la compétence matérielle du conseil de prud'hommes de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ni sur la contestation du licenciement autorisé par l'autorité administrative. L'inspecteur du travail, lorsqu'il examine une telle demande, peut statuer sur l'existence d'une situation de co-emploi, s'il est saisi d'une telle demande par le salarié à l'occasion de l'enquête contradictoire avant autorisation ou du recours gracieux. A défaut d'y avoir répondu, le juge judiciaire retrouve sa compétence.

En l'espèce, le salarié n'invoque ni ne démontre avoir saisi ni l'inspecteur du travail sur la question du co-emploi durant l'enquête contradictoire organisée en application de l'article R2421-4 du code du travail ni à l'occasion d'un recours hiérarchique en application de l'article R2422-1 du code du travail ni le juge administratif à l'occasion d'un recours contentieux, de sorte que le juge judiciaire n'est pas compétent pour évoquer cette question à l'occasion de sa contestation de son licenciement mais retrouve néanmoins sa compétence dès lors que le co-emploi est invoqué pour d'autres chefs de prétention ne relevant pas de la compétence de l'autorité administrative telle que la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de sorte que la question du co-emploi sera ici évoquée.

M. [Y] [D], qui ne conteste pas que son contrat de travail a été transféré de la société SODEC à la société Auchan Retail Services, invoque une situation de co-emploi entre les sociétés Auchan Retail Services et Auchan Retail France, soutenant que les courriers qui lui étaient adressés avaient en tête le logo d'Auchan Retail France et que la direction des ressources humaines d'Auchan Retail France prenait toutes les décisions pour les sociétés filiales, dont Auchan Retail Services.

La société lui oppose d'invoquer une situation de co-emploi sans même évoquer une immixtion permanente de la société Auchan Retail France dans la gestion économique et sociale de la société Auchan Retail Services, soulignant, en tout état de cause, que tous les courriers de procédure ont été signés ou contre-signés par M. [J], directeur de la SODEC (devenue Auchan Retail Services) et qu'Auchan Retail France est une société dépourvue de personnel.

Il convient de souligner que l'ancien critère de la triple confusion d'intérêts, d'activités et de direction, issu d'une jurisprudence de 2014 (Cass. soc., 2 juill. 2014, no 13-15.208) a été abandonné car, selon la Cour de cassation, il « ne permettait en effet plus de circonscrire avec la rigueur nécessaire, des situations qui doivent rester dans le domaine de l'exception » (note explicative accompagnant Cass. soc., 25 nov. 2020, no 18-13.769).

La jurisprudence retient désormais que c'est la perte d'autonomie d'action de la filiale, qui ne dispose pas du pouvoir réel de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion économique et sociale, qui est déterminante dans la caractérisation d'une immixtion permanente anormale de la société-mère, constitutive d'un co-emploi.

La notion de co-emploi suppose donc établie, soit que le salarié exécutait le contrat de travail sous la subordination conjointe des deux sociétés, soit la perte totale d'autonomie d'action d'une société par rapport à une autre dans le domaine de la gestion économique et sociale.

L'existence d'un contrat de travail se caractérisant par le lien de subordination instauré entre l'employeur et le salarié, deux personnes morales, juridiquement distinctes, peuvent être qualifiées de co-employeurs lorsque, en raison d'une immixtion permanente anormale de l'une par rapport à l'autre, elles se trouvent détenir ensemble le pouvoir de direction sur le salarié.

Il convient de rappeler que le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

C'est sur le salarié qui invoque le co-emploi et notamment le lien de subordination que repose la charge de la preuve.

En l'espèce, si les courriers adressés à M. [Y] [D] ont pour en-tête le logo de la société Auchan Retail France, ils sont cependant signés par M. [J], directeur de la société SODEC, les pieds de page desdits courriers rappelant l'entité juridique employeur (la société SODEC) et les bulletins de paie étant établis sur en-tête de la société SODEC.

L'argument de M. [Y] [D] qui consiste à dire que la société Auchan Retail France était « la présidente » de la société Auchan Retail Services, de sorte qu'elle en assurait nécessairement la gestion et l'organisation quotidienne, ne suffit pas à caractériser une situation de co-emploi, aucune immixtion ni confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés n'étant démontrée, pas plus qu'un quelconque lien de subordination entre la société Auchan Retail France et M. [Y] [D], ce dernier n'établissant ni avoir reçu des ordres et des directives de la société Auchan Retail France, ni que celle-ci disposait de la possibilité d'en sanctionner les éventuels manquements.

Au vu des éléments ci-dessus développés, il convient de dire que M. [Y] [D] est déficient dans l'administration de la preuve du co-emploi, de sorte que le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Auchan Retail France et débouté le salarié de ses demandes dirigées contre celle-ci. .

Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable

M. [Y] [D] conteste le montant perçu au titre de la rémunération variable pour les années 2017, 2018 et 2019, au motif que la société ne pouvait réduire, sans recueillir préalablement son accord, le montant de sa prime variable.

La société lui oppose que la rémunération variable individuelle (RVI) en vigueur dans l'entreprise n'est ni contractuelle, ni attachée au statut d'agent de maîtrise, les composantes de la RVI variant chaque année, en fonction des marges de man'uvre financières de l'entreprise. En tout état de cause, la société souligne que, pour les années 2018 et 2019, M. [Y] [D] ne fournit aucun élément justificatif et se contente d'extrapoler pour ces deux années le montant qu'elle réclame pour l'année 2017.

Pour être valable, une clause de variation du salaire doit être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l'employeur et ne doit pas faire peser le risque de l'entreprise sur le salarié.

Le contrat de travail peut prévoir l'existence d'une rémunération variable prenant la forme de primes ou de commissions (constituées par exemple d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé par le salarié). Cet élément contractuel ne peut pas être modifié par l'employeur sans l'accord du salarié puisque c'est la structure de la rémunération elle-même qui est concernée (Cass. soc., 23 mai 2013, no 12-14.072).

Quels que soient les paramètres de détermination de la rémunération variable et à moins que le salarié n'ait accepté le principe d'une prime discrétionnaire, l'employeur est tenu à une obligation de transparence qui le contraint à communiquer au salarié, de manière claire et précise, ses objectifs, ainsi que les éléments servant de base au calcul de son salaire et sur lesquels il se fonde pour déterminer le niveau d'atteinte desdits objectifs.

Lorsque les objectifs annuels sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier, dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice (Cass. soc. 8 avril 2021, nº19-15.432).

Dans l'hypothèse où l'employeur n'a pas précisé en temps utile la modification du système de rémunération et les objectifs devant être réalisés, le montant maximum prévu pour la rémunération variable doit alors être payé au salarié intégralement pour chaque exercice (Cass. soc., 30 juin 2021, n°19-25.519).

En l'espèce, M. [Y] [D] se prévaut d'une modification du montant de sa rémunération variable, sans cependant contester l'affirmation de la société soutenant que la prime variable n'est pas de nature contractuelle, aucune des parties ne se référant à une clause ou à un avenant au contrat de travail relatif à la rémunération variable. Dès lors, ne s'agissant pas d'une modification du contrat de travail, la société n'avait pas à recueillir l'accord préalable de M. [Y] [D] pour modifier le montant de sa rémunération variable.

En revanche, si la société peut modifier les objectifs annuels dans le cadre de son pouvoir de direction, dès lors qu'ils sont réalisables, elle n'apporte toutefois pas la preuve de ce qu'elle a informé les salariés des objectifs fixés pour les années 2017, 2018 et 2019, ni en début d'exercice ni même en fin d'exercice.

Ainsi, en l'absence d'information de M. [Y] [D] en début d'exercice 2017, 2018 et 2019, sur les objectifs fixés pour ces mêmes années et notamment résultant des modifications du mode de calcul de la rémunération variable applicable, le salarié est en droit de solliciter de l'employeur le paiement de la rémunération variable maximale prévue par la note du 17 décembre 2013 (pièce 20 bis).

Cette note, intitulée « Evolution de la RVI à partir du 1er janvier 2014 » prévoit, pour les agents de maîtrise des services d'appuis, statut auquel appartient M. [Y] [D], une RVI se composant d'une part collective (40% de l'enjeu au regard des critères économiques) et d'une part individuelle (60% de l'enjeu au regard de critères qualitatifs individuels), soit un total de l'enjeu de 2 440 euros au titre de l'année 2015.

Il ressort des écritures de la société et de la pièce 20 de M. [Y] [D], qu'au titre de l'année 2017, la RVI se composait à 70 % de l'enjeu sur des critères qualitatifs métier et à 30 % sur des critères qualitatifs mesurables, de sorte que la société a modifié le calcul de la RVI, et n'apporte pas la preuve d'avoir porté à la connaissance des salariés ce nouveau mode de calcul en début d'exercice.

Dès lors, M. [Y] [D] est en droit de solliciter le versement du différentiel entre le montant de l'enjeu perçu au titre de l'exercice 2017, lequel s'élève à 1 880 euros (pièce 20), et le montant maximum prévu pour la rémunération variable calculé sur le mode de calcul défini par la note du 17 décembre 2013, 2 440 euros, soit une somme de 560 euros au titre de l'exercice 2017, peu important que l'employeur se prévale du fait qu'il ne justifie pas avoir rempli l'intégralité de ses objectifs 2017.

