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04/07/2024 | FRANCE | N°22/02169

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 04 juillet 2024, 22/02169


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 22/02169 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VJWZ



AFFAIRE :



[N] [P]





C/



S.A.S. AUTO BILAN FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Chambre :

N° Section : E

N

° RG : 20/00111



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Barbara VRILLAC



Me Arnaud TEISSIER de

la SELARL CAPSTAN LMS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VIN...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 22/02169 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VJWZ

AFFAIRE :

[N] [P]

C/

S.A.S. AUTO BILAN FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 20/00111

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Barbara VRILLAC

Me Arnaud TEISSIER de

la SELARL CAPSTAN LMS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [N] [P]

né le 16 Septembre 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Barbara VRILLAC, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

APPELANT

****************

S.A.S. AUTO BILAN FRANCE

N° SIRET : 437 80 7 7 95

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentant : Me Arnaud TEISSIER de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 - substitué par Me Laura BORET avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

A compter du 23 juillet 2007, M.[N] [P] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chef de centre contrôle technique, statut agent de maîtrise, par la SAS Auto Bilan France, qui est spécialisée dans la réalisation des contrôles techniques des véhicules, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des services de l'automobile.

En dernier lieu et depuis le 1er juin 2019, M. [P] a été affecté, par avenant à son contrat, au centre de [Localité 4] en qualité de chef de centre, statut cadre, au sein des centres du Pôle de Paris Ouest VL.

A partir du 19 septembre 2019, M.[N] [P] est placé en arrêt maladie.

Le 9 décembre 2019, lors de sa visite médicale de reprise, M.[N] [P] a été déclaré inapte par le médecin du travail dans les termes suivants : « Inapte en une visite, est inapte à son poste de chef de centre ainsi qu'à tous les postes existants dans l'établissement. Etude de poste réalisée le 29 novembre 2019. Serait apte à un poste dans un autre contexte organisationnel ».

Convoqué le 28 février 2020, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 13 mars suivant, auquel il ne s'est pas présenté, M.[N] [P] a été licencié par courrier 9 avril 2020, énonçant une inaptitude et une impossibilité de reclassement.

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Monsieur,

Vous avez été embauché au sein de notre entreprise par contrat à durée indéterminée en date du 16 juillet 2007. Vous occupez, à ce jour, le poste de Chef de Centre.

Le 13 mars dernier, dans le cadre d'une procédure d'inaptitude, vous étiez convoqué à un entretien préalable à licenciement, auquel vous ne vous êtes pas présenté. Vous n'avez donc pas été en mesure de nous apporter vos éclairages quant à la situation qui est la vôtre et présentée ci-dessous.

A la suite d'une visite médicale de reprise en date du 9 décembre 2019 dernier effectuée dans le cadre de l'article R4624-31 du code du travail, et après étude des postes et des conditions de travail dans l'entreprise, le médecin du travail vous a déclaré inapte à votre poste en précisant expressément « inapte en une visite, est inapte à son poste de chef de centre ainsi qu'à tous les postes existants dans l'entreprise. Etude de poste réalisée le 29 novembre 2019. Serait apte à un poste dans un autre contexte organisationnel. »

Le 22 janvier 2020, nous procédions, dans l'entreprise et dans l'ensemble des entités du Groupe DEKRA France, à des recherches de reclassement approfondies. Malgré nos recherches, Il apparaît qu'aucun poste conforme aux recommandations du médecin du travail, à votre formation, vos capacités et vos compétences professionnelles n'est actuellement vacant et ne peut vous être proposé.

Le 3 février 2020, nous avons consulté le Comité social et économique (CSE) afin que celui-ci rende un avis sur la procédure de licenciement vous concernant. Aucune suggestion ou observation quant à un éventuel reclassement n'a été faite.

Compte tenu de ces éléments, nous vous informions, par courrier en date du 17 février 2020, que votre reclassement dans l'entreprise s'avérait impossible.

Conformément à la procédure en la matière, vous avez été convoqué, par courrier en date du 28 février 2020, à un entretien préalable fixé au 13 mars 2020 auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Votre absence n'interrompt pas pour autant la procédure en cours.

Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour impossibilité de reclassement consécutive à une inaptitude d'origine non-professionnelle.

Votre inaptitude physique médicalement constatée ne vous permettant pas d'effectuer votre préavis, votre contrat de travail sera définitivement rompu à la date de première présentation du présent courrier recommandé ['] »

Le 16 juin 2020, M.[N] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy aux fins d'obtenir, au titre de l'exécution de son contrat de travail, des dommages et intérêts pour manquement de la société à l'obligation de sécurité, et, au titre de la rupture de son contrat de travail, la requalification de son licenciement en un licenciement nul à titre principal, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire et le versement de diverses indemnités à ce titre, ce à quoi la société s'est opposée.

