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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01455

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 04 juillet 2024, 22/01455


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 22/01455 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFS3



AFFAIRE :



[K] [E]





C/



S.A.S.U. AMAZON FRANCE LOGISTIQUE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section

: E

N° RG :



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Catherine PODOSKI



Me Cécile FOURCADE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,



La cou...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 22/01455 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFS3

AFFAIRE :

[K] [E]

C/

S.A.S.U. AMAZON FRANCE LOGISTIQUE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG :

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Catherine PODOSKI

Me Cécile FOURCADE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant initialement prévu le 20 JUIN 2024 prorogé au 04 JUILLET 2024 dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [E]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Catherine PODOSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1628

APPELANT

****************

S.A.S.U. AMAZON FRANCE LOGISTIQUE

N° SIRET : 428 78 5 0 42

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Cécile FOURCADE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1815 - substitué par Me Guillaume MANGAUD avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [E] a été engagé en qualité de chargé de recrutement, statut cadre, par la société Amazon France Logistique, selon contrat à durée déterminée du 20 février 2017 au 19 février 2018, puis selon contrat à durée indéterminée, à compter du 19 février 2018.

La société Amazon France Logistique est spécialisée dans l'entreposage et stockage non frigorifique. Elle emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des commerces de détail non alimentaires.

Convoqué le 8 novembre 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 20 novembre suivant, M. [E] a été licencié par courrier du 10 décembre 2018 (que le salarié affirme n'avoir récupéré que le 14 décembre 2018) énonçant une faute simple.

M. [E] a saisi, le 24 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins d'obtenir la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s'est opposée.

Par jugement rendu le 6 avril 2022, notifié le 11 avril 2022, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement de M. [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [E] de l'ensemble de ses demandes et du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Amazon de sa demande reconventionnelle ;

Dit que les dépens seront à la charge du demandeur.

Le 2 mai 2022, M. [E] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 21 décembre 2023, M. [E] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu entre les parties le 6 avril 2022 par le conseil de prud'hommes de Nanterre, en ce que son dispositif prévoit :

" Dit le licenciement de M. [E] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [E] de l'ensemble de ses demandes et du surplus de ses demandes.

Dit que les dépens seront à la charge du demandeur. "

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Recevoir M. [E] en son appel et le déclarer bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions, et y faire droit,

Débouter la société Amazon France Logistique de toutes ses demandes, fins et conclusions, rejeter les allégations de l'employeur qui sont fermement contestées par le salarié,

Juger que l'employeur a manqué à ses obligations de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, et qu'il ne démontre pas -alors que la charge de la preuve lui incombe- qu'il a respecté son obligation de sécurité et son obligation de suivi et de contrôle concernant la charge de travail/amplitude du temps de travail du salarié en forfait-jours, portant ainsi atteinte à la sécurité et à la santé du salarié, et que la surcharge de travail et les pressions constantes sont en outre de nature à caractériser un harcèlement moral,

Juger que le licenciement de M. [E] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, et qu'il est en outre irrégulier et entouré de circonstances vexatoires,

Ecarter le barème d'indemnisation prévu par l'article L1235-3 du code du travail au nom du droit pour M. [E] d'obtenir une indemnité adéquate et une réparation appropriée, au regard de sa situation, et des éléments de la cause, en application des textes européens,

En tout cas, le compléter par des dommages et intérêts pour indemniser les chefs de préjudices subis par M. [E] en sus de la perte injustifiée de son emploi,

Condamner la société Amazon France Logistique à payer à M. [E] les sommes suivantes :

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 37.281,50 euros ou subsidiairement :

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse plafonnée à 3,5 mois de salaires bruts en application du barème : 13.048,52 euros

Et dommages et intérêts pour préjudice moral et perte de chance de se voir allouer des actions gratuites : 24.232,98 euros

Plus subsidiairement encore : indemnité pour procédure irrégulière (1 mois) : 3.728,14 euros

Dommages et intérêts pour mesures vexatoires entourant le licenciement : 5.000 euros

Dommages et intérêts pour harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail, et manquements à l'obligation de sécurité : 10.000 euros

Dommages et intérêts pour manquements de l'employeur dans le suivi effectif de la charge de travail, au droit au repos du salarié et pour exécution déloyale de la convention de forfait : 10.000 euros

