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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01847

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 04 juillet 2024, 22/01847


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 22/01847 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIA2



AFFAIRE :





S.A.S. MESNIL ISOL





C/



[N] [D] [H] [D]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Chambre :

N° Section

: I

N° RG : 21/00125



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Leslie FONTAINE-LOUZOUN de

la SELARL LS AVOCATS



Me Kamel YAHMI de

la SELEURL KAMEL YAHMI



Expédition numérique à France Travail







le :





RÉPU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 22/01847 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIA2

AFFAIRE :

S.A.S. MESNIL ISOL

C/

[N] [D] [H] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : 21/00125

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Leslie FONTAINE-LOUZOUN de

la SELARL LS AVOCATS

Me Kamel YAHMI de

la SELEURL KAMEL YAHMI

Expédition numérique à France Travail

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. MESNIL ISOL

N° SIRET : 384 51 2 1 09

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Leslie FONTAINE-LOUZOUN de la SELARL LS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0443 -

APPELANTE

****************

Monsieur [N] [D] [H] [D]

né le 21 Juillet 1971 à [Localité 5]

de nationalité Portugaise

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Kamel YAHMI de la SELEURL KAMEL YAHMI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0663

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [N] [D] [H] [D] a été engagé par contrat à durée déterminée à compter du 28 juin 2010, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2012, en qualité d'ouvrier maçon, par la société Mesnil Isol, qui est spécialisée dans le bâtiment, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.

Le 18 mai 2017, M. [D] [H] [D] était victime d'un accident du travail et la caisse primaire d'assurance maladie lui reconnaissait une incapacité permanente de 7%. Son état de santé occasionnait alors un arrêt de travail longue durée.

Le 16 avril 2018, M. [D] [H] [D] faisait l'objet d'une nouvelle visite médicale lors de laquelle le médecin du travail a recommandé de le ménager dans le port de charge supérieure à 15 Kg.

Le 18 octobre 2018, M. [D] [H] [D] faisait l'objet d'une visite médicale de reprise lors de laquelle le médecin du travail a préconisé l'absence de port de charge supérieure à 15 Kg.

Le 17 février 2019, M. [D] [H] [D] demandait la reconnaissance d'une maladie professionnelle au titre du tableau 98 (sciatique par hernie discale).

Convoqué le 9 février 2021 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 février suivant, puis reporté au 30 mars 2021, le salarié ne s'y étant pas présenté. M. [D] [H] [D] a été licencié par courrier du 2 avril 2021 énonçant une faute grave.

M. [D] [H] [D] a saisi, le 22 avril 2021, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil, en vue d'obtenir, au titre de l'exécution de son contrat de travail, des dommages et intérêts pour manquement de la société à son obligation de sécurité et, au titre de la rupture de son contrat de travail, la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement des indemnités afférentes, ce à quoi la société s'est opposée.

Par jugement rendu le 11 mai 2022 et notifié le 12 mai 2022, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Dit que le licenciement de M. [D] [H] [D] intervenu le 2 avril 2021 est sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Mesnil Isol prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [D] [H] [D] les sommes suivantes :

26.265,75 euros bruts au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

20.000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

2.000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne à la société Mesnil Isol prise en la personne de son représentant légal, la remise de l'attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement, le bureau de jugement se réservant le droit de liquider l'astreinte s'il y a lieu.

Ordonne l'exécution provisoire sur le tout.

Fixe les intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2021.

Déboute M. [D] [H] [D] pour le surplus des demandes.

Déboute la société Mesnil Isol de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fixe la moyenne des salaires à 2.501,50 euros bruts.

Met les dépens à la charge de la société Mesnil Isol prise en la personne de son représentant légal y compris l'intégralité des frais d'exécution par voie d'huissier s'il y a lieu.

Le 11 juin 2022, la société Mesnil Isol a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 17 janvier 2024, la société Mesnil Isol demande à la cour de :

A titre principal :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la société Mesnil Isol avait manqué à son obligation de sécurité ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [D] [H] [D] était dénué de cause réelle et sérieuse ;

Juger bien-fondé le licenciement pour faute grave de M. [D] [H] [D] ;

En conséquence :

Débouter M. [D] [H] [D] de sa demande indemnitaire sur le fondement du manquement à l'obligation de sécurité de la société Mesnil Isol.

Débouter M. [D] [H] [D] de ses demandes au titre de la prétendue illicéité de son licenciement.

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. [D] [H] [D] la somme de 26.265,75 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Juger que les demandes financières formulées en demande sont infondées et disproportionnées ;

En conséquence :

Débouter M. [D] [H] [D] de sa demande au titre du déplafonnement de l'indemnité à laquelle il croit pouvoir prétendre.

Ramener à trois mois de salaire le montant des condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre de la société Mesnil Isol au titre de la prétendue illicéité du licenciement, soit la somme de 6.966,90 euros.