Par jugement rendu le 31 mai 2022, notifié le 7 juin 2022, le conseil a statué comme suit :

rejette l'exception d'incompétence soulevée par la société Auto Bilan France

fixe la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail à la somme de 2 623,97 euros bruts

condamne la société Auto Bilan France à verser à M.[N] [P], avec intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement la somme de :

- 15 743,82 euros au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière

- 940 euros au titre des indemnités journalières de prévoyance

condamne la société Auto Bilan France à verser à M.[N] [P], la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

ordonne la remise d'un bulletin de salaire conforme au présent jugement et ce, sans astreinte

ordonne l'exécution provisoire du présent jugement conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile

déboute M.[N] [P] du surplus de ses demandes

déboute la société Auto Bilan France de sa demande reconventionnelle

condamne la société Auto Bilan France aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.

Le 8 juillet 2022, M.[N] [P] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 22 janvier 2024, M.[N] [P] demande à la cour de :

à titre principal, infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[N] [P] :

' de sa demande d'indemnité pour nullité du licenciement en raison de faits d'harcèlement moral

' de ses demandes des indemnités suivant l'article L 1226-14 du code du travail

' de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés y afférents

' de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat

' de la fixation du salaire moyen mensuel de M.[N] [P] à la somme de 2.623 euros

Statuant à nouveau

condamner la société Auto Bilan France à verser à M.[N] [P] la somme de 36 830 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en raison des faits de harcèlement qui ont conduit à son inaptitude et au licenciement notifié par lettre recommandée avec accusé de réception de la société Auto Bilan France le 9 avril 2020

à titre principal, condamner la société Auto Bilan France à verser à M.[N] [P] la somme de 7 871,91 euros à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis de l'article L1226-14 du Code du travail

condamner la société Auto Bilan France à verser à M.[N] [P] la somme de 9 264 euros à titre de rappel de l'indemnité spéciale de licenciement

à titre subsidiaire, condamner la société Auto Bilan France à verser à M.[N] [P] la somme de 7 871,91 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 787,10 euros de congés payés y afférents

en outre, condamner la société Auto Bilan France à verser à M.[N] [P] la somme de 18 415 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention

fixer la moyenne du salaire moyen mensuel de M.[N] [P] à la somme mensuelle de 2 930 euros

à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce que la société Auto Bilan France a été condamnée à verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse mais infirmer le jugement sur le quantum et ainsi

condamner la société Auto Bilan France à verser à M.[N] [P] la somme de 36 830 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

confirmer le jugement en ce que les demandes relatives à l'obligation de sécurité et de prévention soient déclarées recevables, que la société Auto Bilan France a été condamnée à verser à M.[N] [P] la somme de 940 euros au titre des indemnités journalières de prévoyance et la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

infirmer le jugement sur le montant du salaire mensuel de M.[N] [P] et le fixer à la somme mensuelle de 2 930 euros

à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions

ordonner à la société Auto Bilan France la remise à M.[N] [P] d'un bulletin de salaire conforme à la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte journalière de 50 euros par document

condamner la société Auto Bilan France à verser à M.[N] [P] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 8 janvier 2024, la société Auto Bilan France demande à la cour de :

réformer et infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy du 31 mai 2022, en ce qu'il a condamné la Société à verser à M.[N] [P] les sommes suivantes assorties de l'exécution provisoire :

15 743,82 euros « au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière »

940 euros « au titre des indemnités journalières de prévoyance »

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

à titre principal, débouter M.[N] [P] de l'ensemble de ses demandes

à titre subsidiaire, réduire les demandes de M.[N] [P] à de plus justes proportions

Si la cour jugeait le licenciement de M.[N] [P] nul :

juger que le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul ne peut excéder 6 mois de salaire soit 15 743,82 euros

juger que le montant du rappel de l'indemnité spéciale de licenciement est de 9 264 euros

juger que l'indemnité compensatrice de préavis de 3 mois de salaire est de 7 871,91 euros

débouter M.[N] [P] de sa demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité ou à titre infiniment subsidiaire ramener le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions

si la cour jugeait le licenciement de M.[N] [P] sans cause réelle et sérieuse, juger que le montant des dommages et intérêts ne peut excéder 3 mois de salaire soit 7 871,91 euros

en tout état de cause, juger irrecevable la contestation par M.[N] [P], du salaire de référence retenu par le conseil de prud'hommes postérieurement à sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelant, qui ne contiennent pas ce chef de jugement critiqué

débouter M.[N] [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner M.[N] [P] à verser à la société Auto Bilan France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Par ordonnance rendue le 24 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Selon M.[N] [P], le changement de lieu de travail coïncidera avec la dégradation de ses conditions de travail, estimant subir de la part de son responsable de pôle, M.[I], des agissements caractéristiques de harcèlement moral ce qui aurait considérablement influé sur sa santé.

