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04/07/2024 | FRANCE | N°22/00485

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 04 juillet 2024, 22/00485


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 89K



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 22/00485 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VAFT



AFFAIRE :



[X] [J]





C/



S.A. [9]



S.A. [16]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : I
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





ME FRÉDÉRIC QUINQUIS DE la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES



Me Sophie BRASSART de

la ASSOCIATION Toison - Associés



Me Thomas HUMBERT de la SELAS ÆRIGE,






...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89K

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 22/00485 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VAFT

AFFAIRE :

[X] [J]

C/

S.A. [9]

S.A. [16]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : F 17/00046

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

ME FRÉDÉRIC QUINQUIS DE la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES

Me Sophie BRASSART de

la ASSOCIATION Toison - Associés

Me Thomas HUMBERT de la SELAS ÆRIGE,

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [J]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Frédéric QUINQUIS de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Stéphanie GONSARD avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. [9]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie BRASSART de l'ASSOCIATION Toison - Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R087 - substitué par Me Arnaud CAMUS avocat au barreau de PARIS

S.A. [16]

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 3]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentant : Me Thomas HUMBERT de la SELAS ÆRIGE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0305 - substitué par Me Julie DELATTRE avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

Pour une meilleure compréhension du litige et du statut des entreprises intimées, il convient de faire un bref rappel historique, tel que rappelé par les premiers juges et le salarié, non remis en cause par l'employeur:

Le 8 avril 1946, la loi de nationalisation a créé des établissements public à caractère industriel et commercial (EPIC) : [9] et [11] sont deux entités juridiques distinctes, tout en partageant des directions gérant notamment le personnel.

Dès 1947, la construction d'infrastructures de production et de transport de grande capacité est mise en chantier avec d'importants ouvrages.

A partir de 1957, les centrales de charbon prennent le relais de l'hydraulique. Puis le faible coût des hydrocarbures permet la construction de centrales thermiques au fioul, ainsi [Localité 8] ou à [Localité 14].

A partir de 1974, suite à la crise pétrolière, la France se tourne vers l'électricité nucléaire et annonce la construction de 13 centrales nucléaires en 2 ans.

Le 1er juillet 2004, 70% du marché de l'électricité est ouvert à la concurrence: le 19 novembre 2004, [9] devient une société anonyme.

Les dispositions européennes prévoient la séparation juridique des activités concurrentielles et des activités gestionnaires de réseau de distribution de sorte que les activités de distribution d'[9] et de [11] devenu [12] ont été filialisées au profit d'[10] et de [13] le 1er janvier 2008.

Du fait du traité d'apport partiel d'actifs en date du 25 juin 2007 à effet au 31 décembre 2007, [10] vient aux droits d'[9].

De même, suite au contrat de cession d'activité de gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel en date du 20 juillet 2007, [13] vient aux droits de [12] à compter du 1er janvier 2008.

Concernant les différentes activités en matière de service public, à l'origine, la société [9] était une entreprise publique regroupant au sein d'une même entité juridique les activités de production, de transport et de distribution d'électricité. Puis l'activité de transport d'électricité est devenue un service indépendant des autres activités d'[9], sans cependant détenir la personnalité juridique et restant juridiquement rattaché à [9] (directive européenne 96/92/CE et loi n°2000-108 du 10 février 2000).

Puis une société gestionnaire du réseau public de transport d'électricité a été constituée (loi n°2004-803 du 9 août 2004) par apport partiel par [9] des ouvrages du réseau public de transport d'électricité et des biens de toute nature dont elle était propriétaire, liés à l'activité de transport d'électricité. C'est dans ces conditions que la société [17], filiale d'[9] a été créée le 1er septembre 2005.

En mai 1973, M.[X] [J] a été engagé par la société [9] en qualité de stagiaire contrôleur technique, puis par contrat de travail à durée indéterminée en mai 1974, au même poste de technicien de contrôle jusqu'à son départ à la retraite en mai 2008.

Le 18 juin 2013, M.[X] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre des demandes suivantes :

15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété

12 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice découlant du bouleversement dans les conditions d'existence

la délivrance de l'attestation aux agents CMR et agents chimiques dangereux conforme aux dispositions des articles D461-25 du code de sécurité sociale et R4412-58 du code du travail assortie d'une astreinte de 80 euros par jour de retard

la délivrance de l'attestation d'exposition professionnelle à l'amiante prévue au décret n°96-98 du 7 février 1996 et par l'article D461-25 du code de sécurité sociale assortie d'une astreinte de 80 euros par jour de retard

2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 17 décembre 2014, l'affaire a été radiée.

Après réinscription, par décision du 4 janvier 2018, le conseil s'est déclaré en partage de voix et les parties ont été convoquées, après plusieurs renvois à leur demande, devant la formation du conseil présidée par le juge départiteur à l'audience du 8 novembre 2021.