En tout état de cause :

Condamner M. [D] [H] [D] à payer à la société Mesnil Isol la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 26 avril 2023, M. [D] [H] [D] demande à la cour de :

Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions en ce qu'il a :

Dit que le licenciement de M. [D] [H] [D] intervenu le 2 avril 2021 est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamné la société Mesnil Isol à verser à M. [D] [H] [D] :

26.265,75 euros bruts au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

20.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouter la société Mesnil Isol de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société Mesnil Isol au paiement de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 24 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 22 avril 2024.

MOTIFS

Sur l'obligation de sécurité :

En vertu des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité dont il doit assurer l'effectivité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention, tels que éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production (...).

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a mis en place toutes les mesures de protection et prévention nécessaires, conformément à ses obligations, surtout lorsqu'il a connaissance des risques encourus par le salarié.

Au soutien de sa demande indemnitaire formulée de ce chef, M. [D] fait valoir le non-respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail et l'obligation qui lui était faite de porter des charges lourdes. Il conteste n'avoir reçu aucune aide à cet égard de la part de ses collègues.

M. [D] fait valoir que le comportement fautif de l'employeur est directement à l'origine de la dégradation de son état de santé.

En réponse, la société allègue avoir répondu au questionnaire de la caisse primaire d'assurance-maladie dans lequel elle précisait avoir adapté les missions du salarié et délégué à d'autres salariés travaillant avec M. [D] les travaux non adaptés aux indications médicales.

La société affirme que M. [D] participait dans la stricte mesure de ses possibilités à la seule mise en 'uvre des matériaux, les salariés l'entourant ayant reçu pour directive de déplacer les charges supérieures aux 15 kg recommandés.

Il est établi que le médecin du travail a préconisé diverses recommandations à savoir :

-le 16 avril 2018 : « aménager dans le port de charges lourdes supérieures à 15 kg ».

-le 18 octobre 2018 : « pas de port de charge le plus de 15 kg ».

M. [D] communique (pièce n° 23) une attestation de M.[B], peintre, qui indique que chargé d'un chantier de peinture au tribunal de Nanterre, dont il est justifié du déroulement du 26 au 31 mars 2021, avoir vu M. [D] effectuer les tâches suivantes : « port de cartons de carrelage, port de sacs de colle de 25 kg et port de seaux de colle jusqu'à l'endroit du travail », M.[B] précisant que ces deux tâches ont toujours été faites sans l'apport d'aide sur le chantier.

La société qui devait tenir compte des recommandations du médecin du travail ne justifie pas avoir dans le cadre de son obligation de sécurité donné de quelconques directives pour déléguer aux collègues de M.[D] le port de charges lourdes de plus de 15 kg non plus de l'effectivité de telles consignes.

De plus, le fait pour l'employeur d'avoir répondu à un questionnaire de santé concernant M. [D] que lui adressait la caisse primaire d'assurance-maladie ou encore d'avoir embauché M. [X] en qualité de man'uvre pour le chantier sur lequel travaillait M. [D] ne justifient pas de la prise de mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de M.[D].

Le manquement à l'obligation de sécurité est caractérisé.

La dégradation de l'état de santé du salarié est établie au regard des pièces médicales communiquées aux débats.

Ainsi, M. [D] a fait l'objet d'un arrêt de travail du 11 février au 2 mars 2021. Le docteur [S], rhumatologue attaché à l'hôpital [6], atteste le 12 février 2021, avoir reçu le salarié en consultation et avoir constaté la persistance de lombalgies et sciatalgie à bascule avec une majoration depuis deux semaines. Le médecin indiquait qu'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle allait être faite avec un nouveau scanner lombaire et qu'il était prescrit à M. [D] des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Par courrier du 22 février 2021 adressé au médecin traitant de M.[D], le médecin du travail indiquait que ce dernier présentait une hernie discale L4-L5, et qu'il serait bon qu'il soit prolongé en arrêt maladie. Le médecin du travail ajoutait réaliser sa fiche d'entreprise et une étude de poste obligatoire dans l'hypothèse où le salarié serait déclaré inapte.

Le préjudice subi par M.[D] sera justement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros de dommages intérêts.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

« Monsieur,

[']

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 février 2021.

Cependant, vous étiez arrêté par votre médecin traitant à compter du 11 février 2021, lequel a par la suite été prolongé, nous avons consenti à reporter à deux reprises cet entretien et ce alors même que votre arrêt de travail prévoyait des sorties libres pour preuve que votre état de santé vous permettait de vous déplacer.

L'entretien était néanmoins fixé au 30 mars 2021.

Or, bien qu'aucune contre-indication médicale ne s'opposait à vos sorties lesquelles étaient expressément autorisées, vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien.

En votre qualité de d'ouvrier-maçon vous avez en charge la réalisation de travaux sur les chantiers en cours et devez à ce titre exécuter les missions confiées conformément aux dispositions de votre contrat de travail.

Le 9 février en ma qualité de dirigeant de l'entreprise je procédais à un point quotidien avec les salariés de l'entreprise afin de suivre l'état d'avancement des chantiers en cours. A ce titre, je me suis entretenue avec vous concernant l'état d'avancement de la pose du carrelage dont vous aviez la charge.