Il invoque les faits suivants:

- le défaut de communication des plannings: il expose que si ses fonctions n'ont fait l'objet d'aucune modification lors de la régularisation de sa mutation par avenant, dans les faits il n'est plus cadre, invoquant la remise tardive de son planning, voire l'absence de communication de plannings. Il produit :

* l'attestation de M.[U] (pièce 44) qui écrit s'agissant de son arrivée au centre de [Localité 4] 'mais très rapidement les choses ont changé malgré le statut de chef de pôle, il n'avait plus de responsabilités autres que d'être contrôleur tournant sur les différents sites du pôle, ce qui l'a beaucoup affecté. De plus, il n'avait pas de planning et tournait sur les différents sites au jour le jour. Les relations avec le chef du pôle sont alors devenues très compliquées'.

* la copie de deux plannings généraux vides (pièces 4-1, 4-2) pour les périodes du 9 septembre 2019 au 15 septembre 2019 et du 16 septembre 2019 au 22 septembre 2019, précisant que n'ayant plus accès aux plannings, il ne peut produire ceux antérieurs à ces périodes.

Il n'est pas contesté que les plannings devaient être adressés aux contrôleurs 2 semaines avant le début du mois et que pour les périodes du 9 septembre 2019 au 15 septembre 2019 et du 16 septembre 2019 au 22 septembre 2019, ils ne lui ont pas été communiqués. Le fait est établi et susceptible de relever de faits d'harcèlement.

- la promesse d'aménagement des horaires: il expose que lors de la proposition de mutation au centre de [Localité 4], qu'il dit avoir été contraint d'accepter, craignant pour son avenir professionnel en raison de son âge, il lui a été indiqué que ses conditions de travail seraient aménagées en raison de l'éloignement des nouveaux centres par rapport à son domicile. A l'appui de ce grief, M.[N] [P] ne produit aucun justificatif.

- le non-respect du temps consacré aux rendez-vous: il indique que le temps débrayé fixé à 40 minutes pour les contrôles techniques périodiques (CTP), par note opérationnelle du 5 avril 2019, n'était pas respecté et réduit en réalité à 30 minutes, provoquant une surcharge de travail. Il produit pour se faire la note précitée et un planning du 6 septembre 2019 faisant apparaître des CTP de 30 minutes. Comme relevé par l'employeur, l'exemple produit concerne un planning général applicable au sein d'un centre sans qu'il soit spécifique à M.[N] [P] et sans que celui-ci ne démontre ni invoque avoir dépassé son temps de travail effectif fixé à 7,4 heures par jour. Néanmoins, l'augmentation de la cadence est établie et est susceptible de relever de faits d'harcèlement.

- l'affectation à des fonctions non prévues au contrat: Il expose qu'il a été affecté à des fonctions de voiturier le 13 septembre 2019 alors qu'il occupait le poste de chef de centre et qu'à ce titre, il avait des missions bien définies par sa fiche de poste; qu'au titre de sa mission générale, il assurait la responsabilité d'un ou plusieurs centres de contrôle technique ainsi que celle de la ou des équipes ayant en charge la réalisation des visites techniques. Il veillait au développement de l'activité d'auto-bilan France en respectant le 'manuel des procédures et instruction qualité du réseau et les obligations liées à son agrément préfectoral'. Il était chargé de l'organisation, de la gestion de l'intervention, de la gestion du personnel, de la qualité et de la sécurité du centre de contrôle technique, du suivi de l'activité commerciale. Cette affectation à des fonctions le 13 septembre 2019 est établie et susceptible de relever de faits d'harcèlement. .

