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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01889

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 04 juillet 2024, 22/01889


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 22/01889 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIIP



AFFAIRE :





[V] [K]





C/



S.E.L.A.R.L. PJA ès qualité de mandataire liquidateur de la société TOUT SECURITE ET TOUT ACCOMPAGNEMENT PRIVE.



Association AGS



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juin 2022 par le

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 21/00035



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nathalie GAILLARD de

la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) - AID...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 22/01889 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIIP

AFFAIRE :

[V] [K]

C/

S.E.L.A.R.L. PJA ès qualité de mandataire liquidateur de la société TOUT SECURITE ET TOUT ACCOMPAGNEMENT PRIVE.

Association AGS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 21/00035

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nathalie GAILLARD de

la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) - AIDAT-ROUAULT ISABELLE - GAILLARD

NATHALIE

Me Maxence GENIQUE de

la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE

Me Claude-Marc BENOIT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [K]

né le 18 Mai 1995 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Nathalie GAILLARD de la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) - AIDAT-ROUAULT ISABELLE - GAILLARD N ATHALIE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000001 -

APPELANT

****************

S.E.L.A.R.L. PJA ès qualité de mandataire liquidateur de la société TOUT SECURITE ET TOUT ACCOMPAGNEMENT PRIVE.

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Maxence GENIQUE de la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000035

Association AGS CGEA D'[Localité 7] UNEDIC

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1953

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] [K] a été engagé par contrat à durée déterminée à compter du 13 avril 2018, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 15 mai 2018, en qualité d'agent de sécurité, par la société Toute sécurité et tout accompagnement privé (TSA), qui était spécialisée dans la sécurité et le gardiennage de biens, employait plus de dix salariés et relevait de la convention collective des entreprises de prévention et sécurité.

Par courrier du 21 juin 2020, M. [K] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 25 juin 2020, le tribunal de commerce de Chartres a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la société Toute sécurité et tout accompagnement privé, et a désigné la SELARL PJA, prise en la personne de Maître [O], en qualité de mandataire liquidateur.

M. [K] a saisi, le 9 février 2021, le conseil de prud'hommes de Chartres, en vue d'obtenir, au titre de l'exécution de son contrat de travail, un rappel d'heures supplémentaires et des dommages et intérêts pour travail dissimulé et pour préjudice moral et, au titre de la rupture de son contrat de travail, il a sollicité que sa prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement des indemnités subséquentes, ce à quoi la SELARL PJA, prise en la personne de Maître [O], en qualité de mandataire liquidateur de la société, s'est opposée.

Par jugement rendu le 1er juin 2022, le conseil a statué comme suit :

En la forme

Reçoit M. [K] en ses demandes.

Reçoit Maître [O] - SELARL PJA ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TSA en ses demandes reconventionnelles.

Au fond

Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [K] en date du 20 juin 2020 est requalifiée en démission à compter de cette même date,

En conséquence,

Déboute M. [K] de l'intégralité de ses demandes.

Déboute Maître [O] - SELARL PJA ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TSA de ses demandes reconventionnelles.

Condamne M. [K] aux entiers dépens.

Le 16 juin 2022, M. [K] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 16 septembre 2022, M. [K] demande à la cour de :

Déclarer M. [K] recevable et bien fondé en son appel

Y faisant droit

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Chartres le 1er juin 2022

Faisant droit aux demandes de M. [K]

Déclarer que la prise d'acte de rupture de M. [K] en date du 21 juin 2020 s'analyse en un licenciement imputable à l'employeur et en conséquence sans cause réelle et sérieuse.

Fixer les créances de M. [K] au passif de la liquidation judiciaire de la société TSA aux sommes suivantes rappelant son ancienneté de deux ans 1 mois et 10 jours lors de sa prise d'acte et son salaire mensuel net moyen sur les 6 derniers mois à hauteur de 1.677,38 euros :

3.354,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral

335,46 euros au titre de l'indemnité de licenciement

1.677,38 euros au titre de l'indemnité de préavis

167,73 euros au titre des congés payés sur préavis

942,39 euros au titre des heures supplémentaires année 2018

94,23 euros au titre des congés payés y afférents

444,17 euros au titre des heures supplémentaires année 2019

44,41 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires 2019

1.107,85 euros au titre des heures supplémentaires année 2020

110,78 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires 2020

10.064,28 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Condamner Maître [O] mandataire liquidateur à remettre à M. [K] ses documents de fin de contrat

3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dire que l'AGS CGEA devra sa garantie pour l'ensemble des sommes hors article 700 du code de procédure civile.

Dire et juger que les dépens passeront en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 16 décembre 2022, la SELARL PJA, prise en la personne de Maître [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TSA, demande à la cour de :

Déclarer M. [K] irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel.

Déclarer Maître [O] ès-qualités recevable et bien fondé en son appel incident.

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Maître [O] en sa demande au titre du préavis.