Article 700 du code de procédure civile : 5.000 euros

Le tout avec intérêts légaux à compter de la saisine, et avec capitalisation

Entiers dépens

Faire application de l'article L.1235-4 du code du travail.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 3 octobre 2022, la société Amazon France Logistique demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu le 6 avril 2022 en première instance par le conseil de prud'hommes de Nanterre, en ce qu'il a :

Dit le licenciement de M. [E] fondé sur une cause réelle et sérieuse

Débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes et du surplus de ses demandes

Déclarer mal fondé M. [E] en son action ;

Débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

Débouter M. [E] de ses demandes suivantes :

" Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 37.281,50 euros ou subsidiairement :

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse plafonnée à 3,5 mois de salaires bruts en application du barème : 13.048,52 euros

Et dommages et intérêts pour préjudice moral et perte de chance de se voir allouer des actions gratuites : 24.232,98 euros

Plus subsidiairement encore : indemnité pour procédure irrégulière (1 mois) : 3.728,14 euros

Dommages et intérêts pour mesures vexatoires entourant le licenciement : 5.000 euros

Dommages et intérêts pour harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail, et manquements à l'obligation de sécurité : 10.000 euros

Dommages et intérêts pour manquements de l'employeur dans le suivi effectif de la charge de travail, au droit au repos du salarié et pour exécution déloyale de la convention de forfait : 10.000 euros

Article 700 du code de procédure civile : 5.000 euros

Le tout avec intérêts légaux à compter de la saisine avec capitalisation

Entiers dépens

Faire application de l'article L1235-4 du code du travail. "

Condamner M. [E] aux dépens et à verser à la société Amazon France Logistique la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 10 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 18 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur l'exécution déloyale de la convention de forfait-jour et le non-respect de l'obligation de sécurité :

M. [E], qui rappelle avoir été soumis à un forfait annuel en jours, fait valoir que la société n'a jamais organisé d'entretien annuel pour évoquer sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle. Le salarié ajoute que sa charge de travail était importante portant ainsi atteinte à sa sécurité et à sa santé.

Il sollicite l'indemnisation de son préjudice à hauteur de la somme de 10 000 euros.

La société s'oppose à cette demande en objectant que le salarié ne démontre pas l'existence d'un préjudice en lien avec ce manquement dont elle conteste la matérialité.

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. Il résulte, par ailleurs, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur. Enfin, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

L'employeur, qui est tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de ses collaborateurs, ne justifie pas du respect des dispositions d'ordre public énoncées par l'article L. 3121-60 du code du travail selon lesquelles l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

M. [E] ne formule pas de demande en paiement d'heures supplémentaires. Alors qu'il allègue une durée de travail hebdomadaire de 48,25 heures par semaine, il revient à l'employeur d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, ce dernier ne justifie pas de l'amplitude horaire du salarié.

Le manquement est établi.

Le préjudice du salarié sera justement réparé par l'allocation de la somme de 1 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le salarié énonce avoir subi les faits suivants constitutifs selon lui d'un harcèlement moral :

-une surcharge de travail et des pressions constantes de la part de l'employeur.

-des réorganisation successives.

Il ne ressort pas des éléments communiqués à savoir l'estimation par le salarié de la durée de ses tâches hebdomadaires (pièce n° 16) corroborée par aucune autre pièce, non plus que des mails reçus en journée de la part de sa supérieure hiérarchique la surcharge de travail alléguée.

Les pressions que le salarié aurait subies de façon constante de la part de Mme [X], sa responsable ne sont pas davantage établies.

Le salarié n'objective pas les réorganisations alléguées.

En l'absence de preuve de la matérialité des éléments de faits invoqués au soutien du harcèlement moral dénoncé, lesquels, pris dans leur ensemble, en feraient présumer l'existence, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes de reconnaissance formulées de ce chef. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié à ce titre.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

" Monsieur,

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 08 novembre 2018.

Au cours de cet entretien qui s'est tenu le 20 novembre 2018 à 11h00, auquel vous vous êtes présenté assisté d'[P] [B], Déléguée Syndicale CFE-CGC, nous vous avons exposé les motifs nous conduisant à envisager une mesure disciplinaire à votre encontre.