Par jugement de départage rendu et notifié le 19 janvier 2022, le conseil a statué comme suit :

rejette la fin de non-recevoir tirée de l'existence de demandes nouvelles

rejette les demandes de mise hors de cause

déboute M.[X] [J] de toutes ses demandes

déboute les parties du surplus de leurs demandes

dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais irrépétibles

condamne M.[X] [J] aux dépens.

Le 16 février 2022, M.[X] [J] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions transmises par RPVA le 5 mars 2024, M.[X] [J] demande à la cour de :

déclarer recevable et non prescrite son action

confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Nanterre le 19 janvier 2022 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur et les demandes de mise hors de cause

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 19 janvier 2022 concernant le rejet lié au préjudice d'anxiété et à la délivrance des attestations d'expositions aux CMR

Et statuant à nouveau,

Sur le préjudice d'anxiété

dire et juger que M.[X] [J] a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein des sociétés [9] et [16]

dire et juger que les sociétés [9] et [16] ont manqué à leur obligation de sécurité en ne mettant pas en 'uvre de façon complète et effective, au bénéfice du concluant, toutes les mesures de prévention du risque amiante visées aux articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail, (ancien L. 230-2)

dire et juger qu'il a subi en conséquence un préjudice d'anxiété qu'il convient de réparer

en conséquence, condamner les sociétés [9] et [16] à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice d'anxiété

Sur la délivrance des attestations

ordonner à la société [16] de remettre au requérant l'attestation d'exposition à l'amiante conforme aux dispositions des articles D461-25 du code de sécurité sociale et à l'ancien article R4412-58 du code du travail visé par le décret n°2012-134 du 30 janvier 2012

ordonner à la société [16] de remettre au requérant les attestations d'exposition aux agents CMR et agents chimiques dangereux conforme aux dispositions des articles D461-25 du code de la sécurité sociale, et à l'ancien article R4412-58 du code du travail visé par le décret n°2012 ' 134 du 30 janvier 2012 à savoir :

créosote

tétrachloroéthylène

trichloréthylène

plomb

oxyde de souffre

azote...

prononcer à l'encontre de la société [16] une astreinte de 80 euros par jour de retard concernant la remise de ces attestations, la Cour se réservant le droit de liquider la dite astreinte

dire et juger que faute de disposer de cette attestation, le salarié n'est pas en droit de solliciter le bénéfice d'un suivi post professionnel spécifique aux agents cancérogènes pris en charge par la sécurité sociale

dire et juger que le concluant subit en conséquence un préjudice du fait de l'absence de délivrance des fiches et des attestations d'exposition

en conséquence, condamner la société à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice découlant de cette absence de délivrance

en tout état de cause, condamner la société à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 17 août 2022, la société [16] demande à la cour de :

Sur les demandes nouvelles en départage

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 19 janvier 2022 uniquement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'existence de demandes nouvelles en départage

Statuant de nouveau,

juger irrecevables les demandes nouvelles en départage d'indemnisation au titre du préjudice d'anxiété à hauteur de 15 000 euros et de condamnation à hauteur de 4 000 euros en réparation du préjudice découlant de l'absence de délivrance des fiches et attestations d'exposition

en toute hypothèse, sur la réparation d'un prétendu préjudice d'exposition

constater que la société [16] n'est pas listée sur les arrêtés ACAATA

constater que M.[X] [J] ne démontre pas avoir été exposé à un risque d'inhalation de fibres d'amiante au sein de la société [16]

constater que l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité n'est pas rapportée concernant la société [16]

constater que la preuve du préjudice allégué n'est pas rapportée par M.[X] [J]

en conséquence, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 19 janvier 2022 et débouter M.[X] [J] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété à l'encontre de la société [16]

Sur la délivrance d'attestations d'exposition

constater que la demande de M.[X] [J] n'est ni fondée en droit ni en fait

constater, en particulier, que M.[X] [J] ne rapporte pas la preuve d'une exposition à des agents cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques, ni à des agents chimiques dangereux

en conséquence, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 19 janvier 2022 et débouter M.[X] [J] de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de la société [16]

en tout état de cause, débouter M.[X] [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamner M.[X] [J] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner M.[X] [J] aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 3 août 2022, la société [9] demande à la cour de :

infirmer le jugement en ce qu'il a :

rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'existence de demandes nouvelles

rejeté les demandes de mise hors de cause

Et, statuant à nouveau :

débouter M.[X] [J] de ses demandes nouvelles en départage aux fins d'obtenir condamnation des sociétés défenderesses :

o au paiement de 15 000 euros au titre du préjudice d'anxiété ;

o au paiement de 4 000 euros en réparation du préjudice découlant de l'absence de délivrance des fiches et attestations d'exposition

prononcer la mise hors de cause d'[9]

confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté M.[X] [J] de toutes ses demandes

dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais irrépétibles

condamné M.[X] [J] aux dépens

Y ajoutant

condamner M.[X] [J] à payer à [9] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner M.[X] [J] aux dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 6 mars 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'existence de demandes nouvelles

