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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01860

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 04 juillet 2024, 22/01860


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 22/01860 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIB2



AFFAIRE :



[E] [C]





C/

S.A.S. LA SOCIETE DE GESTION ET DE DEVELOPPEMENT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

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N° Section : AD

N° RG : F20/00627



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Emilie DURVIN de

la SELARL LEPANY & ASSOCIES





Me Geoffrey CENNAMO de

la SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO





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COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 22/01860 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIB2

AFFAIRE :

[E] [C]

C/

S.A.S. LA SOCIETE DE GESTION ET DE DEVELOPPEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : F20/00627

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Emilie DURVIN de

la SELARL LEPANY & ASSOCIES

Me Geoffrey CENNAMO de

la SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [E] [C]

née le 22 Janvier 1971 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Emilie DURVIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222 - substitué par Me Bouba CAMARA avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. LA SOCIETE DE GESTION ET DE DEVELOPPEMENT

N° SIRET : 443 022 280

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Geoffrey CENNAMO de la SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0750 substitué par Me Philippe THIVILLIER avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

Le 5 août 2019, Mme [E] [C] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de commerciale sédentaire, statut employé, avec une période d'essai de 2 mois, renouvelable une fois pour une période de 2 mois après accord du salarié, par la SAS Société de Gestion et de Développement (ci-après SOGEDEV), qui a une activité de recherche et de mise en place de financements publics pour les entreprises privées : crédit impôt recherche, aides de Bpifrance, subventions des collectivités locales ou de l'Union Européenne, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des bureaux d'études techniques, dite SYNTEC.

La SOGEDEV est organisée comme suit pour la détection des affaires générant des contrats qui donneront lieu à la mise en place de financements publics pour ses clients :

- des commerciaux sédentaires (de catégorie employés) dont Madame [C] qui font de la prospection téléphonique à partir de fichiers qualifiés fournis par l'équipe marketing ou d'entreprises identifiées par les commerciaux sédentaires eux-mêmes dans leur veille régulière. Le commercial sédentaire n'assure pas un reporting des dossiers mais un reporting régulier de ses appels téléphoniques et des projets détectés à travers les rendez-vous pris,

- des chargés d'affaires (cadres) qui analysent si les projets des entreprises détectées par les commerciaux sédentaires peuvent être éligibles à des financements publics, et envoient la proposition, la négocie et obtienne, au final, éventuellement l'accord du client.

Par courrier en date du 9 septembre 2019, la société a confirmé à Mme [E] [C] 'que dans le cadre du contrat de travail que nous avons signé le 5 août 2019, nous renouvelons la période d'essai à sa date d'expiration, soit le 5 octobre 2019, pour une durée de 2 mois, soit le 5 décembre 2019. Pour l'application de ce renouvellement, nous vous prions de bien vouloir nous donner votre accord sur la présente lettre en nous retournant la copie ci-jointe dûment signée et précédée de la mention manuscrite 'lu et approuvé''

Par courrier du 17 octobre 2019, la société SOGEDEV a notifié à Mme [E] [C] la fin de sa période d'essai en ces termes :

« Madame,

Nous vous informons par la présente que dans le cadre du contrat de travail que nous avons signé le 5 août 2019, nous souhaitons mettre fin à compter de ce jour, jeudi 17 octobre 2019, à votre période d'essai.

Vous serez libre de tout engagement vis-à-vis de SOGEDEV à l'issue du délai de prévenance de trois semaines, soit le jeudi 7 novembre 2019, qui vous sera intégralement payé, mais que nous vous dispensons d'effectuer à compter de ce jour, jeudi 17 octobre 2019 au soir.

Les documents afférents à votre solde de tout compte vous parviendront par pli recommandé avec accusé de réception dès le 7 novembre 2019. Enfin, nous vous informons ne pas vouloir appliquer la clause de non-concurrence, objet de l'article 17 de votre contrat de travail, à compter de votre date de départ. Nous serons ainsi libérés de nos obligations contractuelles liées à cette clause.