Les explications que vous nous avez fournies au cours de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de ces faits, de sorte que nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif disciplinaire, lequel est fondé sur les griefs suivants.

Vous avez été embauché en contrat à durée déterminée au sein de la Société à compter du 20 février 2017, en qualité de Chargé de Recrutement, et occupez depuis le 19 février 2018 ce même poste en contrat à durée indéterminée, statut Cadre niveau 7 selon la classification de la convention collective applicable à la relation de travail.

En votre qualité de Chargé de Recrutement, vous devez vous conformer à vos obligations contractuelles ainsi qu'à l'ensemble des règles et procédures applicables au sein de la Société.

Ainsi, outre votre obligation générale d'exécution de votre contrat de travail de bonne foi, vous devez vous conformer aux dispositions du Règlement Intérieur de l'entreprise, qui prévoit notamment dans son article 15 des obligations de respect des consignes, de respect et de courtoisie en tout temps et lieu de votre travail.

Force est de constater que nous déplorons de votre part un désengagement fort ainsi qu'une attitude d'insubordination et contraire aux valeurs de l'entreprise, notamment en présence de salariés.

Notamment en date du 5 octobre 2018, alors que vous étiez présent dans les locaux de l'école HEC dans le cadre d'une journée de recrutement, vous avez tenu des propos inappropriés à vos collègues et clients internes et notamment auprès de [W] [N] et d'[D] [V] à l'égard de votre manager, de sa hiérarchie et de l'entreprise.

Vos propos sur votre manager étaient virulents lorsque vous avez dit " c'est une conne ". Vous avez également indiqué " Si je pars, je vais tout faire péter ".

Ces propos, qui ont choqué vos collègues qui s'en sont émus, nuisent gravement à la sérénité des conditions de travail au sein de l'établissement en ce qu'ils véhiculent un climat de tension et de stress qui n'est pas normal.

Agissant ainsi, vous avez également mis en difficulté l'image de notre département Talent Acquisition auprès de nos clients internes, alors même que votre mission revient à promouvoir l'image employeur de la Société.

Votre comportement s'inscrit en violation des règles internes qui vous sont applicables et constitue un abus de votre liberté d'expression que nous ne pouvons tolérer.

Par ailleurs, nous vous rappelons que l'équipe Talent Acquisition a pour mission de recruter les meilleurs candidats recherchant des opportunités professionnelles.

Ainsi, dans ce cadre de la recherche de l'excellence, la Société a mis en place des politiques internes applicables à tous par lesquelles elle impose de ne recruter que des jeunes diplômés provenant d'écoles cibles, sélectionnées parmi les meilleures mondiales.

Toute exception doit suivre une procédure propre.

Or, nous avons découvert que vous avez délibérément manipulé le système d'information et avez tenté de dissimuler à votre hiérarchie vos man'uvres tendant à contourner les politiques internes applicables en termes de recrutement afin de pouvoir bénéficier de notre politique d'exception en matière de recrutements d'écoles cibles pour des candidats non éligibles.

Vous avez admis les faits le 11 octobre dernier lors de la venue de votre Manager sur le site de [Localité 3], et le 12 octobre, nous avons pu confirmer vos dires dans notre système.

Pire encore, le 26 octobre nous avons découvert que vous avez délibérément fait des offres à nos candidats sans respecter la procédure qui demande en amont la validation de l'offre auprès du Responsable du poste.

Lorsque les Directeurs des Ressources Humaines, [S] [J] et [A] [F] vous ont alerté sur ce niveau trop élevé de rémunération, vous avez insinué un nouveau standard, pour lequel leur validation n'était pas nécessaire, et avez ainsi créé une iniquité salariale injustifiée avec la population référente existante.

Compte-tenu des faits qui vous sont reprochés, lesquels constituent une insubordination dans l'exécution de vos fonctions, nous sommes au regret de constater que votre maintien dans l'entreprise est désormais rendu impossible.

Aussi, le présent courrier constitue la notification de votre licenciement. La date de première présentation de ce courrier marque le début de votre préavis d'une durée de trois mois, que nous vous dispensons d'effectuer.

De plus, nous vous rappelons qu'il vous est strictement interdit de conserver des informations sur les clients, fournisseurs, prestataires internes et externes de la Société et/ou des Sociétés AMAZON.