Les sociétés intimées exposent que le salarié a formulé des demandes nouvelles à l'occasion de l'instance de départage à savoir la réparation d'un préjudice d'anxiété et la délivrance des fiches et attestations d'exposition. Elles soutiennent que l'instance a été réintroduite le 19 décembre 2016 après radiation, de sorte que la règle de l'unicité de l'instance n'était plus applicable et que faute d'avoir réitéré ses demandes devant le conseil des prud'hommes avant départage, il ne pouvait plus le faire devant le juge départiteur, ce que conteste M.[X] [J].

Selon l'ancien article R1452-7 du code du travail, 'Les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel. L'absence de tentative de conciliation ne peut être opposée.

Même si elles sont formées en cause d'appel, les juridictions statuant en matière prud'homale connaissent les demandes reconventionnelles ou en compensation qui entrent dans leur compétence'.

Il convient de rappeler que la réinscription d'une affaire après radiation ne vaut pas nouvelle instance mais bien continuité de l'instance initiale, sauf péremption, la radiation n'étant qu'une mesure d'administration judiciaire, ne mettant pas fin à l'instance, de sorte que cette affaire n'est pas soumise au décret n°2016-660 du 20 mai 2016 portant suppression de la règle de l'unicité de l'instance et abrogeant l'article R1452-7 précité.

En l'espèce, il n'est pas contesté par les sociétés que M.[X] [J] a formulé ses demandes dans sa requête initiale, de sorte qu'il était recevable à les réitérer devant le juge départiteur, peu importe qu'elles aient été formulées dans la requête initiale.

En conséquence, il convient de rejeter la fin de non recevoir par confirmation du jugement.

Sur la demande de mise hors de cause de la société [9]

Les sociétés intimées soutiennent que la société [9] ne peut pas voir sa responsabilité engagée pour des activités relevant du transport d'électricité, l'activité de M.[X] [J] ne relevant pas de son domaine de compétence et donc de sa responsabilité, ce à quoi s'oppose le salarié.

Selon l'article 31 du code de procédure civile, 'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé'.

Selon l'article 32 du code précité, ' Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.

La société [9] rappelle que la société [9] ([9]), alors établissement public à caractère industriel et commercial, assurait historiquement des activités de production, de commercialisation, de transport et de distribution d'électricité; que la loi n°2000-108 du 10 février 2000 a prévu que le gestionnaire du réseau de transport soit indépendant sur le plan de la gestion des autres activités d'[9]; que le chapitre II de la loi n°2004-803 du 9 août 2004 a expressément prévu les modalités de constitution d'une société gestionnaire du réseau public de transport d'électricité par apport partiel d'actifs, par [9], des ouvrages du réseau de transport d'électricité et des biens de toute nature dont elle est propriétaire liées à l'activité de transport.

C'est ainsi qu'il résulte de l'article 9 de la loi du 9 août 2004 précitée que « [9] transfère à la société mentionnée à l'article 7, par apport partiel d'actifs, les ouvrages du réseau public de transport d'électricité et les biens de toute nature dont elle est propriétaire liés à l'activité de transport d'électricité. Cet apport, réalisé à la valeur nette comptable, emporte transfert à la société mentionnée à l'article 7 des droits, autorisations, obligations dont [9] est titulaire et des contrats conclus par celle-ci, quelle que soit leur nature, dès lors qu'ils sont liés à l'activité de gestionnaire du réseau public de transport d'électricité. Le transfert n'emporte aucune modification des contrats en cours d'exécution et n'est de nature à justifier ni la résiliation, ni la modification de l'une quelconque de leurs clauses ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en résultent. Le bilan d'apport de la société mentionnée à l'article 7 est établi à partir du dernier compte séparé de l'activité de transport arrêté en application de l'article 25 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi. Les opérations mentionnées au présent article ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit. »

C'est dans ce cadre que la société [16] SA, filiale d'[9], a été créée le 1er septembre 2005.

Le contrat d'apport partiel d'actifs du 12 juillet 2005 qui a été conclu entre les sociétés [16] et [9] dans le cadre de la présente loi confirme le transfert à la société [16] de la responsabilité liées à l'activité transport.

Le salarié ne formule aucune observation, se limitant à demander la confirmation du jugement.

Il résulte des écritures de M.[X] [J] que sa fonction consistait en la pose, l'entretien, notamment la réparation des instruments de mesure inhérents à l'activité de transport d'électricité ainsi que la vérification des protections des départs des lignes des postes de transformation très haute tension (THT) et celles des transformateurs, disjoncteurs et condensateurs.