Nous vous prions d'agréer, Madame, l'expression de nos sincères salutations. »

Le 16 juin 2020, Mme [E] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir, à titre principal, la nullité de la rupture de sa période d'essai, la réintégration dans son poste de travail et le paiement de diverses indemnités afférentes, notamment le rappel de salaire entre la rupture de sa période d'essai de travail et sa réintégration et, à titre subsidiaire, la requalification de la rupture de sa période d'essai en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement des indemnités afférentes, ce à quoi la société s'est opposée.

Par jugement rendu le 22 mars 2022, notifié le 18 mai 2022, le conseil a statué comme suit :

déboute Mme [E] [C] de toutes ses demandes

déboute la société SOGEDEV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de ses autres demandes

condamne Mme [E] [C] aux entiers dépens.

Le 14 juin 2022, Mme [E] [C] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 5 décembre 2022, Mme [E] [C] demande à la Cour de :

déclarer Mme [E] [C] recevable et bien fondée en ses demandes

infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes

en conséquence, fixer le salaire moyen à la somme de 2 683,39 euros, subsidiairement, 2 500 euros

à titre principal, ordonner la réintégration de Mme [E] [C] dans son poste, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, commençant à courir un mois après la notification du jugement, avec un salaire tenant compte de la médiane des augmentations de salaire intervenues au sein de l'entreprise, entre la date du licenciement et celle de sa réintégration

se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte

condamner la société SOGEDEV à verser à Mme [E] [C] les sommes suivantes :

à titre principal, si le salaire moyen est de 2 683,39 euros :

* à titre d'indemnité forfaitaire pour la période du 31 octobre 2019 au 23 février 2021 (15 mois) : 40 966,43 euros

* au titre des congés payés : 4 096,64 euros

* par mois à compter de la date de l'audience et jusqu'à la réintégration effective : 2 683,39 euros

* au titre des congés payés : 268,34 euros

* au titre des indemnités Pôle Emploi perçues entre la date d'effet de la rupture, et sa réintégration et qu'elle sera tenue de rembourser au Pôle Emploi : 10 00 euros

à titre subsidiaire, si le salaire moyen est de 2 500 euros :

* à titre d'indemnité forfaitaire pour la période du 31 octobre 2019 au 23 février 2021 : 38 166,66 euros et au titre des congés payés : 3 816,66 euros

* par mois à compter de la date de l'audience et jusqu'à la réintégration effective : 2 500 euros

* au titre des congés payés : 250 euros

à titre subsidiaire, en l'absence de réintégration, condamner la société SOGEDEV à verser à Mme [E] [C] les sommes suivantes :

à titre principal, si le salaire moyen est de 2 683,39 euros :

* à titre de rappel d'indemnité de préavis : 2 683,39 euros

* au titre des congés payés : 268,34 euros

à titre subsidiaire, si le salaire moyen est de 2 500 euros :

* à titre de rappel d'indemnité de préavis : 2 500 euros

* au titre des congés payés : 250 euros

à titre principal, si le salaire moyen est de 2.683,39 euros :

* à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement : 2 683,39 euros

A titre principal, juger nul le licenciement et condamner la société SOGEDEV à verser à Mme [E] [C] les sommes suivantes :

* à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul : 16 100,34 euros

à titre subsidiaire, juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement et condamner la société SOGEDEV à verser à Mme [E] [C] les sommes suivantes :

* à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2 683,39 euros

* à titre subsidiaire, si le salaire moyen est de 2.500 euros :

- à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement : 2 500 euros

- à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul : 15 000 euros

* à titre subsidiaire, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2 500 euros

en tout état de cause, condamner la société SOGEDEV à payer à Mme [E] [C] :

à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire : 5 000 euros nets de CSG CRDS et de charges sociales

à titre de rappel de salaire fixe : 770,65 euros

au titre des congés payés : 77,06 euros

à titre de rappel de primes exceptionnelles : 2 200 euros

au titre des congés payés : 220 euros

à titre de rappel de salaire variable : 2 590 euros

au titre des congés payés : 259 euros

à titre de dommages et intérêts pour non-respect du principe : « A travail égal, salaire égal»: 5.000 euros