- le refus des jours de RTT: il fait état du refus de M.[I] de lui accorder les 3 jours de RTT posés, refus qui lui sera notifié selon lui en guise de représailles, le lendemain de la réunion qui s'est tenue entre lui, M.[I], chef de pôle (N+1), et M.[X], chef de région (N+2) et au cours de laquelle les relations se sont envenimées. Il produit le message de refus de 3 jours de RTT d'affilée, une note de service fixant à 2 jours par mois maximum la prise des 'JARTT', une demande de congés de 5 jours consécutifs accordés le 18 février 2019 et des bulletins de salaire de novembre 2013, mars 2016 et mars 2018 où il apparaît respectivement la prise de 4, 4 et 5 jours de RTT consécutifs. Il ajoute que lors d'un entretien téléphonique, M.[I] l'a insulté, provoquant son malaise sur son lieu de travail et l'envoi de deux courriels à M.[X] dans lesquels il se plaint du comportement de M.[I] et évoque son souhait d'une rupture conventionnelle. Le refus de jours de RTT est établi et susceptible de relever de faits d'harcèlement. .

- la restitution du véhicule de service: il reproche l'acharnement de la direction à vouloir récupérer le véhicule dès la notification de son avis d'inaptitude. S'il résulte des échanges que c'est M.[N] [P] qui a évoqué le premier cette question en adressant un courriel à M.[X] et M.[Y] les informant de son avis d'inaptitude et en leur demandant de 'merci d'organiser le rapatriement de la 208 dans vos services, avec un fiche de restitution. Cordialement', pour autant les échanges qui s'ensuivirent font apparaître un différend quant aux conditions de récupération dudit véhicule, l'employeur demandant au salarié de s'organiser pour effectuer ce retour et le salarié opposant son état de santé incompatible avec la conduite d'un véhicule. Il apparaît qu'au 11 décembre 2019, le véhicule se trouvait toujours au domicile du salarié.Ces échanges sur la restitution du véhicule durant son arrêt de travail est établi et susceptible de relever de faits d'harcèlement. .

- le comportement de M.[I] à l'égard de M.[N] [P] : il invoque des réflexions dégradantes et désobligeantes et des pressions subies de la part de M.[I] qui, tout en ayant le même statut que lui de chef de centre, est son supérieur hiérarchique. Néanmoins, M.[N] [P] ne produit aucun justificatif confirmant un comportement inadapté de la part de M.[I], l'attestation de M.[U] précitée ne faisant mention que de relations compliquées avec le chef de pôle sans autre précision.

S'il produit le courriel qu'il adresse le 18 septembre 2019 à M.[X] où il évoque 'divers dysfonctionnements, informations contradictoires, désorganisation', qu'il dit subir depuis son arrivée à [Localité 4] et le malaise qu'il déclare avoir eu dans l'après midi du 18 'après le coup de téléphone de M.[I] qui s'est permis de faire des attaques personnelles et familiales', pour autant ce courriel ne comporte aucune précision quant à la teneur des propos et du comportement qu'il prête à son supérieur, ne permettant pas d'illustrer les reproches formulés à l'encontre de ce dernier, ce d'autant que le malaise dont il se prévaut n'a fait l'objet d'aucune déclaration d'accident de travail.

Enfin, la société produit plusieurs attestations de salariés qui indiquent n'avoir constaté aucun fait d'harcèlement de la part de M.[I] tant à l'encontre de M.[N] [P] qu'à leur égard. Ce fait n'est pas établi.

- sur l'altération de son état de santé: M.[N] [P] soutient qu'elle est à l'origine de son inaptitude. Le seul certificat médical rédigé le 19 septembre 2019 du docteur [E] [F] évoque un 'souci avec sup caractériel' ne permet pas de confirmer des faits d'harcèlement moral outre le fait que le médecin du travail n'a pas retenu l'origine professionnelle de l'inaptitude.

Le défaut de plannings, l'augmentation des cadences des contrôles techniques, l'affectation à des fonctions non prévues au contrat, le refus de jours de RTT consécutifs, le différend relatif à la restitution du véhicule de service durant son arrêt de travail sont des éléments qui, pris dans leur ensemble, laissent suffisamment présumer que M.[N] [P] subit un harcèlement moral.

Il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

- sur la communication des plannings: l'employeur ne fournit aucune explication sur le défaut des plannings généraux pour les périodes du 9 septembre 2019 au 15 septembre 2019 et du 16 septembre 2019 au 22 septembre 2019 mais produit des plannings du salarié concernant la programmation des contrôles techniques pour la période du 29 avril au 17 mai 2019 et du 7 août au 18 septembre 2019 (pièces 17 et 18). Ainsi, et comme relevé par la société, le défaut des plannings généraux est marginal sur les trois mois passés sur le site de [Localité 4] et porte, pour le second planning, sur une période où M.[N] [P] était en arrêt de travail depuis le 19 septembre. Par ailleurs, le salarié ne démontre pas qu'à défaut de ces plannings, il était privé d'activité, alors qu'il résulte de sa fiche de poste invoquée par lui-même, qu'il détenait une autonomie conséquente en sa qualité de chef de centre, en charge notamment de l'encadrement de l'équipe de contrôleurs, du personnel administratif, de l'élaboration des plannings en collaboration avec le responsable de secteur formation du personnel et représentant, de l'appui aux contrôleurs techniques pour la réalisation des visites, contrôles volontaires et contre-visites et que les plannings des contrôles techniques étaient établis. Marginal dans sa durée et dans sa portée, cet élément ne constitue pas un fait de harcèlement.