Il a occupé les postes suivants :

- de mai 1973 à janvier 1993, il a travaillé au CRTT (centre régional du transport d'électricité et des télécommunications) Paris groupe exploitation Nord-Ouest en qualité d'agent technique principal - contrôle technique-contrôle électrique et contrôle commande.

- juillet 1985 à juillet 2000: énergie Ile-de-France Ouest Groupe exploitation Nord-Ouest

- juillet 2000 à septembre 2005: [16]-transport électricité Normandie Paris

- septembre 2005 à mai 2008 : [16] groupement Nord-Ouest.

La société [9] expose qu'à l'époque, les CRTT, organisés en sous-groupes, étaient chargés de l'entretien et de l'exploitation du réseau électrique et que la principale activité de leurs agents était la visite et le contrôle des lignes de transport et de distribution d'électricité, ces centres n'étant pas des centrales de production d'électricité mais des centres en charge du contrôle du réseau de transport.

Or, [9] n'est plus responsable au titre de l'activité de transport et n'a conservé que l'activité de production de l'électricité.

Au vu des textes et des transformations juridiques des différentes entités, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande de mise hors de cause de la société [9] au motif que qu'elle ne démontrait pas avoir porté à la connaissance du salarié les changements issus de la loi de 2004 et qu'ils en ont déduit que ces changements n'étaient pas opposables au salarié alors que, comme relevé par les intimées, il s'agit de textes de loi dûment publiés au journal officiel de la République française, les modifications concernant notamment la société [9] étant publiée au BODAC.

En conséquence, il convient de mettre hors de cause la société [9] par infirmation du jugement faute de qualité à défendre.

Sur l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société [16]

Sur la recevabilité

Il résulte de l'arrêt de l'assemblée plénière du 5 avril 2019 (n°18-17.442, publié) que 'l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée a créé un régime particulier de préretraite permettant notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA), sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle ; que, par un arrêt du 11 mai 2010 (Soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241), adopté en formation plénière de chambre et publié au rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu aux salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d'obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; que la chambre sociale a instauré au bénéfice des salariés éligibles à l'ACAATA un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à la fois de leur exposition à l'amiante, de la faute de l'employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété réparait l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence ;

Qu'elle a néanmoins affirmé que la réparation du préjudice d'anxiété ne pouvait être admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 susmentionné et l'arrêté ministériel pris sur son fondement et dont l'employeur entrait lui-même dans les prévisions de ce texte, de sorte que le salarié qui n'avait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre de son exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité (Soc., 26 avril 2017, n° 15-19.037) ;

Qu'il apparaît toutefois, à travers le développement de ce contentieux, que de nombreux salariés, qui ne remplissent pas les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ou dont l'employeur n'est pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, ont pu être exposés à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé ;

Que dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée'.

Il convient de rappeler que la société [16] n'est pas inscrite sur la liste des établissements visés par l'article 41 de la loi du 21 décembre 1998 et que le salarié requérant n'entre pas dans le champ d'application de ce texte, ce qui n'est d'ailleurs pas prétendu.

Ainsi, la demande de M. [X] [J] est recevable dès lors que le régime général de la responsabilité demeure applicable aux salariés exposés à l'amiante, travaillant pour des entreprises 'non listées' et que les salariés qui ont été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante sont en mesure, sous certaines conditions, d'éprouver, eux aussi, l'inquiétude permanente de voir se déclarer à tout moment l'une des graves maladies liées à cette inhalation.

Sur les conditions de mise en cause de la responsabilité contractuelle de la société [16]

Au vu de ce qui précède et en application du droit commun de la responsabilité contractuelle, il appartient au salarié de rapporter la preuve de son exposition à l'amiante, de l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité, l'existence d'un préjudice d'anxiété et l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Sur la preuve de l'exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave

Selon l'article L4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable lors de la requête initiale, ' L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes'.

Selon l'article L4121-2 du code précité, ' L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs'.

Au regard de ces dispositions et du contexte particulier de ce litige, il convient donc de vérifier si le salarié pouvait, dans le cadre de ses fonctions, être en contact avec l'amiante et dans l'affirmative, si l'employeur avait pris des mesures nécessaires pour assurer la prévention des dangers liés à l'inhalation de poussières d'amiante par la mise à disposition effective de moyens de protection (masques et combinaisons de travail) et par la mise en oeuvre d'actions d'information et de formation adaptées au profit de ses salariés.