à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile : 5.000 euros

fixer au 17 juin 2020, date de l'envoi de la convocation à la société à l'audience de conciliation, le point de départ des intérêts

dire que les intérêts courus seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, devenu l'article 1343-2 du même code

ordonner la remise de bulletins de paie et de documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi) conformes, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document

se réserver la liquidation de l'astreinte

assortir la condamnation des intérêts au taux légal avec capitalisation

condamner la société SOGEDEV aux entiers dépens

condamner la société SOGEDEV à rembourser au Pôle Emploi la totalité des indemnités de chômage versées à Mme [E] [C] dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 18 janvier 2024, la société SOGEDEV demande à la cour de :

1/ Sur le principal de l'appelante relatif au principe à travail égal salaire égal :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de ses demandes relatives à la rémunération fixe et à la rémunération variable

1.1. Sur l'égalité de traitement en matière de rémunération fixe

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de ses demandes relatives à la rémunération fixe et à la rémunération variable

1.2. Sur les dommages et intérêts :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de sa demande de dommages et intérêts

1.3. Sur la demande de primes exceptionnelles :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de sa demande de dommages et intérêts

1.4. Sur le rappel de rémunération variable entre commerciaux sédentaires :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] [C]

1.5. Sur le subsidiaire de l'appelante sur le rappel de rémunération variable :

confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de sa demande de rémunération variable.

2/ Sur la requalification de la rupture de période d'essai en licenciement :

2.1. à titre principal, confirmer le jugement entrepris sur ce point.

2.2. A titre subsidiaire : si la cour d'appel infirmait le jugement, sur le rappel de salaire:

fixer l'indemnité compensatrice de préavis à 1 750 euros bruts

fixer l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à 175 euros bruts

2.3 Sur l'indemnité de licenciement abusif

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] [C]

3/ Sur la nullité du licenciement :

3.1. A titre principal :

3.1.1 Sur la prétendue nullité de la rupture du contrat de travail en raison du statut de lanceur d'alerte :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de sa demande

3.1.2 Sur la prétendue nullité de la rupture du contrat de travail en comme sanction de liberté d'expression :

confirmer le jugement prud'homal en ce qu'il a débouté Mme [E] [C]

3.2. A titre subsidiaire sur les demandes relatives à la nullité du licenciement

3.2.1 Sur les demandes relatives à la réintégration :

sur l'assiette de calcul des salaires revendiquée, limiter l'assiette de calcul à 1 750 euros bruts

sur la demande de remboursement des allocations chômage, débouter Mme [E] [C] de sa demande

3.2.2 Sur les conséquences en l'absence de réintégration :

sur le rappel de salaire,

fixer l'indemnité compensatrice de préavis à 1 750 euros bruts

fixer l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à 175 euros brut

sur les dommages et intérêts pour nullité du licenciement, limiter à 6 mois base 1 750 euros brut la condamnation

sur le remboursement des allocations-chômage, débouter Mme [E] [C] de sa demande

4/ Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire :

confirmer le jugement prud'homal

5/ Sur les intérêts :

à titre principal, confirmer le jugement en qu'il a débouté Mme [E] [C] de cette demande

à titre subsidiaire, appliquer les règles de droit commun du calcul des intérêts

6/ En tout état de cause :

condamner reconventionnellement Mme [E] [C] à 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Par ordonnance rendue le 24 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [E] [C] soutient que sa période d'essai, dont elle affirme ne pas avoir accepté le renouvellement, a été rompue en raison de sa dénonciation lors d'une réunion corrective du 10 octobre 2019 d'une différence de salaire au sein de l'équipe des commerciaux sédentaires à laquelle elle appartenait, ce que la SAS Société de Gestion et de Développement conteste.

Il convient donc, avant d'évoquer la question de la période d'essai, d'examiner le moyen soulevé au titre de l'atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' tant au niveau de la rémunération fixe que celle variable.

Sur le moyen soulevé au titre de l'atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal'

Selon l'article L3221-1 du code du travail, 'Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes'.