- l'affectation à des fonctions non prévues au contrat: la société relève le caractère isolé de cette situation et soutient à juste titre que la réalisation, durant une journée, d'une mission accessoire aux fonctions principales ne saurait démontrer la réalité de son quotidien ni un quelconque harcèlement, ce d'autant qu'il s'agissait d'une situation exceptionnelle d'un voiturier absent du site de [Localité 5] dont M.[N] [P] avait la charge et de l'absence d'autre salarié disponible, ce que M.[N] [P] ne conteste pas. Hormis cette situation, M.[N] [P] n'invoque aucun autre fait pour illustrer un changement de fonctions au regard de ce qui était prévu par l'avenant qu'il a signé, se plaignant uniquement d'avoir été muté dans un site comportant une personne ayant le même statut et les mêmes fonctions que lui, sans évoquer d'autres griefs inhérents à cette situation.

En effet, la société rappelle le contexte de la mutation de M.[N] [P] qui intervient à l'occasion de la cession du centre où il exerçait précédemment et alors que M.[N] [P] ne souhaitait pas rejoindre les effectifs du repreneur du site de [Localité 8]. Si M.[N] [P] conteste aujourd'hui s'être porté candidat comme l'écrit M.[X] (pièce 26) et M.[Y] (pièce 25), pour autant il a accepté l'avenant qui prévoyait son rattachement au centre de contrôle de [Localité 4], sous l'autorité de M.[I], avec maintien de son statut de chef de centre et tous les avantages afférents dont le véhicule de fonction. Le fait que M.[I] est son chef de pôle ne constitue pas une modification de ses fonctions, ce d'autant que sa fiche de poste initiale le rattachait déjà au responsable de secteur et au délégué opérationnel et que M.[N] [P] n'a jamais remis en cause les termes de son avenant et son application. Ce fait ne constitue pas un fait d'harcèlement.

- le refus de jours de RTT consécutifs: la société invoque l'article 9-2 de l'accord collectif 'dispositions pour l'ensemble du personnel de la société' selon lequel 'la prise des JARTT sera de 2 jours par mois maximum, sauf accord exceptionnel de la hiérarchie accordée selon les possibilités du service'.

Si M.[N] [P] justifie d'autorisations précédentes concernant plus de 2 jours de RTT consécutifs, pour autant et comme relevé par l'employeur, ces autorisations étaient conformes à l'article 9-2 précité car marginales et exceptionnelles (4 en 12 ans d'activité) et ne faisaient pas obligation à M.[I] de faire droit à la demande, la gestion des congés relevant du pouvoir de direction du chef hiérarchique et conditionnée aux possibilités de service.

- l'augmentation des cadences des contrôles techniques: Si le temps de réalisation des contrôles techniques est passé de 40 à 30 minutes, ayant pour conséquence une augmentation des cadences, pour autant comme relevé par la société, le salarié n'évoque aucun dépassement de sa durée de travail hebdomadaire et ne démontre pas avoir évoqué une surcharge de travail ni à l'occasion de ses évaluations 2016, 2017 et 2019 (pièces 7-1 à 7-9) ni au médecin du travail.

- la restitution du véhicule de service: si les échanges se sont envenimés sur cette question, pour autant c'est à raison que la société explique qu'initialement l'inaptitude ne concernant que l'activité professionnelle, il est normal qu'elle demande au salarié de ramener le véhicule, demande qu'elle a cessé de formuler à la réception d'un certificat médical faisant interdiction à M.[N] [P] de conduire tout véhicule, ce que le salarié relève lui-même.

Au vu des développements précités, il convient de dire que l'employeur justifie de ses agissements par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, de sorte qu'il convient de débouter M.[N] [P] de sa demande de nullité du licenciement et des conséquences financières afférentes par confirmation du jugement.

Sur le licenciement

Sur la cause

Sur le manquement à l'obligation de sécurité et de l'absence de prévention des risques professionnels

Selon l'article L4121-2 du code du travail, 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs'.