Au cours de sa carrière, telle que décrite dans les écritures de l'intimée, et non remise en cause par le salarié, M.[X] [J] a exercé les fonctions suivantes :

Il a occupé les postes suivants :

- de mai 1973 à janvier 1993, il a travaillé au CRTT (centre régional du transport d'électricité et des télécommunications) Paris groupe exploitation Nord-Ouest en qualité d'agent technique principal - contrôle technique-contrôle électrique et contrôle commande: les services des télécommunications ont pour rôle d'étudier, de faire réaliser, de vérifier, de réceptionner, de mettre en service, de régler ou d'étalonner, d'entretenir, de dépanner et de modifier toutes les installations de télécommunications sous quelque forme que ce soit. Par ailleurs, ils peuvent être amenés à réaliser eux-mêmes des installations de même nature. Leur activité s'exerce sur les installations de télécommunications de l'ensemble d'[9] et [11] ainsi qu'à la demande, sur les installations des tiers. Les agents des télécommunications dans un CRTT étaient répartis entre: l'état major du service, au centre, des équipes centrales de travaux, des équipes centrales d'entretien, des équipes d'entretien rattachées aux sous-groupes ou au centre. En général, les équipes centrales étaient spécialisées chacune sur une branche technique bien déterminée (télécommandes par exemple) et elles exercent leur activité sur le territoire du CRTT. Les équipes d'entretien rattachées aux sous-groupes ou au centre sont soit polyvalentes soit plus ou moins spécialisées. Celles des sous-groupes exercent leur activité, en principe, sur leurs territoires respectifs, mais dans certains cas, leur domaine d'action peut déborder les limites du sous-groupe.

- juillet 1985 à juillet 2000: énergie Ile-de-France Ouest Groupe exploitation Nord-Ouest

- juillet 2000 à septembre 2005: [16]-transport électricité Normandie Paris

- septembre 2005 à mai 2008 : [16] groupement Nord-Ouest.

Comme relevé par la société, la principale activité des agents était la visite et le contrôle des lignes de transport et de distribution d'électricité et comportait une part importante d'activité à l'extérieur. Ces centres n'ont jamais eu pour activité de produire ou transformer de l'amiante et n'ont jamais été répertoriés comme des établissements ouvrant droit à la pré-retraite amiante (ACAATA).

Elle rappelle que le décret du 17 août 1977 a fixé une valeur limite d'exposition au-delà de laquelle, l'exposition à l'amiante a été jugée possiblement dangereuse pour la santé, ce taux ayant été abaissé de manière successive pour passer de 2 fibres par centimètre cube sur 8 heures de travail de 1977 à 1987 à une fibre de1987 à 1996, puis 0,1 fibre de 1996 au 1er juillet 2015 et enfin 0,01 fibre à compter du 1er juillet 2015, ce dont il résulte selon elle que la dangerosité de l'amiante dépend à la fois de la durée d'exposition et du taux de concentration de fibres d'amiante dans l'air, les taux définis par ce décret devant être pris en compte pour déterminer la dangerosité de l'exposition. Elle souligne que ce décret du 17 août 1977 a été modifié à plusieurs reprises et notamment par décret n°92-634 du 6 juillet 1992 dispensant l'employeur de mettre en oeuvre des mesures et équipements de protection individuelle lorsque les niveaux d'empoussièrement sont faibles.

La société [16] expose qu'elle n'a jamais fabriqué ou utilisé d'amiante et n'a aucune compétence spécifique dans ce domaine.

Elle soutient que M. [X] [J] ne verse aucun commencement de preuve de son exposition à l'amiante, se contentant de procéder par généralités. Elle rappelle que la société [16] a uniquement une activité de transport d'électricité, activité qui n'est pas exposante, en elle-même, à un risque d'inhalation de fibres d'amiante. Elle insiste sur le fait qu'il ne faut pas confondre la présence d'amiante et la libération de fibres d'amiante, seule la libération de fibres pouvant présenter un risque pour la santé.

Pour prouver qu'il a été soumis habituellement à une exposition à l'amiante engendrant un risque élevé de développer une pathologie grave, M.[X] [J] verse :

- une attestation de M.[D] (pièce 7) qui écrit 'je sais qu'il a été régulièrement exposé aux CMR dont l'amiante' sans précision des matériaux concernés, des dates, de la périodicité et de l'intensité d'exposition

- une attestation de Mme [J] (pièce 8), son épouse, qui se fait l'écho de l'angoisse de son époux.

- le certificat médical rédigé par le docteur [M] (pièce 3), médecin du travail retraité, du centre national de santé CCAS, dont la copie est incomplète, et qui indique que les 'postes THT du [16] sont, pour les plus anciens (antérieurs à 1996) protégés contre l'incendie à l'aide de matériaux contenant de l'amiante. Notamment, les dalles de sol et les caniveaux de cheminement des câbles sont, dans ces installations, le plus souvent constitués d'amiante ciment. Ils génèrent une exposition de fond faible mais l'exposition devient significative dès lors que des travaux par exemple pose et dépose de matériel et d'instrument de mesure, agressent ce matériau ou qu'existe une co-activité avec des entreprises sous traitantes qui découpent les dalles, par exemple pour pose de matériel neuf. Des matériels (transformateurs, disjoncteurs, condensateurs) sur lesquels l'agent intervenait contenaient également de l'amiante notamment les pare-flammes des chambres de soufflage de certains disjoncteurs. M.[J] est intervenu jusqu'en 2007 de façon occasionnelle sur de tels matériels (il cite notamment le transformateur 225kV du poste de [Localité 15] dont il produit l'imprimé de commande du désamiantage). Jusqu'en 2005 environ, une autre exposition significative était engendrée par le tirage de câbles dans les caniveaux en amiante ciment par les agents techniques du contrôle (pour M.[X] [J] cette exposition a perduré jusqu'en 2000). Une autre exposition par contiguïté était inhérente aux interventions en centrale thermique de production d'électricité, notamment dès lors que les agents techniques du contrôle intervenaient plus spécifiquement, lors des révisions annuelles ou décennales des tranches de production [incomplet]'