Il résulte du principe « à travail égal, salaire égal » dont s'inspirent les articles L1242-14, L1242-15, L2261-22.9°, L2271-1.8° et L3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Selon la jurisprudence, « la différence de traitement entre les salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ». Il résulte du principe « à travail égal, salaire égal » dont s'inspirent les articles L1242-14, L1242-15, L2261-22.9°, L2271-1.8° et L3221-2 du Code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L3221-4 du Code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Par ailleurs, le principe « à travail égal, salaire égal », ne prohibe pas toute différence de rémunération entre salariés occupant un même emploi, mais impose que ces différences soient justifiés par des éléments objectifs. Ont été reconnus comme justification objective d'une différence de traitement, notamment l'ancienneté, à condition qu'elle ne soit pas prise en compte dans une prime spéciale mais intégrée dans le salaire de base et l'expérience « acquise au cours des années passées sur le site » ou « l'expérience acquise par les salariés au cours de leurs années de présence dans l'entreprise ».

Selon une formulation devenue constante, « la différence de traitement entre les salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ». En ce qui concerne la charge de la preuve, aux termes des dispositions de l'article 1353 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

S'agissant du salaire fixe

En l'espèce, Mme [E] [C] produit des tableaux récapitulatifs des salaires fixes des commerciaux pour le mois de septembre 2019.

Comme relevé par la SAS Société de Gestion et de Développement, Mme [E] [C] est la salariée la plus jeune en ancienneté et en expérience (5/08/2019) au contraire des six autres salariés recrutés entre le 27 septembre 2010 et le 24 avril 2018 et travaillait selon son contrat de travail pour un taux horaire de 11,538 euros pour 138,67 heures par mois (temps partiel).

Sur cette base, son taux horaire d'embauche, non contesté et tel que fixé par son contrat de travail, était de 11,538 euros alors que celui de la salariée recrutée à temps plein le 24 avril 2018 est de 11,7789 euros et celui du salarié recruté le 27 septembre 2010 de 13,3416 euros. En rétablissant le salaire de Mme [E] [C] en temps plein, son salaire brut d'embauche aurait été de 1750 euros, soit une différence mensuelle de 36,51 euros avec la salariée recrutée le 24 avril 2018.

Par ailleurs, la société SOGEDEV justifie appliquer des critères d'ancienneté et de résultats du salarié pour augmenter le salaire fixe des salariés commerciaux sédentaires réguliers, de sorte que les salariés disposant de la plus forte ancienneté ont un salaire fixe de base à temps plein plus élevé soit au 31 août 2019, les salaires suivants par ordre d'ancienneté : 2023,52 euros (27/09/10), 1822,92 euros (8/06/2011), 1895,57 euros (12/01/15), 1822,92 euros (10/08/2015), 1786,52 euros (17/10/2016), 1786,51 euros (24/04/2018) contre 1750 euros pour Mme [E] [C]. Il résulte de ces données que les écarts de salaires fixes des commerciaux sédentaires sont très faibles. Mme [E] [C] évoque la situation de son collègue, M.[V], qui se plaindrait également d'une inégalité de traitement le concernant alors que celui-ci n'est pas partie au procès et que seule la situation de Mme [E] [C] est l'objet du litige. Enfin, il convient d'analyser les données chiffrées à l'aune du temps de présence de Mme [E] [C] qui n'est restée dans l'entreprise que trois mois.

Au vu de ce qui précède, Mme [E] [C] ne démontre pas une inégalité de traitement s'agissant du salaire fixe.

S'agissant du salaire variable

La société SOGEDEV démontre, en produisant les bulletins de salaires des salariés concernés, que Mme [E] [C] a perçu comme ses collègues une prime forfaitaire destinée aux commerciaux sédentaires débutants de 250 euros dite prime forfaitaire 'projets détectés', versée en début de relation.

Son contrat de travail prévoit également que 'En plus de son salaire fixe, Mme [E] [C] percevra une rémunération variable dont les modalités seront communiquées ultérieurement par la direction de SOGEDEV. Les rémunérations variables de Mme [E] [C] seront calculées dans les 15 premiers jours du mois suivant le mois de référence du calcul. Elles seront versées à la fin du mois suivant.'