A la réception de la présente, vous nous remettrez les éléments mis à votre disposition pour l'exercice de vos missions, notamment : Token, ordinateur portable (et accessoires), téléphone portable, badge d'accès et clés de rangement. [...] ".

En application de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l'administration de la preuve pour ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur les faits précis et matériellement vérifiables.

M. [E] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, contestant les griefs qui lui sont reprochés.

Il oppose à l'employeur la prescription de certains des faits reprochés.

La société rétorque que le licenciement de M. [E] est justifié par ses nombreux manquements dans l'exécution de ses missions.

Sur les propos injurieux tenus par M. [E] à l'égard de sa responsable hiérarchique :

Les éléments versés aux débats par l'employeur n'établissent pas le fait reproché.

S'agissant de l'attestation rédigée par Mme [X], force est de constater qu'elle se borne à rapporter des faits auxquels elle n'a pas personnellement assisté et que son témoignage sur l'attitude d'insubordination, de manque de respect et de courtoisie de M. [E] n'est pas circonstancié.

Le courriel de M. [N], directeur de site, et confirmé par son attestation, adressé à Mme [X] n'établit pas la réalité des propos injurieux, faisant part seulement de son opinion sur le désengagement du salarié et de son insatisfaction de son travail.

Pour ce qui concerne l'attestation de Mme [V], directrice de relations sociales (pièces n°9 et 20) qui relate qu'à la question qu'elle adressait à M.[E] lors de la journée du recrutement à HEC sur le point de savoir comment il allait , celui-ci a indiqué avoir quelques difficultés et a tenu des propos virulents sur sa N+1 en disant " C'est une conne " ainsi que sur sa N+2, il ne résulte pas de ce témoignage que les propos litigieux aient été tenus en public, de sorte que la mise à mal alléguée de l'image du département de la société auprès de clients internes n'est pas justifiée.

De plus, cet unique témoignage produit aux débats par l'employeur pour démontrer que M. [E] aurait tenu des propos insultants n'est pas circonstancié et n'est corroboré par aucun autre témoignage.

Ce grief n'est pas établi.

Sur la manipulation délibérée du système d'information et violation des règles applicables au recrutement.

La société reproche au salarié dans le cadre du processus de recrutement d'avoir dérogé aux procédures internes en contournant les politiques internes applicables en termes de recrutement afin de pouvoir bénéficier de la politique d'exception en matière de recrutement d'écoles cibles pour des candidats qui n'étaient pas éligibles.

Le salarié affirme que la procédure prétendument enfreinte n'est pas claire, et qu'a fortiori la preuve de sa violation n'est pas rapportée.

Le guide relatif à la procédure de recrutement par recommandation communiqué par la société (pièce n° 25) est un document en langue anglaise dont cette dernière ne livre pas de traduction en français. Cette pièce ne permet donc pas d'établir contrairement à ce que prétend la société les règles applicables en l'espèce et en particulier de définir un " referral ". Cette pièce sera rejetée des débats.

Le règlement intérieur versé aux débats qui ne comporte aucune disposition relative aux procédures de recrutement applicables n'en justifie pas davantage.

La transcription de l'entretien préalable à une sanction disciplinaire du 20 novembre 2018, (pièce n° 19 de la société intimée) confirme une divergence entre Mme [X] et M. [E] sur le point de savoir ce qu'était "un referral " et dans quelles conditions il pouvait y avoir cooptation d'un candidat.

Or, le salarié conteste ne pas avoir appliqué la procédure de recrutement ainsi que toute dissimulation.

Si bien qu'à défaut d'établir quelles étaient les règles applicables en matière de recrutement et particulièrement des règles de cooptation auxquelles renverrait le vocable de " referral ", le manquement allégué n'est pas établi.

De plus, le salarié oppose à bon droit qu'aux termes de la lettre de licenciement ce grief n'est fondé sur aucun fait précis ni daté.

S'il résulte du témoignage de Mme [X], responsable du recrutement, ( pièce n° 23 de la société) qu'au cours d'un entretien du 11 octobre 2018, le salarié, se serait ouvert sur une manipulation du système pour contourner une règle interne, force est de relever que ce témoignage imprécis pour ne viser aucun fait particulier n'est corroboré par aucun compte rendu d'entretien ni aucune autre pièce et qu'il n'est pas justifié de la règle qui aurait été enfreinte par le salarié.