Si ce certificat médical et l'attestation de M.[D] sont suffisants pour établir que le salarié a été amené à travailler en présence de l'amiante au sein de la société [16], cependant, le salarié doit démontrer, au-delà de la simple présence d'amiante, que l'exposition subie était de nature à engendrer un risque élevé de développer une pathologie grave, condition retenue par l'arrêt de 2019 précité.

Or, M.[X] [J] se réfère de façon générale aux risques aujourd'hui connus engendrés par l'amiante tels que décrits dans le rapport de l'Inserm, le rapport du Dr [W], médecin du travail, de mai 1977, le procès-verbal des délibérations du 21 avril 1997 du comité national hygiène, sécurité et conditions de travail, cité dans les écritures du salarié, dans lequel un représentant patronal indique que 'dans de nombreuses unités, les dossiers de maladies professionnelles ou d'agent susceptibles de développer des pathologies liées à l'amiante ne sont pas traités par manque de compréhension ou d'information. Les unités sont en attentes d'instructions nationales', le procès-verbal n°234 de délibération du comité national hygiène, sécurité et conditions de travail en date du 13 avril 2000, cité dans les écritures du salarié, concernant les centres de distribution dans lequel un délégué indique qu'une vingtaine de centres est toujours en cours de signalisation du danger, et que dans certaines unités à ce jour, il est possible qu'il y ait eu exposition volontaire des agents au risque amiante.

M.[X] [J] ne démontre pas qu'il a été en présence de matériaux friables au sens de la circulaire 98/10 du 5 novembre 1998. Il convient de rappeler que la valeur limite d'exposition professionnelle est fixée, selon l'article R4412-100 du code du travail, à dix fibres par litre sur huit heures de travail. Or, M.[X] [J] intervenait principalement sur la voie publique, en extérieur et à l'air libre de sorte qu'il ne démontre pas qu'il était exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au-delà des seuils réglementaires et dans des conditions susceptibles de porter atteinte à sa santé.

En effet, les éléments invoqués par le salarié sont insuffisants pour démontrer que le risque encouru de développer une pathologie grave était élevé au regard notamment de la durée dans le temps de l'exposition sur laquelle M.[X] [J] ne produit aucun élément ou sa fréquence celles-ci ne pouvant se confondre nécessairement avec la durée de sa carrière au sein de la société, ou de l'ampleur de l'exposition.

Sur l'obligation de sécurité et de prévention

La société démontre avoir respecté son obligation de sécurité et de prévention :

- le rapport d'étude' problèmes posés par l'utilisation de l'amiante notamment à électricité et gaz de France-orientation en matière de prévention' du docteur [W], médecin du travail [9]-[11], qui évoque en page 12 la 'notion de concentration Maxima Permissible' et écrit ' Une donnée importante servira de base et permettra d'orienter la prévention: le niveau de sécurité en matière d'exposition à l'amiante. Les experts du B.I.T.recommandent, dans l'état actuel de nos connaissances, de considérer le niveau 2 fibres au cm3 comme l'objectif à atteindre. Encore s'agit-il d'un niveau maximum en matière d'Asbestose, aucun niveau ne pouvant être fixé quant aux risques cancérigènes. En fait, le risque est fonction du type d'amiante, du degré de pollution de l'atmosphère, de la durée d'exposition. La notion d'exposition 'cumulative' est ainsi introduite et la tendance générale est actuellement d'admettre non seulement une concentration maximale de 2 fibres/cm3 mais plus encore une 'exposition maximale permissible' de 100 fibres/cm3 au cours d'une carrière professionnelle, tout au moins pour les seuls risques d'Asbestose. Ceci signifie qu'un travailleur pourrait manipuler l'asbeste et y être exposé pendant 50 ans sous réserve que la concentration ne dépasse pas 2 fibres/cm3. Pour des expositions plus courtes, cette concentration moyenne pourrait être plus élevée toutefois sans dépasser 12 fibres/cm3 et sans dépasser le taux cumulatif de 100 fibres/années/cm3 '. Cette étude a donné lieu à 10 recommandations de prévention et de surveillance médicale.