Il ressort des écritures de Mme [E] [C] que celle-ci critique de façon générale les modalités de calcul de la prime variable applicables aux commerciaux sédentaires, en analysant et en critiquant pour chacun d'eux leur situation notamment au regard de la note de travail du 7 janvier 2019 destinée à l'ensemble des salariés, sans qu'il y ait de lien avec sa propre situation et sans qu'elle n'invoque d'autre moyen en lien avec le non versement d'une prime variable, de sorte que son contrat ayant été rompu avant la fin de la période d'essai et n'ayant perçu aucune prime variable, elle ne démontre pas une quelconque inégalité de traitement.

Par ailleurs, comme relevé à juste titre par les premiers juges, le processus d'obtention d'un financement public, non contesté utilement par Mme [E] [C], explique les conditions objectives de validation d'un projet et donc le calcul de la rémunération variable qui dépend nécessairement de l'aboutissement et de la validation du projet par le chargé d'affaires, Mme [E] [C] ne démontrant pas l'opacité du processus qu'elle invoque en vain et ne démontrant pas l'incohérence et l'impossibilité de conditionner la prime variable à l'aboutissement du projet de financement, la simple détection de projet potentiel étant insuffisante.

Au vu de ce qui précède, il convient de constater que Mme [E] [C] ne démontre pas une quelconque inégalité de traitement et elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts par confirmation du jugement.

Sur la demande de rappel de rémunération variable

Mme [E] [C] motive sa demande en invoquant uniquement la différence de traitement qui a été écartée ci-dessus, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande par confirmation du jugement.

Sur la rupture de la période d'essai

Mme [E] [C] sollicite la nullité de la rupture de sa période d'essai et conteste avoir accepté le renouvellement de sa période d'essai, invoquant l'absence de la mention 'lu et approuvé' qu'elle devait reporter de sa main en cas d'accord, ce que conteste la société SOGEDEV.

Elle soutient également que la cause de son licenciement est en réalité la sanction de sa liberté d'expression et de critique qu'elle a exercée durant sa période d'essai, dénonçant la violation du principe 'à travail égal, salaire égal' et les modalités de calcul de la rémunération variable au sein de la société, ce que la société SOGEDEV conteste.

Sur le renouvellement de la période d'essai

Il convient de rappeler que le renouvellement ou la prolongation de la période d'essai doit résulter d'un accord exprès des parties et exige une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié ne pouvant être déduite de la seule apposition de sa signature sur un document établi par l'employeur (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 novembre 2009, 08-43.008, Publié). De même que le silence du salarié ne vaut pas acceptation. Néanmoins, il relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges de retenir d'autres éléments du dossier, notamment des éléments contextuels, démontrant que le salarié a manifesté sa volonté de manière claire et non équivoque d'accepter le renouvellement de sa période d'essai (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 janvier 2023, 21-13.699).

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [E] [C] a signé la lettre du 9 septembre 2019 lui annonçant le renouvellement de sa période d'essai à compter du 5 octobre 2019, pour une durée de deux mois, sans que la salariée ait apposé sur ce courrier la moindre mention d'acceptation expresse dudit renouvellement. Néanmoins, elle a apposé sa signature à l'emplacement prévu à cet effet, son nom étant déjà mentionné à droite de celui du PDG, non pour attester de la réception de ce courrier mais pour indiquer son consentement.

Par ailleurs, il résulte du courriel du 11 octobre 2019 de Mme [E] [C] à l'attention de M.[O], l'expression de son acceptation claire et non équivoque dudit renouvellement par les mentions suivantes: ' depuis 15 jours, [N] multiplie les reproches qui portent notamment sur les validations à réaliser alors que je suis en période d'essai et que cette situation me fragilise....', ' j'ai l'intime conviction que [N] [G] souhaite rompre ma période d'essai pour des raisons hors professionnelles....', ' [N] m'informe que compte tenu que je ne suis pas à la fin de ma période d'essai, on ne souhaite pas m'inclure dans 'decidento' ....', ' le fait d'être en période d'essai limite mes conditions optimales de travail', 'serais je dans une égalité de traitement après ma période d'essai'' ' enfin, permettez moi de dire que les objectifs sont irréalistes pour ma part qui suis en période d'essai pour des projets à cycles longs'.