Il est par ailleurs notable de relever qu'alors que le salarié contestait avoir commis aucune dissimulation au cours des procédures de recrutement lors de l'entretien préalable à une sanction disciplinaire du 20 novembre 2018, (pièce n° 19 de la société intimée) , Mme [X] admettait elle-même en ces termes " maquillage, c'est mon interprétation ".

Contrairement à ce que soutient la société, M. [E] n'ayant reconnu avoir commis aucune violation des règles de recrutement ni aucune dissimulation, en l'état des pièces produites le manquement allégué n'est pas établi.

Sur les offres d'embauche faites par le salarié sans validation préalable du responsable de poste.

Pour preuve de ce grief, la société produit aux débats :

-un courriel ( pièce n° 15) de Mme [X] adressé à Mme [H] [C] le 26 octobre 2018, dans les termes suivants : " Preuve ci-dessous qu'il a offert son forfait standard aux responsables d'équipe logistique sans l'approbation des HLM et que [A] n'était pas non plus au courant. Ils ne l'ont appris qu'après. L'envoi du courrier électronique, annonçant l'acceptation de l'offre par la candidate. ".

-une pièce jointe à ce courriel constituée d'une promesse d'embauche adressée à une personne prénommée [Y] indiquant la décision de la société de l'engager le 12 juin 2017 en qualité de responsable d'équipe logistique pour une rémunération brute annuelle de base fixée à 36 955 euros pour un temps plein.

-une attestation de Mme [X], aux termes de laquelle elle indique : " M. [E] a également pris la liberté de modifier la rémunération d'une catégorie de salariés, sans accord préalable, ni de nos équipes rémunérations, ni RH, allant à l'encontre de nos process internes. ".

Le salarié oppose la prescription du fait reproché, l'offre de recrutement litigieuse étant en date du mois d'avril 2017.

La société objecte que les faits constatés par la responsable ressources humaines le 26 octobre 2018 ne sont pas prescrits.

L'article L. 1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. Le délai court du jour où l'employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés.

Il ressort des pièces produites, (pièce n° 7 de la société intimée) que la promesse d'embauche qui concernait Mme [Y] [U] a été adressée par le salarié à Mme [J], directrice des ressources humaines le 03 avril 2017.

S'il ressort des courriels communiqués que Mme [J] interrogeait une de ses collègues Mme [A] [F] sur la base de revenus proposée à la nouvelle recrue en demandant s'il s'agissait du nouveau standard, force est de relever que la promesse d'embauche a été communiquée par le salarié à sa hiérarchie pour validation et que les conditions de cette promesse étaient connues de l'employeur en avril 2017.

Ce fait dont l'employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l'engagement des poursuites ne peut donc être pris en considération.

Sur les autres griefs invoqués :

Aux termes de ses conclusions la société affirme que le salarié a commis plusieurs autres manquements au cours de l'exécution de la relation contractuelle tels que des retards dans l'envoi de ses rapports d'avancement ou de référence ou encore, dans l'audition d'une candidate qui ne présentait pas de formation académique pour le poste à pourvoir.

Etant rappelé que la lettre de licenciement fixe le cadre du litige c'est à bon droit que le salarié oppose que la société n'est pas fondée à se prévaloir de ces nouveaux griefs.

Aucun des griefs reprochés au salarié n'étant établi, le licenciement de M. [E] est sans cause réelle et sérieuse. La jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation du licenciement injustifié :

Au jour de la rupture, M. [E] âgé de 25 ans bénéficiait d'une ancienneté de 2 ans et 21 jours au sein de la société Amazon France qui employait plus de dix salariés.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois mois et trois mois et demi de salaire brut.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail. Elles ne sont pas non plus contraires aux dispositions de l'article 4 de cette même Convention, qui prévoit qu'un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, puisque précisément l'article L.1253-3 sanctionne l'absence de motif valable de licenciement.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail.

En considération de l'âge du salarié au moment de son licenciement, de son ancienneté, du montant de son salaire (3 728 euros) et de son aptitude à retrouver un emploi, il lui sera alloué la somme de 11 000 euros.