- la note KR760 de mai 1988 du service de prévention de sécurité qui après un rappel des principales utilisations de l'amiante à [9] et au [11] et des indications permettant de répertorier les travaux susceptibles d'entraîner la dispersion dans l'atmosphère, de fibres d'amiante, recommande un certain nombre de dispositions pratiques à adopter dans le cadre de la réglementation notamment suite aux modifications apportées en 1987 concernant la fixation de nouvelles limites d'exposition et la distinction faite entre les fibres de crocidolite et les autres fibres d'amiante et la fixation d'un seuil en dessous duquel les principales dispositions du décret ne s'appliquent pas. Cette note vise expressément la prévention des risques dûs à l'inhalation des poussières d'amiante au regard des nouvelles limites d'exposition de 1987.

En conséquence, le préjudice d'anxiété n'étant pas établi, il convient de débouter M.[X] [J] de sa demande de dommages-intérêts par confirmation du jugement.

Sur les demandes de délivrance d'attestation

Sur la demande de remise de l'attestation d'exposition à l'amiante

Selon l'article R4412-120 du code du travail, 'L'employeur établit, pour chaque travailleur exposé, une fiche d'exposition à l'amiante indiquant :

1° La nature du travail réalisé, les caractéristiques des matériaux et appareils en cause, les périodes de travail au cours desquelles il a été exposé et les autres risques ou nuisances d'origine chimique, physique ou biologique du poste de travail ;

2° Les dates et les résultats des contrôles de l'exposition au poste de travail ainsi que la durée et l'importance des expositions accidentelles ;

3° Les procédés de travail utilisés ;

4° Les moyens de protection collective et les équipements de protection individuelle utilisés'.

Cette attestation a pour finalité la prise en charge financière par les organismes de sécurité sociale de la surveillance médicale post professionnelle.

En l'espèce, M.[X] [J] invoque d'une part, l'accord collectif national du 15 juillet 1998 pour la prévention et la réparation du risque amiante qui prévoit notamment la délivrance d'une fiche d'exposition par le chef d'établissement à tout agent qui effectue des activités relevant du secteur 3, d'autre part, l'avenant au protocole amiante du 7 juin 2002 qui prévoit la délivrance d'une fiche d'exposition par le responsable hiérarchique direct de tout agent qui effectue des activités susceptibles de l'exposer à l'amiante, cette fiche étant remise à l'agent et une copie est envoyée au médecin du travail et une seconde conservée dans le dossier de l'agent.

La société conclut au débouté en faisant valoir que :

- la réalité d'une exposition avérée à un risque pour la santé n'est pas rapportée,

- en cas d'exposition à un risque faible, elle n'est pas tenue de délivrer des fiches et attestations d'exposition.

Il convient de relever que l'accord national du 15 juillet 1998 précité et son avenant du 7 juin 2002 prévoient que l'attestation d'exposition concerne les salariés séjournant dans les locaux révélant un taux d'empoussièrement supérieur à 100 fibres par litres (article 4.2). Néanmoins, dès lors qu'il a été retenu que M.[X] [J] avait été exposé à un risque amiante à l'occasion de ses fonctions, même si la cour a considéré que le salarié ne prouvait pas que cette exposition engendrait un risque élevé de développer une pathologie grave, étant observé que la notion de risque élevé est distincte du seul dépassement du taux ci-dessus mentionné, c'est donc à l'employeur de démontrer que le taux d'empoussièrement était inférieur à 100 fibres par litre dans les centres où a précisément travaillé M. [X] [J].

En conséquence, il convient de faire droit à la demande et d'ordonner à la société [16] de délivrer à M.[X] [J] l'attestation sollicitée par infirmation du jugement sans qu'il ne soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur l'attestation concernant les autres agents chimiques dangereux et CMR

Selon l'ancien article R4412-41 du code du travail, applicable aux situations antérieures au 1er janvier 2012, 'L'employeur établit, pour chacun des travailleurs exposés aux agents chimiques mentionnés à l'article R. 4412-40, une fiche d'exposition indiquant :

1° La nature du travail réalisé, les caractéristiques des produits, les périodes d'exposition et les autres risques ou nuisances d'origine chimique, physique ou biologique du poste de travail;

2° Les dates et les résultats des contrôles de l'exposition au poste de travail ainsi que la durée et l'importance des expositions accidentelles'.

Selon l'article R4412-40 du code précité, 'L'employeur tient une liste actualisée des travailleurs exposés aux agents chimiques dangereux pour la santé.

Cette liste précise la nature de l'exposition, sa durée ainsi que son degré, tel qu'il est connu par les résultats des contrôles réalisés'.

L'objet de la délivrance d'une attestation d'exposition est la prise en charge financière par les organismes de sécurité sociale de la surveillance médicale post-professionnelle des salariés ; la production d'une telle attestation permet de faire procéder à des examens médicaux très réguliers pour permettre de dépister précocement une éventuelle pathologie, et ne pas faire supporter aux salariés le coût des examens.