M.[N] [P] expose que le 16 septembre 2019, il a sollicité de M.[X], responsable régional, un entretien afin de lui faire part de ses difficultés. Comme relevé par l'employeur, M.[N] [P] n'évoque aucune difficulté lors de cette demande d'entretien, écrivant seulement ' Bonjour [C], je voudrai un entretien avec toi. Cordialement [N]'.

Par ailleurs, alors qu'il reconnaît dans ses écritures que cet entretien a eu lieu dès le lendemain, il soutient, sans produire le moindre justificatif, que cette rencontre n'a pas été constructive et qu'elle a abordé des sujets sans rapport avec ses problèmes. Il convient de relever que le courriel du 18 septembre 2019, qu'il adresse à M.[X], ne fait aucune allusion à cet entretien du 17 septembre. Enfin, n'ayant invoqué à aucun moment des faits d'harcèlement, le salarié ne peut pas reprocher à l'employeur de n'avoir pas réalisé d'enquête.

Il convient de constater que M.[N] [P] ne justifie d'aucun manquement de son employeur de ce chef.

Sur l'obligation de reclassement

Selon l'article L1226-2 du code du travail, ' Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L233-1, aux I et II de l'article L233-3 et à l'article L233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail'.

Selon l'article L1226-2-1 du code précité, ' Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.'.

Il résulte de ce texte que l'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

Les propositions de reclassement faites par l'employeur doivent être 'loyales et sérieuses'.

La société justifie avoir consulté, par courriel du 3 février 2020, les membres du CSE et demandé leur avis sur l'inaptitude de M.[N] [P] et l'impossibilité de le reclasser. Si seuls deux membres du CSE ont répondu, pour l'un en indiquant 'RAS' et pour l'autre 'aucune observation particulière', pour autant la consultation est régulière, le texte n'imposant qu'une consultation.

Elle produit également la lettre adressée le 27 décembre 2019 à M.[N] [P] afin que celui-ci puisse formuler des souhaits de reclassement notamment en termes de mobilité géographique et d'aptitude, à laquelle le salarié n'a pas répondu, et le courriel adressé le 22 janvier 2020 dans le cadre de sa recherche de reclassement au sein du groupe.

Comme relevé par le salarié, le courriel du 22 janvier précité était adressé à 6 interlocuteurs, pour un groupe comportant 352 établissements, et limitait le délai de réponse à deux jours.

Le fait que le courriel critiqué ne permette pas d'identifier à quelle société et/ou établissement il a été adressé et de vérifier si toutes les sociétés du groupe ont été sollicitées, outre le délai particulièrement contraint pour y répondre et l'absence de production de registres du personnel démontrant l'absence de poste, il convient de dire que l'employeur ne démontre pas que ces recherches de reclassement ont été loyales et sérieuses, de sorte que le licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et de requalifier dans ce sens le licenciement par ajout au jugement, le Conseil n'ayant pas dans son dispositif qualifié expressement le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Sur le salaire de référence

M.[N] [P] conteste le salaire retenu par le conseil des prud'hommes et sollicite qu'il soit fixé à la somme de 2 930 euros et non 2 623,97 euros.

Comme relevé par l'employeur, la déclaration d'appel de M.[N] [P] ne porte pas sur le salaire de référence, de sorte que la Cour n'en est pas saisie conformément à l'article 562 du code de procédure civile.

Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dans ses écritures, M.[N] [P] qualifie la somme de 15 743,82 euros, allouée par le conseil des prud'hommes au titre d'une 'indemnité pour procédure irrégulière', comme correspondant en réalité à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de six mois de salaire, ce qui révèle une erreur matérielle affectant le jugement, non contestée par l'employeur qui attribue à cette indemnité le même sens que celui retenu par le salarié. Ce dernier demande la confirmation du versement de cette indemnité mais l'infirmation de son quantum, sollicitant la somme de 36 830 euros aux motifs qu'il n'a pas retrouvé d'emploi au même niveau de responsabilités et de salaire.

La société conteste le montant demandé et le montant déjà alloué par le Conseil.

Selon l'article L1235-3 du code du travail, 'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous [...]' et en l'espèce entre 3 mois minimum et 11,5 mois maximum.

Au regard de son ancienneté et de sa situation personnelle, il convient de fixer l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à 8 mois de salaire, soit la somme de 20 991,76 euros.

Sur la demande au titre de l'indemnité de compensatrice de préavis

Le salarié inapte dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement a droit à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L1234-5 du code du travail (Cour de cassation du 13 avril 2022, pourvoi n°21-10525).

Sans être contredit par l'employeur, M.[N] [P] soutient que la convention collective des services de l'automobile régissant son contrat de travail prévoit un délai de préavis de trois mois pour les cadres.