Statuant à nouveau sur le chef du préavis,

Condamner M. [K] à payer à Maître [O] ès-qualités la somme de 1.677,38 euros, à titre d'indemnisation pour le préavis non effectué.

Y ajoutant,

Condamner M. [K] à payer à Maître [O] ès-qualités la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [K] en tous dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 19 septembre 2022, l'AGS CGEA d'[Localité 7] demande à la cour de :

A titre principal

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

A titre subsidiaire

Fixer au passif de la liquidation les créances retenues,

Dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L.3253-19 du code du travail,

Vu les articles L.3253-6, L.3253-8 et L.3253-17 du code du travail.

Dans la limite du plafond toutes créances brutes confondues,

Exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Exclure de l'opposabilité à l'AGS l'astreinte,

Vu l'article L.621-48 du code de commerce,

Rejeter la demande d'intérêts légaux,

Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 24 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 22 avril 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel de M. [K] :

Le mandataire liquidateur conclut aux termes du dispositif de ses conclusions à l'irrecevabilité de Madame [G] en son appel sans pour autant motiver cette fin de non-recevoir.

L'appel de M. [K] sera donc déclaré recevable.

Sur les heures supplémentaires :

M. [K] sollicite le paiement des sommes de :

- 942,39 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2018,

- 444,17 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2019,

-1 107,85 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2020.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant, la chambre sociale de la Cour de cassation précisant selon une jurisprudence constante que le juge prud'homal ne saurait faire peser la charge de la preuve que sur le seul salarié.

Le salarié verse aux débats les éléments suivants :

- un décompte des heures supplémentaires alléguées par semaine à compter d'avril 2018 au mois de juin 2020,

Alors que ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre de répondre, le mandataire liquidateur et l'Ags se bornent à discuter la force probante des éléments produits.

Le mandataire liquidateur fait valoir de manière inopérante que les heures supplémentaires réclamées auraient déjà été réglées au salarié, alors qu'il résulte de la comparaison des bulletins de salaire produits et du tableau des heures supplémentaires une minoration par l'employeur du nombre total des heures supplémentaires effectuées par le salarié.

Tenant compte de l'ensemble des éléments communiqués, la réclamation du salarié est justifiée à hauteur de :

- 942,39 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2018,

-444,17 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2019,

-1 107,85 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2020 outre les congés payés afférents.

Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Selon l'article L. 8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1°/ soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2°/ soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2 relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3°/ soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code précise qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le désaccord des parties sur le volume des heures supplémentaires accomplies non rémunérées ne démontre pas que l'employeur a intentionnellement refusé de mentionner les heures supplémentaires reconnues par la cour sur les bulletins de paie.

Par suite, en l'absence de dissimulation intentionnelle, le salarié sera débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

La réclamation de M. [K] sera rejetée par confirmation du jugement.

Sur le retard de paiement des salaires :

Le salarié invoque des retards réguliers dans le versement des salaires depuis 2018.

Le mandataire liquidateur oppose que la société était en plan de continuation depuis le 18 juillet 2003 et que dans le cadre de cette procédure, elle n'a pu obtenir l'ouverture d'un compte bancaire qu'auprès de la banque postale avec un plafond journalier de virement fixé à 7 000 euros. Il ajoute que compte tenu de la masse salariale de la société d'environ 20 salariés, il était matériellement impossible à cette dernière de procéder au paiement des salaires sur une seule journée.

Le mandataire liquidateur fait valoir que le plus grand retard est de 8 jours et se serait produit en 2019. Il conteste tout préjudice à ce titre. L'Ags estime que la matérialité du grief n'est pas rapportée.

Alors que le contrat de travail stipule que la rémunération sera versée le 10 du mois, il résulte des relevés bancaires communiqués par le salarié que sa rémunération lui était versée régulièrement après le 10 du mois à compter de l'année 2018 ainsi qu'en 2019 et 2020. Le salaire du mois d'octobre 2018 lui ayant été réglé par exemple avec 18 jours de retard, sans que les contraintes liées à un plafonnement du montant des virements ne soit opposable au salarié.

Le manquement est établi.

Sur la remise tardive des plannings :

Le salarié soutient qu'il recevait les plannings au dernier moment, contrairement aux stipulations du contrat de travail.

Il est stipulé aux termes du contrat de travail que " les plannings seront communiqués selon les cas par lettre remise en main propre, lettre recommandée, téléphone, ou, dans le cas où le salarié en serait pourvu par e-mail. ".

Selon l'article trois de la convention collective applicable, il est stipulé que les plannings de vacation sont établis par référence à la durée du travail sur la base d'un horaire nominatif et individuel et que toute modification doit être portée par écrit, sur un document identifiant l'entreprise, à la connaissance du salarié au moins 1 semaine avant son entrée en vigueur.

Le salarié produit aux débats divers courriels (pièce n° 17) qui lui étaient adressés par la société desquels il résulte que ses plannings lui étaient envoyés quelques jours avant l'échéance voire étaient soumis à modification en raison d'absences de salariés.