Il convient de distinguer les agents ACD des agents CMR :

Selon l'article R.4412-3 du code du travail, 'Pour l'application du présent chapitre, un agent chimique dangereux est :

1° Tout agent chimique mentionné à l'article R. 4411-6 ;

2° Tout agent chimique qui, bien que ne satisfaisant pas aux critères de classement, en l'état ou au sein d'un mélange, peut présenter un risque pour la santé et la sécurité des travailleurs en raison de ses propriétés physico-chimiques, chimiques ou toxicologiques et des modalités de sa présence sur le lieu de travail ou de son utilisation, y compris tout agent chimique pour lequel des décrets prévoient une valeur limite d'exposition professionnelle'.

Selon l'article R 4412-4 du code précité, 'Pour l'application du présent chapitre, on entend par :

1° Danger, la propriété intrinsèque d'un agent chimique susceptible d'avoir un effet nuisible ;

2° Risque, la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint dans les conditions d'utilisation et/ou d'exposition ;

3° Surveillance de la santé, l'évaluation de l'état de santé d'un travailleur en fonction de son exposition à des agents chimiques spécifiques sur le lieu de travail ;

4° Valeur limite biologique, la limite de concentration dans le milieu biologique approprié de l'agent concerné, de ses métabolites ou d'un indicateur d'effet ;

5° Valeur limite d'exposition professionnelle, sauf indication contraire, la limite de la moyenne pondérée en fonction du temps de la concentration d'un agent chimique dangereux dans l'air de la zone de respiration d'un travailleur au cours d'une période de référence déterminée'.

Selon l'article 7.1 de la circulaire DRT n°12 du 24 mai 2006, ' Les valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) servent de référence dans l'évaluation de l'exposition des travailleurs aux polluants présents dans l'atmosphère. Le mesurage des concentrations pour lesquelles il existe une VLEP est un indicateur essentiel de l'exposition professionnelle, ses résultats doivent donc être intégrés dans l'évaluation des risques, et permettre ainsi de déterminer les mesures de prévention adéquates à mettre en 'uvre'.

Selon l'article R4412-13 du code précité, 'Lorsque les résultats de l'évaluation des risques montrent que les quantités dans lesquelles un agent chimique dangereux est présent sur le lieu de travail ne présentent qu'un risque faible pour la santé et la sécurité des travailleurs et que les mesures de prévention prises en application des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et R. 4412-11 sont suffisantes pour réduire ce risque, les dispositions de l'article R. 4412-12 ne sont pas applicables'.

Les agents CMR, substances cancérogènes mutagènes et reprotoxiques, sont une catégorie d'ACD, définis par l'article R4412-60 du code précité selon lequel, 'On entend par agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction les substances ou mélanges suivants :

1° Toute substance ou mélange qui répond aux critères de classification dans la catégorie 1A ou 1B des substances ou mélanges cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction définis à l'annexe I du règlement (CE) n° 1272/2008 ;

2° Toute substance, tout mélange ou tout procédé défini comme tel par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de l'agriculture'.

Selon l'ancien R4412-58 du code du travail, applicable aux situations antérieures au 30 janvier 2012, 'Une attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux mentionnés à l'article R4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur à son départ de l'établissement, quel qu'en soit le motif.

Un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de l'agriculture détermine les conditions de remise de cette attestation en cas d'exposition à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction'.

La valeur limite d'exposition professionnelle est définie par l'article R4412-100 du code précité selon lequel, 'La concentration moyenne en fibres d'amiante, sur huit heures de travail, ne dépasse pas dix fibres par litre. Elle est contrôlée dans l'air inhalé par le travailleur' et est précisé pour les agents ACD et CMR aux articles R4412-149 à R4412-151 du code du travail.

M. [X] [J] ne rapporte aucun justificatif quant à la nature des agents qu'il a réellement utilisés durant sa carrière professionnelle et à son niveau d'exposition, l'attestation de son collègue et le certificat médical du docteur [M] n'évoquant que l'amiante.

En conséquence, M .[X] [J] ne rapporte pas la preuve de son exposition auxdits agents, la seule communication de documents généraux sur les agents utilisés par l'entreprise étant insuffisante, de sorte que sa demande de remise d'une attestation d'exposition sous astreinte est rejetée par confirmation du jugement ainsi que sa demande de dommages-intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

La société [16] sera condamnée à payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Sur les dépens

Il convient de condamner la société [16] aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la société [9] et la demande d'attestation d'exposition à l'amiante;

Confirme le surplus;

Statuant à nouveau et y ajoutant;

Met hors de cause la société [9];

Ordonne à la société [16] de délivrer à M.[X] [J] l'attestation d'exposition à l'amiante sans qu'il ne soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte;

Condamne la société [16] à payer à M.[X] [J] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [16] aux dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/00485
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.00485 ?
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