Il en est de même s'agissant des années 2018 et 2019, l'argument de l'employeur soutenant que M. [Y] [D] ne fournit aucun élément justificatif et se contente d'extrapoler pour ces deux années le montant qu'elle réclame pour l'année 2017, est sans portée, dans la mesure où c'est à lui de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable du salarié et s'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation, ce qu'il échoue à faire en l'espèce.

Dès lors, il sera fait droit aux demandes de M. [Y] [D] sollicitant le versement du différentiel entre le montant de l'enjeu perçu au titre des exercices 2018 et 2019 et le montant maximum prévu pour la rémunération variable calculé sur le mode de calcul défini par la note du 17 décembre 2013, 2 440 euros, soit une somme de 540 euros au titre de l'exercice 2018, et une somme de 405 euros calculée au prorata temporis, au titre de l'année 2019.

En conséquence, par infirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Versailles, la société sera condamnée à payer à M. [Y] [D] la somme de 1 505 euros à titre de rappels de salaire pour les rémunérations variables 2017, 2018 et 2019 et celle de 150,50 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le licenciement

Sur la cause

Sur la compétence du juge judiciaire

M. [Y] [D] invoque l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, contestant le motif personnel soutenu par la société, la raison de la rupture reposant, selon lui, sur un motif économique, ce que la société réfute.

En réponse à l'exception d'incompétence soulevée d'office par la cour, M. [Y] [D] fait valoir la compétence du juge judiciaire pour juger de ses demandes, au motif que l'inspection du travail ne s'est pas prononcée d'une part, sur la qualification de la modification de son lieu de travail, d'autre part, sur le motif économique allégué.

La société, qui soutient l'irrecevabilité des demandes de M. [Y] [D], sans formuler cette fin de non-recevoir au dispositif de ses conclusions, fait valoir que le licenciement a été autorisé par l'inspection du travail et que cette décision revêt un caractère définitif, en application du principe de la séparation des pouvoirs.

Conformément à l'article 76 du code de procédure civile, le juge peut soulever d'office son incompétence lorsqu'elle est d'ordre public.

En application de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur le bien-fondé du licenciement.

Dès lors, en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement.

En effet, la décision du 19 août 2019 de l'inspection du travail est formulée en ces termes :

« Considérant que la société SODEC occupait pour son équipe basée à [Localité 7] un espace situé dans les locaux d'Auchan Supermarché mais que ces locaux ont été fermés à partir du 31 décembre 2018,

Et que l'entreprise a donc dû déménager ses locaux sur un nouveau site basé à [Localité 8],

Considérant que M. [T] [Y] [D] occupe le poste de chef de secteur paie dans les locaux de [Localité 7] et a été informée par courrier remis en mains propres le 7 mai 2019 du transfert de son lieu de travail à compter du 24 juin 2019,

Considérant cependant que M. [T] [Y] [D] ne s'est pas présenté à son poste de travail sur son nouveau lieu de travail depuis le 24 juin 2019 et n'a fourni aucune justification de son absence,

Considérant que M. [T] [Y] [D] est donc bien en absence injustifiée depuis le 24 juin 2019,

Considérant que M. [T] [Y] [D] a effectivement été informé de son droit de bénéficier des dispositions en vigueur dans l'entreprise concernant la mobilité professionnelle des collaborateurs,

Considérant donc que les faits reprochés à M. [T] [Y] [D] sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement pour motif disciplinaire,

Considérant qu'il n'a pas été établi au cours de l'enquête aucun lien avec les mandats détenus par M. [T] [Y] [D],

Décide

Article unique : l'autorisation de procéder au licenciement pour cause réelle et sérieuse, motif disciplinaire, de M. [T] [Y] [D], est accordée ».

Il résulte de cette décision que la rupture du contrat de travail au regard de la mobilité professionnelle a bien été examinée dans le cadre de l'autorisation administrative de licenciement dès lors que l'appréciation de la faute, motif du licenciement, suppose nécessairement l'examen préalable des conditions de la mobilité imposée qui est la cause de l'absence du salarié.

Le juge judiciaire ne peut donc statuer sur ce point sans violer le principe de la séparation des pouvoirs.

S'agissant du motif économique invoqué, bien que M. [Y] [D] allègue avoir été licencié pour un autre motif que celui pour lequel la demande d'autorisation administrative a été sollicitée et obtenue, la cour constate cependant que le licenciement du salarié a été prononcé pour le motif exposé par l'employeur dans sa requête à l'autorité administrative, dont l'autorisation n'a pas été contestée (Cass. Soc., 27 janvier 2010, nº 08-45.35), ni auprès de l'autorité administrative, ni auprès du juge administratif, le motif économique n'ayant pas été allégué devant ces derniers.