Il est ainsi établi que le délai de prévenance minimal n'était pas respecté par l'employeur.

Le manquement allégué est établi.

Sur les autres griefs :

Les autres griefs énumérés aux termes de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié portant sur le non-respect de la durée hebdomadaire du travail, le non-respect de " l'article 7.07 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, article cité dans l'article 7 page 6 sur 11 du règlement intérieur de l'entreprise TSA Sécurité " et le harcèlement moral ne sont pas soutenus par M. [K] aux termes de ses conclusions. Ces manquements ne sont pas établis.

Sur les effets de prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, voire nul s'agissant d'un salarié protégé, dans le cas contraire, d'une démission.

Au soutien de son action, M. [K] fait valoir que l'employeur ne lui a pas réglé ses heures supplémentaires, lui versait son salaire et lui communiquait les plannings avec retard et qu'ayant vainement sollicité de l'employeur qu'il régularise la situation aux termes d'un courrier du 29 juillet 2019, il a pu légitimement déduire de ces circonstances l'existence de manquements de son employeur à ses obligations légales et contractuelles d'une gravité suffisante pour justifier une prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Le mandataire liquidateur, et l'Ags contestent les manquements reprochés à l'employeur et font valoir que les manquements allégués n'ont pas empêché le salarié de continuer à travailler pour la société pendant une année postérieurement au courrier de réclamation adressé à l'inspection du travail.

Il suit de ce qui précède que les retards récurrents de paiement des salaires et le non-paiement d'heures supplémentaires jusqu'à la date de la prise d'acte le 21 juin 2020 sont établis.

Ainsi, les manquements de l'employeur ne peuvent être considérés comme anciens.

En l'état de l'ensemble de ces éléments, les seuls manquements objectivés aux obligations essentielles de l'employeur présentent un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier ainsi la prise d'acte.

En conséquence, il est jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement entrepris.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application des dispositions de l'article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minima et maxima variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, M. [K] ayant acquis deux ans et trois mois d'ancienneté au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins 11 salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre trois et trois mois et demi de salaire brut.

Compte-tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versé au salarié (1 677,38 euros) de son âge (25 ans) et de son ancienneté, le salarié ne communiquant aucun élément de nature à justifier de l'évolution de sa situation professionnelle, il y a lieu d'allouer à M. [K], la somme de 5032,14 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement entrepris.

Par ailleurs, il sera alloué les sommes non discutées dans leur quantum de 1 677,38 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et la somme de 335 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Maître [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Toute Sécurité Et Tout Accompagnement Privé de de sa demande au titre du préavis.

En outre, le mandataire liquidateur devra remettre au salarié ses documents de fin de contrat conformes à la présente décision.

Sur la demande de dommages intérêts pour préjudice moral :

Au soutien de sa demande de dommages intérêts de 5 000 euros pour réparation de son préjudice moral, le salarié fait valoir des conditions de travail inadmissibles.

L'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse indemnise le salarié de l'ensemble des préjudices découlant de la perte injustifiée du contrat de travail.

Le salarié sera débouté de cette demande par confirmation du jugement.

Sur la fixation au passif et la garantie de l'AGS :

En application des articles L. 622-22 et L. 625-3 du code de commerce et de l'article L.3253-8 du code du travail, les créances du salarié seront fixées au passif de la société.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA [Localité 7] dans la limite de sa garantie, étant rappelé que les indemnités allouées au titre des frais irrépétibles ne rentrent pas dans le champ de cette garantie.

Sur les dépens :

Les dépens de première instance et d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Dit M. [V] [K] recevable en son appel.

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Chartres du 1er juin 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [V] [K] de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral et de sa demande d'indemnisation pour travail dissimulé et en ce qu'il a débouté Maître [D] [O], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société la société Toute Sécurité Et Tout Accompagnement Privé de ses demandes reconventionnelles.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant.

Juge que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail pour manquements graves par M. [V] [K] le 21 juin 2020 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Fixe les créances de M. [V] [K] au passif de la société Toute Sécurité Et Tout Accompagnement Privé aux sommes suivantes :

- 942,39 euros bruts au titre des heures supplémentaires pour l'année 2018, outre la somme de 94,23 euros bruts au titre des congés payés afférents.

-444,17 euros bruts au titre des heures supplémentaires pour l'année 2019, outre la somme de 44,41 euros bruts au titre des congés payés afférents.

-1 107,85 euros bruts au titre des heures supplémentaires pour l'année 2020, outre la somme de 110,78 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- 5032,14 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-1 677,38 euros euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 167,73 euros bruts au titre des congés payés afférents.

-335 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Ordonne la remise par Maître [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Toute Sécurité Et Tout Accompagnement Privé à M. [V] [K] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt.

Dit qu'en application des articles L. 622-28 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date, le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement.

Dit le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA [Localité 7] dans la limite de sa garantie.

Fixe les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la société Toute Sécurité Et Tout Accompagnement Privé.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/01889
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01889 ?
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