Compte tenu de l'ancienneté et de l'effectif de la société, il sera fait application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Sur la demande de dommages intérêts pour préjudice moral et perte de chance de se voir attribuer des actions gratuites :

Au soutien de sa demande d'allocation de la somme de 24 232,98 euros, le salarié souligne avoir subi un préjudice moral, alors qu'il était très motivé par son premier emploi, et pour des motifs qui remettent en cause ses valeurs.

Il soutient n'avoir pu bénéficier du fait du licenciement injustifié de l'attribution définitive d'actions gratuites et avoir subi de ce fait une perte de chance certaine.

L'indemnisation du licenciement injustifié du contrat de travail indemnise le salarié de l'ensemble des préjudices découlant de la perte injustifiée du contrat de travail.

Faute pour M. [E] de rapporter la preuve de ce que la rupture ait été entourée de circonstances vexatoires ou brutales imputables à la société, la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral sera rejetée.

S'agissant de la perte de chance alléguée par le salarié d'avoir pu bénéficier d'une attribution d'actions gratuites, force est de constater que, si selon un courriel du 25 janvier 2018 en langue anglaise librement traduit en français par l'appelant, il était proposé à ce dernier 17 " restricted Stock Units " en plus d'un salaire de base de 40 000 euros, l'attribution de telles actions au salarié ne figurait pas à son contrat de travail conclu postérieurement par les parties le 12 février 2018.

À défaut d'engagement définitif de la société de faire bénéficier le salarié d'actions, celui-ci sera débouté de sa demande par confirmation du jugement de ce chef.

Sur l'indemnité pour procédure irrégulière :

Le salarié fait valoir l'irrégularité de la procédure, Mme [X] supérieure hiérarchique de ce dernier, ayant participé à l'entretien préalable au licenciement.

Dans sa rédaction applicable au jour de l'engagement de la procédure de licenciement, l'article L. 1235-2 du code du travail énonce que lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En l'espèce, le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. Le moyen qui manque en droit sera rejeté. M. [E] sera débouté de sa demande par confirmation du jugement de ce chef.

Sur le licenciement vexatoire :

M. [E] relate que dès le 13 décembre 2018, tous ses accès aux systèmes de l'entreprise ont été coupés (mails, téléphone, messagerie instantanée) et avoir dû rapporter dès le 14 décembre 2018, ses effets professionnels en fin de journée, n'ayant plus accès aux locaux, son badge ayant été également désactivé.

Il ajoute que les motifs de son licenciement ne sont pas sérieux.

Il soutient également avoir été réglé avec retard de l'indemnité licenciement qui lui était due, soit le 28 mai et après mise en demeure.

Selon la lettre de licenciement, il était indiqué au salarié qu'à sa réception, ce dernier devait remettre les éléments mis à sa disposition pour l'exercice de ses missions et qu'il était dispensé d'effectuer son préavis.

Ainsi préalablement informé M. [E] ne justifie pas de circonstances entourant son licenciement qui soient de nature brutale ou vexatoire.

Le déroulement de la procédure apparaît conforme aux dispositions légales. Par ailleurs, les motifs du licenciement ne peuvent être considérés comme infamants.

M. [E] sera débouté de cette demande par confirmation du jugement entrepris.

S'agissant du retard de paiement de l'indemnité de licenciement, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, désormais codifiées sous l'article 1231-6 dudit code, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans une condamnation aux intérêts au taux légal, le créancier auquel le débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard pouvant obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance à charge de justifier de ce préjudice.

En tout état de cause, faute de justifier d'aucun préjudice le salarié sera débouté de sa demande, et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Conformément à l'article 1231-7 du code civil les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne. La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 06 avril 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit le licenciement de M.[K] [E] fondé sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a débouté M.[K] [E] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a dit que les dépens étaient à la charge du demandeur,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Juge le licenciement de M.[K] [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Amazon France Logistique à payer à M.[K] [E] les sommes suivantes :

-11 000 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 000 euros de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

-3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles,

Rappelle que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne,

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Ordonne le remboursement par la société Amazon France Logistique aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant au salarié à compter du jour de son licenciement, jusqu'au jour de l'arrêt prononcé et ce à concurrence de six mois,

Condamne la société Amazon France Logistique aux entiers dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/01455
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01455 ?
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