Par suite, l'incompétence de la cour au profit de la juridiction administrative sera donc retenue s'agissant de la demande de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes subséquentes.

Il convient, par voie d'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. [Y] [D] sans cause réelle et sérieuse et lui a octroyé une indemnité de licenciement à ce titre et l'a débouté de sa demande au titre de l'indemnité de Plan de Sauvegarde de l'Emploi, de déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente et de renvoyer M. [Y] [D] à mieux se pourvoir.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [Y] [D] se prévaut du manquement de la société aux dispositions d'ordre public qui imposent à tout employeur qui entend modifier le contrat de travail d'un salarié pour un motif économique de mettre en 'uvre la procédure y afférente, le privant du bénéfice du PSE.

En réplique, l'employeur s'oppose à la demande, expliquant que la demande de M. [Y] [D] est de pure opportunité et que M. [Y] [D] ne justifie d'aucun préjudice.

L'article L1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail est exécuté de bonne foi. En vertu de l'article 2274 du code civil, la bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.

En l'espèce, la cour ayant constaté que le licenciement du salarié a été prononcé pour le motif personnel exposé par l'employeur dans sa requête à l'autorité administrative, dont l'autorisation n'a pas été contestée, M. [Y] [D] ne peut se prévaloir de son exclusion du bénéfice du PSE pour tenter d'établir un manquement de l'employeur.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] [D] de ce chef de demande.

Sur les conséquences

Sur le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement

M. [Y] [D] sollicite un rappel au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base de la moyenne des salaires perçus au cours des douze derniers mois, incluant dans son calcul la prime de motivation perçue en juin 2019.

La société, retenant également la moyenne des salaires perçus au cours des douze derniers mois, objecte que la prime de motivation, qui a été intégralement versée en juin 2019, pour la période courant entre le 1er septembre 2017 et le 1er semestre 2019, couvre 22 mois et doit donc être proratisée dans le calcul de l'assiette de salaire, seule la valeur correspondant à la période de référence devant être prise en compte.

L'article R. 1234-4 du code du travail énonce que : « Le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié:

1º Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2º Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion ».

Le salaire de référence doit inclure tous les éléments de rémunération y compris les sommes versées au titre des congés payés, les primes et avantages perçus pendant la période de référence; en revanche, si le rappel de salaire, bien que versé sur la période de référence, se rattache à une période antérieure, il n'entre pas en compte dans le calcul du salaire moyen (Cass. soc., 25 mars 2009, n°07-44.854).

En l'espèce, la prime versée intégralement à M. [Y] [D] en juin 2019, couvre une période courant entre le 1er septembre 2017 et le 1er semestre 2019, de sorte que seule doit être intégrée dans la base de calcul du salaire moyen la part de rappel de salaire correspondant à la période de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement.

Dès lors, la société, qui a pris en compte dans le calcul du salaire moyen, seule la valeur de la prime correspondant à la période de référence sur les douze derniers mois (soit 12/22ème), a correctement évalué le salaire de référence à partir duquel a été calculée l'indemnité conventionnelle de licenciement versée à M. [Y] [D].

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] [D] de sa demande au titre de rappel d'indemnité de licenciement.

Sur la demande relative à la fixation de la moyenne des salaires

Cette demande sera rejetée, comme étant sans objet, dès lors qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire devant la cour et que l'article R1454-28 du code du travail imposant au juge de fixer la moyenne des salaires n'est donc pas applicable.

Sur les autres demandes

Il y a lieu de faire droit à la demande de M. [Y] [D] de remise de documents de fin de contrat mais sans fixation d'une astreinte laquelle n'est pas nécessaire à assurer l'exécution de cette injonction.

Il convient de condamner la SAS Auchan Retail Services à verser à M. [Y] [D] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens..

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 21 mars 2022, en ce qu'il a requalifié le licenciement de M. [T] [Y] [D] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, octroyé à M. [T] [Y] [D] la somme de 9 828,51 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté M. [T] [Y] [D] de sa demande au titre de rappel de prime variable et de congés afférents;

Confirme le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à fixation du salaire ;

Déclare la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente pour connaître du litige portant sur la demande de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et les conséquences à en tirer au profit de la juridiction administrative ;

Renvoie à ce titre M. [T] [Y] [D] à mieux se pourvoir ;

Condamne la SAS Auchan Retail Services à verser à M. [T] [Y] [D] la somme de 1 505 euros à titre de rappel de prime variable outre la somme de 150,50 euros de congés payés afférents ;

Ordonne à la SAS Auchan Retail Services la remise de documents à M. [T] [Y] [D] sans astreinte;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Condamne la SAS Auchan Retail Services à verser à M. [Y] [D] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Auchan Retail Services aux dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/01391
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.01391 ?
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