Il résulte de ce courriel, adressé 6 jours après le début de la seconde période d'essai, que Mme [E] [C] avait parfaitement connaissance de ce renouvellement et l'avait accepté de façon claire et non équivoque notamment en se projetant déjà après la fin de sa période d'essai.

En conséquence, il convient de dire que la période d'essai de Mme [E] [C] a été régulièrement renouvelée et rompue dans les délais, de sorte qu'elle sera déboutée de ses demandes de ce chef par confirmation du jugement.

Sur la demande de nullité de la rupture de la période d'essai

Mme [E] [C] invoque la protection du lanceur d'alerte et la liberté d'expression.

Sur le moyen tiré de la protection du lanceur d'alerte

Selon l'article L1132-3-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

La société SOGEDEV relève que Mme [E] [C] ne répond pas aux conditions prévues par l'article L1132-3-3 précité.

Il convient de constater que Mme [E] [C] n'a dénoncé aucun crime ou délit dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions 'ni signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique'.

En conséquence, il convient de rejeter ce moyen par confirmation du jugement.

Sur le moyen tiré de la liberté d'expression

Il n'est pas contesté que Mme [E] [C] a adressé le 11 octobre 2019 un courriel dans lequel elle contestait les modalités de calcul de la rémunération variable. Hormis ce courriel, Mme [E] [C] ne justifie d'aucune expression sur ce thème et ne justifie pas en avoir parlé à l'occasion d'une réunion de service du 10 octobre au cours de laquelle elle déclare avoir fait un malaise. Elle ne produit aucune attestation dans ce sens ni déclaration d'accident de travail, le relevé de la caisse primaire d'assurance maladie faisant mention d'un arrêt du 10 au 16 octobre 2019 sans autre précision.

Il convient de rappeler que l'employeur n'est pas dans l'obligation de motiver sa décision. S'il souhaite toutefois mentionner dans la lettre les raisons l'amenant à rompre la période d'essai, il est en droit de le faire. Il ne doit cependant invoquer que des motivations inhérentes aux qualités professionnelles du salarié. Il est également nécessaire d'indiquer le délai de prévenance dans la lettre de rupture de la période d'essai.

La lettre de rupture ne fait nul lien avec les critiques invoquées par Mme [E] [C] et respecte un délai de prévenance de 3 semaines.

La seule proximité entre le courriel du 10 octobre et le courrier du 17 octobre lui notifiant la fin de sa période d'essai est insuffisante. Comme relevé par l'employeur, le motif de cette rupture est ailleurs et il évoque le ratio entre le nombre de projets pris et le nombre de projets validés 2/19 soit 10%. C'est ainsi qu'il ressort du courriel de Mme [E] [C] du 10 octobre qu'elle se plaint de ce que son supérieur hiérarchique, M.[N] [G], ' depuis 15 jours, [N] multiplie les reproches qui portent notamment sur les validations à réaliser alors que je suis en période d'essai', soit des reproches antérieurs à son courrier du 10 octobre. Par ailleurs, la société démontre en produisant le courriel du représentant du personnel, M.[V], que la remise en cause des modalités de calcul de la rémunération variable était un sujet récurrent et ancien, de sorte que la 'dénonciation' de Mme [E] [C] n'était pas nouvelle, outre le fait qu'il existe et est pratiqué au sein de la société une procédure interne dite 'rapport écrit d'étonnement' qui permet aux salariés de s'exprimer librement, cadre dans lequel Mme [E] [C] inscrit son courriel du 10 octobre 2019.

Au vu de ce qui précède, Mme [E] [C] ne démontre pas que la rupture de sa période d'essai

constitue une sanction à l'utilisation de sa liberté d'expression, de sorte qu'elle sera déboutée de ses demandes de ce chef par confirmation du jugement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Les demandes de ce chef seront rejetées.

Sur les dépens

Mme [E] [C] sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 22 mars 2022 du conseil des prud'hommes de Boulogne Billancourt;

Y ajoutant;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [E] [C] aux dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/01860
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01860 ?
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