En conséquence, sur la base du salaire de référence de 2 623,97 euros, il convient d'allouer à M.[N] [P] la somme de 7 871,91 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 787,19 euros au titre des congés payés afférents par infirmation du jugement.

Sur le remboursement des indemnités chômage

Il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés les indemnités chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois conformément à l'article L1235-4 du code du travail.

Sur la demande de régularisation de la prévoyance entre le 20 et 30 décembre 2020

M.[N] [P] sollicite la confirmation du jugement, ce à quoi s'oppose la société, celle-ci déclarant la demande infondée.

Au soutien de sa demande, M.[N] [P] invoque l'article 2 du régime professionnel obligatoire de prévoyance (RPO) définissant les garanties prévues par l'article 1-26 de la convention collective nationale des services de l'automobile du 15 janvier 1981, qui dispose dans son article 2'Indemnités journalières d'incapacité totale et temporaire' :

a) 'Ouvriers, employés, agents de maîtrise, apprentis, jeunes sous contrat de formation en alternance':

' En cas de cessation totale des fonctions par suite d'accident, de maladie, d'accident du travail ou de maladie professionnelle, le participant a droit à une indemnité journalière à partir du 46ème jour d'arrêt de travail atteint consécutivement ou non dans l'année civile, jusqu'à la reprise des fonctions, et au plus tard jusqu'au 180ème jour d'arrêt sans toutefois pouvoir dépasser la date d'attribution de la pension de vieillesse par la sécurité sociale.

L'indemnité est versée en complément du montant brut de l'indemnité journalière de la sécurité sociale. Son montant est calculé de telle sorte que la garantie soit égale au total à 100% de la 30ème partie du salaire net mensuel moyen des douze mois précédant celui au cours duquel l'arrêt de travail est intervenu, exclusion faite de la tranche C de la rémunération. Le salaire de référence est calculé conformément aux dispositions de l'article 1-16b) de la convention collective.

Cette indemnité ne peut être versée qu'au titre des périodes d'arrêt de travail comprises entre le 15 février et le 31 décembre de l'année en cours, les 45 premiers jours d'arrêt survenus dans l'année civile ouvrant droit au maintien du salaire dans les conditions fixées aux articles 2.10 et 2.11 de la convention collective. En cas de rupture du contrat de travail dans les conditions visées au 2ème alinéa de l'article 2-10d) de la convention collective, cette indemnité sera versée dès le lendemain de la rupture et dans la limite de 135 jours calendaires.

Cette indemnité est financée par une cotisation à la charge exclusive des salariés.'

b) Cadres « En cas de cessation totale des fonctions par suite de maladie ou d'accident, de maternité, d'accident du travail ou de maladie professionnelle, le participant a droit à une indemnité journalière à partir du 91ème jour d'arrêt de travail atteint consécutivement ou non dans l'année civile, jusqu'à la reprise des fonctions et au plus tard jusqu'au 180ème jour d'arrêt sans pouvoir dépasser la date d'attribution de la pension de vieillesse par la Sécurité sociale.

L'indemnité est versée en complément du montant brut de l'indemnité journalière de la Sécurité sociale. Son montant est calculé de telle sorte que la garantie soit égale au total, à 100 % de la 30ème partie du salaire net mensuel moyen déterminé comme indiqué au paragraphe a).

Cette indemnité ne peut être versée qu'au titre des périodes d'arrêt de travail comprises entre le 1er avril et le 31 décembre de l'année en cours, les 90 premiers jours d'arrêt survenus dans l'année civile ouvrant droit au maintien du salaire dans les conditions fixées par les articles 4.08 et 4.09 de la Convention Collective. En cas de rupture du contrat de travail dans les conditions visées au 2ème alinéa de l'article 4-08 e) de la Convention collective, cette indemnité sera versée dès le lendemain de la rupture et dans la limite de 90 jours calendaires. Cette indemnité est financée par une cotisation à la charge exclusive des cadres ».

Selon l'article 2.10 a) Indemnisation:

'Au cours d'une même année civile et dans la limite de 45 jours calendaires d'indisponibilité atteints consécutivement ou non, la rémunération nette que le salarié aurait effectivement perçue s'il avait continué de travailler sera maintenue par l'employeur sous déduction du montant brut des indemnités journalières de la sécurité sociale auxquelles l'intéressé a droit pour la même période.

L'indisponibilité s'entend de l'incapacité de travail reconnue par la sécurité sociale.