Constatant que vous n'aviez pas exécuté les missions confiées puisque le nombre de m² de carrelage posé n'avait pas évolué depuis notre dernier point, je vous ai fait part de mon insatisfaction lors de cet échange quant à l'évolution du chantier.

Or, en réponse vous m'avez agressé verbalement en criant des propos irrespectueux et des menaces à mon égard.

Vous avez ainsi adopté un comportement déplacé et inapproprié à l'égard du dirigeant de l'entreprise, en présence de plusieurs autres salariés de l'entreprise.

Plus encore, vous m'avez attrapé violemment le bras et vous avez explicitement menacé de me « couper la tête » et ce devant d'autres salariés. Vous n'avez pas tenté de vous excuser ni de remettre en cause vos agissements et propos lors de la remise de la convocation à un entretien préalable assortie d'une mise à pied conservatoire.

Votre comportement dangereux et déraisonné constitue un manquement grave à votre contrat de travail et rend impossible votre maintien au sein de l'entreprise.

Outre le manquement à votre contrat de travail, les menaces de commettre un crime à mon égard constituent un délit au sens du code pénal passible d'une peine d'emprisonnement et d'une amende.

Force est de constater que vous n'avez plus aucun égard pour votre hiérarchie et vos réactions sont dangereuses et hors de contrôle, un tel comportement est donc incompatible avec le maintien du contrat de travail.

Dès lors, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement prend effet immédiatement, sans indemnité ni préavis de licenciement. ['] ».

M. [D] soutient que les griefs invoqués a' l'appui de son licenciement ne sont pas fondés.

La société fait valoir que les griefs sont constitués et soutient rapporter la preuve de la faute grave reprochée.

En cas de litige, en vertu des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste il profite au salarié.

La faute grave se définit comme résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat et la charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

En l'espèce, pour preuve du comportement dangereux du salarié, la société produit aux débats le témoignage de M. [P], chef de chantier au sein de la société Mesnil Isol ( pièce n° 3) qui déclare avoir été témoin le 9 février 2021 de l'agression verbale de M. [W], responsable hiérarchique par M. [D] dans les termes suivants : « en criant, veut en venir aux mains et le menace de lui couper la tête. », après que M. [W] a fait remarquer au salarié qu'il n'avait pas avancé sur la pose d'un carrelage.

M. [D] qui conteste avoir agressé son responsable produit aux débats une déclaration de main courante faite au commissariat de Police de [Localité 4] le 09 février 2021 à 19 h35, jour même des faits aux termes de laquelle il indiquait avoir été violemment poussé par le dirigeant de la société, alors qu'il lui montrait les difficultés liées à l'état du sol pour poser le carrelage. M. [D] dénonçait également subir un harcèlement moral de la part de son employeur, et le non-respect des préconisations du médecin du travail par ce dernier en précisant :  «  Il me force à porter des charges beaucoup trop lourdes seul. Il me demande de faire des choses qui sont interdites, comme de monter sur des planches à 10 mètres de hauteur sans sécurité. ».

Alors que les premiers juges ont justement retenu que cette attestation n'était corroborée par aucun autre témoignage ou élément probant, alors que la lettre de licenciement précisait que l'altercation avait eu lieu en présence de plusieurs autres salariés de l'entreprise, la cour relève qu'en cause d'appel, la société ne produit pas davantage le témoignage d'autres salariés présents sur le site au moment des faits selon l'employeur, ni ne justifie avoir déposé plainte au regard de la gravité de la menace alléguée, mais se borne à opposer au salarié l'absence de production du moindre élément visant à fonder sa version des faits, hormis le dépôt d'une main courante et une correspondance à l'inspection du travail alors qu'incombe à l'employeur la charge de la preuve de la faute grave.

A défaut de tout autre élément, le seul témoignage produit par l'employeur aux débats de M. [P], salarié de la société, n'est pas suffisamment probant.

Le doute profitant au salarié, la faute grave alléguée n'est pas établie.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation du licenciement :

Au jour de la rupture, M. [D] âgé de 50 ans bénéficiait d'une ancienneté de 10 ans et 9 mois au sein de la société appelante qui emploie plus de 10 salariés. Il percevait un salaire de 2501 euros.

En application des dispositions de l'article L 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minima et maxima variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, M. [D] ayant acquis dix ans et neuf mois d'ancienneté au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins 11 salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre trois et dix mois de salaire brut.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération ( 2 501,50 euros bruts ), de son âge ( 50 ans), de son ancienneté et des conséquences du licenciement à son égard tel qu'il résulte des pièces fournies, de ses perspectives d'emploi et de sa reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [D] la somme de 26 265,75 euros bruts.

L'entreprise employant habituellement au moins onze salariés et le salarié présentant une ancienneté de plus de deux ans, il sera fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 11 mai 2022, en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Mesnil Isol à payer à M. [N] [D] [H] [D] la somme de 20 000 euros de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Mesnil Isol à payer à M. [N] [D] [H] [D] les sommes suivantes :

5 000 euros de dommages intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité.

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Ordonne conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société Mesnil Isol aux organismes concernés des éventuelles indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités chômage et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes.

Condamne la société Mesnil Isol aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/01847
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01847 ?
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