Cette garantie est subordonnée aux conditions suivantes :

' le salarié doit avoir au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise au 1er jour de son arrêt de travail initial ;

' le certificat médical attestant l'indisponibilité doit être adressé à l'employeur, sauf en cas de force majeure, dans les 2 jours ouvrables qui suivent celui de l'examen par le médecin, l'employeur pouvant faire procéder à une contre-visite ;

' le salarié doit, lorsque l'employeur en fait la demande, lui communiquer les bordereaux de la sécurité sociale attestant que des indemnités journalières sont versées dès le 1er jour ou dès le 4e jour d'indisponibilité, selon que l'incapacité de travail a une origine professionnelle ou non.

A partir du 46e jour calendaire d'indisponibilité atteint consécutivement ou non au cours d'une même année civile, le salarié percevra directement et sans condition d'ancienneté les indemnités de prévoyance s'ajoutant aux indemnités journalières de la sécurité sociale dans les conditions précisées par le règlement de prévoyance visés à l'article 1.26".

Il résulte de l'article 4.08 de la Convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981 JONC 3 décembre 1981 que:

a) 'Indisponibilité des salariés en position de maîtrise', 'Les règles applicables en matière d'indemnisation, de suspension du contrat de travail, de remplacement et d'inaptitude des salariés en position de maîtrise sont celles prévues à l'article 2.10 de la présente convention'.

b) 'Indemnisation des cadres', ' Au cours d'une même année civile et dans la limite de 90 jours calendaires d'indisponibilité atteints consécutivement ou non, la rémunération nette que le salarié aurait effectivement perçue s'il avait continué de travailler sera maintenue par l'employeur sous déduction du montant brut des indemnités journalières de la sécurité sociale auxquelles l'intéressé a droit pour la même période.

L'indisponibilité s'entend de l'incapacité de travail reconnue par la sécurité sociale.

Cette garantie est subordonnée aux conditions suivantes :

- le cadre doit avoir au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise au 1er jour de son arrêt de travail initial ;

- le certificat médical attestant l'indisponibilité doit être adressé à l'employeur, sauf en cas de force majeure, dans les 2 jours ouvrables qui suivent celui de l'examen par le médecin, l'employeur pouvant faire procéder à une contre-visite ;

- l'intéressé doit, lorsque l'employeur en fait la demande, lui communiquer les bordereaux de la sécurité sociale attestant que des indemnités journalières sont versées dès le 1er jour ou dès le 4e jour d'indisponibilité, selon que l'incapacité de travail a une origine professionnelle ou non.

A partir du 91e jour calendaire d'indisponibilité atteint consécutivement ou non au cours d'une même année civile, le cadre percevra directement et sans condition d'ancienneté les indemnités de prévoyance s'ajoutant aux indemnités journalières de la sécurité sociale dans les conditions précisées par le règlement de prévoyance visés à l'article 1.26".

Or il n'est pas contesté que M.[N] [P] a été en arrêt de travail à compter du 19 septembre 2019 et ne reprendra pas le travail jusqu'à son licenciement.

Les bulletins de paie produits aux débats démontrent que pour la période du 20 décembre au 30 décembre 2019, il n'a pas perçu l'intégralité de son salaire, ce que n'explique pas l'employeur, de sorte qu'au regard des dispositions précitées, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Auto Bilan France à payer à M.[N] [P] la somme de 940 euros au titre de la prévoyance.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés, mais sans la fixation du montant d'une astreinte laquelle n'est pas nécessaire à assurer l'exécution de cette injonction.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de condamner la SAS Auto Bilan France à payer à M.[N] [P] la somme de 2500 euros.

Sur les dépens

Il convient de condamner la SAS Auto Bilan France aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de Poissy du 31 mai 2022 en ce qu'il a débouté M.[N] [P] de ses demandes au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et au titre du harcèlement moral, en ce qu'il a condamné la SAS Auto Bilan France à payer à M.[N] [P] la somme de 940 euros au titre de la prévoyance;

Infirme pour le surplus;

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de reclassement ;

Condamne la SAS Auto Bilan France à payer à M.[N] [P] la somme de 20 991,76 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Auto Bilan France à payer à M.[N] [P] la somme de 7 871,91 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 787,19 euros au titre des congés payés afférents ;

Ordonne à la SAS Auto Bilan France de remettre à M.[N] [P] les documents de fin de contrat régularisés;

Rejette la demande d'astreinte;

Ordonne le remboursement par SAS Auto Bilan France aux organismes intéressés les indemnités chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois ;

Condamne la SAS Auto Bilan France à payer à M.[N] [P] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Auto Bilan France à payer les dépens de l'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/02169
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.02169 ?
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